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[RP libre] Les orphelins du Temple
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Loh Darl

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Loh Darl
Padawan Jedi
Ven 3 Avr - 16:34
Le quotidien avait repris au Temple avec cette monotonie rassurante qui offrait à Loh le loisir de se livrer aux activités qui lui plaisaient le plus. La journée type d’un padawan était partagée entre les entrainements avec son maître et les heures de travaux personnels orientés selon les appétences de l’apprenti. Krey Dalonn contraignait son padawan à des entrainements physiques car l’objectif du maître demeurait le comblement des lacunes sur ce point précis. Le maître Jedi avait d’ailleurs remarqué une évolution dans l’appréhension de ces exercices par son apprenti. Loh s’y trouvait de plus en plus à l’aise, non pas tant en raison de progrès physiques exceptionnels, mais en raison d’une forme d’adhésion nouvelle à ces pratiques qu’il tenait auparavant comme moins essentielles à la formation du Jedi. Les expériences récentes du padawan dans le monde extérieur avaient fini de le convaincre qu’un Jedi ne pouvait pas être uniquement un philosophe, et que la philosophie sans l’action était aussi condamnable que l’action sans philosophie.

Loh occupait son temps libre aux archives du Temple grâce aux entrées que son maître lui avait garanties. Leur ancienne discussion sur la nature de la divination avait conduit le jeune Kel Dor à quelques recherches sur le sujet. Sous la supervision attentive du maître archivistes, Loh eut même la rare opportunité de consulter un ancien holocron Jedi. C’était la première fois qu’il avait été autorisé à manipuler ce type d’objet, la découverte n’en fut pas aisée et Loh mentirait en affirmant avoir beaucoup de choses sur la divination ce jour-là. Mais la journée fut loin d’être perdue car il avait été sensibilisé à la manipulation d’un nouveau support de connaissance, et nul doute que, pratique aidant, il saurait en tirer beaucoup de choses à l’avenir.

La salle des archives n’était pas l’unique endroit propice à la réflexion. Loh passait un temps non négligeable dans les salles de méditation du Temple, seul quand cela était possible, mais parfois accompagné d’autres padawans ou novices. Il était toujours agréable pour Loh de croiser des Jedi plus jeunes que lui. Il aurait aimé pouvoir dispenser certains conseils, mais il ne s’en sentait pas la légitimité. Quand des membres de l’Ordre plus jeunes venaient lui poser des questions, ce qui restait très rare, Loh se contentait bien souvent de réponses dont il soulignait avec insistance qu’elles étaient inspirées par sa très courte expérience et qu’il était préférable de consulter un chevalier ou un maître. Les novices étaient toutefois rarement seuls, et Loh lui-même se souvenait de cette période par si lointaine de sa vie. C’était une étape de la formation Jedi qui se déroulait essentiellement en communauté, ce dont Loh ne gardait pas un souvenir inoubliable. Le jeune Kel Dor qui supportait mal la comparaison avec autrui n’avait pas su donner à cette étape de la formation tout l’intérêt qu’elle aurait pu revêtir, et une part de lui-même le regrettait parfois. Il s’y était toutefois tissé une amitié alors solide, mais visiblement pas assez pour résister à la séparation. Le Temple était suffisamment vaste pour que deux novices finissent par se perdre de vue, quand bien même le lien était réputé inaltérable.

Les couloirs se révélèrent comme des lieux de réflexion inattendus. Loh s’y perdait souvent entre deux destinations, non par manque de sens de l’orientation, mais par volonté de rester dans ses pensées un peu plus longtemps. C’est dans un couloir qu’il repensa à son expérience de distribution de riz, sa première mission extérieure parfaitement solitaire. Elle n’eut pas un dénouement heureux, ni pour lui, ni pour ceux auxquels il s’était opposé. La distribution avait en effet été interrompu par une bande de malfrats qui voulaient s’accaparer la nourriture pour eux-seuls. Loh avait alors fait le choix de la confrontation, sans l’inverse de ce qu’il aurait prédit quelques temps plus tôt. La réalité des faits l’avait contraint à un choix inattendu, sans doute incompatible par bien des aspects à la doctrine Jedi. Ou bien ce choix n’était-il qu’en contradiction apparente avec la doctrine ? C’est à ce type de conclusion que Loh arrivait de plus en souvent lorsqu’il repensait à ses expériences, éclairées des enseignements de son maître. Le Kel Dor avait passé la majorité de sa vie dans le Temple Jedi, dans le temple de son esprit, à cultiver des principes au point de penser que leur seule énonciation suffisait à les rendre réels. Les Jedi, gardiens de la paix et promoteurs de justice, ne pouvaient pas se contenter de prêcher la bonne parole, et encore moins s’ils n’étaient pas prêts à se battre pour que prévalent leurs enseignements.

Loh repensa alors à la guerre qu’il n’avait vécu qu’au travers des regrets de son maître. Les Jedi qui s’étaient résolument engagés dans le conflit n’avaient-ils pas eux-mêmes été conduits à la même conclusion ? Si les Jedi devaient être prêts à défendre leur doctrine pour lui permettre de prévaloir, n’était-il pas alors parfaitement légitime de revêtir les habits de généraux ? En toutes choses la mesure était délicate à trouver. Les remords de Krey Dalonn tendaient à montrer au jeune padawan que les Jedi étaient allés trop loin, mais si les maîtres eux-mêmes n’avaient pu le mesurer avant d’agir, il paraissait impossible pour un simple padawan d’éviter l’erreur. Les gardiens de la Lumière n’étaient peut-être eux-mêmes pas très bien éclairés.

Les suspicions des autorités civiles devenaient alors plus compréhensibles, et la tentation de les condamner s’apparentaient à une forme de mauvaise foi. L’Ordre ne pouvait toutefois pas accepter sans réserve tous les blâmes qui lui étaient adressés. C’était déjà un pas dans la direction de l’anéantissement que de porter seul le poids des revers subis, c’était aussi donner trop de crédits à des autorités dont la probité était étrangement beaucoup plus mise en doute et beaucoup moins mise en cause. Les peuples de la République nourrissaient beaucoup d’appréhension à l’égard de la classe politique républicaine de Coruscant, éloignée de leurs préoccupations, soi-disant gangrénée par la corruption et tenus à des agendas secrets. L’Ordre Jedi avait longtemps été une institution digne de confiance, et il était difficile de ne pas voir dans la méfiance des autorités républicaines une opportune méthode pour atténuer l’usure de leur propre blason. Les torts étaient au moins partagés entre l’Ordre Jedi et les autorités politiques de la République, mais de ces deux groupes, un seul semblait disposé à les reconnaître.

Les pensées vagabondes du Kel l’avaient accompagné jusqu’à une salle de médiation dans laquelle il rejoignit son maître, déjà en position. Krey Dalonn avait lui-même appris à redonner à la méditation tout le rôle central qu’elle devait tenir dans la vie du Jedi, lui le Gardien qui avait passé tant d’années de sa vie en dehors de Coruscant. Éminent chevalier puis maître de l’Ordre Jedi, Krey Dalonn étaient de ceux qui avaient parcouru la Galaxie jusque dans les bordures les plus extérieurs de la République pour y conduire des missions de nature très diverses. Le maître n’en faisait pourtant par le récit, ou alors de manière très succincte. Il avait parfois une attitude de vieux soldat qui avait décidé de laisser ses expériences passées là où elles devaient être pour apprécier un présent plus calme. La posture de Krey Dalonn ne trahissait en revanche aucune faiblesse, et le fauve endormi était parfaitement capable de se réveiller si les circonstances l’y contraignaient.

Découvrant son maître déjà à l’ouvrage, Loh entreprit de s’installer silencieusement en face de lui dans l’objectif de ne pas l’interrompre. C’était sous-estimer les perceptions aiguisées du maître qui salua son apprenti d’un mot rapide et quelque peu réprobateur… Loh s’était en effet présenté avec quelques minutes de retard, et cela ne semblait pas être la première fois. Krey Dalonn n’ignorait pas les détours que pouvait prendre son padawan dans les chemins qu’il empruntait, et ce n’était pas une métaphore. Loh tendait à délibérément choisir des itinéraires plus longs que nécessaire pour apprécier davantage ces moments de transition propice aux égarements d’une autre nature. Le maître Gardien, souvent martial dans ses habitudes, avaient étrangement trouvé la patience de se faire à cette mauvaise manie de son apprenti, sans manquer toutefois de lui signifier ses retards en commençant la méditation seul, par exemple. « Heureux que tu aies décidé de me rejoindre. »
Krey Dalonn était par habitude économe dans les mots. Il ne se livrait aux discours un peu plus longs que dans l’objectif de satisfaire les besoins de son apprenti. Le premier padawan de Krey Dalonn avait été formé dans la voie des Gardiens, comme cela était de pratique usuelle au sein de l’Ordre. Les Gardiens formaient des Gardiens et les Consulaires formaient des Consulaires. Pour les Sentinelles, c’était toujours un cheminement plus complexe… La Sentinelle est le produit d’un équilibre et il était paradoxalement assez rare qu’un maître Sentinelle parvienne réellement à former un apprenti qui suivrait exactement la même voie. La fine crête sur laquelle les Jedi Sentinelles avançaient sur la voie n’était pas évidente à conserver tout le long d’une formation, si bien qu’un apprenti finissait presque toujours par tomber du côté des Gardiens ou du côté des Consulaires. A l’inverse, il pouvait arriver qu’un apprenti mis sur une voie finisse par trouver dans l’autre quelques préceptes dont il imaginait qu’elle lui permettrait de devenir un Jedi plus accompli. De cette complexe alchimie pouvait naître, presque par hasard, un nouveau Jedi qui suivrait la voie des Sentinelles. Loh pensait être dans ce type de cheminement : Consulaire de par ses appétences et ses capacités, l’apprenti Kel Dor commençait à entrevoir tout l’intérêt de l’enseignement des Gardiens. Loh voulait devenir un Jedi aussi complet que possible, non pas dans une recherche quelconque de puissance, conformément aux avertissements de son maître, mais dans une recherche d’équilibre.

Les séances de méditation étaient de durée variable, mais il n’était pas rare qu’elles se prolonge jusqu’à la tombée de la nuit. Certes, le concept de nuit était tout relatif sur Coruscant car la ville ne dormait jamais, mais il restait un repère temporel que les espèces conscientes avaient gardé par-delà les déraisons de la civilisation. Il arrivait que Loh interrompe sa méditation avant son maître en raison de sa moindre capacité à prolonger son état de concentration, et se trouve ainsi contraint à patienter en silence que Krey Dalonn revienne à son tour. Le train de pensée du padawan profitait de ce silence pour repartir encore une fois, et ce fut à nouveau la distribution de riz qui occupa son esprit.
La bande de malfrats qui avait tenté de subtiliser la nourriture semblait être sous le commandement d’un enfant, probablement à l’abandon. Loh avait mutilé le chef Balosar, sans doute traumatisé l’enfant au passage, mais jamais il n’avait vraiment eu l’occasion de comprendre cette situation dans sa globalité. L’Ordre Jedi qu’il avait représenté durant cette triste péripétie n’avait pas ramené l’ordre, mais semé le chaos. Cette expérience avait le goût d’une mission inachevée, c’était sans doute la raison pour laquelle elle ne cessait de se rappeler à lui. Ainsi, quand le maître ouvrit les yeux, Loh ne manqua pas l’occasion de le questionner.

- « Maître… J’aimerais m’occuper de la distribution de riz une nouvelle fois.

Krey Dalonn, incrédule, afficha cette mine dubitative et lourde de sens qu’il avait l’habitude d’offrir à son apprenti lorsqu’il voulait feindre une forme d’étonnement.

- Tiens donc. Et pourquoi cela ?

Loh se souvenait des premières paroles de son maître quant aux petites tâches assumées par l’Ordre, il se souvenait que les Jedi avaient perdu le sens des petites actions simples, trop occupés qu’ils étaient devenus à regarder aux confins de la Galaxie. Le padawan, voulait à son échelle, faire honneur à cet enseignement. Il ne voulait pas que sa distribution de riz n’en devienne, du fait qu’il n’y en ait aucune autre, qu’un aspect de son histoire personnelle. Loh voulait au contraire que la distribution de riz devienne importante par elle-même, et la répéter pourrait y contribuer.

Toutefois, cette intention se trouvait en conflit avec une autre que Loh estimait utile pour lui et donc bien moins noble. Loh aurait aimé achever sa mission, c’est-à-dire comprendre l’histoire de l’enfant à dos de Balosar et pourquoi pas réparer les torts qu’il avait causés.

- En ne le faisant qu’une seule fois, j’aurais le sentiment de m’être servi de cette expérience à des fins purement personnelles… J’aimerais me convaincre que j’ai distribué le riz avant tout pour les autres, et pas pour moi. Loh marqua une pause à cet instant que son maître respecta, Krey Dalonn sentait bien que son apprenti ne savait pas comment formuler la suite.
J’aimerais aussi comprendre ce que faisait cet enfant qui semblait commander aux Balosars, j’aimerais aller au bout des choses pour réparer les torts, en espérant que c’est encore possible. J’ai achevé cette mission dans le sang, je ne pense pas avoir fait honneur à l’Ordre Jedi ce jour-là. J’ai l’intime conviction que faire une nouvelle distribution de riz fait partie du chemin vers l’apaisement, mais je crains de vouloir le faire uniquement pour apaiser ma conscience.

Loh avait formulé ses doutes du mieux qu’il le pouvait et comptait une nouvelle fois sur son maître pour apaiser ses incertitudes.

- Articuler l’intérêt individuel et l’intérêt collectif de nos actions n’est jamais chose aisée. Mais avoir un intérêt individuel à une action n’en détruit pas nécessairement l’intérêt collectif…
Renouveler la distribution de riz, et peut-être même prendre l’habitude de le faire, est une bonne chose en effet. Il faut toutefois être prudent : si veux retourner là-bas dans l’unique objectif de rencontrer les mêmes obstacles pour réussir là où tu as échoué, ce ne peut être que vain. Les circonstances ne seront pas les mêmes, les individus ne seront pas les mêmes, ne serait-ce que parce que toi-même tu as changé entre temps.
S’il s’agit d’une mission que tu te donnes, alors tes objectifs doivent être clairs : distribuer le riz à ceux qui en ont besoin ou enquêter sur le mystérieux enfant. Ni moi, ni ceux à qui tu destines ce riz, ne devons tenir un rôle de dupe dans ton entreprise. Si tu désires mener enquête, sois franc avec ceux que tu serviras, explique leurs que ton objectif du jour est d’attirer les malfrats pour faire justice.


- Mais si je décide de simplement distribuer le riz, et que les ennuis arrivent à nouveau ?

- Tous les paramètres que tu donneras à ta mission doivent servir ton objectif. Si tu désires simplement distribuer le riz, tu ne dois pas te mettre en situation d’être de nouveau attaqué. Je pourrais t’accompagner, nul doute que ces Balosars hésiteraient à commettre un nouveau vol. si tu veux contraire les attirer, y aller seul est probablement la bonne marche à suivre.
Ce que j’essaye de te dire, Loh, c’est que tu ne dois pas t’en remettre au hasard. Tu as l’expérience maintenant, tu peux avoir conscience des conséquences de tes décisions.
Alors, qu’est-ce que tu veux faire, distribuer le riz ou mener l’enquête ?


Loh resta silencieux un moment. Les paroles de son maître l’aidèrent à mettre ses idées en ordre. Il n’était pas condamnable en soit de vouloir retourner sur l’ancien théâtre pour mener une enquête tant qu’il était bien clair qu’il ne s’agissait pas de rejouer l’ancienne pièce. Loh avait introduit cet échange par sa volonté de se livrer à une nouvelle distribution de riz parce qu’il imaginait trop présomptueux d’annoncer vouloir conduire une enquête, l’accueil bienveillant de cette initiative par son maître, une fois explicitée, rassura le padawan. Krey Dalonn avait expliqué clairement la marche à suivre, et surtout la préparation nécessaire avant de pousser une nouvelle fois le chariot de riz dans les quartiers avoisinants le Temple.

- Alors je pense que cette histoire mérite une enquête et, dans le cas où ma route ne croiserait aucun élément susceptible de faire progresser cette enquête, j’aurais toujours distribué du riz à des individus qui ont faim.

- Alors va à l’Intendance du Temple, et dis-leur que demain, tu distribueras du riz. »

Loh Darl

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Loh Darl
Padawan Jedi
Sam 4 Avr - 18:51
L’Ordre Jedi conservait pour la majorité des individus de la Galaxie un caractère très mystérieux, et très mystique. Ils en oubliaient que les Jedi, tout serviteurs de la Lumière qu’ils étaient, n’en étaient pas moins astreints aux contraintes matérielles de ce monde. Le Temple Jedi était un lieu de profonde spiritualité, mais il restait un bâtiment dans lequel logeaient plusieurs milliers d’individus qu’il fallait vêtir et nourrir. L’Intendance du Temple, même si le nom n’était pas parfaitement officiel, gérait tout l’aspect matériel de la vie de l’Ordre, et il y avait beaucoup à faire. Les intendants officiaient avec une exemplaire discrétion, au point qu’il n’était pas rare qu’un chevalier n’ait jamais eu directement affaire à cette administration. Un ou plusieurs maîtres étaient chargés d’en coordonner l’action, mais l’Ordre pouvait aussi avoir recours à des personnels extérieurs et ce fut l’un de ces employés que Loh rencontra.

- « Ah, padawan Darl. Votre chariot est bientôt prêt, nous mettons un point d’honneur à cuir le riz au dernier moment… Sinon, c’est gluant, vous comprenez.

Et à cet instant, Loh se rendit compte qu’il n’avait jamais fait cuire de riz… Fallait-il qu’un Jedi soit au fait de ce genre de chose ? Les membres de l’Ordre, qui aspiraient pour leur écrasante majorité à une forme d’humilité, vivaient dans un cadre extrêmement privilégié. Loh était né dans une famille de notables de Dorin, puis il avait grandi au Temple Jedi où il n’avait connu ni le froid, ni la faim, ni aucune sorte de manque. Et voilà qu’il découvrait que les choses les plus simples de la vie lui étaient inconnues alors que sa sensibilité à la Force lui avait ouvert la voie aux choses les plus mystérieuses. Que pouvait valoir la philosophie de quelqu’un qui n’avait que si peu vécu ?

Et tandis que ce cuisinier livrait ses secrets, Loh se rendit compte qu’il était très rare qu’on le vouvoie au Temple. En vérité, seuls les membres extérieurs de l’Ordre fréquentant le Temple pour les raisons précédemment évoquées vouvoyaient tous les Jedi, sans distinction de rang. Cet humain dont les quelques cheveux gris dépassant de ce qui devait être une toque de professionnel laissait deviner l’âge avancé avait pourtant accumulé bien plus d’expériences dans sa vie, par définition plus longue. Seule l’expérience et la maîtrise dans la Force, mais surtout l’expérience, permettait de faire des distinctions au sein de l’Ordre. Tous les Jedi vouvoyaient les maîtres, hormis les maîtres entre eux… Vouvoyer un compagnon Jedi était une reconnaissance de son expérience. Mais pourquoi réserver cette marque de dignité aux seuls sensitifs de l’Ordre ?

Ce cuisinier n’était pas un Jedi, mais son travail quotidien permettait à l’Ordre de vivre convenablement. Si tous les sensitifs n’étaient pas des Jedi, pourquoi tous les Jedi devraient être des sensitifs ? Et si… Et si l’Ordre pouvait accepter en son sein des individus épousant la philosophie Jedi même sans lien avec la Force. La philosophie Jedi ne glorifie pas la puissance, elle glorifie des qualités que l’on pouvait parfaitement trouver chez des êtres incapables de ressentir la Force. Et si ce cuisinier était lui aussi un membre de l’Ordre Jedi.

- Je m’en remets à votre expertise, merci beaucoup. Je vous ramène le chariot ce soir, en bon état.

Le dernier chariot que Loh avait eu à manipuler n’avait pas pu rentrer sur ses roues… Il avait rencontré deux Balosars énervés, ce qui lui avait coûté son intégrité, ainsi que son contenu. Le cuisinier, dont Loh n’osait pas demander le nom par crainte de sembler méprisant, ne parut pas comprendre l’allusion du padawan.

- Moi vous savez, ce soir, je ne serai plus là.

- Alors vous le verrez demain en bon état, je vous le promets.

- Ah, non plus… C’est mon dernier jour. Mon poste est supprimé, voyez-vous… coupes budgétaires, ou je ne sais pas quoi. L’Ordre Jedi reste un employeur comme les autres.
Enfin, vous êtes trop jeunes, vous n’y êtes pour rien. Faîtes quand même un peu de comptabilité dans vos temps libres, on sait jamais. Allez, au revoir.
»

L’argent, le nerf de la guerre. L’Ordre Jedi ne semblait pas épargné par les pressions financières, et cela ne pouvait que donner à réfléchir. Les fondateurs de l’Ordre l’avaient-ils conçu comme une institution à part entière de la République ? On disait souvent « l’Ordre Jedi et la République », occultant ainsi la question de savoir si l’Ordre Jedi devait être conçu comme appartenant à la République ou comme une institution à part. Les Jedi valorisaient bien sûr leur indépendance et leur autonomie. Mais que penser de cette autonomie lorsque l’Intendance de l’Ordre doit supprimer des postes par manque de budget ? Le retrait de l’Ordre, plus ou moins forcé, avait apparemment occasionné une baisse de financement du Temple et ne semblait pour le moment qu’affecter les aspects mineurs de la vie des Jedi. Mais à quel point l’Ordre s’était-il rendu dépendant d’une République qui le finançait en très grande partie ? Les Jedi avaient presque oublié la simplicité de leurs origines en profitant des largesses d’une République qu’il a servi et conseillé, et maintenant qu’il cherchait à reculer de quelques pas, contraint ou non, la sanction financière commençait à poindre le bout de son nez.

Quel peut être le sens de la générosité des Jedi si ce qu’ils offrent leur est donné ? D’une simple baisse budgétaire, il était possible de questionner de manière beaucoup plus large le positionnement de l’Ordre au sein de la République, et par des voies insoupçonnées. Loh n’avait simplement aucune idée de la manière dont l’Ordre Jedi pourvoyait à ses besoins matériels, et cette absence totale était le symptôme criant d’un Ordre dangereusement baigné dans la conviction que rien ne changera.

Le cuisinier disparut dans ses fourneaux et un humain plus jeune, vêtu d’un uniforme comparable, arriva avec un chariot identique à celui que Loh avait dû pousser la première fois. Le jeune commis lui expliqua les bases de l’utilisation de ce chariot de riz, somme toute élémentaires mais Loh décida de ne pas interrompre les instructions. Pousser, bien caler avant d’ouvrir le couvercle, bien ranger les ustensiles à l’extérieur, « sinon ça chauffe ». Beaucoup de conseils de bon sens que Loh accueillit en bon élève qu’il était.

Le temps était venu de prendre les commandes, et ce ne fut pas sans certains souvenirs légèrement douloureux que Loh posa ses mains sur le manche pour rouler en direction de la sortie du Temple. Il n’était bien évidemment pas question de traverser tout l’édifice comme un vendeur itinérant, le commis avait indiqué une sortie spéciale, généralement réservée à la livraison des denrées.

Le chariot n’était pas aussi lourd que dans les souvenirs du padawan, sans doute en raison de la tendance qu’a la mémoire à amplifier les détails, comme pour donner à un évènement qui restait douloureux toutes les caractéristiques indispensables. Loh devait choisir une destination, et c’était là une étape qu’il n’avait pas vraiment envisagée. Toujours inspiré des conseils de son maître, le padawan se répéta ses objectifs afin que sa démarche soit la plus claire possible. Le mystère de l’enfant à dos de Balosar devait être éclairci, c’est pourquoi Loh avait décidé de mener l’enquête, non sans quelques hésitations sur la manière d’aborder la question. La première étape pour en savoir davantage était une forme de contact, les chances de croiser un enfant leader seraient plus élevées si Loh rejoignait le même endroit que lors de sa première distribution.

A mesure que le padawan progressait dans un quartier qu’il commençait à connaître, il se dit que croiser de nouveau un enfant chapardeur supposait de croiser de nouveaux Balosars. Peut-être que tout ceci présentait un risque inconsidéré… Les Balosars devaient se souvenir de leur rencontre et ceux qui avaient échappé aux policiers de Coruscant avaient probablement fait le récit du petit Jedi masqué qui avait refusé de leur céder son chariot de riz. La bande avait toutefois perdu un chef de jour-là, celui que Loh avait imprudemment rendu manchot… Il n’était pas mort, mais les autorités de Coruscant l’avaient dûment pris en charge et il y avait peu de chances qu’il soit en liberté. Le désir de vengeance de la bande n’avait ainsi pas pu être alimenté par la haine due à la mutilation, du moins Loh l’espérait. Or le padawan se rappela que l’enfant était présent tout le long de la confrontation et il était difficile de savoir le sort qui lui avait été réservé par les autorités coruscanties. Si l’enfant avait pu retourner là où il vivait, sans doute avec les Balosars, nul doute que les excès de Loh avaient déjà permis de lui construire une réputation, voire de lui dessiner une cible dans le dos.

C’était potentiellement une bonne chose dans le cadre de l’enquête, cela accélérerait l’amorce des investigations, mais le danger était réel. La bande de Balosar n’avait toutefois pas grand-chose en commun avec les Hell’s Blade, en termes d’armement et d’entrainement. Loh était moins en danger dans ce quartier de Coruscant que dans les bas-fonds, mais la prudence restait de mise car les hôpitaux étaient remplis d’individus trop sûrs d’eux.

Loh retrouva l’endroit où il s’était installé la première fois et décida d’y fixer son chariot. La matinée était plutôt fraiche mais agréable et le padawan sentit la tension se relâcher quelque peu. Il était curieux de la manière dont son retour serait accueilli par les démunis du coin et la rapidité avec laquelle les premiers arrivèrent tendait à révéler une impression plutôt positive. L’évolution du padawan avec le chariot était lente, aussi son arrivée avait-elle été remarquée bien avant son installation, ce qui pouvait contribuer à l’approche rapide des premiers intéressés. L’un d’eux salua le padawan avec sympathie, puis un autre. Loh était apparemment reconnu et la gratitude qu’il ressentait lui rappela qu’il avait aussi accompli des bonnes actions lors de cette première distribution.

Le Kel Dor crut même reconnaître ce fameux mendiant qui avait offert son bol à une riche coruscantie désireuse d’humilier davantage les humbles. Cet acte avait démontré une certaine grandeur, mais aussi peut-être un positionnement particulier dans cette communauté de sans-abris à laquelle il s’adressa sur un ton de franche camaraderie, totalement étranger au padawan :

- « Lui, les mecs, c’est un vrai. Il a dégainé son sabre pour nous. Puis, en s’approchant du padawan, il poursuivit à son intention : Ah bah, si on m’avait dit qu’on te reverrait… On en voit des gars comme toi, distribuer le riz pour récolter la bonne conscience… Mais rarement plusieurs fois les mêmes. Loh servit un bol à cet individu qui n’avait pas encore de nom, ce dernier s’en saisit sans ménagement avant d’en entamer le contenu. Mais euh… t’as pas peur qu’ils débarquent les autres là ?

Effectivement… Peur ne serait pas le mot, mais Loh redoutait un peu l’arrivée de Balosars énervés qui ne s’encombreraient même plus de sommations pour emporter le chariot. D’un autre côté, il s’agissait de petits malfrats d’un quartier relativement épargné, aucune comparaison possible avec les gangs sanguinaires des bas-fonds. Un Jedi qui leur résiste a pu suffire à calmer leurs ardeurs, pour peu qu’ils sachent qu’un Jedi est revenu…
C’est le moment que choisit Loh pour expliquer les raisons de sa venue, tout en préservant la sensibilité de celui qui venait de clamer sa sympathie en public :

- Si, un peu. Mais je l’espère aussi. Loh s’interrompit pour un servir un autre bol, il ne voulait pas parler trop fort car le ton de la confidence lui semblait plus approprié pour donner à cet homme le crédit qu’il méritait. Une petite bande a été neutralisée la dernière fois, il faut maintenant aller à la source. »

- T’es un genre de justicier, Jedi… Mais là, si tu fais l’appât, ça fait quoi de nous ? Il avait plutôt bien réagi, sans doute grâce à une vie antérieure dont Loh ne pouvait pas soupçonner la richesse. Un autre aurait pu s’offusquer, considérer de plus que son message de bienveillance était le fruit d’un immonde abus de confiance. Loh avait pris, sans le savoir, un grand risque mais avait aussi joué la seule bonne carte de tout bon Jedi : l’honnêteté dans sa démarche.

- Ce n’est pas après vous qu’ils en ont, s’ils arrivent, mettez-vous à l’abri. Loh marqua une pause, nouveau bol et nouvelle tête, puis il poursuivit. J’ai l’impression qu’ils vous écoutent, je peux compter sur vous pour les protéger en cas de besoin ?

- T’inquiète va, on n’a pas survécu dans cet état là sans un minimum de sens de la débrouille… Moi c’est Don, des fois que.

- Je suis le padawan Loh Darl. »

Ces simples présentations étaient importantes, elles tissaient un lien de confiance, le premier que Loh établissait en dehors du Temple Jedi. Mais que penser d’un tel lien entre un Jedi et un sans-abri ? La distribution se poursuivait dans le calme à mesure que le temps passait, sans aucun signe des Balosars, ce dont était en partie soulagé. Le padawan commençait à échanger quelques mots avec d’autres sans-abris. Certains restaient très renfermés et d’autres s’ouvraient plus facilement. Ces individus, très rapidement rangés dans une catégorie uniforme, avaient des histoires extrêmement diverses. Loh put en écouter quelques extraits, parfois au détour d’une remarque sur la qualité du riz « meilleur quand dans [son] ancien restaurant », et parfois simplement du fait d’une humeur prêtant à la confidence. C’est ainsi que Loh pu croiser des profils extrêmement variés dans cette clientèle très spéciale, allant de l’entrepreneur malchanceux à l’ancien fonctionnaire déchu pour avoir consommé des drogues illicites… Don était pour sa part resté très discret sur sa vie passée. Il paraissait âgé, mais la vie dans les rues, disait-on, avait tendance à accélérer le vieillissement.

Mais parfois, la vie dans les rues commençait très tôt… Et Loh s’en rendit compte lorsqu’au détour d’une ruelle il remarqua un enfant qui marchait dans sa direction. L’enfant semblait insouciant et jovial, il avait clairement l’intention de se diriger vers la source de riz. Mais la vue du Jedi sembla le figer sur place. Loh perçut sans mal les émotions de l’enfant, intenses et désordonnées. Il avait peur, mais de quoi ? Seules quelques suppositions s’imposaient au Kel Dor, et elles se confirmèrent dès lors que l’enfant fit demi-tour. Loh interrompit donc sa conversation avec Don : « Mettez-vous à l’abri. »

Loh Darl

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Loh Darl
Padawan Jedi
Jeu 9 Avr - 20:27
« Déjà ?! T’es sûr ? Don était manifestement étonné de l’alerte donnée par le padawan, d’autant qu’elle l’avait été avec un calme inhabituel. Loh savait effectivement qu’il avait atteint un point de non-retour, l’enfant allait probablement revenir avec des renforts et les sans-abris devaient profiter de ce moment pour décamper. Et on peut prendre le chariot, ou pas ? » Inquiet mais tout de même soucieux de son pain quotidien, ce qui était bien légitime.

« Non, je pense qu’ils vont essayer de l’emmener avec eux, et j’ai besoin de savoir où se trouve leur base. Loh aurait bien entendu préférer laisser le riz au bénéfice des sans-abris avec lesquels il commençait à se lier, mais il avait clairement énoncé son objectif prioritaire à Don et ne pouvait plus dévier maintenant. Le riz avait été l’objet de la discorde lors du premier passage du padawan, laisser le chariot en place revenait à l’offrir aux Balosars dans le but de pénétrer leur antre. On pourrait y voir une analogie avec d’anciens mythes dont Loh ne parvenait à se souvenir de l’origine, à ceci près que le chariot n’était rempli que de riz. Désolé, mais je reviendrai et ce sera exclusivement pour vous la prochaine foi. J’aimerais d’abord m’assurer que ce quartier est libéré de cette bande. »

Don resta toutefois incrédule cette fois-ci. Il connaissait bien la rue, bien mieux que le padawan qui n’en avait pour le moment eu qu’un avant-goût. « Bah, si ce n’est pas celle-là, c’en sera une autre tu sais… Comment vous dites, vous… la nature et le vide, la nature a horreur du vide, voilà. Bon enfin, j’insiste pas. Merci quand même. Puis, à l’adresse de ses camarades, et d’une voix suffisamment forte pour couvrir les éventuelles protestations : Bon les gars, les emmerdes arrivent, on se casse. » Ainsi la petite foule se dispersa et il ne resta bientôt que Loh, seul en face de son chariot de riz. La discipline du groupe ne cessa d’étonner le padawan qui ne vit aucun sans-abri revenir, ou bien était-ce le charisme de Don qui suffisait à convaincre les autres du danger imminent.

C’était à Loh de se mettre à l’abri et de surveiller les alentours du chariot de riz. Si l’enfant était simplement parti pour fuir le Jedi qui lui avait été présenté comme dangereux, il ne reviendrait pas. Mais le modus operandi de son prédécesseur laissait plutôt prévoir le retour de l’enfant, avec quelques renforts Balosars. Découvrir la présence de Loh, immédiatement identifié comme une Jedi, avait peut-être encouragé l’enfant demander des renforts supplémentaires. Les Balosars était cinq la dernière fois, et cela n’avait pas suffit pour emporter le chariot de force… Combien de membres supplémentaires allaient arriver ? Le double ? Loh ne voulait pas être à côté du chariot quand cette petite armée allait débarquer car, s’il avait légèrement gagné en assurance, il n’était pas non plus téméraire.

L’objectif du padawan était de localiser la base des Balosars. Il aurait pu suivre l’enfant et ainsi se prémunir du danger que présentait l’arrivée de renforts, mais rien n’indiquait que l’enfant se rendrait à la base directement. En tout état de cause, Loh voulait éviter une confrontation semblable à celle qui s’était plutôt mal terminée la dernière fois. Même s’il n’était pas un spécialiste, le padawan voulait privilégier une approche discrète. Après tout, il s’en était plutôt montré capable dans la base des Hell’s Balde, quand bien était-il seul cette fois-ci. Loh ne bénéficiait pas de la vision de Tseh, il était donc moins bien loti. Toutefois, la solitude présentait une sorte d’avantage pour cacher sa présence. Le bilan entre les pertes et les gains semblait donc à peu près neutre, et il était de toute manière trop tard pour véritablement changer cette amorce de plan.

Loh dut patienter un peu plus qu’il ne l’imaginait, ce qui laissait supposer que l’enfant avait parcouru une distance plus importante que ce que prévoyait sa stratégie habituelle. Il était aussi possible que les Balosars aient tenu une sorte de conseil pour savoir s’il était opportun d’à nouveau se confronter au Jedi. Tout flatteur que cela pût paraître, Loh n’en était pas moins inquiet de cette attente car elle correspondait nécessairement à un temps de préparation pour ses adversaires. Ces derniers finirent d’ailleurs par se montrer, l’enfant protégé par une nouvelle escorte de quatre Balosars. Ils n’étaient donc pas si nombreux, sans doute avaient-ils également observer le chariot à distance afin d’évaluer les risques. Ne voyant plus de Jedi pour surveiller le stock de nourriture, les voici donc s’approchant du butin.

Loh se concentra sur l’enfant qui paraissait toujours inquiet, même si la présence de ses compagnons avait atténué la peur. Les Balosars étaient pour leur part moins rassurés, sans doute inspirés des récits réels ou supposés des aventures de leurs camarades qui avaient croisé la route du padawan. Loh avait dû être décrit comme quelqu’un de violent car l’histoire d’une bande de malfrats neutralisés à par un apprenti ne méritaient probablement pas qu’on la raconte. Caché derrière un arbre du parc devant lequel il était installé pour distribuer du riz, Loh observait la scène. Il voyait donc les Balosars entourer le chariot de riz, et même échanger quelques mots :

- « Hey Gamin, il est où ton Jedi ? Le premier Balosar à prendre la parole était légèrement plus grand que les autres, l’usure de ses vêtements, sans doute délibérément entretenue, devait être le marqueur de sa plus grande expérience au sein du groupe. Il ne parlait pas à l’enfant comme on parlait à un chef, difficile d’encore bien se représenter la structure de cette bande des rues. L’enfant ne put répondre avant qu’un autre Balosar ne prenne la parole.

- Il a décampé, ces moines sont des lâches ! Loh ne s’attendait pas vraiment à d’autres types de discours, avant qu’un troisième n’entretienne le débat.

- Attend, il parait que c’est celui-là qui a massacré Kraig. Il aurait activé son sabre laser et bondi sur lui en hurlant des cris de guerre de sa planète d’origine, et c’est parce qu’il a vu Jaro qu’il l’a pas décapité sur place. Ces gars sont des dingues, et celui-là est assoiffé de sang. Loh s’amuserait bien de la rumeur si elle ne véhiculait pas une image aussi fausse de ce qu’il était. Le compte-rendu parfaitement fantaisiste de ce Balosar contenait malgré tout une information importante, le nom de l’enfant qui semblait guider le premier groupe de malfrats qu’il avait croisé. On devrait se barrer d’ici avant d’être les prochains.

- Non mais t’as rien compris à l’histoire, abruti. Le Jedi a utilisé ses pouvoirs pour invoquer des alliés, et c’est ça qui lui a permis de gagner. Et puis, il avait deux sabres, pas un seul, et… Mais le troisième participant fut interrompu net par le leader, visiblement aussi fatigué que le padawan d’entendre toutes ces fables.

- Bon fermez-la ! Le statut de leader se confirma au silence ainsi obtenu. A supposé qu’il ait été là, le Balosar jeta un regard suspicieux à l’enfant qui n’avait jusque là pas ouvert la bouche, on va pas rester pour vérifier laquelle de vos histoires fumeuses est la plus réaliste… On embarque le chariot, et on rentre. »

Le souci constant des Balosars d’obtenir de la nourriture demeurait une question à laquelle le padawan voulait trouver une réponse. Il n’avait certes pas été témoins d’éventuels autres larcins, mais qui semblait à tout prix trouver de la nourriture devait avoir faim. Loh voulait ainsi croire que les motivations de cette bande, visiblement plus nombreuse qu’il ne l’imaginait, n’étaient pas purement crapuleuses. Il n’était d’ailleurs pas impossible qu’au-delà d’une bande, il s’agissait en réalité d’une véritable communauté. Dans ce cas, le padawan allait mettre les pieds dans une situation bien plus vaste que prévue, et il était encore temps de s’abstenir d’agir.

Les Balosars embarquèrent le chariot, non sans avoir rempli quelques bols au passage, sans doute pour se donner l’énergie nécessaire à l’accomplissement de leur mission du jour. Loh décida de les suivre, malgré ses réflexions, comme si le temps du trajet lui laissait encore l’opportunité de prendre une décision quant à son action finale. L’objectif était maintenant de localiser la base des Balosars, ce qui permettrait toujours de reporter une éventuelle manœuvre à plus tard, d’autant plus si le padawan parvenait à rester parfaitement discret.

Loh avait usé de son empathie d’une manière très particulière lors de sa mission dans les bas-fonds, elle lui avait en effet permis de retrouver un individu et de le suivre à distance. Les récits totalement farfelus des différents Balosars avaient au moins le mérite d’entretenir chez leurs auteurs une peur irrationnelle de rencontrer le Jedi sanguinaire ou magicien, et d’en subir le courroux. C’est à ces signaux que Loh se rattachait, c’est ceux-là qu’ils devaient suivre car il était improbable, sinon impossible, de les confondre avec des émotions normales que l’on pourrait percevoir dans les rues adjacentes du Temple Jedi.

A mesure qu’il suivait le groupe à distance, Loh se rendait compte de l’intérêt d’un déguisement. Il n’était certes pas rare de croiser des Jedi dans ces quartiers proches du Temple, mais les personnes qui remarquaient le padawan n’en étaient pas moins surprises de le voir. Cette attention contraignait Loh à davantage de distance car elle le rendait plus visible. Certains passants comprenaient toutefois assez vite que le Jedi suivait le groupe de Balosars qui, lui, ne devait définitivement pas passer inaperçu. Cela permettait d’ailleurs au padawan de relâcher son attention car les habitués de ces quartiers pointaient du doigt sans même qu’on le leur demande la direction dans laquelle les Balosars étaient passés.

La filature du padawan finit par le conduire dans un quartier voisin dont l’apparence laissait faussement supposer qu’il était très éloigné. Coruscant paraissait uniforme depuis l’espace, il fallait être sur le dos de la bête pour constater à quel point sa peau pouvait changer du tout au tout sur des distances très courtes, et visiter les entrailles pour presque se retrouver sur une autre planète. La capitale de la République n’avait jamais vraiment plu au Kel Dor. Il semblait n’y régner aucune harmonie, aucune mesure. Tout était excessif et paradoxal sur Coruscant, l’entassement des centaines de milliards d’individus dans des immeubles dont on ne voyait plus les pied et le sentiment d’isolement que Loh pouvait ressentir chez tant de mondes. De Coruscant, le padawan n’appréciait que le Temple Jedi qui lui avait si justement décrit comme un ilot de tranquillité. On ne pouvait être bien sur Coruscant qu’en oubliant Coruscant. L’histoire des Jedi mentionnait l’existence d’enclaves sur des mondes lointains, plus paisibles. Loh aurait aimé savoir si elles existaient encore et caressait parfois l’idée de s’y réfugier. La constante ébullition de la planète monde ne pouvait pas être bonne pour les perceptions des Jedi. Peut-être que le brouillard causé par tant d’empruntes dans la Force avait aidé Valorum à masquer sa véritable identité ; peut-être que donner aux Jedi un rôle actif dans la guerre avait été le moyen de les regrouper là où leurs sens étaient le plus troublé. Il était facile de reconstruire le scénario a postériori, et sans doute les Jedi devraient-ils apprendre de leurs erreurs en ouvrant à nouveau leurs yeux loin de Coruscant. Toutefois, dans ce contexte de guerre, il n’était sans doute pas évident de créer de nouvelles enclaves, et sans doute imprudent de disperser les membres de l’Ordre quand la menace du côté obscur se faisait de plus en plus précise et que ses adeptes eux-mêmes devaient être en train de resserrer les rangs.

Mais c’était pour l’instant d’une autre menace dont le padawan devait se soucier, bien moins dangereuse. Les Balosars avaient atteint leur destination. Il devait s’agir d’un ancien commerce car le local était relativement grand, mais on ne vendait plus rien ici. Le bâtiment était clairement entretenu, signe que des individus y vivaient et ne cherchaient pas particulièrement à le cacher. Loh aurait plutôt misé sur un squat, mais la bande devait être suffisamment organisée pour s’être dotée d’un quartier général tout à fait convenable. Ceci posait naturellement la question de la source des revenus, probablement illégaux mais ce ne serait pas la première fois que le padawan se trouverait démenti par la réalité.

Les quatre Balosars et l’enfant n’empruntèrent pas l’entrée principale. La destination anciennement commerciale des lieux avait imposé l’aménagement d’un accès spécifique vers une salle où devait être entreposés les stocks. Cette entrée de service serait probablement la meilleure pour éventuellement pénétrer dans les lieux, si le padawan prenait cette décision sachant qu’aucune intrusion ne pouvait être envisagée sans une observation attentive de l’environnement. Loh n’avait en effet aucune idée du nombre d’individus présents et de leurs éventuels protocoles de sécurité, et même si tels protocoles étaient prévus. Mais il manquait surtout pour le moment une véritable raison d’entrer dans cette base, un objectif qui justifierait que Loh y fasse irruption.

L’expérience avait instruit au padawan qu’il était prudent de signaler sa position avant d’entreprendre quoi que ce soit de risqué. Il empoigna donc son communicateur pour envoyer un message à son maître, Krey Dalonn :

- « Maître, je suis dans le quartier Ronhi. J’ai localisé le bâtiment qui doit servir de base à la bande qui m’a attaquée. Je voulais vous prévenir avant de rentrer.

- Pas cette fois, Loh. J’étais sur le point de te contacter et ta présence est requise au Temple.

- Dois-je abandonner ?

- Leur base ne bougera pas, et tu pourras toujours reprendre cette enquête plus tard. Des matières plus urgentes réclament notre attention. »

Le maître coupa son communicateur sur cette affirmation mystérieuse. Loh était à la fois frustré et soulagé. Frustré car il était proche de son but, mais soulagé de ne pas avoir à se confronter aux Balosars une nouvelle fois car, au fond de lui, le padawan ne se sentait pas aussi préparé qu’il le voudrait.

Quelques secondes plus tard et l’ordre de Krey Dalonn n’aurait sans doute pas pu être suivi sans dommages collatéraux. Loh avait repéré la base, mais sans être lui-même repéré. Rien n’avait alerté les Balosars de l’attention du fameux Jedi qui semblait alimenter leurs conversations de beuverie. C’était le bon moment pour renoncer car Loh ne repartirait pas de zéro au moment où il voudrait reprendre ses investigations. Mieux encore, il pourrait tenter d’obtenir des informations complémentaires sur ce lieu auprès des autorités de Coruscant, pour certaines encore enclines à coopérer avec les Jedi.

Convaincu qu’il s’agissait de la meilleure marche à suivre, Loh s’éloigna discrètement du bâtiment jusqu’à une contre allée qui lui permettrait d’accélérer son retour au Temple. Il laissait toutefois un compagnon d’infortune aux mains des Balosars : le chariot de riz ne pourrait pas être restitué comme Loh l’avait promis. Quand bien même le jeune Kel Dor souhaitait prendre l’habitude de distribuer du riz, l’Intendance du Temple Jedi commencerait sans doute à retenir le nom du padawan qui n’avait pour l’instant jamais ramené le chariot qu’on lui avait confié.

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