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La pose des jalons [RP One-Shot Libres]
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Loh Darl

Messages : 108
Date d'inscription : 10/07/2018

Profil du personnage
Espèce: Kel Dor
Réputation:
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Loh Darl
Padawan Jedi
Jeu 9 Mai - 22:47
Soigner ses blessures
Retour de mission



« Bonjour padawan, installe-toi et enlève le haut de ta bure je te prie. Je dois examiner ta blessure. » Le jeune Kel Dor se plia docilement aux instructions du maître Shei’la, l’un des guérisseurs responsables du dispensaire médical du Temple. Il s’agissait d’un Bothan d’une soixantaine d’années, un maître qui s’était spécialisé dans les techniques de guérison. Cette pratique nécessitait une connaissance très approfondie de la Force et n’était accessible que suite à des longues années d’études, il s’agissait en effet d’agir sur la matière organique à des échelles inaccessibles aux sens. Loh avait toujours été admiratif des guérisseurs Jedi et en voyait un de près pour la première fois, même s’il aurait souhaité ne pas tenir le rôle du patient. Le bras droit lancinant, il fallut au padawan quelques longues secondes pour retirer sa manche, et même l’assistance de son médecin. Il s’interdisait d’exprimer sa douleur, comme s’il s’agissait d’une juste punition pour avoir mutilé un individu.

L’œil du maître Shei’la était professionnel, il ne trahissait aucun sentiment particulier. « Bien, l’entaille n’a pas atteint l’os. Mais j’imagine ta douleur, dit-il en saisissant les divers instruments qui lui serviraient à désinfecter la plaie, car je ne t’ai pas souvent vu ici. Je vais désinfecter et suturer, ça risque d’être légèrement désagréable. » Loh était quelque peu déçu de voir un guérisseur saisir des outils pour le soigner, mais se sentit aussitôt ridicule de sa propre déception. Personne n’irait lui demander de léviter au lieu d’utiliser ses jambes, quand bien même sa télékinésie le lui permettrait. De même, les guérisseurs Jedi n’utilisaient leurs dons que pour les cas les plus graves et restaient en toutes circonstances d’excellents médecins de part la somme des connaissances acquises.
Le guérisseur se mit donc consciencieusement à l’ouvrage dans un silence pesant, ponctué des légers soubresauts du padawan dont le masque neutralisait totalement l’expression faciale. Mais le maître Shei’la, guérisseur réputé de l’Ordre Jedi, avait aussi une maîtrise de l’empathie à faire pâlir les plus grands. Il n’eut aucun mal à discerner cette culpabilité de son patient qui le conduisait à penser que la douleur était méritée. Les padawans ne devaient pas tomber dans ce genre d’abysse, aussi le guérisseur brisa le silence : « Aucun Jedi n’expie ses fautes dans la douleur physique, padawan. Ce n’est pas notre voie. » À moitié surpris d’avoir été démasqué, Loh se dit que ce maître pourrait être le réceptacle idéal de ce qu’il aurait du mal à exprimer à son propre mentor. Galor Shei’la avait effectivement l’inestimable qualité de ne pas être Krey Dalonn, nulle crainte de décevoir cet individu que Loh connaissait très peu et dont il sentait qu’il respecterait le secret de ses confidences. « Je me suis montré indigne de mon maître, indigne de ses enseignements et de l’Ordre auquel je prétends appartenir. J’ai mutilé un Balosar et terrorisé un enfant pour un chariot de riz… » Il ne parvint pas à en dire davantage, les mots se perdaient dans sa gorge et le souffle lui manquait. Le maître Shei’la opérait en silence et sa mine affichait désormais une expression compatissante. Son regard, lui, démontrait qu’il voyait plus loin que cette ébauche de confession : « Mais ce n’est pas ce qui te tracasse le plus. Il y a autre chose. » Le maître ne s’encombra même pas d’une formule interrogative. Il savait.

Loh fut ainsi contraint de fouiller davantage, de questionner ses propres remords pour en cerner la nature profonde. Il avait failli, c’était incontestable. Mais il ne parvenait pas à faire taire cette petite voix qui lui susurrait en permanence l’idée perfide, du moins le croyait-il, que toute cette violence était justifiée. C’était ça, le pire. Même face à l’évidence de ses erreurs, une partie de lui cherchait à justifier ses actes. Le fait d’être à lui seul incapable de déterminer quelle voix était juste, entre celle qui blâmait et celle qui justifiait, était pour le padawan l’épreuve la plus insupportable. Le manque de discernement face à l’erreur était plus condamnable que l’erreur elle-même.
Et que se passerait-il face à un enjeu plus grave qu’une simple distribution de nourriture ? Si le padawan était incapable de faire les bons choix lors d’une épreuve aussi simple, comment imaginer qu’il parviendrait un jour à mériter le rang de Chevalier ? Le Kel Dor sentit remonter de vieilles craintes qu’il pensait anéanties, vaincues. Il ne parvenait pas à formuler les mots qui extérioriseraient ses sentiments.

Sachant d’expérience que des sentiments enfouis étaient dangereux, le maître Shei’la prit les devants au risque de faciliter à l’excès le travail introspectif auquel le padawan devait se livrer par la suite : « Tu as peur d’assumer l’idée que tu as eu raison de faire ce que tu as fait. Le maître ménagea son effet par un silence, tout en continuant à appliquer le produit désinfectant. Mais par-dessus tout, jeune padawan, tu as peur d’avoir peur. Et pourtant tu sais, je le sens en toi, qu’éprouver un sentiment n’est pas indigne d’un Jedi. Ce qui est indigne est de se laisser gouverner par eux. Le maître marqua une nouvelle pause pour laisser une chance au padawan de réagir, ce qu’il ne fit pas. Il reprit alors sur un ton plus léger. Tu connais ton plus grand défaut, padawan Darl ? »
Le changement de ton surprit le jeune Kel Dor qui sentait au demeurant la douleur de son bras s’estomper. Il essaya de répondre à cette déconcertante question : « Pas le plus grand non, mais je pourrais en citer quelques-uns, je… » Mais le maître ne lui en laissa aucunement le temps, il lui coupa la parole aussi vivement que s’il s’agissait d’un coup de scalpel. « Tu es orgueilleux. Krey Dalonn, malgré son franc parler légendaire, ne lui avait jamais dit la chose avec autant de sincérité. Orgueilleux au point de penser que chacun de tes actes, chacune de tes prises de parole doit être juste et sans tâche. Les plus grands maîtres de l’Ordre se sont trompés sur l’identité de l’homme politique le plus puissant et le plus médiatisé de toute la République. Un padawan de juste 15 ans qui aspire à la sagesse devrait pouvoir accepter l’idée que ses erreurs font partie de sa formation. » La relativisation était une stratégie habituellement efficace. Attendre du padawan qu’il soit moins faillible que les maîtres de l’Ordre serait, de la part d’un autre que lui, d’une inadéquate et improductive sévérité. Mais c’était bien, de la part du padawan lui-même, une manifestation d’orgueil. Il se souvenait maintenant que ce n’était pas la première fois qu’il ressentait cela et que son maître avait pu lui en faire le reproche d’une manière plus délicate. Sans doute l’apprenti avait-il besoin de cette leçon explicite venant de quelqu’un qui ne le connaissait pas et qui bénéficiait d’un recul plus important que le maître Dalonn.
Il ne fallait bien entendu pas analyser cette conclusion comme un manque de confiance envers son formateur, du moins le padawan s’en fit-il la remarque à lui-même. C’était lui, l’adolescent, qui avait du mal à intégrer cette leçon primordiale quand bien même lui avait-elle été continuellement dispensée.

La plaie désinfectée devait maintenant être suturée par un processus d’apposition d’un pansement organique qui avait remplacé depuis de très nombreuses années cette méthode primaire qui consistait littéralement à « coudre » les tissus pour assister la cicatrisation. La méthode était sans douleur et ne laissait presque plus de trace visible. À mesure qu’on lui appliquait le pansement, Loh ne pouvait pas s’empêcher de voir dans le travail manuel du guérisseur la traduction physique du traitement psychologique qu’il était en train de lui administrer de façon sommaire. Tout comme le maître Shei’la avait désinfecté sa plaie, il avait commencé à purger son esprit des sentiments toxiques qui pouvaient s’y loger. Impossible en effet de clore l’épisode de la distribution de riz, de suturer, sans en avoir purifié le contenu. Mais la clôture de cet épisode ne revenait pas au maître Shei’la, ce qu’il annonça au padawan à sa manière si particulière : « Bien, cette plaie est guérie. Il examina une dernière fois l’ex-entaille et l’absence de sensation douloureuse au contact de la main du Bothan sur l’épaule du Kel Dor confirma que le traitement était terminé.  Le guérisseur posa ses différents ustensiles sur un petit plateau blanc. Pour l’autre, il faudra un peu plus de temps. Au revoir padawan Darl, mais pas trop vite, et que la Force soit avec toi. »

Le jeune Kel Dor salua respectueusement le maître et quitta le dispensaire. Il arpentait songeur les couloirs du Temple Jedi en direction de sa chambre, son cocon. Loh était un individu plutôt casanier et sortir de sa zone de confort n’était pas quelque chose qu’il appréciait particulièrement. Son retour au Temple, même en ces pénibles circonstances, s’était avéré agréable et soulageant. Il retrouvait son environnement quand bien même avait-il découvert tout ce qu’il avait d’artificiel, non sans une pensée pour ceux qui étaient privés d’une telle protection. Prétendre s’être lié avec les sans-abris qu’il avait servis serait un mensonge, mais Loh n’était pas resté indifférent suite à l’aventure commune vécue avec ces personnes. Il n’avait côtoyé la misère que de loin lors de ses anciennes missions, et surtout jamais seul car il était soit auprès du maître Dalonn, soit en compagnie des services de police de Coruscant qui, quand elles étaient amenées à côtoyer les sans-abris, n’avaient pas des rapports de la nature de ceux qu’il avait expérimenté.

La chambre du padawan n’était pas très spacieuse, mais elle lui offrait tout le confort nécessaire. Un lit, bien sûr, mais aussi un fauteuil sans dossier dédié à la méditation et dans lequel le padawan avait parfait sa maîtrise de la méditation vide pendant de longues nuits en compagnie de son compagnon néophyte. Nul doute que cette pièce de mobilier serait fortement mise à contribution dans les heures à venir tant Loh avait besoin d’apaiser son esprit. Il s’installa sans attendre, jambes croisées, et prit une longue inspiration avant de délicatement fermer les yeux. La première étape de la méditation consistait à contrôler sa respiration afin d’atteindre un état d’apaisement physique indispensable à l’apaisement mental. Loh perdait dans ces moments toute notion du temps. C’était comme s’endormir, mais ses sens étaient paradoxalement plus aiguisés. Pas la vue, ni l’odorat, ni le toucher… Un autre sens, celui propre aux sensitifs qui leur permettaient de percevoir le monde au travers d’un prisme indescriptible. Lorsqu’il méditait ainsi, le jeune padawan oubliait presque sa propre existence. Il devenait littéralement une partie de son environnement, un prolongement de ce fauteuil dans lequel il était installé. Ce fauteuil était lui-même un prolongement de la pièce dans laquelle elle se trouvait, elle-même prolongement du Temple et ainsi de suite jusqu’au cœur de Coruscant, des étoiles autour desquelles elle gravitait… Quand les esprits non-initiés perdraient pied face à l’incalculable insignifiance de leur existence, Loh y trouvait un profond sentiment d’apaisement. Dans cet état méditatif profond, les pensées pouvaient apparaître comme une autre partie du tout et ainsi prendre une dimension tout à fait différente. C’est en cela que la méditation permettait aux Jedi de prendre les décisions les plus éclairées et, s’agissant de Loh, celles qu’il estimait le plus en accord avec l’équilibre profond de l’Univers. Telle était du moins sa prétention et son objectif : respecter la grande œuvre.

L’exploration mentale à laquelle se livrait Loh cette nuit-là visait à essayer de comprendre si ses actes de la journée passée étaient ou non en contradiction avec le dessein qu’il pensait percevoir dans sa méditation. L’honnêteté devait pousser l’apprenti à confesser qu’il parvenait rarement à trouver de réponse, ou bien n’avait-il encore que trop peu confiance dans les réponses qu’il trouvait. Les paroles du maître Shei’la résonnèrent : le padawan devait apprendre à assumer ses propres points de vue, à surmonter la peur de la manifestation d’une pensée individualisée. Mais le Code Jedi ne condamnait-il pas l’individualité ? Les préceptes et dogmes de l’Ordre n’utilisaient pas ces termes précis, mais en condamnant l’arrogance, l’excès de confiance ou en commandant le respect de son maître, du Conseil et de l’Ordre tout entier, la place de l’individu semblait plus que secondaire. Mais l’excessive modestie cachait nécessairement quelque chose de moins vertueux. L’équilibre devant être trouvé en tout chose, il convenait pour le Jedi d’être conscient de lui-même et de cultiver son individualité dans ce seul objectif, et non pour se mettre en avant. L’inévitable conversation avec maître Dalonn aurait donc notamment pour objectif d’aider le padawan à cerner ce que son expérience dit de lui-même, au-delà de l’échec dans lequel il ne fallait pas se morfondre. C’est la conclusion de cette méditation tardive qui s’acheva en douceur dans les lueurs de l’aurore, le padawan revenant doucement à lui à mesure que ses sensations physiques redevenaient perceptibles, et notamment la faim.

Le petit matin connaissait son lot de rituels que l’apprenti avait établis à mesure que les années passaient au Temple. Sans en livrer les plus intimes détails, Loh prenait un soin particulier de lui-même essentiellement par respect envers les autres. La bure abîmée la veille devait ainsi être lavée et recousue avec minutie, et remplacée le temps de cette indispensable maintenance. Ce serait l’occupation du padawan, avec le petit déjeuner, avant de rejoindre son maître.

Il était impératif que Loh rende compte à son maître de la mission de la veille. Krey Dalonn avait exprimé son intention de laisser au padawan un temps plus long pour opérer l’introspective nécessaire à un échange véritablement enrichissant ; il ignorait toutefois que Loh avait eu un échange des plus inattendus avec le maître Shei’la. Loh ne put s’empêcher de ressentir comme un conflit de légitimité. Était-il bien normal de recevoir des enseignements si personnalisés de la part d’un autre maître que celui assigné par le Conseil ? N’y avait-il pas un risque que les doctrines respectives des deux maîtres ne s’avèrent incompatibles, et ce au détriment de la formation de l’apprenti. Aussi le jeune Kel Dor avait-il préféré confesser à son maître les échanges qu’il avait eu avec un autre maître de l’Ordre dès sa prise de contact du matin, ce qui n’avait pas semblé poser de problème particulier. Les apprentis tendaient en effet à ignorer que les maîtres se parlaient souvent, ainsi Galor Shei’la avait-il devancé le padawan en expliquant à Krey Dalonn la teneur de leur conversation de la veille. Cela aurait pu s’analyser en une trahison d’une forme de secret médical, mais l’Ordre ne transigeait pas s’agissant de l’intégrité de la formation dispensée aux apprentis. La transparence était nécessaire lorsqu’un maître avait une conversation particulièrement profonde avec un apprenti qui n’était pas le sien.

En chemin vers la chambre de Krey Dalonn, Loh Darl repensait à leurs retrouvailles de la veille. Les sentiments du padawan blessé au milieu de ses victimes s’étaient entremêlés à la vue de son maître. C’était d’abord du soulagement de ne plus être seul, mais aussi la honte d’offrir à son mentor un spectacle aussi désolant. Le maître avait décidé de remettre la conversation à plus tard en promettant qu’il n’y aurait pas de blâme. C’était probablement encore plus difficile à vivre pour le padawan qui n’avait pu s’empêcher dès lors d’imaginer le pire. Loh n’avait toutefois pas anticipé, à ce moment-là, qu’il aurait eu l’oreille attentive du maître Shei’la, aussi abordait-il cette conversation avec Krey Dalonn avec davantage de sérénité.

L’humain à la chevelure grisonnante était confortablement installé sur l’un des fauteuils de méditation qui décoraient sa propre chambre, les maîtres en avaient plusieurs car il n’était pas rare qu’ils reçoivent dans leurs espaces privés. La pièce était plus spacieuse que la chambre de Loh, elle n’était néanmoins pas aménagée avec davantage de fioritures. Le tout dégageait une impression d’harmonie, même le paysage urbain de Coruscant qu’offrait une grande fenêtre ne rompait pas le calme de la pièce. Krey Dalonn posa la tasse de thé qu’il était en train de boire lorsque son apprenti se présenta devant lui, il lui indiqua d’un geste l’un des fauteuils pour qu’il y prenne place. « Raconte-moi ce qu’il s’est passé. » Le maître était toujours très économe de mots, ce qui plaisait au padawan. Lorsque, dans ses plus jeunes années, lui avait expliqué qu’il serait un jour assigné à un maître, Loh craignait de devoir interpréter les discours parfois éthérés qu’il avait pu entendre chez des Jedi d’un âge avancé. Il n’avait pas imaginé, étant sans doute trop jeune, que certains Jedi pouvaient dire beaucoup de chose sans discourir à foison. « J’ai échoué maître. » Le ton était grave. Loh ne voyait pas commencer autrement son compte rendu, ce qui n’était pas de l’opinion de son maître. « Pas de conclusion hâtive, je t’ai dit que nous déterminerions ensemble dans quelle mesure ta mission aurait pu être conduite autrement. Ce qui est fait est fait, et je ne te demande pour le moment qu’un récit. »

Le padawan se lança donc dans le récit de son aventure. Il s’efforça de n’omettre aucun détail en commençant par l’épisode de cette riche citoyenne et la manière dont il était parvenu à la chasser, ce qui ne manqua pas de faire sourire le maître. Mais il s’agissait de la partie du récit la plus agréable, il embraya ensuite sur la confrontation avec les Balosars, sans oublier l’implication de l’enfant qui les accompagnait, ou les guidait, la chose n’était toujours pas claire. « Je sais que vous m’aviez dit de ne pas faire usage de l’empathie de Force, maître, mais j’ai pensé qu’il était nécessaire de connaître les motivations profondes de l’enfant pour essayer de le dissuader. Je pense avoir bien interprété ses sentiments, j’ai simplement surestimé ma capacité à lui faire entendre raison… » Loh essayait d’être le plus objectif possible dans son compte-rendu, auquel se mêlait déjà un début de retour sur expérience. Son maître enchaîna sans attendre : « C’est que la raison n’est pas aussi absolue que tu tends parfois à l’imaginer, jeune padawan. Je ne doute pas que ton argumentation était la bonne, mais un échange doit se faire à deux. Il y a tout à parier que cet enfant, ou la bande de malfrats dont tu me dis qu’elle le protégeait, avait pris sa décision avant même que tu tentes de lui parler. » Le plus grand orateur n’aurait sans doute pas convaincu cet enfant et sa bande qui, persuadés qu’ils pouvaient obtenir gain de cause sans l’effort du dialogue, auraient été sourds à n’importe quelle argumentation. « Vous voulez dire que j’ai eu tort d’essayer de le convaincre ? » La question était presque naïve, le padawan recherchait à savoir ce qu’il aurait dû faire. Encore une fois, la réponse du maître fut immédiate. « Non, un Jedi doit toujours rechercher la solution pacifique. Le padawan eut à un instant une petite éruption de remords car éviter le conflit était précisément ce qu’il n’était pas parvenu à faire. Le maître, sentant les regrets de son apprenti, compléta son propos. Mais il serait naïf de croire que cela est toujours possible. La vraie question, Loh, est de savoir ce qui t’a poussé à la confrontation. Le conflit n’est peut-être pas la voie traditionnelle des Jedi, encore que l’histoire récente pourrait sans doute donner matière à réfléchir, mais il n’est certainement pas ta manière de faire, à toi. C’est bien de toi dont il est question. »

Loh prit quelques instants pour réfléchir. Les raisons pour lesquelles il avait agit au lieu de rester passif, il les connaissait, mais il était temps de les confronter au jugement de son maître : « Je ne pense pas être excessivement naïf, maître. J’ai lu dans l’esprit de cet enfant la compassion et le désir d’aider autrui… Je sais qu’il est des marginaux poussés à la délinquance par absence de choix. Mais là, ils étaient en train de voler des personnes encore plus vulnérables qu’eux, des personnes qui, malgré une marginalisation équivalente, ne sont pas tombés dans la délinquance. Je ne suis qu’un padawan, mais j’étais aux yeux de ces gens l’unique représentant de l’Ordre Jedi. Je n’ai pas trouvé la force de simplement renoncer. J’ai pensé qu’il aurait été plus dommageable à l’Ordre Jedi de ne rien faire que de risquer la défaite lors d’une confrontation. Mutiler ce Balosar n’était pas dans mes intentions… J’ai tout fait pour le dissuader, mais il n’écoutait plus que sa colère. »

Le maître écoutait d’une oreille extrêmement attentive. Son regard, pensif et scrutateur, ne quittait pas son apprenti à mesure qu’il déroulait ses explications. A la fin du rapide discours, il prit une longue inspiration avant de répondre : « Les intentions qui t’ont animé sont les bonnes, Loh. Si tu es étais parvenu à éviter de mutiler ce Balosar, la tonalité de ton rapport ne serait pas la même… Tu savais devoir agir, mais tu n’avais pas les capacités de le faire en évitant les conséquences les plus fâcheuses. Le maître marqua une pause. Mais je sens qu’il y a d’autres questions que tu te poses, essaye de faire abstraction de ce malheureux incident avec le Balosar et dresse le bilan de ta journée d’hier. »

Trop absorbé par le dénouement spectaculaire de la confrontation avec les Balosars, Loh en avait oublié les sentiments éprouvés à l’issue de son échange avec la bourgeoise coruscantie. C’est en repensant à cet épisode qu’il décida de partager avec son maître d’autres doutes : « Au fond de moi, maître, je crains d’avoir utilisé la Force pour inspirer la peur. » L’expression de Krey Dalonn trahissait la surprise, non pas tant du fond, car il pressentait ce que son padawan allait lui dire, mais en raison de la forme. La sortie du jeune Kel Dor avaient tous les aspects d’une expiration profonde, sans doute touchait-il là ce qui le préoccupait véritablement. « Ah ? Et qu’est-ce qui te fait penser cela ? » Loh repassa les évènements dans sa tête avant de se lancer dans son explication. « Lorsque j’ai présenté le bol de riz à cette femme, j’ai pris la décision d’user de télékinésie au lieu de le ramasser comme j’aurais pu le faire. C’était un usage injustifié de la Force. Et si… et si je l’avais fait pour simplement montrer mon pouvoir, pour montrer à cette femme qu’elle m’était inférieure… Et à partir de cet instant, je n’ai plus trouvé d’autres solutions aux différentes épreuves que d’utiliser la Force, j’ai usé de télékinésie une nouvelle fois contre les Balosars. » Krey Dalonn sentait que l’on s’approchait d’un élément clef du récit. Il incita le padawan à explorer davantage cet évènement particulier en répondant immédiatement par une question : « Mais pas contre leur chef, pourquoi ? » Loh semblait surpris, mais il ne doutait pas que son maître avait ses raisons. Il s’efforça de formuler une réponse. « J’ai pensé à le faire, maître, j’ai pensé à simplement projeter cet individu contre un mur et le sonner comme ses camarades.» Ce n’était hélas pas une véritable réponse. Dans la mesure où le maître n’avait pas réussi à susciter la réponse chez l’apprenti, il reprit son rôle en dispensant ce qui était probablement la plus importante leçon du jour. « Mais tu as sorti ton sabre laser, tu n’as pas voulu user de télékinésie une nouvelle fois, non par choix stratégique, car tenir cet agresseur à distance était la meilleure chose à faire, mais par peur de faire usage de la Force de manière trop fréquente. » Le couperet était tombé, le maître semblait avoir mis le doigt sur la plus grande faute du padawan lors de sa mission et il ne trouvait pas mieux à répondre que des excuses.  « Je suis désolé, maître… » Le maître observa un silence pesant tandis que Loh semblait s’enfoncer dans le remord.

« Tu es désolé d’avoir risqué ta vie pour éviter de prendre goût au pouvoir ? Ces fameuses phrases de Krey Dalonn, la pédagogique ironie qui devait permettre au padawan de comprendre qu’il se trompait à nouveau. Loh, mon cher Loh, c’est la première fois de ma vie que j’entends un apprenti de ton âge remettre en question l’usage qu’il faisait de la Force. Je suis heureux d’avoir un padawan conscient que chaque usage des potentialités qu’offre la sensibilité à la Force doit être questionné. Le maître Dalonn ne put retenir une pensée à l’endroit de son ancien padawan, devenu Chevalier, qui avait pris un goût trop immodéré pour les combats. Loh n’en était pas totalement conscient, mais Krey Dalonn renouvelait en cet instant la confiance qu’il avait en son nouvel apprenti et confirmait une fois pour toute qu’il avait fait le bon choix.
C’est ma mission, et mon honneur, que de t’aider à forger l’esprit qui te permettra de surmonter tes doutes car, s’ils font de toi un apprenti dont je peux être fier, ils ne doivent pas te coûter la vie ou celles de ceux que tu protèges. Loh ne pensait pas qu’il trouverait en compagnie de son maître l’explication de l’usage qu’il avait de son sabre laser. Il en était ému et extrêmement reconnaissant. Le sermon de son maître éclaira les causes de sa culpabilité profonde, ce qui ne pouvait que le mettre sur la voie du progrès et, en parlant de progrès, Krey Dalonn reprit sur un ton plus léger. Nous allons nous concentrer un peu sur ta pratique du sabre laser, cela devrait t’éviter de futures déconvenues… »

Loh Darl

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Loh Darl
Padawan Jedi
Lun 5 Aoû - 16:40
Après demain



- « […] il s’est en tout état de cause montré digne de ses enseignements. L’homme qui achevait sa phrase était d’un âge particulièrement mûr, un humain assis parmi ses semblables dans une salle que baignait une douce lumière orangée, indice d’un soleil couchant. Un autre, à l’accoutrement similaire, lui donna la réplique.

- Mais au prix du respect de la hiérarchie, l’Ordre ne peut pas se permettre d’accepter des électrons libres. Le ton était sévère et en cela parfaitement conforme à l’expression du visage du deuxième personnage. On débattait en ce lieu, mais impossible de vraiment déterminer l’objet de cet échange. Loh assistait à la scène sans vraiment se souvenir comment il s’était trouvé là, en compagnie de Jedi dont il ignorait l’identité mais dont tout poussait à croire qu’il s’agissait de membres expérimentés de l’Ordre. Il alternait le regard entre chaque intervenant pour se poser sur une twi’lek à la peau violette.

- N’est-ce pas ce type de crainte qui nourrit précisément la suspicion chez nos plus jeunes ? Si l’Ordre se montre inquiet de ses éléments les plus prometteurs, nous alimentons ce sentiment de frustration qui a poussé nombre de nos apprentis vers le côté obscur… » Cette intervention sembla troubler les membres de l’assistance, et Loh lui-même ne put s’empêcher de ressentir une douleur intérieure. Le deuxième protagoniste reprit la parole.

- Chaque Jedi qui ressent le besoin de cultiver son individualité ou de réaliser ses ambitions méconnait les commandements de notre Ordre, nous ne pouvons pas travestir notre credo dans le simple objectif de retenir des apprentis sur la mauvaise voie. Les membres de l’assemblée tournèrent le regard vers le vieil humain, à la recherche d’un arbitrage à ce désaccord. Loh lui-même chercha du regard le trait de sagesse qui pourrait apaiser ce qui ressemblait à une blessure collective

- C’est sans doute l’excessive négation des individualités qui nous a coûté cher. Le plus grand défi d’un Jedi n’est pas d’effacer ce qui fait de lui un individu, mais d’intégrer son individualité au sein de l’Ordre précisément sans l’effacer. Le vieil humain marqua une pause. Il savait que sa vision ne faisait pas l’unanimité, mais les autres membres de l’assemblée respectèrent son point de vue par leur silence. Il prit une longue inspiration, signe que le micro-débat était terminé, et reprit. S’agissant du cas qui nous occupe aujourd’hui, sans doute faudrait-il entendre celui d’entre nous qui connait le mieux l’individu dont nous parlons. Alors, que pensez-vous que nous devrions faire de votre apprenti, Maître Darl ? » Tous les individus de la pièce fixèrent Loh de leur regard, le Kel Dor sentit son rythme cardiaque augmenter à toute allure et l’environnement autour de lui devint de plus en plus évanescent jusqu’à ce qu’il ouvre finalement les yeux dans la pénombre de sa chambre au Temple Jedi de Corsucant, tout padawan qu’il était.

Un rêve ? Jamais le jeune Kel Dor n’en avait expérimenté de si prégnant. Il ne parvint pas à retrouver le sommeil, obsédé qu’il était par ces images. Ou bien était-ce davantage que de simples images ? L’expérience semblait si réelle. Loh avait pu voir et entendre, mais aussi ressentir des émotions en rapport avec des évènements dont il n’avait aucun souvenir. « Maître Darl »… Voilà ce qui l’avait arraché à ce rêve, puisqu’il fallait bien donner un nom à ce qu’il avait expérimenté. Mais si ce n’était pas un rêve, qu’est-ce que cela pouvait être ? Loh avait appris que la perception d’un Jedi en symbiose avec la Force pouvait dépasser les limites conventionnelles. Il était ainsi possible, pour les plus expérimentés des membres de l’Ordre, de percevoir des évènements se déroulant à des distances d’échelle galactique, ou encore des évènements s’étant déroulés dans un passé lointain, voire encore des évènements qui ne s’étaient pas encore déroulés. « Maître Darl » était-il une prémonition ou le rêve d’un padawan extériorisant ses ambitions inconscientes ?

Ce fut l’esprit lourd d’une nouvelle fournée de questions sans réponse que notre jeune padawan commença ses premières heures de la journée. La perplexité de Loh lui fit oublier la fatigue et il décida de consacrer sa matinée à faire quelques recherches. Impossible en effet de faire état de son expérience nocturne à son maître sans s’être au préalable renseigné, sans quoi les réponses de Krey Dalonn risqueraient de soulever plus de complications qu’elles n’en résoudraient. Les écrits étaient malheureusement assez peu éclairants et les connaissances les plus précises étaient accessibles par la consultation d’holocrons qui n’étaient pas en libre-service pour les padawans. Loh s’en étonna et il fallut les explications d’un archiviste pour qu’il en comprenne la raison. Aucune connaissance n’était interdite au Temple Jedi, mais il était crucial que soit respecté le rapport entre le maître et l’apprenti. Laisser un padawan explorer seul et sans encadrement les voies de la Force pouvait être dangereux pour son développement, aussi la consultation des holocrons les plus précieux par les padawans était-elle subordonnée à l’autorisation de leur maître. Loh était en accord avec cette philosophie, et c’était précisément pour cette raison qu’il ne voulait pas cacher à son maître ce qui lui était arrivé la nuit passée. Son erreur était ailleurs, et toujours la même : il voulait savoir avant d’apprendre, et pas toujours pour les bonnes raisons. Loh ne voulait pas se montrer ignorant, même auprès de celui qui était censé l’instruire.  Krey Dalonn ne cessait de mettre son jeune apprenti en face de ce paradoxe, manifestement en vain.

Les deux Jedi devaient se retrouver dans une salle d’entrainement pour pratiquer une nouvelle fois le Soresu. Les progrès du Kel Dor étaient notables, Krey Dalonn ne manquait pas de le souligner, mais pas encore au point de maîtriser cette technique aux vertus défensives reconnues. Loh rejoint son maître et le trouva en train de préparer les sphères pour un échauffement rituel. Krey Dalonn interrompit le paramétrage des machines lorsque son apprenti se présenta à lui la mine perplexe. Il fallait bien l’intimité entre le maître et l’apprenti pour permettre à l’humain de lire l’expression du Kel Dor, mais peut-être aussi un soupçon d’empathie involontaire. La relation particulière qui se développait au fil du temps entre un maître et son apprenti permettait à chacun d’eux de deviner les sentiments de l’autre, non seulement en raison d’une affinité dans la Force, mais aussi parce qu’ils partageaient l’essentiel de leurs temps respectifs. La moindre fluctuation par rapport aux habitudes qui s’installaient immanquablement ne pouvait donc pas passer inaperçue.

- « Tu es perturbé ce matin, se pourrait-il que les padawans de ton couloir aient encore veillé ? Krey Dalonn faisait référence à un épisode de la semaine passée. Simple anecdote impliquant des padawans bruyants à une heure tardive, ce qui avait troublé les travaux méditatifs auxquels Loh s’était livré le lendemain. J’ai été padawan aussi. Ces moments de détente sont essentiels, tu ne devrais pas t’en priver systématiquement.

- Non, ce n’est pas cela. Je crois… je crois que j’ai eu une vision du futur la nuit dernière.

- Ah, c’est donc bien un souci de sommeil. Le maître rangea son matériel, pressentant que la discussion à venir allait être importante. Il invita le padawan à s’installer dans un fauteuil. Une vision du futur ? Il n’était pas rare qu’un padawan pense avoir aperçu l’avenir. Aussi, avant de se livrer à quelconque travail d’interprétation, le maître était curieux de détails. Et pourquoi pas simplement un rêve ?
Faire la différence entre un rêve et une prémonition n’était pas chose aisée, particulièrement lorsque la vision avait lieu pendant le sommeil.

- C’était différent, plus fort… J’étais assis dans ce qui ressemblait à une salle du conseil.

- Assis ? La position assise d’une personne dans une salle du conseil révélait beaucoup de son rang. Krey Dalonn connaissait déjà la suite, mais il voulait que son padawan la formule de façon plus explicite.

- Oui, il était question de l’avenir d’un apprenti au sein de l’Ordre. Mon apprenti.
Le visage de Krey Dalonn afficha un léger sourire, de ceux qui révélaient une bienveillante incrédulité. S’il s’était agit d’un autre que son propre padawan, le maître Dalonn aurait simplement conclut à un rêve. Mais si Loh, le si sérieux Loh, prenait le temps d’évoquer ce qu’il pensait être une vision à son maître, c’était bien qu’il sentait au plus profond de lui qu’il y avait matière à discuter.
Je sais… C’est puéril de se voir en maître Jedi alors qu’on est padawan. Je pense quand même que cette pensée, ce rêve… cette ambition serait encore plus coupable si je ne vous en parlais pas.

- Il n’est pas aberrant d’imaginer son avenir au sein de l’Ordre, cela tendrait plutôt à montrer que tu estimes y être à ta place. Krey Dalonn sentait la culpabilité de son apprenti, il voulait d’abord apaiser ce sentiment avant d’évoquer la question de la divination. Une partie de toi désire un jour devenir maître Jedi et une autre condamne ce désir… S’interroger sur la nature de ses ambitions est une bonne manière de ne pas en être l’esclave. Demande-toi pourquoi tu désires un jour devenir un maître. Si la raison est bonne, alors l’ambition peut être dominée. Krey Dalonn se tût et, d’un regard, incita son apprenti à formuler une réponse. Le jeune Kel Dor mesura d’abord la chance qu’il avait de pouvoir tout dire à son propre maître, il en tirait une forme de soulagement. Un autre maître aurait pu condamner son apprenti suite à de telles confessions, et alimenter chez ce dernier une peur de l’échec particulièrement dommageable. Loh trouva ensuite dans le rapport qu’il entretenait avec son maître le sens qu’il donnait à ce rang.

- J’aimerais un jour avoir la sagesse nécessaire pour qu’on me juge digne de la transmettre. Voilà en peu de mots ce que Loh associait au rang de maître. Ayant eu lui-même la chance de bénéficier d’un enseignement, il vivait comme un devoir le fait d’un jour dispenser une formation à son tour. La mine satisfaite de Krey Dalonn rassura le padawan.

- Oui, parce que le plus grand honneur qui peut être fait à un Jedi est de lui confier l’immense responsabilité d’en former un autre. Le regard du maître se perdit quelques secondes, le signe qu’une réflexion plus générale allait suivre.
On distingue beaucoup les Jedi et les Sith à leur pratique de la Force, mais ils s’opposent encore, et peut-être même davantage, dans leur relation au savoir et à sa transmission. Un adepte du côté obscur qui voue son existence à la puissance et à la domination ne forme pas réellement un apprenti, il arme un serviteur qui a pour unique ambition de devenir le maître. Dans ces conditions, toute transmission est dangereuse pour le maître. A l’inverse, nous, les Jedi, vivons essentiellement pour transmettre notre savoir à la génération suivante et un maître ne peut que se féliciter de voir son apprenti le surpasser. Krey Dalonn marqua une pause. Son monologue avait été plus long que d’habitude, il prit quelques secondes de silence pour réfléchir. Voulait-il dire que Loh allait un jour le surpasser, confirmait-il que son apprenti deviendrait un jour un maître ? Si l’humain incitait son padawan à ne pas craindre ses éventuelles ambitions, il ne pouvait pas aller jusqu’à les nourrir. Loh restait également silencieux, ne sachant pas réellement quoi répondre. Le maître interrompit la quiétude qui s’était installée, il sentait encore la perplexité de son padawan, mais s’agissant cette fois du contenu de sa vision. Est-ce que tu sais ce qui est arrivé à l’apprenti du maître Darl ?

- Je ne connais pas les évènements qui ont conduit au débat au sein de ce conseil, mais il ressortait des discussions qu’il avait accompli quelque chose d’important au mépris des règles. Un maître louait ses accomplissements et un autre condamnait les ambitions trahies par ce manquement aux règles. Plonger ainsi dans le contenu de ce que Loh avait vu était une étape nécessaire. L’hypothétique apprenti ne se contentait pas d’exister, il avait potentiellement commis une faute. Or la faute de l’apprenti était aussi celle du formateur… S’il s’agissait d’une vision, Loh ne s’était pas tant vu maître que maître défaillant. La vision serait donc un avertissement au lieu d’être la concrétisation d’une malsaine ambition.

- Tiens donc, un débat dans lequel s’oppose le respect des règles avec l’affirmation de l’individualité. Nouveau sourire, et Loh comprit que Krey Dalonn essayait une nouvelle fois de lui expliquer quelque chose. Le maître donnait toujours le sentiment d’avoir un temps d’avance, et c’était en l’espèce une bonne chose tant le padawan se montrait perdu.

- Vous pensez que ce n’était vraiment qu’un rêve qui exprimerait mes propres doutes ? Si en effet la vision n’était que la traduction des atermoiement internes du jeune padawan, alors penser qu’il s’agissait d’une vision était présomptueux. Ce ne pouvait être qu’un rêve banal traduisant des émotions plus intenses qu’à l’accoutumée. Le maître n’apporta néanmoins pas de réponse tranchée.

- Non, tu as peut-être vu l’avenir. Enfin, tu as peut-être vu un avenir. Je ne suis pas expert en divination, mais il faut toujours se méfier des prédictions. Plus la vision renvoie à un futur éloigné, moins elle a de chance de se réaliser. Même si l’affirmation relevait d’une forme de logique, Krey Dalonn sentit l’utilité d’en dire davantage, ne serait-ce que pour des raisons pédagogiques mais aussi peut-être parce que lui-même réfléchissait au contenu des réponses à apporter.
L’avenir est changeant par nature. Tant qu’un évènement ne s’est pas réalisé, il est soumis à une incertitude fondamentale qui augmente à mesure que l’évènement s’éloigne dans le temps.

- Mais alors quelle différence entre la vision et le rêve ? La distinction était en effet fondamentale, autant qu’elle était difficile à établir. Un rêve deviendrait-il une vision simplement parce qu’il se réalise ? Auquel cas la distinction ne peut pas s’établir au moment de la vision, mais au moment de son hypothétique concrétisation. Ainsi, le prophète ne réaliserait qu’il a vu l’avenir qu’au moment où la vision devient réalité : impossible de réellement prédire dans ce cas, et le prophète ne serait qu’un rêveur chanceux.

- Le rêve est issu de ton esprit, de tes doutes et de tes émotions. C’est un processus cognitif que les scientifiques aiment expliquer en nous collant des électrodes sur le crâne lorsque nous dormons.
La vision, elle, est le résultat d’une perception des flux issus de la Force.
L’explication ne semblait pas très limpide, aussi Krey Dalonn poursuivit. Si cela peut t’aider, et en ayant à l’esprit qu’il s’agit d’une simplification, voit la Force comme un tissu universel qui relie tout ce qui est, a été et sera. Chaque évènement est comparable à une pierre qui tombe à la surface de l’eau, il crée une onde qui se diffuse au travers de la Force. Seuls les plus grands maîtres peuvent percevoir ces échos de manière suffisamment claire pour voir au-delà de l’espace et du temps.

- Mais si l’avenir est changeant, pourquoi voit-on celui que l’on a vu, et pas un autre ? Est-ce du hasard ? Loh voulait savoir pourquoi, parmi tous les avenirs possibles, il en avait perçu un dans lequel il était un maître devant délibérer sur le sort de son apprenti.

- C’est une excellente question, Loh, et la réponse varie selon que l’on considère la Force comme douée ou non d’une forme de conscience. La vision ne serait effectivement que le fruit du hasard si la Force n’était douée d’aucune forme de conscience.
Mais si la Force est consciente, alors elle t’a montré cet avenir-là plutôt qu’un autre. Il est même possible, dans ce cas, que la vision soit d’une certaine manière influencée par celui qui la perçoit. C’est ainsi que ton désir de former un jour un apprenti a pu favoriser cette vision plutôt qu’une autre, de même que la peur de perdre un être cher peut provoquer la vision de sa mort. Dans ce cas, nous n’avons pas tant perçu des fluctuations que capté celles qui nous ont été offertes.


- Il n’y a aucun moyen de le savoir ? Toujours dans sa quête de distinction, Loh continuait d’interroger son maître. L’entrainement au sabre laser était loin et Krey Dalonn percevait la soif de connaissance de son apprenti, un épanouissement qui lui était très particulier.

- Il faut bannir de son esprit l’idée que l’Ordre Jedi a toutes les réponses sur la nature de la Force. Rappelons-nous que nous ne sommes qu’une réunion d’individus parmi les rares dans l’univers à être capables de la percevoir, ce qui ne signifie pas que nous savons tout de ce qu’elle est. Il faut rester très humbles dans notre approche de la Force. J’ai tendance à croire, à titre personnel, que si l’on considère cette entité (le mot trahissait déjà le positionnement du maître) comme totalement dépourvue d’une quelconque forme de conscience, nous rendrions l’idée de « domination » un peu trop acceptable… C’était une nouvelle mention à l’approche de la Force que l’on attribuait au Sith. Si la Force n’était qu’un flux d’énergie, c’était une barrière morale en moins sur la voie coupable de sa domination.

- Alors, dans l’hypothèse où il s’agirait d’une vision et non d’un rêve, la Force aurait d’une certaine manière communiqué avec moi ? Et avec cette supposition, toute une somme de questions que Loh ne parvenait ni à résumer, ni à formuler.

- Oui, comme elle communique avec nous tous. Seulement, il n’est pas toujours aisé de percevoir ses messages. Supposer que la Force communiquait de façon consciente n’était pas une opinion unanime, aussi était-il nécessaire d’éviter que ceux qui étaient tentés d’y adhérer ne s’imaginent comme des récepteurs privilégiés. La Force, si tant est qu’il s’agît d’un processus conscient, communiquait indistinctement avec tous ceux en mesure de comprendre son langage.
Loh parut réfléchir et un nouveau silence s’installa.

- Si l’avenir est changeant et que celui que nous percevons n’est pas le fruit du hasard, peut-être que le vrai sens de la divination n’est pas tant de voir l’avenir que de comprendre les messages que la Force nous envoie lorsqu’elle nous montre l’un des nombreux avenirs possibles. La conception exposée par le maître Dalonn permettait de revisiter le sens même de la divination, ce à quoi Loh se risqua avec une assurance qui ne lui était pas coutumière. Emporté dans son désir de comprendre, le padawan oubliait ses habituelles inhibitions. Krey Dalonn en fut surpris et ne bouda pas son plaisir de voir son apprenti en de si bonnes dispositions malgré le départ incertain de cette conversation.

- C’est à cette conclusion que certains parviennent, en effet. Le savoir des anciens membres les plus éminents de notre Ordre sont conservés dans des holocrons, tu dois déjà connaître leur existence. Le jeune Kel Dor confirma d’un geste de tête la supposition du maître. Tu ne m’apparais pas en état de te livrer à un entrainement au sabre laser aujourd’hui, nous allons nous rendre à la bibliothèque du Temple afin que tu puisses trouver quelques réponses à tes questions sur la divination. »

Loh Darl

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Profil du personnage
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Loh Darl
Padawan Jedi
Jeu 8 Aoû - 19:04
Avant hier



Un Kel Dor se trouvait au pas de la porte d’une grande salle, un salon richement meublé et que n’éclairait désormais que les luminaires en raison de l’heure avancée de la journée : « Monsieur Darl, le maître Jedi est ici. » Il s’agissait de l’un des trois membres du personnel de maison de la famille Darl. Le père, Rish Darl, était un notable important de la nation Kel Dor, et en ce moment en charge de la gestion administrative d’une province. La famille Darl avait au préalable prospéré dans les affaires et il n’était pas rare que l’un des membres des fratries s’oriente vers la politique. Rish Darl n’était pas l’aîné, mais il avait toujours eu les faveurs de son père en raison de son sens aigu du devoir. Assis sur un canapé, Rish contemplait son épouse d’un air songeur tout en répondant au domestique : « Pas maintenant, faites-le attendre. » L’heure était grave. Le maître Jedi qui devait patienter était envoyé par l’Ordre car Loh, le fils unique de Rish et Ges Darl, avait été repéré comme sensitif. Même si ce n’était pas chose exceptionnellement rare parmi les Kel Dor, la détection d’une telle capacité demeurerait un événement avec lequel chaque famille devait composer. On dissertait beaucoup sur l’immense honneur d’être contacté par l’Ordre Jedi dans les dîners mondains, mais lorsque les Jedi frappent à votre porte, les belles déclarations de principe s’envolent.

Rish fut le premier à émettre des réserves au départ de son fils lors de la première visite du maître, une semaine auparavant. La carrière politique du père de Loh lui avait ouvert une somme de connaissances peu reluisantes sur la République de laquelle les Jedis étaient solidaires. Conscient des excès du régime de Coruscant, Rish voulait garantir à son fils une vie paisible sur Dorin. Son avenir était en effet garanti : membre d’une famille riche, fils d’un politicien influent de Dorin et sous la protection d’une mère aimante. Pour quelle raison aurait-on envoyé cet enfant dans l’enfer de Coruscant ? Le maître Jedi en visite était un humain, l’un des rares à se rendre habituellement sur Dorin. Il dut échanger avec Rish sur le positionnement réciproque de l’Ordre Jedi par rapport à la République. Le pacte d’alliance était ancien, mais il n’y avait, disait-il, aucune subordination. Rish objecta que les Jedi menaient des missions au service de la République, et parfois les apparences n’étaient pas trompeuses. Le maître, protégé par un dispositif respiratoire de l’atmosphère toxique de Dorin, lui répondit : « Les Jedi sont au service de la Justice, ils mènent des missions en faveur de la paix et, oui, ils le font parfois à la demande de la République. Mais les membres de l’Ordre répondent au Conseil, qui lui seul estime la valeur morale des services que la République lui demande. » L’organisation interne de l’Ordre était très peu connue du public. La plupart des gens faisait l’amalgame entre l’Ordre Jedi et la République à laquelle il rendait occasionnellement service. Certes, l’Ordre s’était rendu d’une certaine manière dépendant, notamment matériellement. Mais pas un seul Jedi ne se disaient pas capable de renoncer à l’entretien de la République pour la préservation de ses principes. Et puisque que la conversation tournait autour de l’organisation interne, Rish en profita pour interroger le maître : « Et s’il ne parvient pas à devenir un Jedi ? Que se passe-t-il lorsqu’ils échouent ? » Les novices qui ne trouvaient pas de maître, et les padawans qui ne réussissaient pas les épreuves, étaient soit renvoyés chez eux, soit intégrés au corps agricole. C’est ce que le maître expliqua sans tellement rassurer le père de Loh : « Mon fils, un fermier ? Hors de question ! » Le maître était familier de cette réaction, particulièrement lorsqu’il échangeait avec les membres des familles aisées : « Je ne pense pas très utile de défendre devant vous les vertus du travail manuel, Monsieur Darl, mais pourquoi envisagez-vous tout de suite l’échec de votre fils ? » La famille Darl avait connu l’échec d’un de ses membres au sein de l’Ordre : « Daz Darl, le frère de mon père, a également été repéré comme sensitif dans sa jeunesse. Mon grand-père n’a pas réfléchi, il a accepté. » Le maître sentait bien ce qui allait suivre. Quelle était la probabilité qu’il tombe sur une famille qui avait connu plusieurs sensitifs, et dont l’un n’avait pas connu le meilleur destin ? « Vous voyez où je veux en venir, maître Jedi, mon oncle a échoué lors de vos épreuves. Il est revenu parmi nous détruit. Ce sont les Sages qui l’ont recueillis, ils ont donné un sens à la vie que son père avait placé de manière inconsciente dans les mains de votre Ordre. » Daz Darl n’avait pas réussi les épreuves de chevalerie, promis au corps agricole, il préféra rentrer sur Dorin où il dut affronter la honte de son échec. Les Sages Baran Do, un ordre rassemblant des Kel Dor sensibles à la Force, ont alors pris le jeune Daz parmi eux lorsque ce dernier décida de fuir les reproches paternels. Rish poursuivit : « Si mon fils présente des aptitudes, autant qu’elles servent le peuple Kel Dor parmi les Sages. Le pari me semble moins risqué. » La position du maître Jedi n’était pas simple. Que pouvait-il dire pour convaincre Rish Darl de confier son fils à l’Ordre Jedi ? Les Sages étaient relativement peu connus de l’Ordre qui nourrissait toutefois une certaine réserve vis-à-vis des utilisateurs de la Forces organisés en congrégations alternatives. Les Jedi avaient la conscience du pouvoir corrupteur de la Force, et c’était l’une des raisons de l’existence même de l’Ordre. Comment savoir si les Sages de Dorin observaient la même prudence ? « Je suis navré pour votre oncle Monsieur Darl, je suis navré que l’Ordre n’ait pas su lui faire comprendre qu’échouer les épreuves ne signifiait pas échouer sa vie. J’espère que la sagesse des sensitifs de Dorin lui permettra de surmonter cette épreuve, sans cultiver sa frustration. Votre oncle est sensible à la Force, et sans un encadrement adéquat, les émotions suscitées par le revers qu’il a connu pourraient s’avérer dangereuses. Voilà pourquoi l’Ordre offre une alternative à ceux dont les capacités s’avèrent plus adaptées à d’autres vies que celles de Chevalier Jedi. » Le maître Jedi marqua une pause, il sentait Le scepticisme de son interlocuteur. « Ils vous ont déjà approché je suppose ? » Rish Darl acquiesça, son oncle avait en effet senti le potentiel de Loh et avait offert de le recueillir. « Alors la raison pour laquelle votre fils n’est pas parti doit être importante. Pourquoi me donner cette chance de vous prouver que l’Ordre Jedi est l’avenir du jeune Loh ? » Si en effet Rish Darl était convaincu que son fils ne devait pas partir chez les Sages, c’est que son épouse avait une opinion radicalement différente. Sha Darl était issue d’une famille d’explorateurs, ce qui est était rare sur Dorin. Sans opinion particulière sur la République ou l’Ordre Jedi en tant qu’institution, elle voyait dans le repérage de son fils une opportunité de vivre un destin exceptionnel. Pour ce qu’elle connaissait des Sages Baran Do, il s’agissait d’un ordre reclus. Elle ne cachait pas son hostilité, ni le fait qu’elle aurait le sentiment d’emprisonner son fils en le leur confiant. Elle s’était de plus efforcée de convaincre son mari que la difficulté de son oncle à vivre son échec auprès des Jedi n’était pas imputable aux Jedi, mais à la famille Darl, et plus particulièrement le père du malchanceux qui n’avait pas su accueillir son propre fils. Elle réitéra ses arguments lors de la rencontre avec le maître Jedi qui fut d’ailleurs satisfait de trouver un allié dans le foyer des Darl. Rish était partagé entre son devoir envers Dorin, qui commandait plutôt de garder son fils sur la planète, et la conscience que l’expérience vécue avait été mal interprétée. Il savait que son épouse aimait son fils plus que tout, et que son enthousiasme a l’égard du projet d’en faire un Jedi montrait toute la confiance qu’elle portait en l’Ordre ; alors pourquoi pas lui ? L’Ordre Jedi avait une envergure galactique, sans doute était-ce mieux pour son fils d’en faire partie. Ainsi le maître quitta cet échange en ayant gagné du terrain. Les réserves du père semblaient levées grâce au soutien de la mère qui accompagna l’invité vers le véhicule qui le ramènerait à l’hôtel dans lequel il pourrait enlever tout ce dispositif respiratoire. Sha Darl profita de ce moment en tête à tête pour interroger le maître : « Combien de temps dure une formation ? » Le maître réfléchit quelques instants, même s’il s’agissait d’une question qu’on lui posait souvent : « Un Jedi ne cesse jamais vraiment de se former, mais si vous voulez connaître le temps moyen pour accéder au rang de chevalier, je dirais une vingtaine d’années. » Sha parut étonnée, et son expression était visible puisque les Kel Dor n’avaient aucun masque sur Dorin : « Si longtemps… Mais il pourrait revenir à nous ? » Le maître se rendit alors compte que Sha Darl n’avait pas envisagé le détachement que supposait l’engagement au sein de l’Ordre. Le code Jedi proscrivait l’attachement, et c’est notamment pour faciliter cette séparation que les novices étaient pris en charge très jeunes. Comment l’expliquer à cette mère sans risquer de la faire changer d’avis ? Le maître ne réfléchissait pas en ces termes, car il ne fallait pas que la décision soit contrainte. Il fit le choix de la transparence : « Le départ de votre fils ne serait pas que physique, Madame, un Jedi doit se défaire de ses attaches antérieures pour explorer sereinement les voies de la Force. » Sha fut déconfite, mais elle ne voulait pas se dédire à peine quelques minutes après avoir convaincu son mari. De quoi aurait-elle l’air ? Le maître Jedi senti ce flot d’émotion, il en fut désolé et ne voulait pas laisser Sha dans cette détresse : « Je reviendrai, Madame, personne ne s’attend à ce que vous preniez cette importante décision en une seule journée. » Sha trouva dans son réconfort la force de répondre au maître, d’une voix tremblante qui, sans nécessairement trahir un revirement, n’augurerait rien de bon : « Comment voulez-vous que nous abandonnions notre enfant ? » Le maître se permit une main sur l’épaule de Sha car il sentait que ce geste l’apaiserait. Ses prochains mots seraient déterminants, aussi prit-il le temps de réfléchir : « Jamais je ne vous demanderais de faire une telle chose, Madame. Mais croyez-moi quand je vous dis que confier son enfant à l’Ordre Jedi n’est pas un abandon. Je pense qu’il faut que je vous laisse discuter avec votre époux. Si vous le permettez, je reviendrai vous voir pour vous montrer ce que la symbiose avec la Force peut offrir. » Sur ces mots, Sha salua le maître avant de le voir monter dans son speeder et quitter le domaine Darl en direction de son logement du moment. Elle retourna dans le salon la mine bien moins enjouée que quand elle l’avait quitté. Elle perdit son regard sur le jeune Loh qui jouait paisiblement avec des répliques miniatures de croiseurs de guerre, puis Rish, qui avait remarqué ce changement d’humeur, interrogea son épouse : « Qu’est-ce qu’il y a ? » Sha reporta son regard sur son mari, elle répondit d’une voix triste : « Je ne sais pas si c’est une bonne idée, je ne sais plus… » Il n’en fallait pas moins pour troubler les toutes nouvelles certitudes de Rish, précisément acquises en raison de l’enthousiasme dont sa femme avait fait état seulement quelques minutes auparavant. « Alors maintenant c’est toi qui refuses ? » interrogea-t-il sur un ton que son désarroi rendait nerveux. Sha ne s’en offusqua pas, consciente que souffler ainsi le chaud puis le froid avait quelque chose de déconcertant pour son mari soucieux de rigueur : « Il a dit que Loh ne reviendrait pas. » Rish ne trouva rien d’autre à faire, voyant les sanglots de sa femme monter, que de l’enlacer silencieusement.

Comment choisir entre l’opportunité d’une vie pour son enfant et son amour de parent ? Sha y pensait chaque heure de chaque jour. Elle avait presque du mal à passer du temps avec son fils tant cela pouvait confirmer le fait qu’elle ne le reverrait plus. Rish, au contraire, s’était montré plus paternel que jamais. Il jouait avec Loh, mangeait avec lui et l’emmenait même à l’extérieur, ce qu’il n’avait fait que très rarement. Sha surpris même son époux en train d’expliquer à son fils les rouages de la République, certes de manière sommaire, mais trahissant le choix qu’il avait fait. Ce renversement d’opinion occasionna diverses disputes dans le couple, Sha considérant que Rish était en train de contraindre sa décision. Rish se défendait d’exercer quelconque pression : « Je ne fais que lui expliquer, il a peut-être un avis. » Loin de calmer Sha, cette excuse la contraria davantage : « À 4 ans ? Comment veux-tu qu’il comprenne la nature d’un engagement de toute une vie ? » Les arguments étaient parfois rationnels, mais ils trahissaient le plus souvent la fatigue du couple qui ne parvenait pas à résoudre cette question fondamentale : à partir de quand un parent devient-il égoïste ?

Et voilà qui nous amène à cette seconde visite du maître Jedi chez la famille Darl, épuisée par ses courtes nuits et ses journées de réflexion. Sha était assise, elle avait entendu l’annonce de l’arrivée du maître Jedi et saisit machinalement la main de son mari. Le Jedi était là pour elle aujourd’hui, il l’avait dit sur le pas de la porte. Elle fit un léger geste de tête en direction de Rish qui comprit le message et interpella le domestique : « Faites entrer. »
Le maître arriva quelques secondes plus tard. Sa seule présence apaisa Sha, elle pouvait sentir sa bienveillance de manière inexplicable et se dit qu’elle aurait sans doute pu s’épargner cette horrible semaine en allant simplement le voir. Rish accueillit le Jedi d’un geste de tête : « Bonjour, maître Jedi. » Le Jedi s’inclina respectueusement, et salua successivement Sha Darl puis son mari. « Madame Darl, Monsieur. Je devine que cette semaine a été difficile pour vous. Rassurez-vous, ce n’est jamais simple et je ne suis pas là pour presser votre décision. Je ne sais pas si Madame vous en a parlé, Monsieur Darl, mais je suis venu ici pour elle. J’aimerais vous proposer, Madame, que nous méditions ensemble quelques heures. » Rish ne masqua pas son étonnement, il interrompit le maître : « Méditer ? C’est une méthode courante ? » Le maître ne perdit pas son calme, expérimenté qu’il était des couples sceptiques. « Non, Monsieur, c’est plutôt inhabituel. Mais les Kel Dor ont une sensibilité naturelle à la Force qui rend la méditation particulièrement utile. » Rish ne savait pas quoi répondre et se tourna vers son épouse. Elle n’avait effectivement pas trouvé le temps de prévenir son mari mais signifia son acceptation par un geste de tête affirmé. Tout ce qui pouvait contribuer à l’apaiser était le bienvenu, aussi accompagna-t-elle le maître dans une salle voisine.

Désormais seuls dans un salon plus petit qui devait faire office de bureau, le maître Jedi et la mère de Loh se mirent en position pour se livrer à une initiation à la médiation. Le maître instruisait étape par étape comme il en avait l’habitude, et l’aisance naturelle des Kel Dor fit le reste. Le Jedi guidait Sha silencieusement dans leur méditation qui dura facilement plusieurs heures. Sha s’était déjà livrée à des exercices de cette nature, mais jamais en compagnie d’un Jedi. Les sensations étaient très différentes, tellement plus profondes que lorsqu’elle « méditait » à titre récréatif. Toutes ses pensées semblaient s’ordonner petit à petit à mesure que son esprit s’apaisait. La méditation avait une vertu curative de l’esprit que Sha n’avait jamais soupçonné. Et si son fils devenait capable d’apaiser ainsi les âmes en souffrances ? On pensait souvent aux Jedi comme des gardiens de la paix brandissant leurs sabres lasers, mais on les voyait si rarement pour ce qu’ils pouvaient apporter de plus substantiel. Sha ne parvenait plus à penser, elle était mentalement et physiquement épuisée par sa semaine de doute. Et voilà qu’un Jedi l’avait aidé à trouver la paix intérieure. En permettant à son fils de partir au sein de l’Ordre, elle lui donnait la possibilité de faire le bien autour de lui grâce aux dons que la nature lui avait donné. Elle rouvrit les yeux puis le maître fit de même. Elle semblait plus en forme et se trouva la force de reprendre la discussion autour de l’avenir de son fils : « Vous attendez une décision de ma part. » Le maître sourit légèrement et, sans rompre sa position méditative, il répondit : « À terme, je ne doute pas que vous déciderez. Mais sachez que les raisons pour lesquelles on prend une décisions sont au moins aussi importantes que la décision elle-même. Je n’emmènerai pas votre fils, même si vous m’y autorisez, tant que vous n’aurez pas trouvé au fond de vous les raisons de votre décision. » Sur ces mots, le Jedi et Sha reprirent leurs méditations communes tandis que Rish restait à patienter dans la salle voisine.

L’expérience fut renouvelée à plusieurs reprises dans les jours qui suivirent, mais Sha avait pris sa décision dès la première méditation. Elle voulait offrir à son fils l’avenir que ses capacités lui destinaient, un avenir dans lequel il pourrait apporter la paix à ceux qui, comme elle, avaient du mal à la trouver par eux-mêmes. Le maître Jedi fut une nouvelle fois rassurant, Loh ne serait pas emmené tout de suite mais après une période suffisante pour s’assurer du caractère définitif de la décision. Les parents de Loh étaient désormais déterminés dans leur choix, se promettant à eux-mêmes qu’ils ne commettraient pas l’erreur de rejeter leur fils dans le cas où sa formation n’aboutirait pas. Ils prenaient conjointement le temps nécessaire pour expliquer au petit Loh ce qui l’attendait. Il allait rejoindre une communauté qui lui apprendrait des choses qu’il n’apprendrait nulle part ailleurs. Mais leurs conversations visaient surtout à préparer l’échec, la plus grande crainte du père. Rish expliqua à son fils que même s’il ne parvenait pas à franchir toutes les étapes, il pourrait revenir sur Dorin car tout ce qu’il aurait appris serait utile. Il fallut tout de même expliquer à l’enfant qu’il ne pourrait pas revenir tout de suite, un demi mensonge visant à apaiser ses craints et forgé sur le pari qu’à l’âge où il pourrait nourrir le désir de revenir, il aurait suffisamment progressé dans sa formation pour comprendre que ce n’était pas forcément la meilleure chose à faire.

Un pari… C’était presque ce que les parents de Loh étaient en train de faire, ce que tous les parents d’enfants sensitifs faisaient lorsqu’ils confiaient leurs enfants à l’Ordre Jedi, celui que la voie sur laquelle ils les plaçaient était la bonne. Le plus difficile dans tout cela étant probablement de ne jamais vraiment savoir si le pari était gagné. Il n’était pas rare que Sha et Rish scrutent le ciel de Dorin en pensant à leur enfant, ne sachant toujours pas s’ils souhaitaient ou s’ils craignaient de le voir revenir.

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Loh Darl
Padawan Jedi
Dim 15 Déc - 23:52
Le pacte des premiers jours



« Je n’y arrive pas, maître. » Le padawan était dépassé par les exigences de son mentor. Il tenait pourtant son sabre laser le plus fermement possible, il essayait du mieux qu’il le pouvait de prévoir la trajectoire des tirs qu’il devait dévier. Krey Dalonn avait le regard sévère, il testait cet apprenti qu’il avait pourtant choisi. « Ta peur de l’échec trouble tes perceptions, il faut que tu parviennes à dompter tes émotions pour ressentir les fluctuations de la Force et contrer les assauts. » L’apprenti opina docilement mais sentait la fatigue le gagner. Les orbes virevoltaient autour de lui dans un ballet saccadé et disgracieux, elles tiraient sur le padawan masqué de manière aléatoire en faisant mouche plus souvent que le maître ne l’aurait espéré…

Krey Dalonn était un gardien reconnu de l’Ordre Jedi, une fine lame dont on prétendait qu’elle pouvait même tenir tête à Ben Sarro. Qu’est-ce qui pouvait bien l’avoir conduit vers ce padawan aux allures chétives, vers cet enfant trop prompt à confesser ses insuffisances ? Le vieux corellien ne saurait le dire lui-même. Il s’était senti guidé vers ce jeune Kel Dor en retrait lors des entrainements auxquels le maître assistait régulièrement. Les voies de la Force étaient mystérieuses, et ce mystère avait tous les airs d’un refuge pour les Jedi en mal d’explications. Krey Dalonn n’appréciait pas vraiment les mystères, il aimait se décrire comme un Jedi avec les pieds sur terre, bien ancré dans les réalités et finalement assez peu sensible aux perceptions les plus éthérées. Il avait pourtant décidé d’écouter un instinct nouveau en ce jour de sélection, un instinct qu’il avait réprimé lors de la guerre.
Était-ce la culpabilité qui avait conduit Krey Dalonn vers un padawan si différent de lui ? Le maître le craignait parfois, il craignait d’avoir choisi Loh Darl non pas pour ce qu’il était, mais pour ce qu’il n’était pas. Un choix dicté par le rejet pouvait-il être un bon choix ? Encore fallait-il savoir ce qui faisait l’objet du rejet. La réponse était relativement simple à formuler, mais encore difficile à accepter. Krey Dalonn ne formait pas son premier apprenti, il y en avait eu un autre qui l’avait accompagné sur le champ de bataille lors de la première phase de la Guerre des Clones. La relation avec ce premier apprenti était profonde, Krey Dalonn avait transmis à ce premier élève toute sa science en matière de maniement du sabre laser. Il échoua toutefois à prévenir l’émergence chez son apprenti d’un goût du combat, et la guerre fit le reste… Non, ce premier apprenti n’est pas au nombre des Jedi qui ont rejoint la Force durant le conflit, il est au contraire au nombre de ceux qui, selon Krey Dalonn, s’en étaient éloignés.

La République avait fait des gardiens de la paix les commandants de la guerre. En acceptant cette mission, l’Ordre avait sans doute commis le plus grand attentat contre lui-même. Chaque maître s’étant vicié d’un titre de général devait aujourd’hui regretter d’avoir sacrifié ses principes pour la préservation d’une République qui se défaussait de ses turpitudes sur l’Ordre qui l’avait servie. L’impitoyable politique remerciait le sacrifice des Jedi comme elle remerciait le sacrifice des soldats : honorés dans la victoire, salis dans la défaite. A son retour du front, lorsqu’il fut relevé de son commandement, Krey Dalonn avait du mal à réprimer sa rancœur. Il avait accepté l’idée que ses principes avaient été mis de côté, il s’était pardonné de ne pas avoir eu la détermination de refuser l’appel de l’Ordre à commander des troupes. Ce qu’il ne se pardonnait pas, en revanche, était ce qu’il considérait comme son plus grand échec : la perte d’un apprenti dans le goût de la guerre. Son erreur avait souillé son apprenti qui était aujourd’hui parmi les Jedi souhaitant rejouer un rôle actif dans le conflit, ces Jedi à la mémoire si courte et à la vue si trouble.

Loh Darl était donc tout ce que cet ancien apprenti n’était pas, et Krey Dalonn voulait peut-être faire amende honorable en initiant aux voies de la Force un individu dont l’empreinte ferait équilibre à l’apprenti qu’il avait laissé s’égarer. Quel poids sur les frêles épaules de ce Kel Dor malmené par les orbes d’entrainement. Était-il bien juste de faire peser sur cet enfant les erreurs du maître ? Krey Dalonn était perdu dans ses pensées, il ne faisait presque plus attention à son padawan luttant du mieux qu’il le pouvait pour le satisfaire. Ce fut un cri qui rappela le maître à ses obligations, un léger cri de douleur émanant du padawan en souffrance. Krey Dalonn arrêta les orbes d’un geste de main, ces dernières allèrent se poser délicatement sur leur poste de chargement. « C’est bon pour aujourd’hui. »

Loh désactiva son sabre laser et se laissa tomber sur le sol avant d’adopter une position plus convenable, en tailleur. Son arme lui semblait si lourde, il n’en trouvait pas la force de rechercher l’origine de sa douleur pour tenter de la soulager. Le jeune Kel Dor ne trouvait pas non plus de mot pour exprimer ce qu’il ressentait. Un maître l’avait choisi et lui ne parvenait pas à réussir le plus commun des exercices de maîtrise du sabre. Le sentiment d’usurpation qu’il pensait avoir vaincu au lendemain de sa sélection par le Conseil lui semblait revenir au galop, enclenchant un cercle vicieux de remords qu’il ne parvenait pas à maîtriser, principalement en raison de son épuisement. Est-ce que les maîtres pouvaient changer d’avis ? Pouvaient-ils renvoyer un padawan au rang de novice s’il apparaissait qu’il n’était pas digne de recevoir les enseignements d’un maître ? Loh n’osait pas poser la question car il craignait la réponse. Il ne savait pas quoi dire, il ne savait pas non plus quoi faire devant son maître qui observait un silence comparable. Krey Dalonn n’avait jamais été doué pour les paroles rassurantes, sa pédagogie était plus économe. Son air souvent impassible déroutait ses interlocuteurs et intimidaient les plus jeunes. Il ressentait pourtant la détresse de ce padawan essoufflé, il sentait le danger des émotions naissantes. Ce padawan embrassait trop rapidement l’échec, il n’en voyait que les aspects négatifs et n’en cultivait que les enseignements dévalorisants. C’était une pente glissante dont il appartenait à tout maître d’éloigner son apprenti.

Krey Dalonn s’approcha du Kel Dor et s’installa en tailleur en face de lui. Ce rapprochement physique traduisait quelque chose. Un maître détournant le regard aurait confirmé les craintes de son padawan quant à la déception qu’il pouvait inspirer. Seul un padawan pouvait imaginer qu’un maître se faisait une opinion de son apprenti en l’espace d’un seul exercice… Le jeune Loh Darl réfléchissait beaucoup, mais ses pensées n’étaient pas assez nuancées. « Que penses-tu de ta performance aujourd’hui ? »

La question était simple et Loh comprenait la manœuvre consistant à inciter l’apprenant à s’auto-évaluer. « Je ne sais pas si on peut vraiment parler de performance, maître. » Le jeune Kel Dor cherchait toujours, et peut-être trop, la bonne formule. Il s’y était risqué devant le Conseil, il s’y risquait devant son nouveau maître.

« Moi, je parle de performance. Et toi, de quoi parlerais-tu ? » Loh avait trouvé son maître, dans tous les sens du terme. Le padawan était gêné de sa tentative bien involontaire de vouloir paraître plus aiguisé que son propre maître. Il était surtout gêné de découvrir des facettes de lui qu’il n’appréciait pas vraiment, un orgueil que masquait finalement assez mal une extrême modestie, à moins que ce ne soit le contraire. « Je ne pense pas avoir réussi à satisfaire vos exigences, je ne maîtrise pas le sabre laser autant que je le devrais à ce stade de ma formation. Je suis désolé. »

« La tâche du maître serait tellement plus simple si son apprenti n’avait plus rien à apprendre. Krey Dalonn se laissait souvent aller à de petites phrases aux allures de proverbes. Le sérieux avec lesquelles il les énonçait leur enlevait toutefois toute forme de légèreté et il n’était pas difficile pour qui les écoutait qu’il était préférable de ne pas les oublier. Confesser ses lacunes n’a rien d’infamant, il n’y a pas à être désolé… en tout cas pas pour cette raison. » Fidèle à lui-même, Loh ne retenait que le reproche. Il y avait donc une raison d’être désolé, mais il ignorait laquelle.

« J’aurais aimé réussir cet exercice, pour vous satisfaire. » Krey Dalonn adopta une expression de surprise, une manœuvre tout à fait volontaire étant donnée l’impassibilité habituelle de son visage. Quelle était l’erreur cette fois-ci ? Loh avait l’impression de s’enfoncer à mesure qu’il parlait, aussi décida-t-il de rester silencieux en fixant le sol. Elle lui paraissait si lointaine cette audition auprès du Conseil, cet échange au cours duquel il avait eu le sentiment d’une révélation apaisante quant à la place qui lui revenait au sein de l’Ordre. En face de son maître, il avait le sentiment d’avoir tout perdu.

« Il est possible de ne pas atteindre un objectif, et il est possible de transformer cela en échec, jeune padawan. Aujourd’hui, tu n’as pas réussi à repousser les assauts des orbes d’entrainement : voilà le résultat objectif de ton exercice. Tu peux t’arrêter là et construire un échec, ou tu peux considérer, comme je le fais, qu’il ne s’agit que d’une étape de ta formation. Loh écoutait silencieusement, sans vraiment oser relever la tête. Il avait encore du mal à affronter le regard direct de son maître qu’il ne connaissait que depuis quelques jours. Ton erreur est de croire qu’un jour, tu cesseras d’apprendre. Mais aucun Jedi ne termine réellement sa formation, nous ne faisons que franchir des étapes. Chaque étape est un objectif que nous parvenons à atteindre ou non, mais un enseignement doit toujours en être tiré. » La formation d’un apprenti est une étape de la formation du maître dans une voie que le Jedi traverse de sa naissance jusqu’à ce qu’il rejoigne la Force. En expliquant les choses à son apprenti, Krey Dalonn pensait à ses propres échecs, et principalement celui qui le hantait depuis son retour du front. Le maître ressentait une forme d’apaisement, et alors il comprit pourquoi la Force lui avait pointé ce nouvel apprenti. Il ne s’agissait pas d’expier une faute, mais de trouver une nouvelle quiétude. Cette révélation intérieure contraignit le maître au silence pendant de longues secondes. Calmer les inquiétudes de ce nouveau padawan quant à sa propre peur de l’échec allait permettre à Krey Dalonn de se pardonner les siens. Lui, le maître, venait de recevoir une leçon alors qu’il pensait en dispenser une. Il aurait bien remercié son padawan, mais n’aurait sans doute reçu en réponse qu’un silence dubitatif. « Loh, Krey Dalonn n’avait que très rarement utilisé le prénom de son apprenti dans leurs échanges, cette route est la tienne et je ne suis là que pour t’accompagner sur la voie. Tu ne peux pas considérer ma seule satisfaction comme ton ultime objectif. La curiosité poussa Loh à relever la tête. Je suis ton maître, mais il ne faut pas te laisser abuser par le terme. La loyauté entre le maître et l’apprenti est réciproque. Mes obligations envers toi sont au moins aussi grandes, et peut-être même plus grandes, que tes obligations envers moi. »

Jamais les novices, entre eux, n’avaient eu cette conception du rapport entre un maître et son apprenti. Les échanges entre les futurs padawans portaient davantage sur le devoir d’obéissance du padawan, sur l’envie de chacun de satisfaire les exigences de celui auquel il serait lié pour de nombreuses années. Jamais avait-on expliqué au jeune Kel Dor qu’un maître devait également être dévoué à son apprenti. Il comprit alors toute l’importance que revêtait pour un maître la prise en charge d’un padawan. Il ne s’agissait pas seulement d’être un puissant Jedi ou un bon pédagogue, il fallait encore avoir pleinement conscience de la nature de ce lien. Cette leçon prenait la forme d’un pacte entre Krey Dalonn et ce second apprenti dont il comprenait quel rôle il jouerait dans son propre développement. Et peut-être un jour trouverait-il en lui la force de se confronter à son ancien apprenti pour lui confier ses regrets.

Loh se sentait inexplicablement galvanisé par ce discours. Il saisit son sabre qui lui apparaissait moins lourd, il le contempla en silence comme s’il était en train de se réconcilier avec l’objet. « Je ferai de mon mieux, maître. » Krey Dalonn acquiesça d’un geste de tête : « Moi aussi. »

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Loh Darl
Padawan Jedi
Lun 23 Mar - 17:45
Des questions sur la voie
Retour de mission



Le padawan Darl était rentré la veille de sa mission commune avec Tseh et le chevalier Gail. Le retour avait été calme, ponctué néanmoins des éructations du pauvre Tseh qui n’avait probablement pas besoin d’ajouter à ses blessures les intenses nausées dues au transport. Le Kel Dor ne ressentait nul besoin d’échanger davantage avec ses compagnons de mission, il était trop absorbé par ses propres pensées, par les derniers mots de Néro avant qu’elle ne disparaisse dans la fumée. Loh ne pourrait hélas pas répondre aux questions de la pirate sur les sensations qu’il avait éprouvées en sondant ses émotions, et quand bien même l’aurait-il pu que ses explications seraient demeurées très vagues. Les perceptions inédites du padawan étaient pour le moment au-delà de sa propre compréhension, difficile pour lui d’en rendre compte avec clarté.

Krey Dalonn accueillit son apprenti à son retour au Temple, de sa posture rassurante. En voyant son maître, le padawan se sentit à nouveau réellement protégé, et seule la décence l’empêchait de manifester tout son soulagement. La relation entre le maître et l’apprenti était irremplaçable, il y avait ainsi toujours une part de violence dans la décision prise de les séparer pour la tenue d’une mission extérieure. Loh était toutefois conscient que ce type d’épreuve était nécessaire pour préparer l’inévitable séparation, tout comme il était conscient que le soulagement ressenti indiquait clairement que le moment était loin d’être arrivé. Le padawan se présenta devant Krey Dalonn : « Maître… », mais l’humain interrompit les salutations d’une main délicatement posée sur son épaule. « Pas maintenant, Loh. Nous nous reverrons demain pour discuter. Cette nuit ne te sera pas de trop pour remettre de l’ordre dans tes souvenirs. Krey Dalonn n’était pas coutumier des témoignages d’attachement en dehors des moments où il était seul avec son apprenti, mais il fit cet effort comme pour atténuer la déception du jeune Kel Dor : Je suis soulagé que tu te portes bien. »

Ainsi les deux Jedi se séparèrent à la suite de ce modeste échange. Loh se retira dans sa chambre après un traditionnel examen infirmier, sans le maître Shei’la, à l’issu duquel aucune blessure n’avait besoin d’être soignée. Loh retrouva très rapidement ses marques, ce qui n’était guère surprenant puisqu’il avait été absent que pour quelques heures. Elles lui avaient pourtant semblé des mois, aussi le padawan chérissait-il chaque geste quotidien comme un petit bonheur retrouvé. Il se défit non sans satisfaction des vêtements qu’on lui avait dit de porter durant cette mission pour enfiler une bure Jedi propre. La sagesse populaire instruisait que l’habit ne faisait pas le Jedi et Loh se doutait bien que l’attachement qu’il apportait à cet uniforme n’était pas très raisonnable. Pourtant, la joie de le porter à nouveau était réelle. Fidèle à ses mauvais travers, Loh se demanda pourquoi… Était-il fier d’être un Jedi au point de vouloir le montrer à la face du monde ? Non, un tel sentiment ne serait pas digne des enseignements qu’il avait reçus. Il fallait sans doute inverser cette affirmation : il était suffisamment fier d’être un Jedi pour ne pas le cacher. C’était l’un des aspects de cette mission qui lui avait fortement déplu : devoir cacher sa condition de Jedi alors qu’il n’y avait, selon lui, aucune honte à faire partie de cet Ordre. Les raisons de cette dissimulation étaient aisément compréhensibles, mais l’Ordre devait-il ainsi entretenir l’incompréhension nourrie à son égard en avançant masqué ? Loh ne le pensait pas, sans doute avait-il tort. Allégé de ces petites réflexions, le padawan s’endormit sans trop de difficulté car le besoin de repos était important.

Le sommeil fut mouvementé et si, comme on le disait, les rêves aidaient à faire le tri dans les expériences du jour, il y avait fort à faire cette nuit-là. Loh avait traversé de nombreux états émotionnels durant sa mission. Il était d’abord le jeune homme des hauteurs perdu dans les bas-fonds, balloté sans ménagement par un camarade inconnu et bien mieux adapté, et sans doute un peu submergé par la misère environnante. Il s’était mué ensuite en petit aventurier téméraire, ce qu’il ne pensait pas être. Loh avait tué durant sa mission, et un rêve d’une rare violence le lui rappela avec vigueur. Loh avait aussi embrassé la part de lui qui avait soif de connaissance, une soif qu’il était nécessaire de dompter au risque d’en devenir l’esclave. Les rêves ne se prêtaient pas à la nuance, aussi chaque Loh qui avait participé à cette mission était presque une caricature des sentiments réellement éprouvés, autant de démons à exorciser lors de l’entretien à venir.

Le maître et l’apprenti avaient coutume de se retrouver dans l’une des nombreuses salles de méditation du Temple. Ils avaient pris cette habitude durant la formation de Loh qui restait un padawan très porté sur les épreuves mentales. Krey Dalonn, éminent Gardien, avaient adapté ses propres méthodes pour encadrer au mieux ce padawan qu’il s’était étrangement choisi. La fine lame qu’il était avait rangé son sabre laser pour méditer davantage, mais sans se renier toutefois. Krey Dalonn avait contraint Loh à des exercice physiques beaucoup plus réguliers, non pas pour épuiser son padawan, mais pour lui montrer qu’un Jedi devait aussi être en harmonie avec son environnement. Il était nécessaire pour cela de ressentir les choses, pas uniquement au travers de la Force, mais également au travers de ses autres sens. « La Force n’est pas une béquille, trop de Jedi s’atrophient en se reposant excessivement sur Elle » avait coutume de répéter le maître, et Loh ne voulait pas faire partie de cette nouvelle espèce d’égarés.

Krey Dalonn interrompit la méditation du padawan en pénétrant dans la pièce. Il s’installa calmement en face de son apprenti pour que ce dernier lui fasse le rapport de sa mission. Ce qui intéressait le maître était le ressenti de son padawan, ce n’était pas une phase procédurale mais bien une étape de formation, même si la formation ne cessait jamais vraiment. Krey Dalonn avait raison la veille, et si l’échange avait pu être décevant sur le coup, Loh comprit l’intérêt de remettre à plus tard le moment du partage. La nuit n’avait pas été particulièrement apaisante, mais elle avait permis de remettre les faits en place.

Loh débuta le récit par l’arrivée des trois Jedi dans les bas-fonds, le moment où Gail déposa les padawans dans la rue pour débuter leurs recherches. C’était le moment où Loh s’était senti le plus perdu, ce dont il s’ouvra à son maître. Krey Dalonn avait toujours la mine sérieuse, il trouva les mots pour rassurer :

- « Personne n’a vu tout l’univers, Loh. Tu continueras toute ta vie durant à découvrir de nouvelles choses. A chaque fois que tu te sens perdu, dis-toi que c’est parce qu’il te reste des choses à découvrir.

Loh évoqua alors son partenaire, Tseh, qui lui semblait en revanche très adapté au milieu particulièrement hostile des bas-fonds. Le Kel Dor s’était senti inutile à ce moment, voir handicapant pour le groupe. Le maître interrompit car il sentait que le padawan cachait quelque chose, pas au maître, mais à lui-même :

- Il est important que tu saches à quel moment tu ressens, et à quel moment tu raisonnes. En m’évoquant la gêne que tu pensais être pour le groupe, tu te masques une vérité. Loh réfléchit un instant, et vit d’un coup la cible du maître. Le padawan était toujours habitué d’un mauvais esprit de compétition et le confessa.

- Sans doute avais-je en réalité l’impression d’être… moins doué que Tseh. Partagé entre honte et soulagement, le padawan baissa les yeux pour réfléchir, et peut-être aussi pour fuir le regard de son maître.

- Il est naturel de se comparer à ses semblables, Loh. Ne t’en veux pas d’être porté à le faire car tu cultives alors un sentiment de culpabilité néfaste. Les premiers mots du maître étaient souvent destinés à rassurer le padawan. Loh prenait souvent ses imperfections pour des indignités, il était important pour Krey Dalonn de réconcilier son padawan avec ses imperfections, ses défauts, qui étaient impossible à dissocier de son être. Ce que nous apprenons ici, c’est à dresser un bilan constructif de cette comparaison. Tu as des défauts et des qualités, tout comme ton camarade, tout comme moi et tout comme le maître Cadalo lui-même… Les qualités de ton camarade étaient plus utiles à ce stade de la mission, les tiennes l’ont été à un autre stade. Nouvelle pause de la part du maître, cette fois-ci en vue de généraliser le propos : L’égo ne peut pas être ignoré, ceux qui dépensent trop d’énergie à le refouler lui donnent en réalité un poids déterminant dans toutes leurs décisions. »

Le temps suivant du récit fut consacré à l’épisode du bar, ce moment où Loh avait sentit que l’initiative avait changé de camp. La modestie du padawan quant à ce premier volet de la mission masquait peut-être en réalité une vanité naissante car Loh se prit à considérer qu’il avait eu un rôle plus moteur dans le groupe. A partir du moment où il avait été enfermé par Tseh dans une cabine de toilette, Loh avait peut-être laissé ce fameux égo prendre le dessus, le conduisant à des comportements d’une inhabituelle violence. Le tenancier du bar en fut la première victime, et pas la moins chanceuse…

- « Serait-il possible, maître, que je ne sois pas aussi… pacifique que je le prétends ? Loh était sincèrement inquiet car il restait difficile de réellement savoir quelle part de son être commandait telle ou telle trait de caractère. Soit Loh était d’un naturel violent, auquel cas il ne pouvait pas être un bon Jedi, soit Loh avait appris à être violent, et peut-être même à cause des moyens exceptionnels que lui offraient sa formation, auquel cas… il ne pouvait pas être un bon Jedi. Krey Dalonn devait stopper la spirale qu’il sentait naître dans l’esprit de son padawan.

- Tu t’es construit jusque-là essentiellement dans une bulle de protection, que ce soit celle que constitue le Temple ou celle que je constitue moi-même.
C’est une phase de l’enseignement Jedi que de forger les principes qui doivent nous guider, c’en est une autre que de les confronter au monde réel. Tu l’as fait par le passé, et ta mauvaise expérience nous a conduit à davantage de prudence.
Je t’ai laissé partir pour cette mission car j’estime que tu es prêt à te mesurer au monde sans que je sois toujours à tes côtés.

Le discours du maître ne répondit que partiellement aux interrogations de Loh qui avait besoin qu’on entre un peu plus dans son être.

Chaque Jedi en mission doit déterminer quand mettre en avant les principes de notre Ordre, et quand agir en vue de leur préservation. Mais ce serait une erreur de croire, et certains le font, que mettre en avant un principe est suffisant pour le préserver : parfois, se battre est nécessaire pour préserver la paix. Le plus important n’est pas tant l’action que les ressorts internes de l’action et, surtout, de ne jamais se mentir à soi-même. Un Jedi peut commettre des erreurs, mais il ne doit jamais les cacher. Toujours pas ? Le maître le perçut au silence du padawan. Il se résolut alors à passer le palier supérieur, son apprenti avait davantage besoin de réconfort que d’une leçon.

Loh, je serais capable de jurer au maître Cadalo lui-même que tu as tout fait pour que prévalent les principes Jedi avant d’agir en apparente contrariété avec eux. Et quand bien même tu aurais mal agi, notre conversation prouve que tu ne chercheras jamais à le dissimuler. Tu es ce qu’un maître peut espérer de mieux : pas un padawan parfait, mais un padawan digne de confiance. »

Le maître avait été inhabituellement prolixe, sans doute incité par les silences du padawan. Loh reprit son récit, légèrement gêné du sentiment qu’il avait d’être parti à la pêche aux compliments mais néanmoins persuadé que personne dans toute la galaxie n’aurait le pouvoir de faire dire à Krey Dalonn ce qu’il ne voulait pas dire.

Le rapport en était maintenant à la transition entre le bar et la base des Hell’s Blade qui détenaient Antonov Gibral. Loh confessa une nouvelle incertitude, celle relative au moment où il aurait été convenable d’arrêter l’exploration pour laisser les autorités compétentes agir. Était-il bien opportun, en effet, de laisser deux padawans pénétrer dans la base d’une bande de criminels alors que leur mission était simplement de localiser Gibral ? Ce doute avait habité Loh à plusieurs moments lors de leur mission, et de manière plus insistante encore lorsqu’il se trouvait dans la base. Loh s’en voulait de blâmer le chevalier Gail, il ne voulait pas causer d’ennui à celui qui était censé encadrer les padawans, ce que le maître rectifia :

- « Protéger les padawans… Si vous n’avez pas eu le sentiment d’être protégé durant cette mission, c’est que le chevalier Gail a sans doute en partie failli. Mais je t’invite tout de même à une certaine humilité, Loh. Tout comme Gail n’a pas pu voir tout ce que vous avez dû faire, vous n’avez pas pu voir tout ce qu’il a dû faire. Nous devons partir du principe que chaque membre du groupe a fait au mieux, et progresser à partir de là.

- Mais pourquoi des padawans ? Loh avait besoin de comprendre pourquoi on avait envoyé deux padawans dans cette mission, et non pas deux chevaliers. Gail était présent, pourquoi ne pas lui avoir associé un partenaire aussi expérimenté que lui ?

- A vrai dire, nous ne pensions pas qu’il aurait été nécessaire de faire davantage qu’explorer les rues des bas-fonds. Le zèle du chevalier Gail a permis localiser Gibral avec davantage de précision, sans doute au prix d’une prise de risque qu’il aurait été opportun d’éviter. « Très opportun », ne peut s’empêcher de penser Loh. Mais, l’expérience acquise ne doit pas être niée. Et si je ne doute pas que tu as traversé quelques difficultés, je ne doute pas non plus qu’une part de toi se dit qu’interrompre la mission plus tôt t’aurait privé de nombreux enseignements. »

Là encore le maître avait vu juste, car tout le négatif que Loh essayait de voir ne masquait pas totalement le positif. Certes, le padawan avait usé de la force durant cette mission et si cet usage devait être questionné, il prouvait aussi, plus prosaïquement, qu’il en était capable. L’une des craintes de Loh était de se trouver paralyser dans le feu de l’action, et preuve avait été faite qu’il était au contraire capable de réagir comme il fallait pour garantir sa sécurité et neutraliser certaines menaces.

Le contemplatif Loh Darl avait évolué durant cette mission et, si sa voie restait celle des consulaire, il n’était plus aussi certain de son orientation définitive. La réflexion du maître sur les principes et les actes nécessaires pour les sauvegarder fit réfléchir le padawan. Ce serait trop simple si les docteurs de la pensée n’avaient pas à appliquer leur propre philosophie… Ils pourraient dans ce cas énoncer n’importe quoi en laissant à d’autres la charge de rendre leur dogme applicable. Celui qui dit à quoi devrait ressembler le monde devrait participer à ce qui s’y passe, ou bien garder ses préceptes pour lui.
Que vaudrait un Jedi simplement capable d’énumérer des maximes bien intentionnées s’il laissait à d’autres la délicate mission d’en préserver l’existence dans le monde réel ? Lui-même se préserverait de toute impureté en chargeant les autres de compromettre leur intégrité.

Celui qui tient l’épée pour préserver la paix ne serait que violence s’il n’avait pas conscience des principes à préserver, et celui qui prône la paix sans l’épée ne serait que vanité à considérer que son prêche suffirait. Un véritable Jedi devait être à la fois prêcheur et acteur, consulaire et gardien…
Le caractère contemplatif du padawan Loh Darl n’était peut-être qu’une étape de son développement : contempler d’abord, comprendre ensuite et agir enfin.

Loh se perdit dans ses pensées. Il se souvint de son expérience de distribution de riz, et de ce qu’il avait manqué pour éviter la violence. Le padawan avait eu les bons mots, son maître l’avait confirmé, alors pourquoi les balozars ne s’étaient pas laissés convaincre ? De même, Loh s’était retrouvé incapable de convaincre face au pirate Oneye. Pourquoi cette imperméabilité à la raison ? Peut-être était-il vain d’argumenter avec certaines personnes, non pas qu’elles ne le méritaient pas, mais leur vécu les rendait imperméables à certains arguments, tout comme le vécu du padawan le rendait imperméable à d’autres. Mais si les mots n’avaient aucune puissance, les Jedi ne devraient-ils pas cesser de parler ? Que fallait-il pour être écouté ? Loh formula cette question, comme un aparté :

- « Est-ce condamnable de vouloir devenir plus fort ? Krey Dalonn n’avait pas eu tout le prélude à cette question, aussi un levé de sourcil trahit-il son incompréhension. Il pouvait bien répondre à cette question, mais avait besoin de détails pour comprendre ce qui tracassait réellement son padawan. J’ai l’impression que les gens n’écoutent que lorsqu’ils n’ont pas le choix… Est-ce qu’un Jedi doit nécessairement inspirer une forme de peur pour être écouté ?

- C’est une bonne question. Le constat est général, pas uniquement réservé au cas des Jedi. Les gens n’écoutent, en situation de conflit, que lorsqu’il pense ne pas avoir la puissance d’ignorer. Mais dans notre cas, la puissance est dangereuse…
La vraie question pourrait être de savoir à quel point un Jedi doit faire le nécessaire pour être écouté. Nous dispensons notre philosophie, mais nous ne devons pas nécessairement mesurer notre succès au degré d’adhésion qu’elle suscite chez un seul individu, d’autant plus s’il est coutumier de la violence.
Ce que je veux dire par là, Loh, est que tu ne pourras pas convaincre tout le monde. En réalité, tu convaincras bien peu de monde dans ton existence car tu seras majoritairement confronté à des individus qui ne peuvent pas partager ta vision des choses, notamment à raison de leur propre vécu. Alors le mieux que nous puissions faire est de dispenser quand même notre parole et de voir si, à cet instant, une fenêtre s’ouvre.

Krey Dalonn marqua une courte pause, il pouvait maintenant répondre à la première question du padawan sur la recherche de puissance.

Les enseignements Jedi condamnent la recherche de puissance, mais il est vrai que le vécu montre qu’à mesure que nous gagnons en expérience, nous sommes de moins en moins contraint d’utiliser la force. C’est un paradoxe auquel nous sommes tous confrontés… Il nous pousse à réfléchir sur ce que doit être la puissance pour un Jedi. Tu remarqueras que j’ai parlé d’expérience, et non de puissance. L’éventuelle puissance d’un Jedi n’est qu’une conséquence de son travail, de son vécu.

Ne recherche à devenir plus fort, essaye simplement de consolider tes fondations. L’Ordre Jedi est un rempart, nous sommes là pour défendre, et c’est grâce à la solidité des enseignements de chaque Jedi que nous demeurons forts collectivement.


- Et peut-être que je pourrais éviter le pire… J’ai tué quelqu’un, maître. Loh s’en rappela encore une fois, partagé entre la volonté de refouler et celle de ressentir.

- Oui, parfois les circonstances nous poussent à cette extrémité. Rappelle-toi des vies perdues sur ton chemin, aucune n’est insignifiante. Médite à la mémoire de celui que tu as été contraint de tuer, si cela t’aide. Le padawan interrompit le maître, sans doute pour la première fois.

- Je ne connais même pas son nom, j’ai agi par pur automatisme pour permettre à tout le monde quitter la base où on allait se faire tuer… Comment je peux me souvenir de quelqu’un que je ne connais même pas ? Le traumatisme s’intensifiait à mesure que Loh en parlait, Krey Dalonn lui-même sentit les émotions monter.

- Doucement, Loh… Doucement. Le maître ferma les yeux, incitant par ce geste son apprenti à faire de même. Respire calmement, il n’y a rien que tu puisses faire maintenant. La culpabilité est tout à fait naturelle, c’est l’inverse qui m’aurait perturbé. Maître et apprenti se donnèrent quelques minutes de silence. Il était difficile de savoir si un échange avait eu lieu à ce moment, où si Loh était en train de s’imprégner de la sérénité de son maître. Le silence était apaisant, Krey Dalonn le ressentit et trouva l’instant propice à la reprise de la conversation. N’oublie pas ce traumatisme, il est le gage de ton intégrité morale. Mais sous aucun prétexte tu ne dois le laisser t’envahir, même si cela peut prendre du temps. N’hésite jamais, jamais, à m’en parler dès que tu en ressens le besoin. »

La sortie de la base était l’avant-dernier acte de la mission, celui au court duquel Gail avait enfin rejoint les padawan, mais celui qui précédait la rencontre avec Néro. Loh avait bravé l’autorité représentée par le chevalier Gail pour tenter de ne pas perdre le lien avec Gibral, mais aussi parce qu’il savait ou pensait savoir que la femme qu’il allait poursuivre serait plus facile à atteindre. Gail fit confiance au padawan, ce dont il se souvint maintenant, non sans se sentir coupable de ses critiques antérieures, et Loh se retrouva en face de Néro. Et vint alors le dernier épisode, celui de l’épreuve d’empathie et de ce qui s’en était suivi. Loh expliqua à son maître ce qu’il avait ressenti, qui ne pouvait être qu’une émotion car il ne savait rien percevoir d’autres, mais impossible à interpréter. Loh s’était senti emporté, comme par le passé, mais par de la colère. C’était comme un larsen intense, a priori illisible, mais plus Loh y repensait, plus cela pouvait prendre forme. Sans exagérer la comparaison, il y avait quelque chose du plat très acide goûté pour la première fois et dont les autres saveurs tendaient à se révéler quand on se remémorait la sensation éprouvée.
S’il s’agissait bien d’émotions, elles n’étaient pas contrôlées, ni mesurées. Comme si la vie n’avait commencé à les modérer que depuis peu de temps, un peu comme les enfants. Loh continuait de nager en plein mystère, il espérait beaucoup de son maître mais craignait une légère déception.

- « Je n’ai jamais entendu aucun Jedi évoquer les sensations que tu m’évoques… Et ce qui m’intrigue encore plus est que tu n’as pas l’air d’avoir toi-même éprouvé cela lors de tes premières expériences d’empathie, ce qui tend à signifier que ce ne sont pas tant des émotions inconnues qu’une source inconnue. Le maître se frotta le menton, le visage marque d’une inhabituelle perplexité. Tu es sûre que cette femme n’était pas sensitive ? Cela pourrait expliquer le blocage, au moins partiel.

- Elle rencontrait des Jedi pour la première fois, et ne semblait pas connaître la Force.

- Mais cela ne signifie pas qu’elle n’est pas sensitive, juste qu’elle n’a pas suivie l’enseignement Jedi et n’a pas été baignée dans une culture républicaine, ou suffisamment proche des centres républicains pour connaître l’Ordre Jedi et le nom qu’il a donné à un phénomène que d’autres désignent autrement.

- Oui, mais je n’ai pas eu le temps d’en apprendre davantage. Le chevalier Gail est arrivé, sans doute avec les meilleures intentions du monde, mais elle a fui. Loh ne pouvait pas dissimuler ses regrets, il avait fini par renoncer à poursuivre sa recherche sur Néro quand bien même la décision était sans doute la bonne à l’instant où elle avait été prise… ou contrainte. Existe-t-il un moyen de la retrouver ?

- Tu m’as dit que cette sensation était également désagréable pour elle et, même si son intérêt est évident au regard des ultimes questions qu’elle t’a posées, il faut respecter son choix. Les pirates ne sont pas conduits à faire confiance aux Jedi, tout comme les Jedi sont souvent contraints, peut-être à regret, de se méfier des pirates. Elle a sans doute craint une détention, et ne voulait pas prendre le risque de compromettre sa liberté, même pour en savoir davantage sur elle.
Et Gail, qu’a-t-il pensé de toute cela ?
Le padawan fut gêné par la question, car il ne s’ouvrait sur son expérience avec Néro que pour la première fois.

- Je ne lui en ai pas parlé. Je crois que j’avais également peur de compromettre sa liberté…

- Je vois, mais nous n’avons au Temple aucun laboratoire secret dans lequel nous enfermerions des cobayes non consentants. Cette jeune femme ne courrait aucun risque, du moins sur ce plan. Je ne peux pas garantir que la police de Coruscant aurait accepté que nous conservions sous notre garde très longtemps une personne liée, même de loin, au dossier Clayton Phils. Krey Dalonn ne masqua pas une moue dubitative, elle trahissait la présence de cette crise de confiance entre la République et l’Ordre Jedi.

- J’aurais aimé pour la rassurer sur ce point, mais à niveau de padawan, c’était impossible.

- Tu as fait preuve de sagesse en ne formulant aucune promesse que tu n’étais pas certain de pouvoir tenir. Je sais qu’un jour tu auras au sein de l’Ordre la reconnaissance suffisante pour que tes initiatives soient reconnues, il faut dans cette attente rester humble et continuer d’apprendre. Krey Dalonn fit ensuite mine de se lever pour mettre fin à l’entretien. Le padawan resta quant à lui immobile, le maître s’en étonna : Oui ?

- Je ne chercherai pas à la faire venir au Temple contre son gré, je l’ai bien compris. Mais la Force nous permettrait-elle de la retrouver, ou même de savoir si elle va bien ?

- Oui, mais pas à ton degré de maîtrise. Tu as ressenti quelque chose d’unique en sondant ses émotions, et cette sensation est le lien qui te permettra de ne pas la perdre. Néanmoins, tu n’as pas encore les connaissances et l’expérience nécessaire pour exploiter ce lien. Krey Dalonn se dirigea vers la sortie de la salle de méditation, mais ne voulait pas quitter la pièce sans une note plus encourageante. Mais cela ne signifie pas nécessairement que tu ne la reverras jamais. Tu n’as pas encore les moyens de savoir où elle se trouve, mais l’inverse n’est pas vrai. »

Tout n’avait pas forcément dit durant cet échange, mais le principal avait été évoqué, surtout tenant au ressenti du padawan. C’était bien là l’objectif de l’échange car le temps du rapport plus officiel viendrait bientôt, celui durant lequel Loh devrait rendre compte, sans doute pas seul, des résultats objectifs de cette mission : Antonov Gibral n’avait pas été récupéré par l’Ordre Jedi comme espéré, mais pas un groupe de pirates sur lesquels les informations étaient minces. Minces, mais pas inexploitables car l’un d’eux avait visiblement croisé la route de Keyda Fell et s’en était ouvert aux padawans qui pourraient sans doute rencontrer l’éminente membre du Conseil pour lui transmettre cette information.

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