Xander Ikarion marchait lentement sur la place Seswenna, vaste dalle rectangulaire d’un gris léger qui supportait le massif palais du Gouverneur d’Eriadu. Simple humain tournant le dos à la bâtisse, il avançait au milieu du parvis sous le ciel nocturne et menaçant de la Capitale. Après quelques pas, de petites gouttes commencèrent à s’abattre soudainement sur la ville. Sentant l’odeur acre des pluies acides d’Eriadu et voyant les petites tâches humides perler de plus en plus sur le sol, le scientifique saisît la anse du parapluie accroché à son bras, et en déployant ses baleines de métal, activa son bouclier de répulsion électromagnétique. Celui-ci illuminait les alentours du jeune homme d’une couleur un peu froide - un léger violet, pourtant vif - et il émettait un bourdonnement presque sourd. La bruine se transforma progressivement en averse, et Xander esquissait un petit sourire de satisfaction, heureux que le système plutôt sophistiqué qu’il tenait en main le protégeait tout entier des larmes acides que les nuages impurs déversaient sur la mégapole.
En déambulant sur la place qu’il quitta pour se faufiler dans les rues d’un quartier riche d’Eriadu City, il ne pouvait s’empêcher de repenser à ce fameux dîner. Le scientifique avait conclu à un succès et les premiers affrontements qui allaient avoir lieu le lendemain avec le favori Morgan Fleet devaient déterminer si le Gouverneur Tarkin avait eu raison de placer sa confiance en lui.
L’action politique par la Raison. Pouvait-il en être autrement ? Bien-sûr que non. Toute l’histoire personnelle de Xander Ikarion tournait entièrement autour de cet unique thème, et si un mathématicien chercheur en sociophysique ne pouvait incarner cela, qui donc pouvait bien y prétendre ? Le Docteur en était convaincu, sa future candidature, puis son élection surtout, étaient nécessairement deux événements révolutionnaires par nature. Révolutionnaire… enlevons toute la composante romantique du terme, nous sommes ici bien loin de l’imaginaire collectif attaché à ce mot. La manière dont Xander souhaitait exercer le pouvoir était simplement en rupture radicale avec celle pratiquée couramment aujourd’hui, le plus souvent gouvernée par les passions, la soif de domination personnelle et l’intérêt purement égoïste. Pour autant la Raison était-elle nécessairement assimilée à la recherche de l’intérêt général ? Alors qu’il déambulait dans des rues de plus en plus étroites et sous une pluie toujours plus battante, le mathématicien en était persuadé : la réponse était non. Son but principal pouvait vulgairement se résumer à la recherche de l’efficacité politique. Si cela contentait le peuple, alors tant mieux. Sinon, tant pis. Et puis son modèle pouvait par ailleurs prédire les mouvements contestataires ; une action politique sous l’empire de la Raison devait pouvoir les contrôler et les empêcher de survenir, parce que la science allait produire les solutions de ces équations bien complexes. La politique de la Raison n’excluait pas non plus l’usage extrême de la violence. Et pour installer, puis perpétuer ensuite le pouvoir politique qu’il imaginait mettre en place, Xander devrait sans doute employer les moyens les plus radicaux…
En face, Morgan Fleet. Son contraire en tout point. La passion incarnée, qui ne se défaussait guère de la violence, continuation de la politique sous une autre forme en somme tout en étant une fin en soi. Ce militariste, on pouvait simplement le décrire comme un agitateur de foules, celui qui activait la bonne zone du cerveau des gens, celle qui diffusait l’exaltation, et qui court-circuitait toute intelligence individuelle et collective. Bon, Xander non plus n’avait pas l’intention de faire appel à l’intelligence du peuple, seule celle de quelques uns suffisaient pour mener à bien ses projets. Mais Fleet excitait les passions, attisait une violence des plus primaires. En somme, il encourageait l’irraison. C’était cet homme qu’il allait falloir affronter. Et le scientifique partait avec un désavantage certain : son discours demeurait moins entraînant que son adversaire, il agitait moins les foules, ne les invitaient guère à la participation. Mais il n’était pas dénué de quelques points forts non plus : Xander pouvait apparaître bien plus crédible auprès du public que lui. Son adversaire disposait d’une légitimité basée sur son charisme tandis que la sienne se construisait sur son intelligence, sa capacité à bien gouverner, à bien gérer. Son calme olympien allait sans aucun doute paraître rassurant, et être vu comme gage de grand professionnalisme. Dans tous les cas, le round 1 entre les deux candidats qui devait se dérouler le lendemain allait être intéressant. Xander Ikarion avait un coup d’avance : Fleet ignorait que le Docteur courtisait les faveurs des militants et du Gouverneur, et qu’il avait déjà celles de ce dernier, pour l’instant.
Ah il pensait, il pensait… Mais en s’échappant du réel, il s’était perdu dans la tentaculaire capitale. Muré dans ses réflexions, elles l’avaient menées dans un dédale de ruelles éclairées par une multitude d’enseignes aux néons bleus qui se reflétaient sur le sol humide ; elles s’enchevêtraient les unes aux autres sur les parois grises et tristes des immeubles de la rue. Xander avait quitté l’opulence qui caractérisait tant les quartiers aux alentours du Palais pour un endroit un peu plus lugubre, mais plus densément fréquenté. Ce simple constat le fit frissonner, lui qui d’habitude ne côtoyait guère la plèbe. Il jeta un œil aux alentours. Les parapluies à répulsion électromagnétique se firent un peu plus rares, mais on pouvait en apercevoir toujours quelques uns. En contrepartie, les gens se protégeaient des pluies acides grâce à un vêtement typique de la région - qui tenait bien trop chaud d’ailleurs ; tous encapuchonnés, on arrivait quand même le plus souvent à entrevoir leur visage. La situation l’exigeait, on discutait peu, et lorsque c’était le cas, il s’agissait de quelques négociations ou de quelques achats plus ou moins légaux. Inimaginable sur la planète de l’autorité. Ce spectacle répugnait véritablement le Docteur. L’autorité de la loi disparaissait derrière celle de la force, de l’intimidation, de l’argent, sale le plus souvent. L’État, il n’existait presque pas par ici. Sans doute osait-il de temps en temps pointer le bout de son nez à l’occasion de quelques violentes descentes de police. D’ailleurs, Xander croisa une patrouille sacrément équipée, dont la petite lampe incrustée au centre de leur plastron pectoral éclairait leur chemin et pointait de temps à autres certains badauds dissimulés sous leur capuchon. Quelques contrôles inopinés caractérisaient le simulacre de l’autorité étatique sans convaincre Xander qui discrètement regardait un homme contraint de s’identifier sous la pression policière. Plus loin, ce qui semblait être un trafic s’opérait dans l’impunité la plus totale sans que cela paraisse anormal aux yeux de la populace.
Au bout de la ruelle, derrière l’hologramme d’une danseuse twi’lek bien trop légèrement vêtue au yeux de Xander, quelques tags en basic dégoulinaient sur un mur. A proximité, deux videurs surveillaient l’entrée d’un club qui par nature semblait suffisamment malfamé pour que le Docteur pressa un peu plus le pas en passant devant. Une poignée de rôdeurs à l’abri de la pluie le fixèrent un sourire en coin, remarquant l’anomalie : un bourgeois, un vrai, dans un quartier chaud d’Eriadu City. Il n’y prêta guère attention, tout irait mieux s’il se contentait de les ignorer. Plus qu’ailleurs en ville, alors qu’il tournait à l’angle, le scientifique remarqua un taux élevé d’aliens. Etrange dans une capitale qui multipliait les signes d’anthropocentrisme véhiculés par l’aristocratie et la bourgeoisie locales. Aucun poste de pouvoir n’était pourvu par des xénos. Guère étonnant sur une planète partagée entre les Valorum et les Tarkin, dont quelques membres ne cachaient même plus leur racisme.
Xander s’arrêta au bout de la rue. Elle donnait sur une large avenue, une cantina faisait angle et on entendait depuis l’extérieur le bruit sourd d’un sample de musique électronique banalement rythmée. Quelques jeunes hommes complètement ivres manquèrent de se battre tandis qu’une femme, la tête contre un mur, lâcha la bouteille qu’elle tenait à la main. Elle se brisa sur le coup en percutant le sol. Le mathématicien s’éloigna assez vite, peu rassuré par l’ambiance, et rejoignit une large artère qui délimitait le quartier. Le jeune homme fut soulagé de s’extraire enfin de cet enfer ; devant lui s’étendait une architecture un peu plus familière et plus cossue. Fort heureusement, le genre de quartiers qu’il venait de visiter à l’insu de son plein gré n’occupaient que très peu l’espace urbain d’Eriadu City a contrario d’autres villes, comme Phelar par exemple, très industrielle et ouvrière. Finalement, il se positionna au bord du trottoir, les pieds joints, le dos bien droit et plongea sa main dans la poche intérieure de sa veste pour en extraire un comlink. Bientôt, il composa le numéro d’un service de taxi.
« Il me faut un véhicule, immédiatement. »
-
Xander désactiva le bouclier à répulsion électromagnétique de son parapluie puis entra dans l’immeuble. Les baleines se replièrent et la tige centrale rentra dans le manche. Il rangea le tout dans une de ses poches. Le hall dans lequel il avançait, vide et silencieux, fit résonner le moindre de ses pas dans un écho peu rassurant. Quelques instants plus tard, l’ascenseur dans lequel il venait de pénétrer allait le mener droit à l’appartement familial.
Le scientifique ouvrit la porte, doucement, et s’introduisit dans l’obscurité lugubre du logement. Il ne prit même pas la peine d’allumer la lumière, se dirigeant déjà vers sa suite. Xander s’y engouffra, accrocha son pardessus sur un porte-manteau et posa vite fait quelques affaires sur la table basse à proximité. Sur le fauteuil en face, Dex, éteint, paraissait se reposer. Il affichait un air paisible. Ce n’était pourtant qu’un robot.
Le jeune homme rejoignait la salle suivante, sa chambre. Après s’être déshabillé et emmitouflé dans ses draps, Morphée vînt le cueillir dans ses bras.
-
Une bibliothèque obscure, un bureau au milieu. Les vieux ouvrages se mêlaient aux hololivres et leur lumière azurée. Xander Ikarion, calé sur un moelleux fauteuil, scrutait quelques croquis dessinés à la va vite sur son datapad. Il y avait bien quelques feuilles griffonnées et disposées sur le bois du bureau, avec des dessins assez approximatifs qui ne voulaient sans doute rien dire pour le commun des mortels. Quelques longues formules s’entassaient sur le coin d’un papier. L’on y voyait une flopée d’équations aux dérivées partielles, plusieurs intégrales et bien d’autres objets mathématiques un peu obscurs. Sur un écran, disposé sur le bureau et pendouillant à moité au dessus du vide, on pouvait voir une esquisse suffisamment détaillée pour qu’on puisse en distinguer les formes. Il s’agissait du croquis d’une salle où au centre trônait une imposante colonne. La pièce vêtue d’un gris clair et uni comportait un sol si propre qu’il reflétait assez précisément la colonne en son centre. Un anneau creusé dans le sol l’entourait. Son épaisseur semblait suffisante pour que personne daigne essayer de le franchir à moins d’y tomber dedans. On aurait dit des douves empêchant tout nuisible de trop s’approcher de la colonne du milieu. Celle-ci, d’un gris assez mat, comportait en son centre un rayon vertical rouge qui la parcourait de haut en bas, irradiant la pièce presque en entier. Il atténuait un peu l’ambiance clinique qui y régnait. Xander se trouvait désormais dans cette salle. Il rêvait.
Le regard du jeune mathématicien fixait cette lueur verticale, hypnotisé par le mystère du rouge si intense prisonnier au cœur du pilastre. Le rayon de grenat vibrait de temps à autres. Il y avait en fond un bourdonnement très léger. Xander se retourna, faisant face à une porte blanche à une vingtaine de mètres de sa position. C’était là la sortie sans doute. Mais son regard fut de nouveau happé par le cylindre. Comme attiré, il avança lentement vers celui-ci, jusqu’au bord de l’anneau. Le jeune homme tenta de jauger la profondeur du fossé, mais il n’en vit même pas le fond. Il retint une déglutition, observa ensuite la distance à l’autre bord. Beaucoup trop loin. Pourtant, d’un mouvement incontrôlé et comme attiré par la colonne, il sauta, puis ferma les yeux sachant que son destin était scellé. Mais ce qu’il avait anticipé n’arriva guère. Comme téléporté, il avait franchi la fosse.
Le sociophysicien se sentait observé. Ce sentiment venait-il de ce qu’il avait en face de lui ? D’un pas lent, il s’approcha de ce qui semblait être une console. Il s’agissait apparemment du pad de contrôle de la machine. Xander examina l’objet et appuya au hasard sur un des boutons situé à côté de l’écran. Un petit jingle sonore survînt.
« Système Oculus 3.4.21. Bienvenue Maître Ikarion,c’était une douce voix féminine,vous avez sélectionné l’option : « destruction système ». Attention : cela entraînera également la destruction de la banque universelle de données du Gouvernement mécanique ». - Quoi… - Cette action est irréversible. Confirmez-vous votre choix ? - Je… - Choix confirmé. Vous avez dix secondes pour prononcer la phrase code d’urgence afin d’annuler le processus. 10 secondes. ».
La panique s’empara du corps et de l’esprit du jeune homme. Il ne voulait pas faire cela, il n’avait pas souhaité détruire Oculus ! Mais sa force mentale n’était pas assez puissante pour qu’il puisse contrôler lui-même ses mouvements. La force du rêve était trop intense, bien trop intense, et le docteur en était l’otage. Au même moment, Xander avait l’impression que le rayon rouge de la colonne l’observait. C’était comme un Grand Oeil qui le scrutait dans le moindre de ses gestes. Plus encore, cet œil le jugeait, et ce sentiment était d’autant plus fort que l’éclat écarlate du pilastre vibrait toujours plus intensément.
« 5 secondes. - N… Non ! »
La lueur rutilante s’épaississait, elle s’agitait avec violence et un bruit étrange émanait du système.
« 3, 2, 1... - NOOON !! »
Il hurlait de toutes ses tripes ! Tout à coup, le rayon vertical se rompit et une couleur rouge sang s’empara brutalement du tube toute entier. Un son strident. La lumière de la salle disparût le laissant dans une obscurité inquiétante, seul l’éclat écarlate demeurait. Puis plus rien.
-
Xander se réveilla en sueur, la respiration haletante. La lumière du jour transperçait les stores électroniques de la fenêtre et quelques faisceaux venaient s’échouer sur ses draps. Le jeune homme se redressa, ses implants oculaires et cérébraux s’initialisaient à mesure que la brume de son esprit se dissipait. Un frisson parcourut son corps. Il repensait à ce cauchemar. Etait-ce cela, Oculus, la machine qui connaissait le destin de l’humanité ? Sa future invention ? Il l’avait détruite dans ce rêve, réduit la Connaissance à néant. Tout ce dont il planifiait depuis sa thèse, son grand projet évanoui le temps d’une dizaine de secondes : un seul bouton avait suffi à tout anéantir.
« Tout va bien Maître ? »
Dex lévitait vers l’entrée de la chambre, observant Xander d’un petit air inquiet. Il n’osa guère s’approcher de peur de déranger son propriétaire, et restait là à le fixer dans son lit.
« Tout va bien, répondit le scientifique calmement. - Votre implant m’a indiqué une activité cérébrale assez inquiétante pendant votre sommeil. J’ai pu compiler les données, et j’en ai déduit qu’il ne s’agissait que d’un horrible cauchemar. - Oui… »
Xander se leva en gardant le silence puis se dirigea vers la salle de bain. Il se passa un peu d’eau sur son visage, et en profita finalement pour prendre une bonne douche. Quelques instants plus tard, le voilà habillé, presque prêt à partir pour le siège de la Faction Militariste d’Eriadu. Il ne restait plus qu’à prendre un bon petit déjeuner. Le jeune homme sortit de sa suite, suivit de Dex qui avait décidé cette fois de rester silencieux. Calista, assise dans un fauteuil du salon, buvait un thé en scrutant la ville à travers la vaste baie vitrée qui baignait l’appartement de lumière. Le père Ikarion semblait déjà parti pour Phelar.
« Bonjour Xander, lança Calista en buvant une gorgée de son précieux liquide. - Bonjour mère… »
Le scientifique prit la théière et s’en versa un peu dans une tasse avant de se saisir d’un fruit. Il se posta devant la baie vitrée en croquant dans un shuura frais et juteux, mais ne pouvait s’empêcher de songer à cet horrible cauchemar.
« Comment s’est passé ce dîner hier soir ? - Ma foi très bien, je pense les avoir intéressés. Mais le plus dur reste à faire. Convaincre les personnes intelligentes n’est pas si difficile… Convaincre des idiots, c’est une autre histoire. - Voilà une manière bien méprisante de parler de ses camarades militaristes… - Oh, Mère...Xander haussa les épaules, dîtes-moi, que connaissent-ils à la Raison ? »
Il but une ultime gorgée en regardant le paysage urbain une dernière fois avant de laisser son récipient sur la table basse. Calista avait gardé le silence.
« Bien, j’ai à faire. - Très bien, très bien… bon courage mon fils ».
Xander enfila une veste habillée. Ce jour annonçait un rendez-vous crucial. Aujourd’hui, les cadres devaient s’entretenir avec Morgan Fleet, l’occasion rêvée d’improviser un petit débat entre cet homme passionné et le sociophysicien, beaucoup plus calme et posé. Le mathématicien sortit de l’appartement familial et se rendit, accompagné de son fidèle Dex, au siège de la Faction. Le sort en était jeté.
La Force
Messages : 159 Date d'inscription : 09/06/2019
Profil du personnage Espèce: Réputation: (0/0) Expérience : (0/0)
Maître du Jeu
Jeu 18 Juil - 17:28
- Il finira bien par accepter, Morgan.
- Je l’espère, mais il tarde à faire parvenir sa réponse. C’est à croire qu’il ignore totalement la pression exercée sur lui.
- Il ne pourra pas l’ignorer éternellement. J’ai d’ailleurs eu une conversation avec Leo et Lucius au sujet de Tarkin, et ils m’ont assuré qu’ils mettraient en œuvre tous les moyens nécessaires pour assurer ta nomination.
- Lucius est un Valorum. Son soutien aurait eu de la valeur il y a cinq ans, mais aujourd’hui, le simple fait d’être le cousin du traître le marginalise totalement. Il est grillé. C’est dommage, mais c’est comme ça. Quant à Leo Farebor… vous parlez d’un cadeau… Un planqué, voilà ce qu’il est. La passivité incarnée. Je ne voudrais pas du soutien de cet incapable même si je me retrouvais livré à moi-même. Il faut regarder la réalité en face : aucune passion ne l’anime, aucun idéal. Ce type est une foutue girouette qui n’est militariste que par opportunisme. Si un autre candidat venait à lui offrir de meilleures chances d’améliorer sa situation personnelle, alors on pourrait faire une croix sur son appui. Non, mon commandant. Remerciez-les de ma part, mais je pense qu’on devra se passer d’eux si l’on veut être un minimum crédible. Ces pauvres sires essaient simplement de se mettre en valeur.
- Soit. Tu as sans doute raison. Mais ne perds pas espoir pour autant. Nous avons bien d’autres sympathisants parmi les hauts cadres du Parti et les donateurs, sans oublier nos amis de l’armée, qui nous soutiendront jusqu’au bout. Patience, Morgan. Tarkin est un militariste modéré, mais un militariste quand même. Il finira bien par s’aligner sur notre ligne.
- Oui, certes… Vous avez sans doute raison, mon commandant. Je ne supporte plus l’inertie, voilà tout. Il me tarde que les choses changent dans notre bonne vieille République et que ce vieil appareil rouillé soit remis en mouvement.
- Moi aussi, je suis pressé de me mettre au travail, Morgan. Moi aussi. Sur ce, excuse-moi, mais je dois te laisser. Le gouverneur convoque l’état-major pour une réunion extraordinaire tardive, et je ne souhaite pas être en retard. J’essaierai de lui glisser un mot à ton sujet, mais je ne te promets rien : les affaires militaires avant tout.
- Je comprends, mon commandant. Merci encore pour votre soutien.
Morgan Fleet
Morgan Fleet coupa la communication avec son vieux mentor. Combien de batailles avait-il mené aux côtés du commandant Staragame ? Pendant combien d’années le vieil officier avait-il été son guide et son ami ? Il n’aurait su le dire. Il lui semblait à cet instant que le vieil officier avait veillé sur lui depuis une éternité.
Fleet rangea son comlink à l’intérieur de sa veste blanche et quitta l’obscur petit salon dans lequel il s’était isolé pour discuter avec le commandant. Il ne pouvait pas faire attendre ses compagnons plus longtemps, ce n’aurait pas été correct. Vêtu de sa rutilante tenue de soirée, il avait taillé sa barbe de manière impeccable et laissé retomber ses longs cheveux bruns sur sa nuque, adoptant un style à la fois élégant et sauvage de gentleman au charme félin. Le Silver Bow - Gentlemen’s Club était certes un lieu prestigieux fréquenté exclusivement par l’intelligentsia militariste d’Eriadu, mais c’était avant tout un lieu de détente où les responsables du Parti prenaient le temps de se relaxer après une rude journée de dur labeur.
Morgan Fleet rejoignit promptement le salon principal du club privé. Installés dans de luxueux fauteuils, certains des personnages les plus influents d’Eriadu étaient visibles dans la salle. Tous sirotaient un cocktail, un verre de vin ou une larme de whisky corellien au son de la mélodie entraînante jouée par l’orchestre du club. Mais une chose était particulièrement frappante à propos de cette assemblée : on n’y voyait que des humains. Ni droïde, ni alien, rien que des humains. Cela valait d’ailleurs également pour le personnel qui servait les notables, comme si ces derniers ne supportaient pas d’être dérangés par une présence non-humaine dans leur havre de paix. Ainsi était la haute société d’Eriadu.
Là, Fleet retrouva assis autour d’une petite table ronde ses deux amis, Lisa Tarkin, cantatrice de renom, devenue célèbre pour ses performances à l’Opéra de Coruscant, et Arturus Bowey, jeune juriste du Parti Militariste d’Eriadu et ultraconservateur notable. Lisa Tarkin était une belle femme d’une trentaine d’années, aux cheveux noirs liés en chignon, aux yeux verts pétillant et au sourire éclatant. Quant à Bowey, il affichait malgré ses vingt-cinq ans l’arrogance des intellectuels trop sûrs d’eux, visible au sourire narquois qu’il affichait perpétuellement sur son visage fin, et accueillait la plupart de ses interlocuteurs en les dévisageant avec mépris de ses yeux bleus glace. Néanmoins, il avait su faire une exception pour Lisa Tarkin et Morgan Fleet, qui étaient pour lui des amis fidèles.
- Morgan ! lança Lisa Tarkin à Fleet alors qu’il approchait. Où étiez-vous passé, mon ami ? Nous pensions que vous étiez parti comme un voleur !
- Voyons, ma chère Lisa, c’est bien mal me connaître. Jamais je n’abandonnerais si agréable compagnie sans la saluer dignement. Je devais simplement m’entretenir avec Staragame, voilà tout.
- Des problèmes liés à votre nomination, vieille branche ? interrogea Bowey en recrachant la fumée de sa cigarette.
- Rien de bien grave, rassurez-vous. Juste un léger contretemps. A vrai dire, le gouverneur semble tarder un peu à rendre la chose officielle, mais je ne me fais pas de souci.
Une fois installé dans un fauteuil, l’officier se tourna vers la cantatrice et s’adressa à elle avec un sourire charmeur.
- Mais peut-être auriez-vous la gentillesse d’intercéder en ma faveur auprès du gouverneur, Lisa ?
Lisa Tarkin rit de bon cœur.
- Allons, très cher ! Ne soyez pas ridicule ! Vous savez bien que mon oncle et moi-même ne sommes pas en très bon termes.
- Vraiment ? Comment diable peut-on être en mauvais termes avec une personne aussi délicieuse que vous ? Croyez-moi, si cet homme vous refuse quoi que ce soit, c’est qu’il n’est pas humain !
- Vil flatteur !
- C’est tout à fait moi !
Un serveur passa près de la table des trois amis, et d’un geste de la main, Morgan Fleet lui demanda de remplir leurs verres. Une fois les verres de liqueur, de whiksy et de vin alderaani servis, Lisa Tarkin reprit la conversation, souriante.
- Et une fois à la Rotonde, Morgan ? Quels seraient vos projets ?
- Ma foi, je me verrais bien viser la chancellerie ! répondit l’officier en éclatant d’un rire joyeux. Lorsque les militaristes auront suffisamment de poids pour gouverner sans ces clowns du Noyau, il faudra bien un nouveau chancelier pour porter leurs idées. Et franchement, très chère, est-ce que vous imaginez cette Twi’lek d’Illura être investie d’une telle mission ? Ce serait grotesque ! Non, la République a besoin d’un homme d’action à sa tête. Et un humain de préférence, cela va de soi.
- Un chancelier humain semble en effet être le meilleur choix, approuva Bowey. Ces aliens sont si fantasques, ce ne serait pas raisonnable que l’un d’entre eux gouverne au nom de notre respectable faction.
- Assurément ! lança la musicienne avec un ton sentencieux.
Les trois amis trinquèrent à cela. Ils partageaient beaucoup de choses, et parmi elles, le sentiment de supériorité du genre humain était un des liens les plus forts les unissant.
- Quand je serai sur Coruscant, croyez-moi que je ferai tout mon possible pour relever un peu le niveau et remettre ces non-humains à leur place. Neimoidiens, Sullustains… C’est à cause de la corruption inhérente à leurs races que la République est plongée de la guerre civile ! Vivement que ces séparatistes soient matés par notre Grande Armée comme leurs troupes l’ont été sur Taris.
Cela fit ricaner Bowey.
- Coruscant ? Vous parlez avec beaucoup de certitude. Vous ne craignez donc pas que Tarkin jette son dévolu sur un potentiel rival ?
- En aucun cas ! Le choix est un luxe dont Aleister Tarkin ne dispose pas dans cette affaire. Notre bon gouverneur est borné, mais il ne peut pas se permettre de se mettre l’intégralité des cadres décisionnaires du Parti à dos. Il me nommera tôt ou tard, vous verrez. Peut-être pas de gaieté de cœur, mais il le fera.
- Vraiment ? Pardonnez-moi d’émettre un doute, mon cher. Peut-être avez-vous raison, mais je tiens de source sûre que le gouverneur et son épouse reçoivent ce soir un invité de marque. Un invité seul.
- Vous espionnez le gouverneur, Arturus ? Voilà qui ne semble pas très correct !
- J’ai des amis au Palais, mon cher. Comme partout ailleurs.
- Soit… Et qui est donc ce mystérieux invité qui vous fait douter ainsi ? Dites-moi tout !
- Xander Ikarion. Ce nom vous dit quelque chose, n’est-ce pas ? Il enseigne une obscure discipline scientifique à l’université de Theed, sur Naboo. Une discipline qui semble destinée à devenir un outil de gouvernance.
- Ikarion, Ikarion… Oui, son nom ne m’est pas inconnu, bien entendu. Sa famille est très respectée et, ma foi, tout à fait respectable. Mais tout de même, je ne vois pas ce qui vous fait croire que ce jeune homme puisse devenir une menace !
- Un universitaire de bonne famille, respecté pour ses travaux et menant de telles recherches ne serait pas une menace ? Je vous trouve bien optimiste, vieille branche. Enfin, vous avez sans doute raison, comme toujours !
Morgan Fleet conserva le silence quelques secondes pour réfléchie, puis soupira avec une moue indifférente. Il répondit ensuite au juriste avec un sourire, amusé par ses soupçons.
- Soit, il a dîné avec le couple Tarkin, la belle affaire. Et après ? Allons, mon vieux, vous extrapolez ! Le gouverneur peut tout à fait recevoir ce jeune docteur sans avoir d’idée derrière la tête ! Ce ne serait pas la première fois qu’il dîne avec un intellectuel en tout cas.
- Non, en effet, mais il ne reçoit plus beaucoup d’invités depuis le début de la guerre. Et là, nous avons un brillant scientifique qui, à peine de retour sur son monde natal, est convié par le gouverneur en personne après avoir présenté sa théorie révolutionnaire et pleine de belles promesses devant la nomenklatura du Parti.
- Je n’ai pas assisté aux conférences d’hier. J’avais à faire, malheureusement.
- Vous auriez dû venir, mon cher ! C’était particulièrement… instructif. Surtout l’exposé du docteur Ikarion. Je ne sais pas si sa théorie peut être raisonnablement prise au sérieux, mais je ne doute pas que certains spectateurs ont pu être happés par sa présentation. Et il n’est pas à exclure que le gouverneur ait été enthousiasmé. Si vous voulez mon avis, vous devriez mener votre petite enquête à ce sujet.
Morgan Fleet affichait une mine sombre. Il ne trouvait pas les mots pour exprimer l’exaspération que lui inspirait l’idée de voir un mathématicien de pacotille lui damer le pion. Contrarié, il se saisit du verre de whisky corellien qu’un serveur venait de lui apporter et le vida d’une traite, sans prendre le temps de savourer le breuvage doré.
- Ne vous laissez pas abattre, Morgan ! Même si ce docteur Ikarion s’avérait être un rival, vous n’aurez aucun mal à le balayer ! Vous êtes un battant, je l’ai toujours su !
Un sourire reparut sur le visage du militaire.
- Lisa, vous êtes un ange. Qu’est-ce que nous ferions sans vous ?
- Ma foi, vous vous laisseriez aller. En tout cas, ce ne serait pas beau à voir, j’en ai bien peur ! rétorqua-t-elle avec malice. Mais assez parlé de tout cela. J’ai envie de danser ce soir. Morgan, soyez un ange vous aussi, et accompagnez-moi ! Vous avez l’air d’en avoir besoin.
L’officier s’exécuta en riant. Le reste de la soirée, il se laissa emporter par la musique, l’alcool et le charme de sa partenaire, sans penser une seule fois à cette arrogant petit gêneur de Xander Ikarion et à cette tête de mule d’Aleister Tarkin. Au diable la politique, pour l’heure, Fleet ne souhaitait que profiter cette folle soirée.
Ce n’est que le lendemain matin, en ouvrant les yeux, qu’il retrouva la mine sombre qu’il avait eu après les révélations de son ami Arturus Bowey. Sans se lever de son lit, il écouta le bourdonnement matinal des rues d’Eriadu City en pensant à la suite des événements. L’officier consulta l’heure et prit un air contrarié en découvrant que le soleil était déjà à son zénith. Il jeta un regard vers Lisa Tarkin, toujours profondément endormie, et se leva, la laissant seule sous les draps de soie. Cette journée était particulièrement importante, et il devait se préparer rapidement.
Après avoir enfilé son uniforme, il se dirigea vers le siège du Parti avec détermination. Sur le chemin, alors que son chauffeur le conduisait en speeder vers la gigantesque bâtisse occupée par la branche locale de la Faction militariste il réfléchit à la façon dont il pourrait être sûr des intentions du gouverneur. Avait-il réellement jeté son dévolu sur un scientifique sans expérience de la guerre ? Grotesque ! Grotesque, mais néanmoins possible… Il devait en avoir le cœur net, et si tel était le cas, il devrait s’assurer du soutien indéfectible de ses alliés pour enfin contraindre Tarkin.
Arrivé en avance au majestueux siège du Parti Militariste d’Eriadu, Fleet décida d’attendre dans l’un des sièges disposés dans le vaste hall d’accueil. Durant un long moment, il s’imagina quel genre d’homme pouvait être Ikarion et se demanda s’il avait de réelles raisons de craindre cette concurrence fortuite. Quand soudain, du coin de l’œil, il remarqua un visiteur inattendu. Sacrée aubaine.
- Docteur Ikarion ! Quelle surprise de vous voir ici. Je vous imaginais déjà reparti pour Naboo, mais je suppose que vous devez profiter de ces quelques jours en compagnie de votre famille. Pardonnez-moi, je ne me suis pas présenté. Capitaine Morgan Fleet, à votre service.
Il s’inclina respectueusement lorsqu’il se présenta au jeune scientifique.
- On m’a dit le plus grand bien de vous. Votre conférence d’avant-hier semble avoir fait forte impression auprès de bon nombre de mes amis. Quel bon vent vous amène, docteur ?
Pile à l’heure. La ponctualité légendaire de Xander Ikarion se confirmait de jour en jour. Tout avait été savamment calculé : l’heure à laquelle il devait quitter son domicile, le temps qu’allait prendre le taxi durant le trajet, et la poignée de minutes au siège le temps de s’affairer à quelques conventions sociales qu’il avait en horreur. Le jeune homme en était convaincu, il entrerait dans la salle de réunion à la seconde près. Celui-ci jeta quand même un coup d’oeil furtif à sa montre histoire de se rassurer, puis resserra un peu trop le nœud de sa cravate, dont la bande de tissu se faufilait sous son gilet d’un gris assez foncé. Xander passa les portes du fameux siège de la Faction militariste, sans doute le plus grand quartier général du parti de toute la Bordure. Ses dossiers sous le bras, il ne put parcourir en paix que quelques mètres. Encore un fan de ses travaux ? Non, il ne s’agissait pas du militant du coin… Xander ne s’attendait certainement pas à déjà se faire aborder par Morgan Fleet en personne, le « favori » à la nomination sénatoriale. Son avance avait-elle été calculée ? S’était il assis dans le hall pour lui tendre ce piège ? Le scientifique se posait beaucoup trop de questions durant les maigres secondes pendant lesquelles Fleet s’avançait vers lui. Il s’inclina en réponse au geste de son interlocuteur, puis le fixa du regard. Fleet se présenta sur un ton un peu trop enthousiaste, en s’affairant à tenter de flatter le scientifique.
- Je sais très bien qui vous êtes Capitaine, ravi de faire votre connaissance, répondit Xander sur un ton faussement enthousiaste.
Si Fleet était à cet endroit précis et s’il avait sauté sur l’occasion pour saluer le jeune homme, c’est qu’il avait nécessairement connaissance de certains détails, en plus d’avoir quelque chose en tête. Tout cela semblait bien préparé. C’est tout du moins ce que se disait le sociophysicien. Ainsi les hostilités allaient débuter maintenant, soit à peine 10 minutes avant la fameuse réunion.
- Je suis heureux d’avoir marqué certains esprits soyez-en sûr, mais j’aurais tout de même préféré que vous vous soyez fait vous-même une opinion de moi. J’avoue avoir été un peu déçu de ne pas vous avoir croisé lors de ma conférence. Vous êtes un candidat potentiel pour le Sénat, or j’aspire à ce que les prétendants au pouvoir prennent conscience de l’existence d’un nouveau savoir révolutionnaire utile à la gouvernance du monde, histoire de bousculer un peu les pratiques et la routine institutionnelle qui n’épargne personne malheureusement …
Xander lâcha un léger sourire avant de hausser les épaules.
- Cela dit je ne peux pas malheureusement intéresser tout le monde …
Le mathématicien serra ses documents de la main gauche tout en scrutant les expressions de Fleet. On connaissait aussi Xander pour son petit côté acerbe qu’il s’affairait bien à distiller finement durant ses prises de parole. Pour autant, il fallait s’imposer : il détenait un savoir qu’il lui conférait un avantage certain, il convenait donc de l’exploiter à fond, tout en dénonçant l’attitude politique irraisonnable de Fleet à l’image d’un ancien Sénateur du système… Il comptait bien exploiter cet argument durant la rencontre, et pas qu’un peu.
- Quant à ce que je fais ici, eh bien… Il marqua une brève pause. J’ai été mandaté pour assister à votre audition. J’espère que vous n’y voyiez aucun inconvénient.
Xander esquissa un sourire un peu plus large. Il tapota l’écran de sa montre avant de continuer.
- Il reste une petite dizaine de minutes, cela ne vous dérange pas que j’aille me prendre un café avant ? La question était rhétorique, le scientifique n’attendait aucune réponse de la part de Fleet. Je vous rejoindrai directement à la salle. Ne vous en faites pas, vous n’avez aucune raison de stresser, n’est-ce pas ? (Nouvelle question rhétorique). A tout de suite.
Xander continua alors son chemin, direction la machine à café à quelques dizaines de mètres de là. Il inséra une puce de crédit, puis le précieux liquide s’écoula dans un gobelet jetable. Pourtant relativement brûlant, le scientifique porta le café à ses lèvres tout en songeant à Morgan Fleet. Ce genre de personnages lui était proprement insupportable… Ils respiraient l’hypocrisie à des kilomètres à la ronde. Bien sûr qu’il l’avait attendu dans ce hall, mais cela signifiait qu’il savait que Xander représentait un potentiel danger pour lui. Fleet et lui allaient partir à égalité lors de cette audition, l’un et l’autre souhaitant dominer l’autre et s’attirer les grâces des cadres. Il n’y avait pourtant qu’un seul auditionné.
La Force
Messages : 159 Date d'inscription : 09/06/2019
Profil du personnage Espèce: Réputation: (0/0) Expérience : (0/0)
Maître du Jeu
Dim 4 Aoû - 12:56
Morgan Fleet grinça des dents autant qu’il serra les poings. Lui des raisons de stresser? Pourquoi? Parce que ce petit conférencier était allé se remplir la panse chez le couple Tarkin la veille? Parce qu’il a été “mandaté” pour assister à son audition?
Bowey lui avait dit de se méfier de ce nouveau joueur qui allait complexifier sa partie. Cela dit, Fleet était un homme de challenge. Il n’y a pas de grande victoire sans grande bataille. Ses lèvres s’étirèrent doucement en une fine ligne barrant son visage et la voix douce de Lisa lui revint en tête. Ikarion ne faisait pas parti de ses batailles. Il n’était probablement qu’un simple observateur, un petit caillou qui avait été jeté là sans grand ricochet. Et s’il bénéficiait peut être de l’appui de Aleister Tarkin en personne, lui était en passe d’être adoubé par l’ensemble des autres membres du Parti.
Aussi, après avoir ajusté le tombé de son manteau sur ses épaules et rabattu une nouvelle fois la mèche de cheveu qui lui retombait sur le front, il reprit place sur le siège dans la salle d’attente, bien décidé à respecter le protocole de l’audition. Quelques minutes plus tard, le commandant Staragame vint le chercher, lui tendant une main amicale. Immédiatement, Fleet se dressa sur ses jambes serrant fermement sa main.
- Morgan, j’espère que vous êtes en forme aujourd’hui!
Morgan hocha légèrement la tête.
- M’avez vous vu une seule fois en dessous de mes compétences Commandant?
Si l’assurance débordait une nouvelle fois de lui, il ne pu s’empêcher de prendre une voix plus basse, bien décidé à demander quelques explications à son mentor.
- J’ai croisé le Dr. Xander Ikarion il y’a quelques instants. Je ne savais pas que des observateurs extérieurs avaient été mandatés par…*il agita légèrement sa main droite, dans une rotation élégante, essayant d’obtenir une confirmation de ses soupçons*
Staragame s’arrêta quelques instants pour faire face à son poulain.
- Aleister Tarkin. Qui d’autres me direz vous, n’est ce pas?
Puis alors qu’ils s’avançaient à pas mesuré vers la salle d’audition, le commandant reprit d’une voix basse mais ferme.
- Je ne suis pour pas ma part pas surpris de voir ce comportement chez Aleister. Il pressent sans doute que… il ne pourra pas rester longtemps à son siège, malgré l’immense respect que j’ai pour lui. Il a géré les émeutes, le début de la guerre, les victoires mais aussi les premières défaites de la république. Il a bien évidemment encore de l’influence. Tout le monde le tient toujours en haute estime. Mais j’ai l’impression que l’usure de guerre à fini par l’atteindre….mais que connaît-il à la guerre? Cela fait longtemps que je ne l’ai plus vu à bord d’un vaisseau….
Juste devant les portes massives richement décorée de sculpture retraçant une très ancienne scène de chasse mythologique, Staragame s’arrêta de nouveau.
- Vous avez des appuis. Mais vous savez pourquoi vous êtes ici? Pour faire avancer une situation qui nous déplait à tous. Vous êtes là pour le futur d’Eriadu. Convainquez-les comme vous m’avez déjà convaincu. Fleet passa une énième fois la main dans ses cheveux. S’il ne craignait pas Ikarion, il se doutait bien qu’il était ici pour se faire voir , se faire entendre. Mais que vaut l’avis d’un théoricien face à l'expérience de la guerre. Le commandant poussa alors enfin les lourdes portes et l’invita à entrer.
La salle d'audience était recouverte de tableau et de moulures, exhibant le talent des artistes les plus en vogues de la Galaxie. Bien sûre, les tableaux des peintres séparatistes avaient fini par être décroché, remplacé par des peintures plus récentes, plus modernes, mais cela ne vint en rien briser la sensation de “pouvoir” qui émanait de la salle.
Une table en arc de cercle occupait toute la partie centrale de la pièce, avec au centre, le pupitre et l’holo écran permettant à l’”audité” de faire ses démonstrations. Derrière cette table, d’autres chaises étaient disposées, pour les fameux observateurs mandatés, mais qui ne devaient en aucun cas se mélanger aux pontes de la Nomenklatura d’Eriadu. Fleet marqua un arrêt, observant les membres présents. Tarkin n’était pas encore là. En bon respect du protocole, il arriverait en dernier. Mais il reconnut sans peine les autres membres, dont la plupart avaient donné leur allégeance à Staragame.
Aussi, sans attendre plus, il se dirigea vers sa place, juste devant l’holoécran, s’asseyant doucement sur son fauteuil en attendant que le Gouverneur fasse enfin son entrée
----- Aleister Tarkin était ponctuel, et le respect du protocole était une seconde nature chez lui. Aussi, malgré le fait qu’il soit présent depuis de nombreuses heures dans son bureau, il n’en était pas sorti avant moins le quart. Lorsqu’il descendit l’immense escalier qui menaient aux étages dirigeants du bâtiments du parti, il remarqua la présence de Xander Ikarion dans le hall. Ponctuel comme toujours lui aussi. Leur chemin se croisèrent donc et Aleister avança sa main vers lui en guise de salut.
- Bonjour Professeur, je suis ravi de vous voir ici.
La formule était polie, classique et masquait clairement les pensées du Gouverneur. Et bien que leur petit repas ce soit passé à huit clos, il se doutait bien que l’intégralité des membres du Parti était au courant de cette rencontre. Aussi parce qu’Aleister avait usé de son pouvoir pour introduire, un peu de force, le jeune Ikarion dans cette audition. Alors, en lui indiquant de le suivre vers la salle d’audition, il entama une nouvelle discussion.
- Je suppose que vous connaissez un peu Fleet, au moins par réputation. Une jeune brillant. Comme vous en fait. Et c’est en cela que je trouve intéressant que vous assistiez à cette petite audition.
Ils arrivèrent de nouveau devant la fameuse porte.
- Xander, personne n’est dupe sur notre rencontre, ayez en bien conscience. Mais aujourd’hui, il ne s’agit simplement pas d'intérêt mais de… savoir convaincre. Prenez donc bien cela en considération, et...n’oubliez jamais qui vous avez en face.
Le Gouverneur ponctua sa phrase d’un léger sourire puis poussa la lourde porte d’un geste assuré. A son entrée, tous se redressèrent. Aleister parcouru la salle du regard, adressant un sourire/salut à chacun avant de se diriger vers le fauteuil central. Le gouverneur indiqua de sa main une place légèrement en retrait à Xander Ikarion, puis lorsqu’il s’assit enfin, l’ensemble de la Nomenklatura l’imita, sauf Fleet qui resta debout.
Aleister joignit les mains devant lui et tourna la tête vers le Lieutenant Wortz, à deux places sur sa droite.
- Secrétaire, commencez s’il vous plaît.
Wortz, un homme dans la trentaine, les cheveux blond comme les blés mais à la jambe d’acier, perdue dans le crash de son chasseur.
- Bonjour Messieurs. A l’ordre du jour : Introduction de Morgan Fleet, notamment concernant l’avancée de la guerre, débat de propositions stratégiques. Il s’agit d’une discussion “non officielle” destinée avant tout à orienter les prochaines décisions du Parti, notamment au Sénat Galactique. Sont en présences, le Gouverneur Aleister Tarkin, le commandant Staragame, le sous lieutenant Ty, le directeur de la Division Spatiale M. Luther- jouin, le sous commandant Areba, le lieutenant Zader, le sous lieutenant Nénara, moi même et M. Morgan Fleet. Un observateur mandaté, le professeur Xander Ikarion. Un absent, excusé, le caporal Yulli, récemment papa d’une petite fille. Quelques “félicitations” parcoururent la tablée. Ce genre de nouvelle était toujours bonne à prendre dans le contexte tendu dans lequel ils évoluaient. Wortz se tourna vers Tarkin.
- Gouverneur. C’est à vous.
- Merci Wortz. Bien, Monsieur Fleet, le commandant Staragame nous a fait part de son souhait de vous introduire à nous. * Aleister joignit de nouveau les mains devant lui dans une posture plus qu’officielle*. Je vous laisse donc vous présenter, et répondre à ma première question : avez-vous eu vent des récentes discussions menées au Sénat Galactique?
Morgan Fleet inclina respectueusement la tête.
- Merci Gouverneur Tarkin. Pour ceux d’entre vous qui ne me connaisse pas encore, j’ai servi, avant le début de la guerre, et sert encore le commandant Staragame dans ses opérations militaires. Merci à lui de m’avoir fait confiance plus d’une fois, notamment pour Taris, dont je ne vous repasserez pas les détails.
Taris, le petit succès qui l’avait propulsé en digne héritier du pouvoir militariste d’Eriadu. Une victoire militaire d’envergure qui privait désormais la CSI de nombreuses ressources et de développement technologiques de pointes.
- Concernant le Sénat Galactique, la seule information dont je dispose est qu’ils ne font rien.
La phrase avait été lâchée froidement, un peu provocatrice, mais Fleet savait où il mettait les pieds.
- Aucune stratégie annoncée, et tandis que nos ennemis s’arment et développent des technologies robotiques, le Sénat débat encore et encore, affaiblissant chaque jour les fronts que nous tenons. L’armée clone est un atout mal exploité. Les chantiers spatiaux, et pardonnez moi M. Luther-Jouin, le sont aussi.
Fleet fit quelques pas et appuya sur un bouton sur le pupitre à côté de lui.
- Nous accusons actuellement un grave déficit en terme de ressources, ce qui ne nous permet pas de compenser les pertes de vaisseaux primordiaux lors des premières années de la guerre.
Un schéma s’afficha, représentant la carte de la Guerre, une fine ligne rouge marquant la démarcation entre les fronts tenus par la CSI et celle par la république.
- Récemment, mes...nos services d’information nous ont fait remonté des problèmes similaires chez nos ennemis *il appuya légèrement sur ce mot*. Mais ils ont trouvés une nouvelles sources d’approvisionnement, de nouvelles mines mise à jour sur Bespin.
Le nom et l’image de la planète Bespin apprurent alors derrière lui, et Fleet mit les bras derrières son dos en scrutant l’assemblée.
- Qu’ils ne garderont pas longtemps si nous intervenons immédiatement. On ne peut décemment pas laisser ces chiens se réarmer pendant que le Sénat se tourne les pouces.
Aleister marqua le silence et se mit légèrement en retrait sur sa chaise. S’en prendre à Bespin était un risque. Certe, la planète minière n’était pas connue par son dévouement absolu aux confédérés mais elle était loin d’embrasser les idéaux républicains.
- Cette information est très intéressante, mais cela ne risquerait-il pas de nous plonger dans un nouveau conflit ouvert? Fleet affichait un sourire franc. Il avait attendu cette question :
- Et alors? Sous ce prétexte là, devons nous les laisser se fortifier? *un nouveau plan s’afficha sur l’holoécran*. La planète est mal défendue, elle n’est pas considérée comme importante. Il y’a ici d’une part la possibilité de s’emparer de ressource, mais aussi de provoquer un mouvement sur les lignes de fronts actuelles… Vous savez tous que je suis capable de monter cette opération, de la mener à bien, avec une flotte type “Lord 2”, Bespin sera une nouvelle Taris.
En disant cela, il avait appuyé son regard sur Ikarion. Il n’avait bien évidemment pas détaillé l’intégralité de sa stratégie, mais le jeune professeur ayant été désagréable lorsqu’ils s'étaient croisé, il n’avait pas envie de lui donner quoi que ce soit sur ses talents de stratège.
Dans le demi cercle, Staragame opina légèrement du chef.
- Bespin est ...non stratégique pour le moment, mais effectivement, elle peut subitement le devenir. Et cela nous ouvrirait effectivement d’autres opportunités. Mais il faudra l’appuis du Sénat.
Aleister Tarkin prit une grande inspiration. C’était effectivement l’occasion de faire avancer cette guerre. Sur un chemin pas forcément adéquate. Aussi, il prit quelques secondes pour faire le tour de l’assemblée, sans oublier d’adresser un regard au jeune Xander Ikarion.
Hrp : je me suis inspiré notamment des informations disponibles sur la fiche de faction républicaine pour étayer les propos de Xan ^^
Le café chaud lui brûla légèrement l’œsophage. Une grimace déforma logiquement le visage du docteur, puis celui-ci jeta son gobelet vide dans la poubelle la plus proche.
- Bien.
Xander resserra sa cravate à son col puis rejoignit le hall. Descendant dans l’immense vestibule du quartier général des militaristes, Aleister Tarkin, le fameux gouverneur d’Eriadu s’aperçut de la présence du sociophysicien. Il vint donc le saluer, tout sobrement mais poliment. Le jeune scientifique ne put retenir un léger sourire en direction de l’homme avec lequel il avait dîné la veille. A vrai dire, Xander avait passé une agréable soirée chez eux, ravi au passage d’avoir pu découvrir la puissance politique d’Irina, la femme du gouverneur. Il accepta la main tendue de l’homme le plus puissant du système Seswenna et la serra avec détermination.
- Bonjour Gouverneur, plaisir partagé.
A l’initiative d’Aleister Tarkin, tous deux s’engouffrèrent dans le couloir qui bientôt allait les mener vers la salle d’audience. Xander jeta un regard bref vers le hall, Fleet n’y était plus, sans doute demeurait-il déjà sur place. Un petit sourire de satisfaction s’esquissa alors sur ses lèvres. Le scientifique n’était pas grand-chose pour l’instant au sein des militaristes, si ce n’est un petit génie tyrannique à la recherche de la perfection mathématique, et pourtant c’est en accompagnant le gouverneur que déjà il pouvait jouir du luxe de se faire désirer auprès d’une assistance composée des grands pontes de la Faction. Peut-être un jour n’aurait-il plus besoin de l’aide du gouverneur pour cela… Mais ce dernier l’extraiya soudainement de ses pensées, en poursuivant la conversation. Briefer le sociophysicien sur le Capitaine ne pouvait qu’être salvateur, pourtant Tarkin fut assez laconique.
- Je le connais un peu en effet, répondit sobrement Xander, disons qu’il n’est pas du genre à se rendre discret. Cet homme est explosif, beaucoup trop si vous voulez mon avis, et j’ai en horreur l’instabilité qu’il m’évoque.
Une réponse dans la droite lignée de ce qu’il avait évoqué la veille au soir. Mais voilà que tous deux arrivèrent déjà devant l’entrée de la salle d’audience. Xander écouta attentivement les paroles du gouverneur. Il se dit alors qu’une personnalité politique de la puissance de Tarkin ne pouvait avoir de vie privée. Tout le monde était au courant du tout, d’autant plus que les batailles politiques existaient bel et bien dans l’enceinte du Palais alors que l’administration était censée être subordonnée au pouvoir politique désigné pour exercer l’autorité sur la planète. Qu’importe, ces batailles bien qu’invisibles avaient lieu et tout ce que faisait le gouverneur fuitait d’une manière ou d’une autre. Évidemment, le dîner de la veille au soir n’était un secret pour personne, Xander en était bien conscient. Il acquiesça simplement d’un signe de tête à la phrase de Tarkin avant que tous deux pénètrent dans la fameuse pièce.
Tout le monde était déjà là, une surprise pour personne. Le scientifique se contenta de suivre les pas du gouverneur, saluant chaque protagoniste avant de s’installer légèrement en retrait, là où on lui avait dit de s’asseoir. Les hostilités commencèrent alors.
Wortz, un jeune lieutenant entama l’introduction, il tenait le rôle de secrétaire et présenta l’ordre du jour, l’auditionné puis les auditeurs, tous des officiers gradés (sans doute certains avaient ils acquis leur titre via leur position dans la hiérarchie de la Faction ou de l’administration). Un seul absent, apparemment un caporal jeune père. Cette information passa froidement au dessus d’Ikarion, insensible à ce genre d’annonces. Tarkin reprit peu après la parole, demandant à Fleet de se présenter puis de répondre à sa première question : celui-ci était il au courant des discussions menées au Sénat en matière militaire ?
Xander analysa la situation. La question recouvrait plusieurs sujets : l’action militaire de la République et son avancée en période de guerre froide tendant à se réchauffer ; l’acquisition d’informations stratégiques auprès d’une institution que Fleet souhaitait intégrer après nomination par le Gouverneur ; et enfin le rôle politique du Sénat sur les questions militaires. Le jeune homme scruta rapidement Staragame, le commandant sans doute derrière la candidature de Fleet. Il était donc inutile de le convaincre lui. Les autres semblaient à peu près neutres, du moins à sa connaissance.
Le sociophysicien écouta attentivement l’exposé du candidat. Très concentré, il intégra chaque information que lançait Fleet à l’audience, schémas à l’appui. Mais quelque chose clochait. Il s’agissait d’une audition effectivement axée sur la détermination de positions partisanes, notamment au Sénat, mais mêler la chambre législative à l’action militaire était une erreur : le Sénat n’avait qu’un pouvoir de contrôle sur la Grande Armée Républicaine, c’est la Chancellerie qui supervisait les opérations militaires, le Haut-Commandement qui faisait les propositions stratégiques et qui les appliquaient après approbation de la Chancellerie. Fleet semblait s’emmêler les pinceaux, le Sénat n’avait aucun pouvoir sur les opérations militaires. Cela dit, le Parti avait tout intérêt à avoir une position politique sur la question, c’était évident, d’autant plus qu’il faisait parti de la coalition de gouvernement. S’attaquer au Sénat, majoritairement acquis à la guerre était-il vraiment judicieux ? Xander semblait penser que non. Il ne manquerait pas d’aborder ce sujet.
Outre cette question, le mathématicien se devait d’avoir un avis sur la proposition de Fleet, indépendamment de l’erreur qu’il venait de commettre. Celui-ci s’attarda sur le problème des ressources. Rien à dire, cela en était inévitablement un, le gaz Tibanna est une ressource essentielle pour tout armement digne de ce nom. Mais voilà que la question de l’invasion de Bespin était sur la table… Dangereux ? Certainement. Aucun camp, d’un côté comme de l’autre ne semblait prêt pour un nouveau conflit ouvert, l’heure était encore aux escarmouches. Oui bien évidemment, tout le monde souhaitait en découdre mais en aucun cas cette solution était envisageable, pour le moment.
Tarkin fit le tour de l’assemblée, recueillant les impressions de chacun, puis son regard s’attarda sur le docteur. Il le lisait dans son regard, c’était maintenant qu’il fallait intervenir.
- Si je puis me permettre une analyse de votre réponse à la question du Gouverneur Tarkin Capitaine Fleet, lança-t-il en s’éclaircissant la voix. Plusieurs points.
Xander se redressa puis se lia les mains sur la table à laquelle il était assis. Il prit un air tout à fait sérieux, observant les notes qu’il avait pu prendre durant l’intervention du fougueux militariste. Il semblait prêt à dérouler son exposé.
- Tout d’abord, la population républicaine semble acquise à la cause militaire. Nous disposons d’une coalition de gouvernement pro-interventions militaires. Nul doute : tout le monde ici, moi y compris, et plus de la moitié des citoyens de la République, souhaitent écraser la rébellion séparatiste. Xander marqua une pause : il fallait redescendre, et partir depuis des évidences. Encore faut-il que nous ayons les moyens de notre victoire totale.
Le jeune homme regarda une nouvelle fois ses notes et prit une petite inspiration suffisamment discrète. Il redressa la tête en direction de son interlocuteur mais il ne manqua pas de scruter le reste de l’audience, de temps en temps.
- La question du Gouverneur portait sur vos renseignements relatifs aux positions du Sénat et éventuellement des pistes relatives à nos prises de positions politiques sur la situation militaire de la République. Vous nous avez répondu que le Sénat ne faisait rien… Xander prit un air dubitatif. Bien-sûr, l’ordre politique peut être réformé, ce n’est pas un problème… Mais comme je l’ai dit précédemment, nous détenons la majorité, certes par le biais d’une alliance faite à contrecoeur, mais tout de même : la Vice-Chancelière est une militariste, que nous le voulions ou non, elle a nécessairement été proposée par notre Faction. Nous aimerions tous un des notres à la Chancellerie, moi le premier, mais accuser le Sénat d’inaction c’est tout de même critiquer notre propre coalition… Il ne me semble pas que cela soit dans l’ordre des choses… Car nous détenons près d’un quart des sièges et nombre de postes clés.
Le docteur fit un bref silence tout en faisant comprendre qu’il n’en avait pas terminé avec son interlocuteur. Sa main droite s’agitait un peu sur la table, frappant ses doigts sur celle-ci en suivant un rythme régulier.
- Par ailleurs… Et pardonnez moi, vous le savez sans doute déjà, mais… Le Sénat Galactique ne dispose d’aucun pouvoir en matière d’organisation d’opérations militaires. Bien sur, celui-ci peut prendre des décisions politiques majeures, dispose d’un pouvoir de contrôle sur les personnels militaires, mais vous n’êtes pas sans savoir que depuis l’extension des pouvoirs de la chancellerie, c’est elle qui contrôle l’action de la Grande Armée via le Haut-Commandement qui propose et applique les décisions du Chancelier. Cela n’évacue pas le fait que le Parti doive nécessairement avoir un avis sur tout, c’est vrai, mais la proposition que vous nous faites ici est hors sujet : Capitaine, candidatez-vous officiellement pour le Sénat ou pour intégrer le Haut-Commandement… ?
Xander enchaîna sur un exemple.
- Le Sénat est actuellement dans son rôle, il débat sur une décision politique majeure : doit-il voter la grande conscription nationale ? Cette décision est majeure Capitaine, elle permettrait d’enrôler des millions et des millions de non clones dans la Grande Armée. C’est une problématique majeure, qui pourrait changer le cours de la guerre, j’aurais cru que vous nous parleriez de ces débats... Le scientifique marqua le pas scrutant fixement le capitaine d’un regard intense et inquisiteur. Le Sénat débat donc sur cela, non pas en effet sur les mouvements de la Grande Armée. Je serais d’ailleurs curieux de connaître votre avis sur la question car voilà une position sensible et excessivement importante pour notre Faction au Sénat. Cela ne nous empêche pas d’émettre un avis sur la politique militaire du Chancelier, il est vrai… Une fois cela dit, je vais tout de même revenir sur votre démonstration il faut le dire bien étayée par quelques cartes et quelques schémas bien utilisés.
Xander pouvait sembler un peu dur, mais il faisait de la politique et s’accommodait finalement des faits et des institutions républicaines qui encadraient le pouvoir et la décision : un Sénateur ne pouvait pas faire n’importe quoi et c’est avec cette donnée qu’il fallait réfléchir d’abord. La question de la refonte des institutions et des pouvoirs qu’on leur accordait était un autre sujet.
- La question des ressources est en effet une préoccupation majeure, je ne le contredirai pas. Et si nous souhaitons continuer notre effort de guerre dans la croissance de notre armement, il est tout à fait vrai de mettre cette problématique en avant. Les séparatistes détiennent nombre de planètes de la bordure riches en ressources. La solution la plus évidente serait en effet de leur prendre.
Le sociophysicien se frotta légèrement le menton en scrutant quelques mots sur son datapad.
- Je suis mathématicien, sociophysicien pour être exact. Vous le savez Capitaine même si je regrette que vous ayez été absent lors de ma conférence, ici même au siège de la Faction. Je raisonne, j’agis peu avec mes émotions car j’évalue les possibilités qui me sont offertes. Ma science a pour but de maintenir un ordre perpétuel en anticipant les problématiques de la civilisation. Xander s’humidifia les lèvres en les retroussant légèrement vers sa bouche avant de reprendre. Ainsi, tout me pousse à affirmer que nous ne sommes pas encore prêts pour une opération d’envergure, du style de Taris que vous avez mené avec brio, mais qui nous plongerait dans un conflit que nous ne pourrions pas maîtriser au regard de l’état actuel de nos forces armées. Laissez-moi par ailleurs vous démontrer que le rapport coût – avantage de l’opération que vous nous proposez nous ne serait guère favorable.
Xander joignit de nouveau ses mains et les serre, se donnant un air extrêmement sérieux, comme si le mode combat venait de s’activer dans son cerveau. Il s’adressa à toute l’audience, même s’il scrutait davantage l’auditionné que les auditeurs ici présents.
- Le secteur de Bespin est un secteur isolé du reste du territoire de la Confédération. En cas de guerre ouverte, il nous sera aisé de le prendre : le rapport de force dans la région nous est favorable, même si le gros morceau républicain dans lequel Eriadu se situe également est lui aussi isolé du territoire principal de la République. En cas de guerre ouverte, notre planète serait cependant une des premières touchées par les confédérés puisqu’à la croisée de routes stratégiques en plus d’être à la frontière et donc sur une ligne de front potentielle. N’étant qu’insuffisamment préparés, surtout dans cette région, Eriadu risquerait de tomber aux mains des séparatistes. Etant un bastion extrêmement fort de la lutte armée contre les rebelles, la CSI ne se contenterait alors non pas de la posséder, mais de la détruire, au moins partiellement.
L’annonce fut froide et brutale, mais elle ne reflétait selon Xander que la réalité géopolitique de la région. Les territoires républicains de la bordure extérieure demeuraient nécessairement les plus exposés.
- Par ailleurs, renchérit-t-il, en termes de ressources stratégiques : la confédération possède d’ores et déjà l’extrême majorité des secteurs produisant du Tibanna. Je pense à Rendili, un de leur bastion, ou Ord Ibanna dans le secteur voisin du notre par exemple... En revanche…
Xander fit planer un léger suspens. Il réprima un léger sourire, conserva son air tout à fait sérieux et enchaîna sur sa proposition.
- Le système de Taloraan est riche en Tibanna. Il se situe en zone indépendante, au sud-ouest galactique et la Confédération n’a pas encore mis la main dessus, il serait bon de faire jouer les intérêts républicains sur cette planète. Cela nous permettrait de nous munir de ressources massives en Tibanna à moindre coûts, tout en privilégiant une approche agressive vis à vis de Bespin, notamment via des opérations de sabotages, ce qui nous éviterait une guerre ouverte dans l’immédiat, fatale pour la République.
Xander se reposa contre le dossier de sa chaise.
- Ce sera tout pour mon observation.
Il en avait terminé avec Fleet, un garçon beaucoup trop bourrin à son goût et peu connaisseur des institutions qu’il prétendait intégrer. Le docteur avait foi en son intervention. Il y avait là des garanties fort militaristes et respectueuses de la discipline de groupe tout en étant raisonnables et peu guidées par des passions destructrices, surtout et avant tout pour la République. On aurait dit tout de même que l’auditionné ne candidatait pas pour devenir Sénateur mais pour conduire une une section du Haut-Commandement ou pire, la Chancellerie, maîtresse des décisions relatives à la guerre. Les élections n’étaient pas encore là, mais elles approchaient à grand pas. Se pouvait-il que Fleet pensait déjà à la magistrature suprême ? Xander n’osait l’imaginer et pourtant, à la fois, cela ne l’étonnerait guère de la part du personnage qu’il avait en face de lui. Il fixait le capitaine, durement, en se disant que parfois les plus grands dangers de la République se situait en son sein, et que sans doute un jour, une fois au pouvoir, il allait falloir s’en débarrasser sans état d’âmes.
La Force
Messages : 159 Date d'inscription : 09/06/2019
Profil du personnage Espèce: Réputation: (0/0) Expérience : (0/0)
Maître du Jeu
Ven 6 Sep - 22:43
Les lèvres de Fleet s’étaient tordues dans un sourire légèrement carnassier lorsque qu’Ikarion avait pris la parole. Si le gouverneur Tarkin avait cru que son manège resterait invisible, c’était raté. Et cela enragea intérieurement le militariste, mettant enfin des faits sur ses craintes et sur les bruits de couloirs. Le vieille homme tentait donc bel et bien d’introduire le docteur dans leur alcôve, de force. Personne ici n’était là sans raison. Sauf l’arrogant scientifique qui se permettait actuellement de prendre la parole. Sa simple audition prenait donc une tournure plutôt désagréable pour le moment. Déjà, parce qu’il n’aimait pas vraiment qu’un type sorti de nul part ne vienne contredire ses propos, ensuite parce qu'il pointait du doigt son caractère légèrement impulsif qui l’amenait parfois à griller des étapes.
Morgan Fleet balaya la salle du regard, son regard dévisageant Tarkin avant de passer sur Staragame. Celui ci ne dit rien, croisant simplement les mains devant son menton dans une posture neutre. Mais il connaissait suffisamment le commandant pour comprendre au travers de son silence qu’il attendait qu’il fasse ses preuves. Il le lui avait dit, l’arène politique était légèrement différente du champ de bataille, les attaques pouvant être portées sur autres part que le corps ou la flotte.
Aussi prit-il une légère inspiration avant de répondre calmement aux premières observations de l’invité officiel.
- Certes. Vous avez raison sur ce point. Mais il n’en demeure pas moins qu’aucune décision n’est prise, tout Sénat acquis à notre cause. Si personne ne propose quelques choses pour faire bouger les lignes, si personne ne prend le risque d’aborder quelque chose de concret plutôt que de longues heures de discussions sans avancement, nous serions tous morts avant la fin de la guerre. A moins que la CSI ne bouge avant nous.
Le jeune militariste fit quelques pas pour se soulager de la tension dans ses jambes, écoutant d’une oreille attentive son interlocuteur. Il tiqua sous la question directe, un poil violente malgré les allures sereine du docteur. Intérieurement, il grogna. Pour qui se prenait-il?
- Je pourrais vous retourner la question docteur. Mais mon allégeance va aux militaristes. Et sans mouvement du Sénat, sans appuis forts, sans proposition, la Chancellerie ne tentera rien. Soyons honnête, la situation que nous connaissons actuellement profite à beaucoup de gens. Mais la Paix n’est pas signée. C’est pour cela que je suis ici : mettre en évidence nos possibilités d’actions pour d’une part renforcer notre armée et d'autres part, ne pas attendre que la CSI ne décide de nous laminer sur nos fronts faibles. Est ce que vous voulez? Être pris de court? Rester toujours sur la défensive alors que nous avons les moyens de récupérer ressources dans une opération contrôlée et qui pourrait être rapidement et efficacement menée?... Et je suis ravie que mes cartes vous aient plus. Je pourrais vous donner quelques astuces si vous voulez…. La dernière phrase déclenchant un léger rire chez quelques uns des officiers présents, rapidement étouffés par le regard noir de Tarkin. Mais Fleet n’avait pas apprécié le ton faussement “professorale” employé par Ikarion. Il n’était pas sorti de l’école pour débattre à nouveau avec un “apprenti prof” sur l’art de la stratégie militaire qu’il maîtrisait depuis quelques années déjà.
Morgan reprit sa place au centre de la pièce, acquiesçant doucement lorsque Xander Ikarion reconnu l'importance de la course aux ressources qui menaçait le déploiement militaire de la République. Au moins, ils étaient d’accord sur un point. Mais ses mains se serrèrent à la suite de son discours.
- Maintenir l’ordre perpétuel en anticipant les problématiques de la civilisation. En effet, pour comprendre vos mots vides de sens, j’aurai effectivement dû me dégager du temps pour assister à votre conférence. Mais il y’a des batailles qui se mènent ailleurs que derrière un bureau.
Il perçut un léger mouvement de la main de Staragame, lui demandant de calmer un peu ses propos afin de ne pas se lancer dans une joute verbale dénuée d'intérêt. Mais il perçut aussi un léger amusement dans son regard. Entre hommes d’actions, ils se comprenaient.
Aussi Fleet reprit le cours de la discussion, rebondissant sur certaines affirmations du docteur, qui suscitaient néanmoins son intérêt.
- Pour tout vous dire, nous n’étions pas prêt pour Taris non plus. Et nous l’avons fait. Et dans un rapport coût- avantage, comme vous dites, plus qu'intéressant...Mais vous attisez ma curiosité. Quelles sont les informations...enfin vos données, puisque j’ai cru comprendre qu’elles font parti majeur de votre “art” mathématique, qui vous font penser cela? Cela m'intéresse, sincèrement.
Le jeune militariste ne put s’empêcher de froncer légèrement les sourcils à ce moment. Quelles étaient les informations que lui et les services de renseignements avaient pu ratés pour que le protégé de Tarkin émettent autant de doute?
Bien évidemment, l’érudit ne se dit pas prier plus pour expliquer d’où venaient ses conclusions. Et pour une fois, Morgan Fleet se prit à sourire. Il avait en face de lui un homme intelligent qui était capable de lire entre les lignes. Un malin, aussi dangereux qu'intéressant. Un instant, au lieu de voir un concurrent, il se prit à percevoir un potentiel allié. Mais cette image éphémère disparue rapidement. Que ferait un trop grand intellectuel dans une bataille dont il ne comprendrait rien? Il était évident que ce jeune homme, assis juste derrière la ligne de commandement d’Eriadu n’avait aucune notion en stratégie militaire, n’avait sans doute jamais mis le pied sur un vaisseau, ni vu les affres de la guerre, ni ressentie l’adrénaline d’un combat pour défendre son système. Il ressemblait un peu aux novices fraîchement sortit de l’école. Plein d’idées, remplit d’idéal, et qu’il retrouvait tremblant à l’infirmerie après leur premier affrontement. Le brun remit en place sa mèche de cheveu indisciplinée et attendit que le docteur reprenne sa place. Il craque légèrement ses doigts dans un mouvement sec et organisa ses pensées.
- Je constate que votre esprit est aussi aiguisé que les rumeurs le disent. En effet, Eriadu serait en première ligne. Et quoi de mieux qu’un danger imminent pour souffler un nouveau vent dans les voiles de la République enlisée. Bespin est un enjeu autant morale, que militaire, que politique même. Vous dites vrais pour Taloraan. Mais ce système ne permettrait pas de créer le sursaut dont nous avons besoin pour renforcer notre puissance militaire.
Il piétina légèrement sur place, détachant alors ses yeux assombrit du docteur pour regarder de nouveau l’assemblée.
- Eriadu sera effectivement en première ligne. Mais elle l’est déjà actuellement. Nous sommes une cible préférentielle pour les séparatistes. Notre armée reste cependant forte et capable d’encaisser beaucoup de chose et surtout, nous sommes actuellement les seuls à pouvoir mener une opération d’envergure. Et la Vice Chancelière le sait. Si nous ne nous manifestons pas maintenant, nous serons un jour prit sous le feu des Séparatistes. Et personne ne sera là pour nous défendre.
Il porta alors son regard sur Aleister Tarkin qui, stylet en main, semblait perdu dans ses pensées, pesant sans doute le pour et le contre de la situation.
- Bespin enverra un signal fort à tout le monde. Plus que dans le cadre de simple opérations de sabotages. Qui, je vous l’accorde, pourraient être mises en œuvres ailleurs, elles le sont d’ailleurs sans doute actuellement, mais vous et moi ne disposons apparemment pas des mêmes informations… La stratégie ici est simple : renforcer notre armée, par l’appui sans faille de l’intégralité du Sénat qui soulagera la Vice Chancelière dans la prise d’une décision difficile. Vous n’êtes pas non plus sans savoir de l’état actuel de la CSI, au prise avec de nombreux conflits internes. Nous les voyons comme inertes actuellement. Mais s’ils prennent une décision avant nous… Les conséquences seront plus lourdes, votre balance coût-avantage prendra du sacré plomb dans l’aile. Alors oui, je l’avoue, pousser une conscription nationale, rapide, qui ne donnerait pas le temps à nos ennemis de réagir, fait parti de la stratégie. Puis montrer que nous ne sommes pas qu’une masse molle. Récupérer des ressources, et renforcer de nouveaux nos forces. Un cercle vertueux pour nous, si je puis dire.
La voix de Morgan Fleet se fit alors plus sombre. Et il porta de nouveau son regard sur le jeune docteur qui essayait de lui damer le pion devant ses pairs.
- Votre approche est intéressante, un homme comme vous pourrez effectivement apporter beaucoup. Mais vous restez en retrait néanmoins des vrais enjeu de la guerre. Je ne vous en veux pas. Comment pourriez vous savoir ce qui ce passe sur le front depuis votre auditorium? J’ai bien conscience de mes défauts, soyez en certains. Mais ne dénigrez pas ceux qui se battent actuellement pour que vous puissiez dormir paisiblement dans votre résidence sécurisée…
Il élargit son regard afin de fixer de nouveau l’auditoire, reprenant doucement son calme qui avait failli lui échapper à plusieurs reprises.
- Messieurs, si vous avez d’autres questions?
Le silence retomba alors sur la pièce, quelques officiers discutant à voix basse avant que le Gouverneur ne se racle doucement la gorge.
- Bien… bien. Merci Capitaine Fleet…. les questions que vous et le docteur Ikarion avaient soulevées sont complexes. Un temps de réflexions me paraît important, une nouvelle discussion aussi, même si je sais que vous avez horreur de ces palabres interminables.
De nouveau, un léger rire se fit entendre, relâchant la tension, mais tendant légèrement Fleet qui ne bougea cependant pas.
- Si quelqu’un à d’autres questions ou d’autres observations, qu’il se manifeste. Sinon nous pouvons clôturer ce premier audit.
Les murmures se firent de nouveau entendre dans l'alcôve. Et le jeune militariste attendit alors.
Bien assis sur sa chaise, le Docteur fixait le militaire de son air traditionnellement impassible. Pourtant les petites piques ne manquaient guère ; le scientifique bouillonnait à l’intérieur de lui. Mais jamais son corps n’avait trahi ses pensées. Lorsque Fleet parlait de ses « mots vides de sens », alors qu’il fallait simplement réfléchir pour les comprendre, Xander ne pouvait s’empêcher de penser des mots que jamais celui ci n’oserait prononcer en public :
*Petit con… * Mais ni un regard, ni quelconque mouvement corporel n’avait pu traduire ses pensées en signe extérieur agressif. Il se contentait d’accumuler l’argumentaire de l’adversaire qui parfois pouvait s’avérait juste, mais qui au final se révélait ou trop pauvre, ou trop irrationnel… Xander le laissait alors terminer, sans l’interrompre. Il s’était dit que s’il renchérissait à chaque instant, d’une part il risquait de paraître un peu trop combatif pour quelqu’un qui officiellement ne concourait pas à la nomination sénatoriale, d’autre part il aurait du le faire peut être un peu trop régulièrement au regard de la quantité déraisonnable d’inexactitudes ou d’imprécisions que balançait Fleet à son auditoire.
Le monologue du militaire put donc se dérouler sans encombre. Lorsqu’il eut terminé, Xander poussa un léger soupir, observant discrètement Tarkin la tête dans ses notes. Lui-même semblait un peu perturbé par la démonstration de Fleet, le sociophysicien se disait qu’il avait en direct vu s’exprimer les craintes qu’il lui avait confiées la veille au soir pendant le dîner au Palais.
- Si quelqu’un à d’autres questions ou d’autres observations, qu’il se manifeste. Sinon nous pouvons clôturer ce premier audit.
Tarkin avait parlé, c’était maintenant ou jamais. Xander avait l’opportunité de conclure, il n’allait certainement pas la laisser de côté. Il se redressa légèrement pour marquer l’attention et faire comprendre qu’il souhaitait faire quelques remarques.
- Oui, merci Gouverneur… Son regard se portait désormais sur Fleet. Je ne répondrais pas aux attaques ad hominem, et au contraire Capitaine, loin de moi l’idée de vous apparaître menaçant… La remarque était volontairement provocante puisque le militaire savait sans nul doute que Xander avait pour ambition de devenir un de ses adversaires légitimes dans la lutte pour la conquête du siège sénatorial. Mais enfin, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’au regard de votre intervention… Votre rôle dans l’armée me semble si évident, si central, et finalement si fait pour vous, que je n’arrive pas bien à comprendre votre ambition politique.
Xander marqua une faible pause avant de reprendre.
- Tout d’abord je crois profondément aux théories réalistes : la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens, c’est bien clair, il s’arrêta et se pencha légèrement en avant, vers Fleet, en articulant chacune de ses mots, mais la réciproque Capitaine Fleet, n’est pas vraie.
Il ne s’adressait maintenant non plus qu’au militaire debout en face de lui, mais à l’auditoire tout entier. L’air du scientifique était absolument sérieux, mais il souhaitait aussi alerter ses camarades du parti. Tous avaient des titres militaires ronflants, car telle était la tradition ériaduane, mais combien véritablement avaient été envoyés sur le champ de bataille ? Les grands officiers d’ailleurs arrivaient à leurs postes non pas par faits d’armes et par l’expérience du terrain, mais parce qu’ils avaient eu des concours qui sanctionnaient leurs compétences. Dès lors, dans la logique de Fleet, un simple sous-officier d’expérience, ayant vécu l’horreur du terrain, serait bien plus légitime à mener l’armée que n’importe qui d’autre puisque lui, contrairement à ses supérieurs, capitaines, commandants, colonels et généraux qui le plus souvent se contentent des ors ministériels de la République n’ont jamais vécu l’enfer d’un champ de bataille, ou pas suffisamment.
- Chers camarades, reprit Xander, notre monde a besoin d’être gouverné par la Raison. Celle-ci se manifeste lorsque nous sommes éclairés par le savoir et l’expertise, en s’appuyant sur les bonnes personnes. Et nous avons effectivement un personnel militaire qualifié, qui se doit de proposer divers scenarii à ceux qui détiennent légitimement le pouvoir en République. Eriadu d’ailleurs, n’a pas tant de fois été gouvernée ou représentée par une personnalité militaire active. Et la dernière fois, cela ne s’est pas si bien terminé. Ranulph Tarkin, paix à son âme, avait une vision très juste des problèmes de la République et avait alerté le Sénat à plusieurs reprises sur les dérives libérales de la bordure extérieure. Mais sa fougue, ses passions, eurent raison de lui. Tout le monde connaît ici l’histoire qui fit de lui un véritable héros, mais sa mort, sur le champ de bataille, a incontestablement ouvert une brèche alors que l’instabilité institutionnelle et politique n’est jamais souhaitable. De cela nous devons en tirer les leçons : l’expertise militaire ne se fait jamais seule, encore moins unilatéralement, et nous devons séparer l’activité militaire (sur laquelle nous nous appuyons beaucoup et qui fait notre essence au sein de notre faction) de l’exercice politique.
Son regard se reposa sur Fleet.
- Je vois chez vous une ambition certaine. Est-elle mesurée ou non, je ne le sais guère. Vous êtes l’incarnation d’un personnel militaire compétent, rigoureux, vous êtes peut être déjà un héros parmi nous et vous me voyez alors honoré d’être assis face à vous. Pourtant, vos solutions, et votre monologue face à votre auditoire me prouve que vous êtes gouverné par vos passions et votre vigueur belliqueuse. Oui bien sûr, la République doit se lancer dans la guerre, nous sommes tous d’accord pour éradiquer la Confédération. Mais pas n’importe comment. Vos propositions sont unilatérales, elles ne se nourrissent jamais de l’avis d’autrui, elle s’appuie sur des certitudes là où cette audition aurait du être un échange qui aurait pu aboutir sur des positions éclairées et justes. Par dessus-tout, elles s’affranchissent de tout contexte politique alors qu’il s’agit là d’une donnée pourtant fondamentale. Le Gouverneur l’a très bien dit : j’ai soulevé des questions complexes. Oui, j’ai soulevé des questions. Je n’ai d’ailleurs pas forcément les réponses mais personne peut être ici n’a de solutions immédiates et tant mieux : car une décision de cette importance, qui aurait un impact monumental sur l’équilibre des forces actuelles, ne peut se prendre à la légère.
Xander finit par conclure.
- Oui oui, le Sénat est ce qu’il est, il faut sans nul doute le changer de fond en comble, nous serons tous d’accord sur cela. Mais la République doit s’affranchir de ses passions, doit agir avec raison, voilà les deux ingrédients du maintien de l’ordre auquel nous aspirons. Enfin, souvenez vous : la guerre est la continuation de la politique, mais l’inverse n’est pas vrai. Cela n’empêche que la politique est aussi une succession de luttes diverses et variées et qu’il est bien entendu nécessaire d’en maîtriser les arcanes pour espérer changer les choses. Votre manque de connaissances sur l’actualité des débats républicains ou sur son jeu institutionnel, cumulé à vos méthodes, peut conduire notre faction à sa perte alors que nous avons pour le moment le vent en poupe. Encore une fois, je réitère ma confiance au Capitaine Fleet, mais j’appréhende de voir sous la rotonde, le Sénateur que vous souhaitez devenir. Ce sera tout pour moi.
Le scientifique s’appuya sur son datapad, et fit un signe de tête à l’auditoire, leur confirmant qu’en ce qui le concernait, l’audition était bien terminée. La bataille pour Eriadu ne faisait que commencer.
La Force
Messages : 159 Date d'inscription : 09/06/2019
Profil du personnage Espèce: Réputation: (0/0) Expérience : (0/0)
Maître du Jeu
Jeu 24 Oct - 22:27
Fleet ne bougea pas. Que répondre à cet “observateur” légèrement prétentieux mais qui, il fallait le reconnaître, savait brosser les gens dans le sens du poil. Aussi, si en apparence il resta stoïque, posant le regard sur Staragame pour regagner son calme, à l'intérieur il tremblait. De rage, de colère, d’envie de coller son poing dans la figure du docteur ou d’autres choses. Il ne percevait pas une menace concrète, mais quelque chose de plus insidieux. Qu’il le veuille ou non, les mots de Xander Ikarion l’avait atteint. Pas dans son estime, mais dans une vision. Il savait qu’il était clairement incompétent dans le domaine militaire. Chose curieuse pour leur civilisation s’étant construite dessus faisant d’Eriadu la capitale florissante qu’elle est maintenant. Mais il exerçait dans un autre domaine, restait maintenant à évaluer son importance dans la guerre.
Aussi, il se décida à lâcher quelques derniers mots. Déjà parce que Tarkin avait parlé. Ensuite parce qu’il n’avait pas envie de s’enfoncer dans un débat qui semblait stérile tant l'observateur du gouverneur semblait borné. Lui aussi. Non, il savait évoluer avec son temps, avec les technologies d’avant garde et avec les croyances du peuple, face au discours d'un jeune arrogant.
- Vous êtes du genre têtu non? * il lâcha un léger rire pour faire descendre le feu en lui* Docteur Ikarion, soyez certain que j’entend très bien ce que vous me dites. Je ne suis pas non plus méconnaissant des actualités. Je leur prête sans doute moins d’importance que vous. Mais il y’a une urgence que vous ne semblez néanmoins pas saisir.
Il marqua une pause, coupant toute son installation par la même occasion.
- Je prendrai sans doute le temps de me plonger dans l’une de vos conférences. En attendant, nous avons une guerre à mener, d’une manière ou d’une autre.
Il serra légèrement les poings, ses mots s’étant assombris sur la fin. Puis n’ayant pas envie de se donner en spectacle plus longtemps, il s’inclina respectueusement.
- Officiers, Gouverneur, Docteur, merci de votre attention. Il s’écarta donc de son estrade, sentant la fatigue venir momentanément le saisir. Maintenant, tout les yeux étaient rivés sur Tarkin qui avait baissé les siens sur son datapad.
Le gouverneur réfléchissait. Nul doute que les éléments amenés par l’un et l’autre des orateurs donnaient à réfléchir. Mais il était certain que le caractère audacieux de Xander avait dû en refroidir plus d’un. D’autres observateurs étaient déjà venu, mais avaient observé. Ils ne s’étaient pas lancés dans des réponses aussi provocatrices autour d’une institution qui fonctionnait néanmoins, malgré les quelques anomalies qu’ils rencontraient actuellement.
Au moins, il avait avancé. Ikarion était introduit et nul doute qu’il serait le sujet des discussions dans les prochains jours au sein des hautes sphères. En bien ou en mal. Fleet bénéficiait de sa réputation, il évoluait en terrain à peu près connu. Ikarion était la nouveauté, le genre de coup de pied léger dans la fourmilière. Avec l’incertitude de leur réaction. Staragame ne semblait nullement émaillé par le discours de son petit docteur. Ils en rediscuteraient certainement ensemble. Mais en attendant, il avait plusieurs choses importantes à faire. D’abord clôturer la séance et laisser un temps de réflexion à chacun. Aussi il se gratta légèrement la gorge, coupant court au léger murmure des plus bavards.
- Messieurs * il parcourut la salle d’un regard sincère* Merci pour votre temps. La séance est donc levée. Monsieur le secrétaire, nous attendons votre rapport. Le brouhaha redémarra quasi immédiatement. Les gens se levèrent, n’osant néanmoins pas parler immédiatement de cette entrevue devant les protagonistes. Il vit Straragame s’approcher de Fleet, lui posant une main amicale sur l’épaule pour le guider doucement vers la sortie. Ce dernier eut néanmoins un dernier regard, les yeux plissé, pour Ikarion avant de disparaître.
Il était l’heure pour chacun d’entre eux de prendre soin de leur poulain, et cela passait par une entrevue avec le jeune docteur sur l’art de présenter les choses de façon moins bourrines.
Il se leva alors doucement de sa chaise et fixa son observateur. Puis d’un geste de la main, il l’invita à le suivre.
- Venez avec moi.
Le gouverneur sortit paisiblement de l'alcôve, rendant un salut aux quelques gardes présents pour se rapprocher de l’escalier qui menait aux étages. Là, il marqua un arrêt.
- Bon. Une chose est certaine, maintenant ils savent qui vous êtes. Mais une autre l’est aussi, c’est que, malgré vos talents de conférencier, il vous reste des choses à apprendre sur l’art de présenter les choses devant des têtes endurcies. Passons quelques instants dans mon bureau si vous le voulez bien.
Clairement, il n’avait plus à cacher ses accointances avec le jeune homme, aussi l’entrevue dans son bureau s’imposait.
Son bureau se trouvait au premier. Il fallait passer une première antichambre où sa secrétaire veillait telle un Cerbère. Il la salua avec un sourire chaleureux, alors qu'elle s'apprêtait à lui dérouler son planning, comme toujours, mais la présence de Xander la coupa. Elle le dévisagea un instant.
- C’est le docteur Ikarion, je dois le voir quelques instants dans mon bureau avant le prochain rendez-vous.
- Euh. Très bien. Bonjour Docteur.
Il poussa alors la porte en bois, ornée d’une antique scène de chasse pour pénétrer enfin dans son bureau. Ce lieu lui faisait du bien. Il y avait peu d’objet personnel, juste le confort pour mener à bien ses réflexions. Au milieu se trouvait son bureau de bois sombre et son fauteuil de la même couleur. Un ou deux tableaux ornaient les murs. Des cartes, mais aussi un ou deux hologrammes représentant les principales merveilles naturelles qui se trouvaient en territoire républicain, l’image changeant toutes les dizaines de minutes.
Il prit alors enfin place derrière son fauteuil, indiqua à Ikarion qu’il pouvait prendre celui en face s’il le souhaitait.
- Tout d’abord, sachez que pour moi, les arguments que vous avez présenté faisaient sens, étaient pertinents et pourraient bien être amené sur la table lors d’autres réunions. Néanmoins, ils l’étaient parce que ...j’adhère déjà, en quelques sortes à vos théories, à vos idées.
Il marqua une pause.
- Mais, ceux de Fleet l’étaient aussi, notamment par la démonstration d’élément concret qu’il manque hélas à vos démonstrations pour faire mouche. * il se gratta doucement le menton*. Je pense qu’il faut que nous travaillons sur votre manière d’exposer les choses. Vous n’êtes pas en territoire conquis et se montrer trop brutal, trop “politicien” face à des hommes d’actions risque de complexifier pas mal votre intégration.
Il marqua une courte pause. Durant le débat, une idée avait germé dans sa tête, assez étrange d’ailleurs. Mais il avait envie de l’exposer, du moins partiellement. Il en parlerait plus en profondeur avec sa femme.
- Quand Morgan Fleet dit qu’il a bien entendu vos paroles, c’est qu’il les à effectivement bien entendu. Mais, vous, avez-vous entendu les siennes?
Il avait senti une espèce de “cohésion” au travers de leur adversité. Et il était évident que l’un avait à apprendre de l’autre et vice versa. Néanmoins, les deux hommes restaient des “gamins” à ses yeux, des espèces de bombes à retardement, des petites têtes qui n’avaient pas encore tout les éléments pour comprendre tout des manigances et surtout des discussions qui pouvaient se dérouler ici. Il ne savait pas si Staragame était en train de tenir le même discours à son jeune protégé en ce moment même, mais il lui en toucherait deux mots. Il y avait peut être une épingle, peut être pas en or encore, à tirer des cerveaux de ces deux petits caïdes. Malgré leurs caractères bornés et explosifs.
- Quel est votre ressenti, même si vous n’aimez pas ce mot, par rapport à cette entrevue?
La pression retombait. Il eut fallu pour cela que le Gouverneur annonce la fin des hostilités. Les muscles de Xander se relâchèrent, ses épaules se détendirent, et il expira discrètement le trop plein d’air qu’il avait accumulé durant le duel. Ses nerfs se démêlèrent, il frotta discrètement ses mains moites sur ses genoux pour dégager la sueur qui perlait de ses mains. En réalité, le sociophysicien savait qu’il venait de prendre un risque énorme en affichant le futur duel qui allait animer la période qui précédait le renouvellement du Sénat républicain. Les choses étaient claires, pourtant en restant officieuses. Cependant, une partie des cadres qui avaient assistés à l’audition allait commencer à se placer, à se former en coalition de soutien. Il fallait désormais construire un rapport de force qui lui serait favorable.
Xander savait qu’il avait fait forte impression lors de sa récente conférence dans la salle du Conseil. Devant un parterre on ne peut plus prestigieux, il avait déroulé sa science révolutionnaire, redonnant des couleurs à la faction militariste qui malgré ses récents succès, se reposait un peu trop sur ses lauriers. Avec son exposé, le mathématicien avait introduit une nouvelle logique au sein de l’appareil militariste : la conquête du pouvoir par des voies légitimes, le leadership du Sénat et l’exercice de l’État républicain. Son objectif, que la Faction devienne majoritaire, et qu’elle impose sa coalition au Noyau si jamais elle s’avérait nécessaire en cas de victoire relative aux prochaines élections.
Finalement, l’enjeu était bien plus large que le Sénat. Il s’agissait d’entraîner toute une faction vers le pouvoir républicain. Bien-sûr, cela faciliterait grandement ses projets scientifiques, et il en avait tout à fait conscience… Une majorité au Sénat allait embarquer Oculus dans une phase d’expansion sans précédents : ressources, financement, focale de la communauté scientifique… Bref, une aubaine absolue. Peut-être ne serait-il pas alors obligé d’user d’autres méthodes n’ayant guère ses faveurs.
Xander se remettait de ses émotions. Tout le monde discutait dans son coin, débriefait à sa manière. Lui-même se leva, calant son datapad sous son bras. Mais il n’eut même pas le temps de faire quoi que ce soit qu’il fut embarqué cordialement par Tarkin. Seul le regard de Staragame – loin d’être bienveillant – avait croisé le sien, annonçant à lui-seul que les hostilités entre Fleet et Ikarion étaient belles et bien lancées. S’annonçait une lutte d’influence pour le pouvoir, une mobilisation intense des réseaux de chacun. Finalement un combat pour quelque chose d’impalpable : la légitimité, puis le pouvoir.
Tarkin savait sans doute que l’enjeu dépassait largement la nomination sénatoriale. Il lui fallait un candidat crédible, non seulement pour impulser une dynamique nouvelle à la faction, mais aussi pour gagner la bataille de sa propre légitimité. Car il s’agissait de conserver son rôle de gouverneur. Explications… Le Gouverneur d’Eriadu n’était pas élu par ses pairs. En tant que bastion militaire de la République, le chef exécutif de la planète et de tout le secteur Seswenna était nommé par le Chancelier Suprême lui-même. Tarkin avait donc intérêt à imposer son candidat, dont la voix impacterait nécessairement la décision du Chancelier. A l’inverse, un rival naturel se positionnait face à Tarkin : Staragame, évidemment. S’il parvenait à imposer son candidat et à forcer la nomination de Fleet, le Commandant allait apparaître comme le successeur naturel au Gouvernorat, ayant mis l’actuel locataire du Palais en minorité.
Xander était tout à fait conscient de ces enjeux. La conquête du pouvoir allait se faire à deux, ou elle ne se ferait pas.
Le jeune homme avait finalement assez vite repris ses esprits. Il appréhendait la petite entrevue qui se profilait dans le bureau de son mentor. Il savait qu’il était peut être allé un peu loin lors de l’audition. En arrivant dans l’antichambre du bureau, il salua brièvement la secrétaire, d’un signe de tête, avant de se faufiler dans la pièce, isolée du brouhaha extérieur. Tarkin s’installa tranquillement dans son fauteuil, Xander attendit l’autorisation de son interlocuteur avant de se placer en face. Il écouta alors le bref débriefing du gouverneur, calé dans le creux de son siège, les mains liés et les coudes sur ses bords. Il était toujours difficile pour le mathématicien d’entendre et pire, d’admettre des critiques. Pour autant, il avait décidé de la jouer humble.
- Vous avez raison, répondit-il sobrement sur un ton quelque peu monocorde, j’ai peut être tendance à trop intellectualiser les débats. Cela peut plaire aux grands pontes de la Faction, mais certainement pas à la frange militaire disons plus « belliqueuse ». Xander poussa un léger soupir, entre exaspération et fausse résignation. Fleet, même s’il ne semblait pas souvent réfléchir, savait où il allait. Quand bien même ce qu’il dit peut paraître idiot, il entraîne ceux qui sont sensibles à l’action justement en surfant sur leurs émotions et leur impétuosité.
Son regard se porta sur Aleister Tarkin. Ce-dernier compléta ses propos :
- Quand Morgan Fleet dit qu’il a bien entendu vos paroles, c’est qu’il les à effectivement bien entendu. Mais, vous, avez-vous entendu les siennes?
Xander voyait parfaitement où son allié voulait en venir. Ce qu’il avait pu dire face à son adversaire quelques minutes plus tôt, le sociophysicien le croyait vraiment. Il apercevait entre lui et le Capitaine, une sorte de complémentarité. Serait-elle facile à gérer, la réponse était non.
- Quel est votre ressenti, même si vous n’aimez pas ce mot, par rapport à cette entrevue?
Tarkin voulait creuser un peu plus. Le Docteur entama les hostilités.
- Je ne vais pas vous le cacher : parce que justement, Fleet surfe sur les émotions, il est un adversaire redoutable. Je n’ai pas eu le choix que de le mettre en échec, même si nos intentions sont désormais claires aux yeux des cadres de la Faction présents à l’audition. A vrai dire, j’ai choisi le moment opportun et profité de ses faiblesses. Cela nous offre d’emblée un avantage sur eux, et ainsi nos camarades s’en souviendront, pour le moment…
Xander se tut un instant mais fit comprendre à son interlocuteur que son monologue n’était pas terminé. Il inspira légèrement, puis soupira tout autant, relâchant davantage la pression qu’il avait accumulé pendant des heures.
- Ce que j’ai rétorqué à Fleet, reprit-il, je le pensais vraiment. Même s’il s’agissait d’une attaque insidieuse, elle n’en était pas moins sincère : le capitaine est doué dans son domaine, il peut avoir des bonnes expertises, sait choisir des cas concrets et proposer des solutions, mais ferait un piètre politique. La réciproque, ici, est vraie.
Le scientifique marqua une pause, croisant ses jambes et agrippant doucement les accoudoirs de ses mains.
- En revanche, notre complémentarité, ou nos oppositions – appelez ça comme vous le voulez – si elles existent belles et bien – et je crois que c’est là que vous voulez en venir - ne peuvent pas s’imbriquer. Je n’ose en effet songer à un duo candidat / colistier pour la nomination sénatoriale, composé de lui et de moi. Fleet a un caractère trop imprévisible. Par ambition personnelle, il serait prêt à trahir : il suffit pour cela qu’il se garantisse une poignée de soutiens solides en cours de campagne ou même de mandat pour renverser le rapport de force…
Xander se pencha légèrement en avant, fixant Tarkin tout en respect.
- Par ailleurs, son ton se fit beaucoup plus sérieux voire solennel, si Fleet m’apparaît comme un rival, vous, vous avez désormais le votre. Si le capitaine s’empare de la légitimité du parti et vous contraint à le nommer Sénateur, Staragame aura déjà un pied dans vos appartements palatiaux. Son poulain favorisera nécessairement sa candidature auprès du Chancelier…. Pardonnez-moi, mais avoir l’impétuosité au Sénat ET sur Eriadu ne me semble pas être un futur désirable. Vous êtes un leader éclairé, et devez conquérir un second mandat et non pas laisser votre place au Commandant ….
Xander se recala tranquillement dans son fauteuil.
- Mon ressenti... Nous pourrons peut être travailler ensemble, Fleet et moi, dans le futur. Mais dans l’immédiat… Nous n’avons d’autre choix que d’acquérir la confiance de nos pairs et batailler pour asseoir notre légitimité Gouverneur. Nous pourrons ensuite à la fois mener campagne pour l’ensemble de notre faction, conquérir le Sénat, et enfin, conserver votre siège au gouvernorat du secteur…
Désormais, les destins de Tarkin et d’Ikarion semblaient liés. Ils n’avaient d’autre choix que de mettre le duo Staragame – Fleet hors jeu. Mais cela ne s’annonçait pas être une mince affaire. Loin de là. Le Docteur avait peut être gagné une bataille, mais la guerre ne faisait que commencer.
La Force
Messages : 159 Date d'inscription : 09/06/2019
Profil du personnage Espèce: Réputation: (0/0) Expérience : (0/0)
Maître du Jeu
Jeu 31 Oct - 10:21
Tarkin écouta patiemment les réponses du jeune Xander Ikarion, et se prit à jouer légèrement avec son stylo afin d’éviter de le couper. Il avait failli tant de fois réagir à ces paroles. Le docteur Ikarion avait une haute estime de lui-même. Trop sans doute pour le moment. Et le gouverneur soupira. Au moins, cette jeune tête “creuse” (malgré tout ces diplômes) reconnaissait qu’il ne s’y était pas pris de la meilleure des façons. Sans pour autant l’admettre parfaitement. “Intellectualiser” les débats qu’il disait... Le stylos fit un tour complet autour du doigt d’Aleister et s’arrêta d’une façon aussi nette que précise entre son index et son pouce. Puis, il remonta son regard vers le jeune observateur et afficha un sourire un peu pincé qui restait cependant bienveillant.
- Intellectualiser le débat donc… Xander, Xander, il y’a là l’un de vos principaux défauts : cessez de prendre les gens pour des êtres stupides. Vous êtes doué, mais ce n’est parce que vous êtes capable d’élaborer des théories complexes et révolutionnaires que vous vous placez au dessus des gens, que vous serez aptes à diriger. Le stylo de Tarkin refit un tour, réfléchissant à sa prochaine phrase.
- Si certes, vous avez marqué des points, vous n’avez absolument pas mis Fleet en échec. Son nombre de partisans reste identique. Et les vôtres aussi pour le moment, c’est à dire moi. Et c’est tout. L’ensemble des indécis ne vous est pas acquis et vous savez pourquoi? Parce que vous tentez de vous placer au dessus d’eux, de les mettre en échec comme vous dites.
Le vieil homme planta ses yeux assombris dans ceux du jeune Docteur.
- On ne mène personne nul part si on ne se comporte pas avec ses semblables comme on voudrait qu’ils soient avec nous. Il marqua une courte pause, puis un peu sèchement.
- Quand à Staragame, vos répliques me disent que vous êtes encore très loin d’avoir compris pleinement la nature de nos relations. L’humain toujours.
Il se leva alors enfin de son bureau et se rapprocha de Xander.
- Nous allons avoir un énorme travaille vous et moi, que vous en ayez conscience ou non, sur comment réussir à mettre un peu d’humain dans votre machine, afin de rendre accessible, palpable, l’étendue de vos théories. Puis il ajouta pour appuyez son propos. - Et nous partons de loin… Vous savez, nous avons mené une petite enquête auprès des gens avec lesquels vous avez exercé. Vous êtes respecté, mais pas la personne que l’on inviterait. Pas la personne à laquelle on penserait, qu’on impliquerait dans une situation de crise, parce qu’on sait qu’elle pourrait apporter la solution. En tout cas, aux yeux des mes confrères. Ils parleront de vous dans les prochains jours, puis retournerons à des problèmes plus quotidiens.
Il se posta alors face à lui, inclinant la tête légèrement sur le côté.
- Est ce que vous saisissez ce que je vous dis?
Le gouverneur savez que ces longues années de diplomaties avaient eut un impact sur sa voix, son timbre, sa tonalité. Il était capable de sortir les choses les plus désagréables du monde sur le ton du correcte, voir de l’amical. Mais cela pouvait aussi lui jouer des doubles tours, notamment sur la compréhension de son message. Théoriquement, Ikarion étant plus axés “fonds” que “formes”, le message devait être assez bien passé.
Puis, son air un peu pincé se radoucit.
- Si l’issue de cette entrevue me laisse quelque peu mitigé, je suis ravi que vous ayez, vous aussi *il appuya sur ces mots* perçu qu’il pouvait subsister des points de concordances entre Fleet et Vous. Une complémentarité en effet. Mais la Force nous préserve qu’un être comme ça existe un jour, vu vos caractères respectifs…
Il lâcha une nouvelle boutade, mais s’il savait que cela ne prendrait pas forcément sur le jeune docteur, il voulait lui faire savoir, sentir en tout cas, que malgré tout son intellect, il n’en restait pas moins un jeune homme inexpérimenté entrant dans une arène plongée dans le noir, et les deux mains nouées dans le dos.
- Bon. Si vous souhaitez réellement aller au bout de vos...idées… Je vais avoir besoin que vous m’accordiez pas mal de votre temps. Que vous l’accordiez au Parti au moins.
Puis il posa enfin une main sur l’épaule de Xander.
- Retrouvez moi demain pour le déjeuner, ici. Nous établirons notre “carnet de travail”? * il lâcha un léger rire*. En attendant, je vous libère, j’ai d’autres rendez-vous….
Il le salua, et l'accompagna jusqu’à la porte de son bureau.
- Et évitez de trop...vous “rentrer dedans” si vous croisez Morgan Fleet.
Lorsque les portes se refermèrent enfin, le gouverneur lâcha une inspiration profonde. Les prochaines mois allaient être complexe à gérer, mais il n’était pas le seul dans ce cas. Son communicateur sonna sur son bureau. Aleister se doutait bien de son auteur. Et lorsqu’il saisit le petit boitier, un mince sourire étira ses lèvres, dans une confirmation discrète de son intuition.
“ Un café? Staragame.”.
Oui, les prochains mois allaient être compliqués.
COnsigne HRP:
[Je te laisse faire un petit passage par chez toi, prend le temps que tu veux, si tu as besoin de temps pour ton perso seul. Fleet est encore dans les locaux.
Et après, on va pouvoir commencer à embrayer sur la campagne, le clôturerai cette première mission après ton post, s’il ne se passe “rien”. Je te laisse faire tes choix :p ]
Assis sur un fauteuil de cuir, Xander serrait fort ses mains sur les accoudoirs. Les muscles de ses avant bras s’y contractèrent, laissant filer un léger spasme imperceptible. Et pourtant, il ne daignait montrer qu’une apparence stoïque à son interlocuteur alors que celui-ci ci l’avait comme brisé de l’intérieur. Le jeune docteur s’était jusque là senti plus malin qu’il ne l’était. Désormais le temps lui sommait d’accepter d’apprendre d’autrui. Loin des bureaux et centres de recherches universitaires, loin des théories qui fonctionnaient macroscopiquement sur les systèmes gigantesques que Xander étudiaient d’une acuité et d’une finesse inégalée, il y avait le réel, la pratique quotidienne du terrain. C’était cela qu’il fallait apprendre. Et pourtant, lui-même le disait dans presque tous ses livres :
« Axiome Premier : la sociophysique est une science des masses, elle ne s’applique en aucun cas aux individus ».
Comment avait-il pu oublier cela ? Comment cette règle, on ne peut plus élémentaire qui disposait que l’usage des hypermathématiques ne pouvaient s’appliquer à une, deux, trois, ou même quelques dizaines de personnes avait pu lui échapper dans son approche ? Trop confiant, il en avait omis les bases. Alors certes, il avait gagné la bataille, mais certainement pas la guerre.
Le jeune homme observait Tarkin tel une statue de cire. Sans même cligner des yeux, son regard se perdit dans celui du gouverneur, et il absorbait la critique. Il absorbait, mais ne disait mot. Du monologue qu’il subissait, il en extrayait la substantifique moelle. Il abaissait ses barrières mentales, et son esprit se résignait à apprendre.. Car en face il y avait un gouverneur, une éminence et un symbole militariste. Lui n’était que le directeur du département de sociophysique de Theed.
Autrement dit : rien, du moins en politique.
Son succès auprès des militaristes fut bien réel, et semble-t-il que Tarkin avait lui-même été séduit… Mais le gouverneur avait des projets pour Xander qui n’étaient pas prévu dans les plans initiaux du docteur. Cela l’inquiétait bien qu à cet instant, son cerveau, dans le déni quasi-total, n’y songeait guère.
Malgré tous les discours, le sien y compris, la complémentarité évidente entre lui et Fleet le répugnait au plus haut point. Il avait d’ailleurs déjà argumenté sur cela : instabilité, passions trop violentes, irrationalisme… En somme, tout ce que Xander avait en sainte horreur. Tout de même, cette analyse et cette quasi-intention dans le discours de Tarkin de viser l’union lui semblait curieuse, lui qui n’avait cessé d’invoquer récemment un retour à la raison contre ce qu’incarnait Fleet. La contradiction que le sociophysicien voyait chez son interlocuteur le perturbait, et pour la première fois, il ne voyait absolument pas où le gouverneur voulait en venir.
Quand bien même, il restait là, silencieux et statique. Il fallut attendre encore quelques secondes de plus pour que les muscles de ses bras daignent se détendre un peu. Il les posa tranquillement sur le bureau, en poussant un soupir inaudible. Tarkin acheva alors son monologue, sur une note positive : il acceptait de travailler le jeune Ikarion. Celui-ci se leva quand le gouverneur s’arrêta. Xander se tenait bien droit, et une fois n’est pas coutume, il s’inclina respectueusement de quelques degrés supplémentaires en guise de profond respect. La modestie, la retenue, et l’humilité prirent le pas sur son égo.
- Je ferai tout ce qui sera nécessaire de faire, je construirai tout ce qu’il faudra construire, et j’apprendrai tout ce qu’il faudra apprendre, pour non pas faire triompher mes idées mais la science et son gouvernement.
Il redressa le buste, et conserva en son for intérieur son apparent orgueil.
- Merci Gouverneur, et à demain.
Il quitta le bureau, silencieux.
—
Les mains liées dans le dos et le buste bien droit, Xander parcourait les couloirs du quartier général des militaristes. Le regard fixé vers l’horizon, pensif, il se força de s’extraire de ses rêveries pour saluer ceux qui lui faisaient signe. L’idée de recroiser Fleet ne lui était pas des plus agréable, ni souhaitable pour lui d’ailleurs. Il anticipait quelques comportements d’énergumène : menaces, pressions, … Peut être rien de tout cela, mais les préjugés ont la vie dure. Il crut apercevoir du coin de l’oeil le jeune capitaine dans une salle vitrée, assis sur un confortable fauteuil. Il préféra éviter la confrontation, l’heure n’était pas au dialogue mais à l’introspection.
Le docteur sortit du siège. Le temps était un peu plus dégagé que la veille, mais la particularité d’Eriadu – et surtout de sa capitale – résidait dans cette confusion permanente entre nuages de pluie et de pollution. En tout cas, le danger des retombées acides semblait écarté. Xander se rendit d’ailleurs compte qu’il avait oublié son parapluie dans le hall du QG. Tant pis songea-t-il. L’envie de faire-demi tour était loin de se faire sentir. Faisant signe à un taxi, celui-ci s’arrêta. Le mathématicien s’engouffra dans le véhicule et se cala sur la banquette arrière.
- 2156 Cours Elin Garza, Secteur Orrineswa, plateforme 144.
La chauffeure - une femme brune aux cheveux courts et à la peau pâle – darda le jeune homme dans le rétroviseur d’un regard mécontent. Celui-ci traduisait un certain agacement. « Bonjour peut-être ? Et s’il vous plait aussi ? ». C’est ce qui devait lui traverser l’esprit à cet instant. Quand bien même, elle accéléra et se dirigea vers la destination exigée. Xander étendit un bras sur le dossier et croisa une jambe sur l’autre en soupirant. Son regard se portait sur l’extérieur et les grands building de la capitale. Lui-même et sa famille en habitaient un, proche de du fleuve qui traversait Eriadu City – la marque des familles bourgeoises. Ah, l’atmosphère grisonnante et bétonnée de la capitale, ses panaches de fumées au loin qui émanaient des usines en périphérie. Theed lui manquait un peu. Une ville si agréable, et un campus universitaire respirable. La capitale de Naboo était un lieu de culture et de savoir, où tout était fait pour favoriser le goût de l’apprentissage. Non loin de Theed, on pouvait se balader dans la région des grands lacs, et respirer un air pur qui n’allait pas réduire de dix ans votre espérance de vie. Xander détestait l’atmosphère fade et néfaste d’Eriadu. Il se remémorait les immenses zones industrielles de Phelar, cette brume permanente. Le quartier où il vivait avec sa famille semblait relativement épargné de l’insécurité écologique et atmosphérique. Les riches pouvaient s’acheter un environnement plus ou moins sain, eux.
Sur le chemin du retour, perdu dans un songe éveillé, Xander se surprit à s’imaginer dans son bureau sénatorial. L’atmosphère artificielle de Coruscant était réglée au mètre cube de sorte qu’elle puisse consommer la pollution émise entre autres par les industries. Cela n’empêchait malheureusement pas l’exposition immédiate des proches riverains aux fumées toxiques des usines. Mais l’horizon de la mégapole planétaire était le plus souvent clair et dégagé, ce qui se révélait rare sur Eriadu. Cette pensée lui fit décrocher un faible sourire.
- Nous y voilà.
Le ton de la chauffeure était volontairement un peu sec. Xander lui fila simplement ses puces de crédits avant de s’extraire du véhicule. Celle-ci marmonna quelque chose d’incompréhensible avant d’appuyer sur le champignon. Le mathématicien quant à lui regagnait calmement l’appartement familial.
Les volets électriques étaient clos, et l’intérieur bien silencieux. Apparemment, Liet et Calista, ses parents, n’étaient pas encore rentrés du travail. Il gagna alors ses appartements, et au moment où la porte automatique coulissante lui dégagea le passage, les stores remontèrent les baies vitrées qui donnaient sur la silhouette urbaine de la capitale. Au même moment, une voix douce et féminine brisa le silence de la pièce.
- Bienvenue chez vous Monsieur Ikarion, en espérant que vous ayez passé une excellente matinée.
- Peut mieux faire, répondit le jeune homme machinalement.La voix programmée ignora bien évidemment l’invective.
- … Vos données récentes indiquent 152 messages non lus sur votre datapad, majoritairement en provenance du Département de Sociophysique de l’Université de Theed, 23 Avenue de la Reine Yram, Theed, Naboo. Souhaitez-vous…
- Elimine d’emblée les messages de candidature. Je ne recrute personne dans mon équipe pour l’instant.
- … (un petit silence s’installa brièvement pendant que Xander glissait sa veste sur un cintre) Messages effacés.
- Merci, je lirai les autres plus tard.
Un petit bruit électronique intervint à la fin de la conversation. Plus loin, proche de la baie vitrée où quelques sofas et une table basse posée sur un tapis étaient harmonieusement installés, Dex se mit en route. Son répulseur gravitationnel se déclencha, il lévita alors jusqu’à son maître, tandis que ce-dernier fouillait son bar à la recherche d’une bouteille d’alcool. Le scientifique s’empara d’un bon brandy et d’un verre, le posant quelques peu fermement sur le bois vernis du comptoir.
- Maître Ikarion… ? Lança le droïde en penchant légèrement la tête sur le côté droit d’un air interrogatif. Xander fit sauter le bouchon de sa bouteille encore vierge.
Le docteur ne répondit guère, trop concentré à verser le précieux liquide dans son contenant. Il n’exagéra pas la dose, se saisit du verre, et s’installa confortablement sur un des fauteuils de sa suite, face à l’immensité de la capitale. Alors qu’il croisa une de ses jambes sur l’autre, Dex se plaça en face, un peu trop stupéfait pour un simple droïde.
- Vous ne buvez jamais d’alcool Maître Ikarion, fit Dex d’un air presque inquiet, je ne savais pas que vous entreposiez des bouteilles ici.
- Je me doutais que j’allais être confronté à ce genre de situation un jour, répondit Xander d’un air calme en faisant tranquillement tourner son verre, finalement j’ai anticipé en m’offrant une maigre collection…
Il fixa son brandy avant d’en boire une gorgée. La chaleur envahit d’abord le haut de son buste avant de se propager lentement mais sûrement dans tout son corps. Le sociophysicien, grimaça un peu – il n’avait clairement pas l’habitude de boire – puis ses muscles de se relâchèrent, petit à petit.
- Dois-je conclure que tout ne s’est pas passé comme vous l’aviez prévu ce matin ? Demanda Dex en connaissant déjà sa réponse.
- Je ne peux pas prévoir les actions individuelles, répondit le mathématicien calmement, ni celles de petit groupes d’individus, qu’ils soient deux, trois, ou cinquante… Ils n’évoluent pas dans un système isolé, et cela je l’ai oublié... (Xander afficha un petit air insatisfait, déçu de lui-même). J’y suis allé en étant trop sûr de moi, en ayant une stratégie en tête que je pensais efficace.
- Que s’est-il passé Maître Ikarion ?
- A vrai dire, je pense avoir réussi à m’imposer au moins temporairement face à Fleet. J’ai montré ma capacité à traiter de certains sujets, même militaires. Mais le Gouverneur m’a d’une certaine façon mis en garde sur ma manière d’aborder les choses … Je pensais par ailleurs pouvoir faire pression sur lui en insistant sur notre duo, antagonique à celui formé par Fleet et Staragame, mais je me suis trompé… Je joue à un jeu que je ne connais pas encore. Tarkin a raison, j’ai beaucoup à apprendre de lui, sur un domaine sur lequel je reste en bonne partie ignorant : le jeu politique, et son application pratique.
Dex compila les données fournies par le monologue de son maître, ces petits yeux verts clignotaient subrepticement.
- Mais... J’ai comme l’impression que son discours a légèrement changé depuis notre dîner au palais. La voix de l’universitaire évoquait si ce n’est la méfiance, au moins l’interrogation. Il voulait battre Fleet pour faire triompher la Raison. Aujourd’hui il m’a fait part de l’intérêt qu’il y avait dans une … éventuelle collaboration entre lui et moi. Je ne comprends pas.
- Effectivement, répliqua la droïde, dit comme cela, il est difficile de saisir les intentions de votre mentor.
Xander finît son verre, déglutît, puis soupira un bon coup avant de conclure.
- Je te l’ai dit, j’ai beaucoup à apprendre de lui mais… J'ai comme l'impression que quelque chose ne tourne pas rond... Je me fais peut être un film… Je verrai bien comment la campagne se déroulera...
Dex s’approcha alors du docteur. Et sur un ton presque compatissant, il lui dît :
- Même vous avez le droit de douter, Maître Ikarion.
Le scientifique détourna enfin le regard du paysage urbain qui lui faisait face pour fixer celui de son droïde. C’était la première fois, depuis l’épisode de sa thèse sur la mathématocratie de Yag’Dhul, qu’on lui faisait cette remarque. Xander comprit qu’il vivait une nouvelle étape charnière de sa vie.