L'affaire Bob Turner allait bientôt être jugée par les tribunaux Républicains. Bon nombre attendaient la fin de cette histoire sordide, imprégnée du sceau de la violence et de la haine. Parmi eux, les Jedi, bien sûr. Car il n'était pas seulement question de justice, ici. Il s'agissait aussi de regagner le cœur des citoyens, de façon honnête et pure. Asledo Cadalo œuvrait en ce sens jours et nuits. Ce noble but étant difficile à atteindre, surtout en respectant un certain code de conduite, le Grand Maître Jedi tentait également de faire comprendre à ses pairs qu'il s'agissait là d'une entreprise véritablement longue et sinueuse. L'épreuve idéale, selon lui, pour l'Ordre Jedi.

La guerre étant désormais plongée dans un état relativement léthargique, les étoiles semblaient alignées afin de permettre à chacun de se ressourcer, de se retrouver, aussi. Le vieux Drall aux dons incroyables connaissait l'importance d'une telle période, et il ne permettrait pas à quelques fous, obnubilés par les conflits, de tout bazarder impunément. Bien que l'Ordre fût affaibli par les dernières décisions de la République Galactique, il n'en restait pas moins une institution historique de la nation. Ainsi, ses capacités d'action étaient tout de même non négligeables.

Là où le débat faisait rage, au sein même des Jedi, c'était justement sur la teneur des actions à mener. La sagesse d'Asledo Cadalo pouvait paraître attentiste, passive, aux yeux de certains. Ceux là étaient sans nulle doute menés par le Maître Ben Sarro, le plus puissant des Gardiens du côté lumineux de la Force. Animé par un sens du juste à toute épreuve, cet homme, considéré populairement comme un authentique héros de guerre, cherchait surtout à réveiller les consciences sur les dangers qui grandissaient autour de l'Ordre. En somme, Sarro préconisait des réponses vives et franches aux menaces diverses, quitte à faire preuve de poigne et d'impact physique réel, dans le but de les empêcher de croître et de devenir finalement ingérables. Alors que le Grand Maître, lui, préférait attendre le bon moment, à la fois pour agir mais aussi afin de sélectionner la meilleure option possible, en évitant au mieux les bains de sang.

Deux philosophies s'affrontaient, se disputant la décision, pendant que le côté obscur rongeait l'univers de part en part, doucement mais sûrement. Loin de Coruscant et de ses innombrables buildings, les Sith voyaient leur culte s'étoffer. Chaque jour, de nouveaux élèves intégraient leurs rangs, cédant sans ménagement aux sirènes séductrices du pouvoir. La CSI s'en frottait les mains, bien entendu, puisqu'elle était parvenue à asservir ces troupes d'élite aux sabres laser rouges. L'équilibre de la Force était ainsi fortement compromis aujourd'hui.

Fort heureusement, l'Ordre Jedi comptait en ses rangs des Padawans dignes de cette époque rude. Parmi eux, trois noms précis résonnaient dans l'esprit des membres du Conseil Jedi : Loh Darl, Tseh et Vipers. Le premier étant encore très jeune, il ne fallait pas précipiter les choses le concernant. Ceci dit, son maître était formel : la Force chantait à travers l'âme de son apprenti. Certes, c'était à la fois une chance et un fardeau, mais jusqu'ici Loh avait fait preuve d'une profonde modestie, qui permettait de placer de bons espoirs en lui. Le Padawan Tseh, quant à lui, semblait animé d'un feu bien différent. La plupart des Maîtres Jedi considéraient d'ailleurs qu'Asledo Cadalo avait pris un énorme risque avec ce jeune Humain aux origines tribales.

Le fait que le Grand Maître prenne sous son aile un garçon approchant de l'adolescence, soit beaucoup trop vieux selon les standards de l'Ordre, avait provoqué une vague majoritaire d'indignation au sein même du Conseil. Pour beaucoup, Cadalo était un des meilleurs pédagogues de l'histoire de l'Ordre. Qu'il choisisse un apprenti avec si peu de potentiel, et autant de retard, était vu comme un énorme gâchis. Or, à ses détracteurs le vieux sage avait une réponse tout à fait pertinente : le potentiel seul ne suffit jamais à faire un grand Jedi. Qui pouvait dire le contraire? Aucun des Maîtres du Conseil, en tout cas.

Enfin, le troisième de ces Padawans au cœur des réflexions de Cadalo n'était autre que le brave et fougueux Vipers. L'apprenti de Ben Sarro en personne. Chez ce jeune homme, ce n'était pas sa maîtrise du sabre, ni ses prouesses de pilote qui intéressaient le Drall à la tête de l'Ordre Jedi, contrairement à ce que l'on pourrait croire de prime abord. Récemment, Asledo avait pu côtoyer ce Padawan de près, et il avait perçu en lui l'éclat pur de la justice. Vipers agissait en effet toujours en un seul but : la défense des plus faibles. Bien sûr, la jeunesse de l'apprenti de Ben Sarro l'amenait parfois à commettre des excès de zèle assez... Dommageables. Néanmoins, il était clair que la lumière habitait sincèrement Vipers. Et c'était cette lumière, précisément, qu'il fallait préserver et diffuser aux autres Jedi.

Ce trio d'apprentis symbolisait évidemment l'avenir de l'Ordre Jedi. Le Grand Maître ne s'y trompait pas. Et c'était pourquoi il avait convoqué ces trois là, aujourd'hui, dans la grande salle de méditation, dont la magnifique baie vitrée offrait une vue imprenable sur la capitale Républicaine. La douce lueur du matin chatouillait d'un bel éclat les monts d'acier, qu'étaient les impressionnantes constructions modernes Coruscanties. Un spectacle de couleur que seule l'aube et le crépuscule étaient capables de reproduire. Le vieux Drall était déjà assis en tailleur, dos à l'entrée, mais face à cette vue. De cette façon, on pouvait presque croire que le Grand Maître veillait personnellement au-dessus de la ville, ce qui était partiellement vrai, d'ailleurs.

Sans se retourner, le grand sage entendit la porte s'ouvrir derrière lui. Il n'avait pas besoin de vérifier visuellement de qui il s'agissait, car il connaissait désormais les signatures vitales et spirituelles des trois Padawans qu'il attendait ici. Le Grand Maître se contenta donc de dire quelques mots, figé dans sa posture pré-méditative, soit assis en tailleur directement sur le sol :


La voix du vieillard transmettait son calme à toute épreuve. Il referma ses yeux en attendant que les trois Jedi prometteurs suivent ses consignes. Puis, lorsqu'il sut qu'ils furent tous trois en position, il reprit doucement :


[HRP : l'ordre de post est libre, cependant j'interviendrai à chaque tour pour jouer Asledo Cadalo.]

- « Plus d’économie dans le geste, chaque mouvement doit compter.

Le maître Dalon dispensait à son apprenti une énième leçon de maîtrise du sabre laser dans l’une des nombreuses salles d’entrainement du Temple. La propension naturelle de son apprenti aux épreuves mentales avait infléchi les pratiques de ce maître Gardien vers des activités moins physiques, mais il restait une fine lame reconnue. Nombreux furent les Jedi surpris de voir ce Gardien assumer la formation d’un novice dont tout laissait penser qu’il deviendrait un Consulaire, mais le maître Cadalo lui-même fut le premier à soutenir le choix de son ami. Un Consulaire formerait au mieux un Consulaire, mais que pouvait bien devenir un Consulaire formé par un Gardien ? Au lieu de limiter les entrainements aux activités dans lesquelles Loh était le plus à l’aise, Krey Dalonn n’avait de cesse de le pousser à travailler ses faiblesses. Ainsi le maître s’était-il mis en tête d’enseigner à son apprenti les voies du Soresu, forme défensive par excellence qui lui permettrait, non pas de dominer à coup sûr tout adversaire, mais au moins de ne pas périr sous les coups d’un duelliste plus confirmé. Le sabre laser était aussi le seul bouclier du Jedi en mission extérieure face à la plupart des armes à énergie, le Soresu était tout indiqué pour permettre à son apprenti de parer un maximum de dangers. Chaque entrainement au sabre laser depuis ces derniers mois était consacré au travail du Soresu qui, s’il avait été mieux maîtrisé, aurait sans doute permis au padawan de se défendre sans conséquences fâcheuses lors de sa dernière mission.

L’apprentissage n’était pas évident car Loh n’avait jamais connu le front, contrairement à des camarades plus âgés. Les sphères d’entrainement utilisées par les Jedi pour dévier les tirs d’armes à énergie étaient d’ordinaire un bon supplétif, mais aucun programme ne pouvait réellement retranscrire l’envie de tuer. On pouvait au mieux paramétrer la machine pour des tirs aléatoires car celui qui pouvait prévoir l’imprévisible serait apte à se protéger d’un individu dont les sentiments pouvaient le trahir. C’était précisément ce qui avait sauvé Loh lors de sa dernière mission. Le padawan, doué pour l’empathie de Force, avait perçu les intentions de son opposant avant que celui ne passe à l’action. Ces quelques secondes d’avance sur son adversaire lui avaient permis d’anticiper son geste, mais son manque de maîtrise n’avait pas permis une contrattaque suffisamment précise.

Lorsque Loh commençait à témoigner un peu trop d’aisance dans son exercice, le maître rajoutait une sphère pour augmenter la difficulté. Il continuait de prodiguer ses conseils tandis que son apprenti déviait du mieux qu’il le pouvait les tirs des machines. Chaque échec provoquait une sensation désagréable, mais pas uniquement d’ordre physique. Le jeune Kel Dor se souvenait de sa blessure, sa première, et craignait qu’un tir sur son épaule droite ne ravive une vieille plaie. Tu ne peux pas ressentir pleinement ton environnement si tu es trop concentré sur ta crainte d’être touché.

L’apprenti opina docilement, comme à son habitude, mais commençait à montrer des signes de fatigue que le maître perçut. D’un œil vers la fenêtre donnant sur l’extérieur, il estima que la leçon avait assez duré. Loh comprit que l’entrainement du jour était terminé lorsque les sphères cessèrent leur feu pour se ranger délicatement sur le support de chargement, il désactiva son sabre laser non sans ressentir une forme de libération.

- Comment résister aux assauts de l’extérieur si je suis trop faible physiquement, maître ?

- Cesse donc de te focaliser sur tes faiblesses, c’est mon travail de veiller à ce que tu les combles. C’était le subtil équilibre que devait trouver Krey Dalonn dans la formation de son apprenti : cultiver les forces sans négliger les failles. Ce n’est pas être présomptueux que d’être conscient de ses forces, Loh. C’est en te connaissant toi-même que tu pourras servir au mieux lors des différentes missions que tu devras accomplir.

- Oui maître. Le padawan reprenait progressivement son souffle car l’exercice avait nécessité de sa part un effort inhabituel. Il se souvenait avoir entendu son maître lui dire quelque chose de similaire à plusieurs reprises, à croire que la leçon peinait à rentrer.

- Mais nous avons suffisamment bousculé tes appétences pour aujourd’hui. Krey Dalonn se dirigea vers l’extérieur de la salle en invitant son padawan à le suivre. J’ai rencontré le maître Cadalo et lui ai parlé de toi, de ta mission et de quelques-uns de tes doutes. Il s’est montré intéressé et m’a dit qu’il souhaitait te voir.

Loh était abasourdi d’avoir ainsi fait l’objet d’une conversation entre son maître et le Grand Maître de l’Ordre, puis l’étonnement laissa place à une angoisse que Krey Dalonn pouvait deviner sans peine. Le jeune Kel Dor avait le souci de plaire mais se pensait toujours indigne d’intérêt, et ce malgré toutes les épreuves qu’il avait traversées et les efforts fournis au quotidien. Se trouver ainsi dans le collimateur de la plus haute autorité de l’Ordre ne devait pas le rassurer.

- Est-ce que vous savez ce qu’il compte me dire ? Le padawan voulait savoir davantage de cette entrevue dont il ignorait la nature. J’aimerais me préparer pour ne pas vous faire honte.

- Si tu es toi-même, il n’y a aucune raison que tu me fasses honte. Je suis satisfait de mon apprenti, et le maître Cadalo le sait. Krey Dalonn marqua une pause, mais il marchait toujours d’un pas décidé. Loh le suivait, sans d’ailleurs avoir la moindre idée de la destination de son maître. Je ne sais pas ce qu’il compte te dire, mais je sais ce qu’il compte te faire. Le Grand Maître Cadalo va t’initier à la télépathie, un outil qui me semble en adéquation avec tes capacités mentales.

Le padawan était circonspect à la découverte de ce projet. Pourquoi son maître confiait-il son enseignement des voies de la Force à quelqu’un d’autre, quand bien même s’agissait-il du plus éminent Jedi de l’Ordre ? Krey Dalonn était certes un Gardien, mais cela ne lui avait pas empêché d’aider son padawan à parfaire sa maîtrise de l’empathie. La télépathie était-elle un art complexe au point qu’il échappait à la connaissance du maître de Loh ? Difficile à croire, la raison devait être toute autre.

- Pardonnez-moi, maître, mais ne serait-il pas plus simple que vous m’initiiez avant que je ne voie le maître Cadalo ? Loh n’avait pas trouvé meilleure façon d’exprimer son inquiétude, mais aussi sa volonté de ne pas se montrer ignorant auprès d’Asledo Cadalo. Krey Dalonn s’arrêta soudainement dans sa marche, au point que le Kel Dor faillit le percuter, puis se retourna en affichant une mine dubitative.

- Douterais-tu de mes décisions quant à ta formation ? Le ton était mi-sermonneur, mi-humoristique. Rien de ce que disait le maître Dalonn n’était totalement neutre, et Loh comprit alors que le maître avait ses raisons. Pour éviter toutefois de décourager son apprenti d’exprimer ses opinions, il poursuivit : Je n’ai pas dit que tu étais le seul à être convoqué par le maître Cadalo. C’est une initiation… collective. Face à ce qu’il identifiait comme de la déception, le maître Dalonn poursuivit ses explications. Nous, les Jedi, formons une communauté liée par la Force. Tu ne pourras pas devenir quelqu’un si tu restes seul, personne ne s’affirme malgré ses semblables. Tu auras besoin de leurs lumières et ils auront besoin des tiennes, nous nous enrichissons en tant qu’individus par l’échange. Si tu ressorts de cet exercice sincèrement et intimement convaincu que les liens avec les autres Jedi ne peuvent que t’être bénéfiques, je considèrerais que tu auras réussi. »

Ainsi donc, le retour dans la zone de confort ne serait que partiel. La dernière expérience de Loh des enseignements collectifs remontait à sa vie de novice et il n’en avait pas un excellent souvenir, hormis celui de son ami Wookie. Certains individus se plaisaient dans la compagnie de leurs semblables, Loh n’était pas de ceux-là. Krey Dalonn le savait et ne manquait pas de rappeler à son apprenti qu’il s’agissait d’un défaut sur lequel travailler, au même titre que la maîtrise du sabre laser. Pratiquer ainsi une compétence mentale en groupe était une façon de mettre le padawan dans un terrain à moitié conquis, de sorte qu’il en retirerait quelque chose même si la télépathie n’était pas maîtrisée en sortant de la pièce.

En prévision de la rencontre à venir, Loh quitta son maître pour se rendre dans ses quartiers afin de se laver car ses activités physiques rendaient probablement sa proximité désagréable. La leçon de télépathie devait se tenir dans la grande salle de méditation, où il n’était d’ailleurs pas rare de croiser Asledo Cadalo. Loh s’y rendit d’un pas nerveux sans trop chercher à dissimuler des sentiments qui, de toute façon, ne pourraient jamais échapper au Grand Maître de l’Ordre.

Le maître Calado était assis en tailleur, imperturbable, probablement en état méditatif et pourtant parfaitement conscient de ce qui l’entourait. Il perçut sans peine l’arrivée du Kel Dor et l’enjoignit à prendre place à ses côtés. Loh n’avait vu le maître Cadalo qu’en de très rares occasions et, comme tous les individus jouissant d’une incroyable notoriété, il fut surpris de le découvrir si petit. Mais la taille physique n’avait pas grande importance, le maître semblait remplir cette pièce de son aura apaisante. Loh en oublia presque son anxiété de se trouver dans la même pièce que le Grand Maître, il s’installa en silence dans la même position que son tuteur temporaire, une position dans laquelle il était à l’aise.

Deux autres padawans étaient présents. Loh ne se souvenait pas avoir les avoir rencontrés par le passé, mais tant d’apprentis arpentaient les entrailles du Temple qu’il n’était pas irréaliste de penser qu’ils avaient pu partager un couloir de temps à autres.
Loh n’était pas le plus expansif des padawans de sa génération, aussi ne s’attendait-il pas à être reconnu. Le jeune Kel Dor tirait toutefois de cet anonymat un grand confort dans la mesure où les espérances qu’ils suscitait, allant de pair avec le risque de décevoir, n’en étaient que plus modestes. Ce n’était pas nécessairement le cas des deux apprentis qu’il allait rejoindre puisqu’il s’agissait respectivement des padawans de Ben Sarro et, surtout, d’Asledo Cadalo lui-même. Tseh ne l’aurait sans doute pas souhaité, mais la notoriété de son maître rejaillissait sur lui. La controverse suscitée par le choix du maître Cadalo de cet individu bien étrange était parvenue aux oreilles de Loh puisque son propre maître lui en avait fait le récit. Les attentes étaient grandes et Loh devinait, ou du moins supposait, la pression ressentie par cet humain natif d’un monde reculé. Rien toutefois dans l’apparence de Tseh ne laissait supposer un quelconque souci de l’opinion d’autrui, ce qui, sans heurter fondamentalement les valeurs du Kel Dor, n’était pas tout à fait en conformité avec sa manière de penser. L’humain se dévêtit davantage, offrant à l’assistance la vue de son torse nu. Loh n’aurait jamais eu l’outrecuidance d’imposer sa culture à quiconque, mais il ne pensait pas devoir souffrir l’absence de pudeur d’un Jedi ; ou bien était-ce la une manifestation de l’aise excessive que pouvait ressentir le padawan du maître Cadalo lors du cours collectif dispensé par son propre maître.
Loh ne connaissait en revanche rien du padawan de Ben Sarro, si ce n’était qu’il avait participé à la première phase de la guerre des clones. Il y avait tout à parier que le dénommé Vipers était sur la voie des Gardiens, il en avait en tous cas la carrure. Sans se livrer à une généralisation simpliste, les Gardiens étaient globalement de ceux qui regrettaient d’avoir été écartés du commandement des armées de la République, Krey Dalonn faisant en cette matière figure de marginal. Loh nourrissait, notamment en raison de l’obédience de son maître, un grand respect pour la catégorie des Gardiens, mais ne parvenait pas à comprendre leur positionnement dans ce débat qui secouait l’Ordre. Si débattre avec un maître, tel que Ben Sarro, était totalement exclu, sans doute l’opinion d’un Gardien en devenir serait intéressante à entendre.

Tandis qu’il se faisait une opinion rapide, et d’aucun diraient inopportune, de ses camarades, Loh ne put s’empêcher de se demander comment ils auraient chacun réagi aux évènements qu’il avait vécus lors de sa distribution de riz. Auraient-ils réussi là où il avait échoué ?
La collectivité n’était décidément pas l’environnement favori du Kel Dor. Il était en ce lieu le plus jeune et probablement le moins expérimenté. Loh ne craignait pas tant le jugement du Grand Maître de l’Ordre que celui de ses semblables auxquels il ne pouvait pas s’empêcher de se comparer, et refréner cette vilaine tentation constituait pour lui une part non négligeable des efforts à fournir en ce jour.

Loh fut arraché à ses pensées par la question du maître Cadalo. Avant d’initier ces trois padawan à l’art complexe de la télépathie, il interrogeait ses élèves du moment sur leurs connaissances. Voilà précisément ce à quoi le Kel Dor aurait aimé se préparer avant de se présenter au Grand Maître, mais par chance Tseh prit la parole. L’humain expliqua à l’assistance ce qu’il avait probablement lu de la télépathie, une introduction essentielle qui avait le mérite d’épargner aux deux autres padawans la charge d’une studieuse récitation. Les épreuves mentales restaient un domaine dans lequel Loh se sentait à l’aise, ce qui amoindrissait l’appréhension de se trouver en groupe. Sa maîtrise relativement précoce de l’empathie, mais surtout l’accident qu’un mauvais usage avait causé dans les premières années qu’il avait partagé avec Krey Dalonn, lui avait donné l’opportunité de réfléchir aux capacités d’ordre psychique que les Jedi tiraient de la Force. Loin d’être spectaculaires, ces capacités étaient, en l’état des connaissances du Kel Dor, probablement les plus dangereuses pour un Jedi. C’est cela qu’il voulait partager avec le Grand Maître et ses camarades.

- « Communiquer sans la parole en projetant ses pensées est un don incroyablement utile, mais il constitue aussi une intrusion dans l’esprit d’autrui. La télépathie permet en effet de se faire entendre même de ceux qui ne le voudraient pas… Sa maîtrise impose à ceux qui souhaiteraient s’en servir une extrême prudence et une auto-discipline sans faille. Lorsque les esprits deviennent accessibles, il faut résister à la facilité d’y entrer trop souvent. »

Tseh fût le premier à arriver, mais aussi le premier à apporter une réponse à la question du Grand Maître Jedi. Le Padawan natif de Waty commença sont explication en évoquant le caractère communiquant de la Télépathie. Le vieux Drall, parfaitement assis face aux trois jeunes adultes, posa son regard triste (malgré lui) sur Tseh, écoutant ses paroles en silence. Puis, ce fût au tour de Loh Darl de s'exprimer. Sa voix jeune paraissait plus vieille derrière son masque respirateur, ce qui correspondait d'ailleurs très bien avec l'allure calme du garçon. Ce dernier développa un peu plus l'aspect moral du pouvoir télépathique. Asledo reconnaissait bien là les enseignements du Maître Dalonn, lui-même très friand de ce genre de réflexion.

Être lié à la Force devait être perçu comme une chance à ne pas gâcher. Trop de jeunes Jedi s'embarquaient dans une vision privilégiée, surdouée de leur propre statut. Il s'agissait, typiquement, du style de pensée capable de faire sombrer une personne bien intentionnée vers le côté obscur. Oui, les Jedi avaient des dons, mais les Sith aussi. Ce qui les différenciait était la manière dont ils s'en servaient, très précisément. Les objectifs des uns et des autres étaient également divergents, évidemment. Cependant, il ne fallait pas oublier que le côté obscur s'était toujours nourri de la corruption des Jedi.

En cela, la réponse du jeune Kel Dor était très satisfaisante. Le tour du courageux Vipers était donc à présent venu, mais celui-ci avoua d'un geste ne rien avoir à ajouter vis-à-vis des interventions de ses camardes. Cadalo ne fût pas vraiment surpris. Depuis sa garde-à-vue, le Padawan de Ben Sarro avait probablement gagné en modestie, et il avait certainement appris à écouter, plutôt que de dire ou de faire quelque chose d'inutile, voire de mauvais.


Conclua le vieux sage en redressant ses oreilles pointues un peu plus haut sur son crâne. Il se lança ensuite dans sa propre réponse, après avoir effectué une bonne inspiration :


Le Drall aux poils gris arrêta son regard une fraction de seconde sur Vipers, mais n'insista pas plus, pour ne pas le faire culpabiliser davantage sur ses actes passés. Le Grand Maître poursuivit tranquillement ensuite :


Cette fois-ci, le plus haut représentant du Conseil balaya le trio de Padawans de ses yeux noirs, s'assurant de cette façon que chacun d'entre eux avait bien comprit ses explications. Il était alors temps de rentrer dans la phase d'exercice, la plus dangereuse évidemment, mais la plus intéressante assurément.


Sans attendre davantage, le Drall ferma ses yeux, posa délicatement ses mains sur ses genoux, puis inclina légèrement la tête vers le bas. Il venait de lancer physiquement son rituel de méditation, le reste se jouerait désormais à l'intérieur de son esprit. En réalité, Asledo attendait que les trois apprentis face à lui soient en phase avec la Force, avant d'utiliser la Télépathie sur l'un d'entre eux. Grâce à ses propres dons, il pouvait ressentir le moment le plus opportun pour le faire. C'est donc quelques minutes plus tard, lorsque le silence absolu s'était mis à régner dans la salle, que le Maître Cadalo débuta l'exercice...

[HRP : le premier receveur va être contacté en privé, pour maintenir le secret du fameux message télépathique.]

Le cours se poursuivait paisiblement sous le patronage du Grand maître Cadalo. Après l’interrogation, vint le temps des explications. Il aurait été illusoire et présomptueux de croire que les élèves avaient pu balayer le sujet de la télépathie dans son intégralité, aussi le maître compléta les bribes de connaissances offertes par les padawans. Loh ressentit toutefois une satisfaction coupable lorsque Asledo Cadalo fit mention de lui. Être approuvé par le Grand maître n’était pas chose anodine et il était bien normal d’en ressentir une petite fierté. Il était en revanche bien indigne d’un Jedi de donner à cet embryon de reconnaissance une signification qu’il n’aurait pas. Loh pouvait déployer tous les efforts de rationalisation du monde pour tenter de justifier son sentiment, mais il était plus sage de simplement accepter ses failles pour se donner les moyens de les dépasser. Il y aurait fort à apprendre du silence de Vipers qui relevait en définitive d’une forme de sagesse, celle qui consistait à ne rien dire lorsqu’il n’y avait rien à dire. Loh, au contraire, avait ressenti le besoin d’apporter un complément de réponse, comme la manifestation d’une condamnable envie d’apporter une « meilleure » réponse. La véritable leçon à retenir de cette petite expérience n’était pas nécessairement une quête d’humilité, mais plutôt une quête de justesse. Le plus important pour un Jedi était d’être conscient de ce qu’il était, conscient de ses compétences, de ses forces et de ses faiblesses. Il ne fallait donc pas agir, ou réagir, en se demandant sans cesse si l’action était commandée par une mauvaise perception de soi-même. Le maître Dalonn aurait les mots pour apaiser les questionnements que Loh ne pouvait pas formuler, il dirait probablement à son apprenti qu’il n’avait fait que nourrir une réflexion des enseignements de sa propre expérience qui, si modeste pouvait-elle paraître, n’en était pas moins potentiellement enrichissante. L’expérience n’était pas « bonne » à partager simplement parce qu’elle était longue, elle était bonne à partager simplement parce qu’elle était différente. C’était probablement quand un padawan commençait à se dispenser seul les enseignements de son maître que l’on pouvait considérer leurs relations comme solidement établie. Le maître n’en devenait pas inutile, bien au contraire, car il était toujours nécessaire de confirmer auprès de lui que les enneigements tirés étaient les bons. De même, s’en tenir aux enneigements supposés priverait l’apprenti de toute nouvelle connaissance. Or c’était bien là l’objectif du jour.

Le Grand maître Cadalo détailla aux padawans installés autour de lui les tenants et aboutissants de la faculté à laquelle il se proposait de les initier. La télépathie ouvrait la porte à diverses autres capacités dont le maître révélait l’importance pour l’Ordre Jedi. Au-delà de leur caractère spectaculaire, toutes ces capacités permettaient à l’Ordre de maintenir sa cohésion par-delà les distances faramineuses sur lesquelles s’étendait la civilisation contemporaine, et ce sans dépendance technologique. Loh se trouva en phase avec le maître lorsqu’il expliquait que résidaient en ces capacités la véritable force de l’Ordre. Rien de bien étonnant à cela, le Grand maître Cadalo était aussi un consulaire, l’obédience dans laquelle Loh était formé depuis qu’il avait été confié à Krey Dalonn. Mais il ne fallait pas céder au schéma simpliste qui consistait à scinder l’Ordre en trois obédiences dont deux, les consulaires et les gardiens, poursuivraient des voies incompatibles. Cela condamnerait la troisième voie, celle des sentinelles, à n’être qu’un compromis par nature insatisfaisant. La situation personnelle de Loh montrait bien, même s’il ne s’agissait évidemment pas de la première occurrence d’un tel phénomène, que les voies n’étaient pas inconciliables. Élevé dans la voie des consulaires en raison de ses appétences pour les activités liées à la méditation, Loh avait été sensibilisé très tôt par son maître à l’importance des activités physiques. Il était impératif pour tout padawan de bien comprendre que tout Jedi était avant tout un serviteur de la Force et qu’aucun n’en était plus éloigné à raison de sa préférence pour les activités physiques. Loh avait entendu de son maître, un gardien, des leçons d’une immense sagesse de nature à faire tomber, dans l’esprit du Kel Dor, toute barrière entre ces trois groupes dont il était tentant pour l’extérieur d’imaginer qu’ils résumaient toute la complexité de l’Ordre Jedi.

La pratique devait logiquement suivre la théorie, laissant place à une toute autre forme de complexité. Asledo Cadalo expliqua aux padawans la suite de l’initiation qui consistait en la transmission d’un message. Ce dernier aurait vocation à circuler entre les protagonistes jusqu’à une révélation finale qui devait permettre de tester à la fois les capacités de perception et de transmission des élèves. La télépathie recelait en effet un défi supplémentaire pour le Kel Dor qui, certes compétent dans la perception des émotions, ne s’était jamais confronté à l’expérience de transmettre une émotion, et encore moins un message complexe. Il fallait tout d’abord se placer en situation de recevoir le message télépathique et le maître recommanda pour cela de se plonger en état méditatif, ce que Loh Darl fit docilement. La méditation vide restait l’une des capacités acquises le plus tôt par le Kel Dor, il n’était pas très difficile pour lui d’atteindre la quiétude d’esprit caractéristique de la méditation. L’état méditatif de Loh le rendait à la fois plus attentif et moins sensible aux évènements extérieurs, il se sentait comme un prolongement du sol, lui-même prolongement du Temple et ainsi de suite. Son individualité s’effaçait, il n’avait plus d’impact sur son environnement et se mettait en état de mieux percevoir les fluctuations de la Force. Il perçut le vol de l’insecte qui pénétra dans la salle de méditation, mais n’en fut pas gêné. Cette mouche n’était pas davantage une gêne que le mobilier de la pièce, à cette seule différence qu’elle était en mouvement par rapport à lui. Le bâillement de Tseh n’avait pas été davantage nuisible pour Loh qui n’était d’ailleurs même pas en état de se sentir désolé pour son camarade. Le jeune Kel Dor était davantage concentré sur les questions qui devaient recevoir réponse, notamment la marche à suivre pour détecter un message dont la nature même lui restait inconnue.

Il était plus probable de ne pas être le premier receveur du message envoyé par le maître Cadalo. Loh concentra donc en premier son attention sur ses camarades. Leur degré de maîtrise de la Force était comparable au sien, il parvenait donc à percevoir des informations de divers ordres. Les émotions perçues d’une personne en état méditatif étaient de plus en plus ordonnées et tendaient à s’amoindrir à mesure que l’individu s’enfonçait dans l’état de quiétude méditative. C’est ainsi que Loh perçut, par exemple, la difficulté de Tseh à atteindre l’état de concentration optimal pour plonger en méditation. Une fois que le calme régnait dans la pièce, Loh put focaliser son attention sur la perception d’un message auquel il n’était pas habitué. Il fallait en effet procéder par élimination, c’est-à-dire réduire au silence ses perceptions habituelles – celles des émotions – pour espérer ressentir le message télépathique. Contrairement à ce que l’on pouvait imaginer, les meilleurs empathes n’avaient pas tant trouvé le moyen d’augmenter leur perception que celui de la faire taire sur commande. Il était précieux pour un empathe d’être en mesure de ne plus percevoir quand cela était nécessaire, et c’était précisément par manque de maîtrise de cet aspect de l’empathie que Loh avait failli commettre l’irréparable.

Loh alternait son attention entre Tseh et Vipers, mais ne percevait ni chez l’un, ni chez l’autre des sensations totalement inconnues. Le Kel Dor était tenté d’en déduire qu’aucun des deux n’avait reçu le message du maître Cadalo. Mais il était également possible que, l’ayant reçu, ni l’un, ni l’autre n’était parvenu à le transmettre. Impossible d’en être parfaitement certain, aussi Loh continuait-il à rechercher chez ses camarades le moindre indice qui permettrait d’éclairer la situation. Au bout d’un temps difficile à mesurer, mais que Loh estima suffisant pour se convaincre qu’il avait perçu ce qu’il était pour le moment possible de percevoir de ses camarades, le Kel Dor se résolut à se concentrer sur le maître Cadalo lui-même.

L’esprit du Grand maître était impénétrable, et cela pour la raison simple que sa maîtrise de la Force était de loin supérieure à celle du Kel Dor. C’était paradoxalement ce fossé entre les deux Jedi qui rendrait l’exercice plus simple pour Loh. Il était en effet impossible que le padawan perçoive du Grand maître autre chose que ce que le Grand maître désirait transmettre. Toute sensation en provenance d’Asledo Cadalo serait donc la piste nécessaire vers le message télépathique qu’il était en train de transmettre. Or, quand Loh se concentra sur le Grand maître, il perçut quelque chose. Le Kel Dor en tira la conviction qu’il devait être le premier récepteur du message, car si tel n’avait pas été le cas, il n’aurait rien ressenti du tout de la part du maître Cadalo.

Maintenant qu’il n’était plus obligé de répartir son attention entre plusieurs personnes, Loh pouvait intensifier sa concentration sur le quasi imperceptible souffle qu’il imaginait entendre. Il se demandait en même temps ce qu’il était censé percevoir. Est-ce qu’il était simplement censé entendre la voix d’Asledo Cadalo ? C’était l’hypothèse la plus probable car un message télépathique n’avait pas vocation à être interprété comme pouvait l’être une émotion. À cet égard, Loh partait probablement avec une petite avance car les messages qu’il avait appris à reconnaître étaient d’une nature bien plus évasive qu’un simple mot ou qu’une simple phrase. Et pourtant, le padawan n’entendait rien si ce n’était un souffle. Il s’y raccrochait toutefois, comme il s’était accroché à la sensation de chaleur qui lui avait permis de trouver le cristal de son sabre laser. Le padawan se concentrait sur le souffle au point de ne plus rien ressentir d’autre, ni ses camarades, ni la mouche qui s’était invitée dans la salle de méditation. Loh savait que toute la force de sa concentration ne pourrait jamais faire de mal au maître Cadalo, aussi poussait-il ses efforts comme jamais auparavant il ne s’était concentré sur l’esprit de quelqu’un d’autre. Le souffle s’intensifia alors, comme une rafale de vent qui s’approchait du padawan et, au moment où la tornade aurait dû emporter le pauvre Kel Dor, ce fut un silence total brisé par un mot parfaitement audible.

Le message avait été perçu et la tension qu’elle avait nécessitée arracha Loh à sa méditation. Le padawan revint dans la salle presque silencieuse sans avoir bougé et, toujours immobile, il entreprit de se replonger en méditation afin de s’affairer à la deuxième partie de l’exercice, et pas la plus simple. Il serait en effet plus difficile d’envoyer un message télépathique que de le recevoir, et ce d’autant plus que la seconde plongée en méditation se révéla plus difficile. Il se concentra une nouvelle fois sur le maître Cadalo afin de confirmer que ce qu’il avait reçu était bien le message. L’absence totale de sensation en provenance du maître prouva que ce dernier avait cessé d’émettre, établissant en même temps qu’il avait senti que son message avait été reçu.

Loh devait maintenant choisir auquel de ses deux camarades il devait essayer de transmettre le message télépathique reçu. L’exercice serait, pour le prochain padawan, beaucoup plus difficile que pour Loh qui avait eu la chance de recevoir le message d’un télépathe expérimenté. Contrairement au Grand maître Cadalo, le jeune Kel Dor n’avait jamais envoyé de message télépathique et n’avait d’ailleurs aucune idée de la manière de faire. L’inexpérience de Loh serait donc une difficulté supplémentaire pour le padawan sélectionné. Il fallait en conséquence choisir celui pour lequel recevoir un message télépathique devait être quelque chose de moins nouveau. Le padawan du maître Cadalo était en conséquence tout indiqué car il était probablement celui des deux qui seraient le plus susceptible de détecter une bribe de message télépathique, ne serait-ce qu’en raison de sa proximité avec un maître télépathe.

La première phase de la communication mentale devait ressembler à l’étape préliminaire de la mise en œuvre d’une empathie de Force approfondie, et donc passer par l’établissement d’une forme de lien. De nouveau en état méditatif complet, Loh « cibla » ainsi l’humain de manière à se connecter à lui, ce qu’il faisait habituellement avant de sonder les sentiments d’autrui. Le Kel Dor avait néanmoins simplement besoin du lien, et non des informations qu’il percevait habituellement. Il bloqua donc ses perceptions tout en espérant que le lien demeure de sorte à pouvoir l’utiliser pour envoyer un message. Il ne concevait en revanche aucune autre méthode que la subvocalisation du mot qu’il avait entendu de la part du maître Cadalo. Loh s’efforçait donc de maintenir sa concentration sur Tseh tout en répétant inlassablement le message qu’il essayait de transmettre. Le Kel Dor devait en même temps trouver le moyen de savoir si son message avait été perçu, et ce afin de cesser d’émettre pour à nouveau se concentrer sur la réception. Il fallait en conséquence rester attentif à l’éventuel sentiment de satisfaction dont pourrait faire état Tseh à la potentielle réception du message.

Cela faisait quelques jours que j’étais rentré au Temple Jedi. Le Grand Maître Cadalo était venu me sortir de prison suite aux erreurs que j’avais commises lors de ma première mission. J’avais menacé un homme avec mon sabre laser et malheureusement pour moi des gardes républicains m’avais vu faire cela et il m’avait embarqué jusqu’au commissariat Central à Coruscant. J’étais resté en garde à vue pendant de longues heures et indirectement à cause de ce que j’avais fait à cet homme, je n’avais pas pu aider mon camarade Tseh lors de la perquisition du domicile de Bob Turner. Malheureusement mon camarade, c’était fait attaquer par un drone et le garde qui m’avait arrêté avait été tué. Je m’en voulais de ce que j’avais fait car si je n’avais pas agressé cet homme j’aurais pu être là pour mon camarade et surtout pour le protéger….

A mon retour au Temple Jedi je décidai d’aller faire mon rapport à Maître Ben Sarro directement. Malheureusement je savais que mon mentor ne serait pas très fier de moi mais je devais assumer mes actes. J’expliquais les erreurs à mon Maître qui me sermonna comme je pouvais m’y attendre. J’avais laissé mes émotions me submerger et j’avais même menacé un homme avec mon sabre laser. Ben Sarro ne laissa pas passer cela et il m’indiqua que l’entraînement allait être plus intense. Je n’aurais plus de temps pour moi ou pour faire des recherches à la bibliothèque. Maître Ben Sarro voulait intensifier mes cours afin que cette erreur ne se reproduise plus du tout.

"- Padawan, je te laisse te reposer et prendre une douche. Demain matin à la première heure je t’attends dans la salle d’entraînement.

- Bien Maître, je serais là."

Ben Sarro me fit signe de me retirer. Je partis alors dans ma chambre, je retirai ma bure et pris une bonne douche. Les longues heures en garde à vue au commissariat central avaient fait de moi une loque et une odeur nauséabonde s’était imprégnée sur mes vêtements. En rentrant sous la douche je repensais à cette épreuve que j’avais affrontée. La méditation m’avait beaucoup aidé à ce moment, mais il était trop tard car j’étais déjà en cellule. Je ne savais pas ce qu’il m’était passé par la tête, menacer un extrémiste qui avait essayé de corrompre le témoin que je devais protéger avec l’aide de mon camarade Tseh. Une fois ma douche terminée et après avoir culpabilisé de ce qu’il c’était passer pour ma première mission dans la ville de Coruscant, je me couchai directement afin d’être en forme pour le lendemain. J’avais déçu Maître Sarro et pour cela j’allais devoir redoubler d’efforts et lui prouver que cette erreur ne se reproduirait plus.

Le lendemain je rejoignis mon Maître dans la salle d’entraînement à la première heure. Le Temple Jedi et ses occupants se réveillaient tranquillement lors de mon passage dans les couloirs de celui-ci. Je saluai les Jedi déjà présent sur mon chemin et arrivai au bout de quelques minutes devant la salle où mon mentor m’attendait. Ben Sarro avait déjà dégainé son sabre laser et il l’activa à mon entrée dans la salle.

"- Padawan prépares-toi nous allons reprendre les bases du Soresu afin que tu te rappelles que les Jedi sont avant tout là pour protéger la paix et les peuples de la galaxie et non pour les agresser.

- Bien Maître, pardonnez-moi."

A peine avoir fini ma phrase Ben Sarro se jeta sur moi. Je fis une roulade sur le côté et attrapai mon sabre laser et l’activa. Mon Maître continua à m’attaquer sans relâche. Je bloquais ces coups les uns après les autres, mais les coups de mon mentor étaient de plus en plus intenses. Je reculais sous chaque coup, mon maître me demandait de me concentrer et de laisser la Force me guider. Je fis le vide en moi et je me concentrai sur les paroles de mon maître. Notre entraînement au sabre laser dura de longues heures. Ben Sarro me poussait à me dépasser et surtout à réaliser ce qu’être un Jedi signifiait. J’avais échoué lors de ma première mission dans la capitale et il ne voulait plus que cela  se produise une nouvelle fois. Une fois bien épuisé mon mentor me demanda de rentrer en méditation et de réciter le Code Jedi.  Ce que je fis sans problème, mais mon Maître m’ordonna de justifier chaque phrase avec mes mots, quelle appréhension j’avais fait du Code depuis que j’avais rejoint l’Ordre Jedi.

Ces leçons durèrent pendant de longues journées. Mon Maître me poussait à me remettre en question afin que l’échec que j’avais subi ne se reproduise plus jamais. J’étais le Padawan de Ben Sarro, le leader des Gardiens et l’un des plus forts combattants que l’Ordre Jedi avait sous sa main. Je me devais de ne plus jamais le décevoir et d’être digne de son enseignement qu’il m’avait inculqué depuis temps d’années. Les semaines s’enchainèrent et mon Maître m’indiqua que j’avais été retenu avec deux autres Padawan à un cours sur la Télépathie avec le Grand Maître Cadalo. Le Padawan Tseh avait été sélectionné aussi pour ce cours ainsi qu’un autre Padawan qui répondait au nom de Loh Darl. Je ne connaissais pas du tout ce jeune homme, je savais juste qu’il était beaucoup plus jeune que moi.
Nous avions tous les trois rendez-vous dans la salle de méditation principale.

A mon arrivée Maître Cadalo était déjà assis dans une posture de méditation au milieu de la pièce. Je saluai Tseh qui était déjà présent ainsi que le Padawan Loh Darl. Le Grand Maître nous fit signe de nous assoir autour de lui et commença à nous questionner sur la Télépathie. J’allai m’installer à la droite de Cadalo. Tseh fut le premier à réponde au Grand Maitre suivi de Loh. Je n’eus pas besoin de parler puisque mes deux camarades avaient évoqué les points que je connaissais, mais je n’étais surtout pas très à l’aise avec Maître Cadalo. C’était lui qui était venu me sortir de ma garde à vue au commissariat central. J’avais honte de ce que j’avais fait et que cela soit le Grand Maître de l’Ordre Jedi qui soit venue me chercher m’avais mis dans l’embarras. Le Drall confirma les dires de mes camarades et rajouta plusieurs choses.

"- Vous avez tous raison. Néanmoins, la globalité de vos idées ne forme pas encore un ensemble exhaustif. La Télépathie est effectivement un moyen de communiquer, d’immiscer, non pas notre parole, mais directement notre pensée dans la tête d'une tierce personne. La Force ouvre ainsi le champ des possibilités. Notre devoir est donc, comme Loh l'a souligné, d'en faire bon usage... Car la frontière est toujours mince entre l'abus de pouvoir et l'action au nom du bien."

Maître Cadalo me regarda dans les yeux quelques secondes puis il continua ces explications.

"- La Télépathie est aussi un premier pas vers des capacités supérieures très exigeantes, telles que la Persuasion de Force, l'Appel de Force, l'Intrusion Mentale, ou encore le Prima Vitae, soit l'art de détecter la signature spirituelle d'un être connu, et cela parfois au-delà même des limites d'un système spatial... Par conséquent, les télépathes expérimentés sont des membres très importants de l'Ordre Jedi, capables de contacter ou de localiser chacun d'entre nous en quasi toutes conditions. Cela fait de la Télépathie le premier mode de survie de notre groupe, bien avant la maîtrise de notre arme. D'ailleurs, certaines créatures sauvages, disposant de liens spéciaux avec la Force, usent de ce don, inné chez elles, également en ce but. La nature doit nous servir d'exemple, car elle est en fait l'expression la plus pure de la Force."

Le grand Maître de l’Ordre nous regarda tous les trois, l’un après l’autre afin de savoir si nous avions bien compris ce qu’il nous disait.

"- Pour des débutants en la matière comme vous, avant d'espérer produire le moindre message télépathique, il faudra vous plonger dans un état méditatif. Ceux qui pratiquent la Méditation Vide peuvent l'utiliser ici, cela ne peut que faciliter le processus. Lorsque tout le monde sera concentré sur les flux de Force, je lancerai un premier message secret, au hasard, que ce premier receveur devra tenter de faire suivre à la personne de son choix, et ainsi de suite. Celui qui aura reçu deux fois le mot secret, peu importe son identité, annoncera la fin de l'exercice, tout en révélant à voix haute le contenu des transferts des télépathiques. Si le bon message est déclaré, nous pourrons passer, logiquement, au second exercice."

Je savais ce qu’il me restait à faire. Le grand Maître Cadalo nous avait indiqué que nous devrions rentrer en méditation afin de pouvoir nous concentrer. J’avais pratiqué cette technique pendant de longues heures depuis mon retour au Temple Jedi. Maître Ben Sarro m’avait fait énormément fait travailler sur cette technique afin de pouvoir me libérer de toute contrainte qui m’aurais fait agir trop vite et surtout sans réfléchir. La méditation m’avait permis de me recentrer sur moi-même et sur mes objectifs, combiné avec le Code Jedi j’avais réussi à me temporiser. Maître Ben Sarro m’avait poussé à parfaire mes connaissances de la Force et j’avais plus ou moins bien réussi depuis mon retour au Temple après ma première mission. Je me mis en méditation et attendis de recevoir un contact télépathique par l’un de mes camarades Padawan.

En état de méditation, l’écoulement du temps était imperceptible. Loh ne pouvait dire s’il était installé depuis quelques minutes, quelques heures ou quelques mois. L’état méditatif présentait beaucoup de similitudes avec le sommeil et il n’était d’ailleurs pas rare que l’on initie les plus jeunes en se servant de cette proximité. Combien de fois avait-on dû réveiller le jeune Kel Dor visiblement trop impliqué dans son exercice ? Suffisamment car Loh avait développé non seulement une compétence pour la méditation, mais aussi un goût. Méditer était comparable à un sommeil conscient et permettait même d’atteindre un état de « super-conscience » dans les moments les plus intenses. Les Jedi s’en trouvaient capables de ressentir au mieux les fluctuations de la Force, notamment celles provoquées par les émotions. C’est ainsi que l’on avait expliqué à Loh la nature de l’empathie de Force, il s’agissait en réalité d’une capacité de perception et non réellement d’une aptitude psychique. La télépathie ne devait pas relever d’un autre mécanisme. Une pensée pouvait s’assimiler à un message nerveux dans le cerveau, mais c’était aussi une fluctuation dans la Force qu’un être sensitif était capable de ressentir et, pour les plus entrainés, d’interpréter afin de lui donner sens. La séance du jour avait précisément pour objet de montrer aux trois padawans à quoi pouvait ressembler cette fluctuation, et quel meilleur enseignant que le grand maître Cadalo lui-même.

L’exercice se poursuivait dans le calme, au point que tout spectateur non initié en viendrait à douter que des Jedi étaient en plein entrainement. L’activité du jour était pourtant fatigante car les padawans ne devaient pas relâcher leur attention et le cerveau restait l’organe le plus gourmand en énergie. Et de l’énergie était nécessaire pour Loh qui comptait sur une forme de réaction perceptible de la part de Tseh afin de savoir s’il avait ou non reçu le message. C’était toutefois oublier que l’humain avait l’habitude de recevoir des messages de cette nature de la part de son maître, et qu’ainsi le recevoir d’une autre personne n’occasionnerait pas de bond émotionnel particulier que Loh aurait pu détecter. Le Kel Dor n’était pas expérimenté au point de pouvoir se concentrer à la fois sur l’émission et la réception, aussi décida-t-il, après ce qui devaient être plusieurs minutes, de se concentrer uniquement sur la réception pour quelques autres minutes. Comme la première fois, il fallait que Loh réduise le champ de recherche du message afin d’optimiser ses chances de le recevoir. Dans l’hypothèse où Tseh avait reçu le message, il y avait tout à parier qu’il l’enverrait à Vipers. Le renvoyer à son émetteur revenait à prendre le risque de mettre fin à l’exercice trop tôt, car l’émetteur padawan avait nécessairement déjà reçu le message une fois. A l’inverse, renvoyer le message au maître Cadalo présentait le risque de rallonger inutilement l’exercice. Encore fallait-il que Tseh soit en mesure d’identifier l’émetteur du message reçu, ce dont Loh ne doutait pas en raison de l’expérience passée de l’humain auprès du maître Cadalo.

Le Kel Dor fixa donc sa concentration sur Vipers dans l’attente d’un message. Là encore, Loh ne put éviter une forme de rationalisation, toujours dans le but d’optimiser ses chances de réussite. Vipers n’avait pas l’expérience de Tseh car son maître, Ben Sarro, n’était pas particulièrement connu pour ses appétences pour les activités mentales. Le maître Sarro maîtrisait le sabre laser comme personne, probablement mieux que Krey Dalonn, et devait sans doute pour cette raison former son apprenti aux mêmes pratiques. Présumer de la moindre capacité d’un autre padawan n’était pas très digne d’un Jedi, Loh ne put s’empêcher de s’en faire la remarque intérieurement. Il était particulièrement difficile pour un Jedi en plein apprentissage de parfaitement maîtriser ses plus mauvaises pulsions, et ces dernières tendaient de plus à se manifester dans les moments les plus traîtres. C’était à se demander si la totale maîtrise de soi-même était possible sans s’oublier. Le moment n’était toutefois pas venu de réfléchir à cela et Loh revint à sa concentration sur Vipers. Cette nouvelle « cible » présentait une difficulté supplémentaire par rapport au maître Cadalo. Si le Drall savait parfaitement rendre ses émotions imperceptibles, c’était moins le cas de Vipers et le message télépathique que ce dernier pouvait adresser avait des chances d’être brouillé par les émotions que Loh pourrait percevoir. Là encore, avoir été le premier à recevoir le message du maître Cadalo lui-même était une chance. Cela avait permis au Kel Dor de savoir exactement quel type de sensation révélait la présence d’un message télépathique. Quand bien même l’éventuelle moindre expérience de Vipers en télépathie pourrait être un obstacle, dans la mesure où projeter un message demeurait quelque chose d’assez peu instinctif, Loh savait à quel genre de signal s’attendre pour l’avoir reçu une première fois. C’est à la recherche d’une telle sensation que Loh continuait de focaliser son attention sur Vipers.

Face à un inconnu, la tentation était forte d’essayer de capter davantage que ce que l’on recherchait. Loh n’était pas à l’aise en compagnie des autres padawans, mais il éprouvait tout de même le désir de les connaître davantage, et peut-être de les jauger. Vipers présentait de plus l’intérêt d’évoluer dans la voie des gardiens, il lui supposait donc des manières de penser très différentes des siennes, mais pas moins intéressantes dans la mesure où il avait toute sa place au sein de l’Ordre. Le choix du maître Ben Sarro ne pouvait s’être posé sur quelqu’un qui n’était pas digne d’intérêt. Que ressentait-il à l’instant présent ? Loh sentait qu’il était capable de sonder l’esprit de son camarade, ses résistances étaient moins importantes que celles de Tseh. Mais au seuil de l’esprit d’autrui, il était impératif d’interroger la probité de son entreprise. Lire les émotions d’un autre individu pour assouvir son envie secrète de le connaître n’était bien évidemment pas un usage de l’empathie conforme aux enseignements Jedi. La Force offrait à ceux qui y étaient sensibles un panel important de capacités potentiellement intrusives et dangereuses, tant pour les cibles que pour les utilisateurs. Mais on pouvait se poser raisonnablement la question de savoir ce qui était préférable entre ne pas être conscient de ces pouvoirs afin de ne pas les utiliser, et être conscient de ces pouvoirs tout en faisant le choix conscient de ne pas les utiliser. Loh pensait qu’un Jedi devait être au courant de toutes les capacités que lui ouvrait sa sensibilité à la Force et qu’il devait tirer de ses enseignements la sagesse de ne s’en servir qu’avec parcimonie. Dissocier le savoir du pouvoir était un pan important de la philosophie Jedi, ce que les adeptes du côté obscur rejetaient. Krey Dalonn évoquait peu les Sith avec son apprenti, mais Loh se souvenait de ces rares échanges que les adeptes du côté obscur recherchaient le pouvoir pour lui-même. Emportés par les capacités qu’ils étaient en mesure d’acquérir, ils n’avaient plus la volonté d’y résister. Bercés de l’illusion d’être maîtres de la Force, ils en oubliaient qu’ils étaient les esclaves d’eux-mêmes. Comment ne pas entendre cette fausse musique que se révélaient être leurs discours de puissance… Loh ne franchit donc pas le seuil tout en maintenant sa concentration sur Vipers.

Au bout d’un temps qui était une nouvelle fois délicat à mesurer, Loh pu ressentir de la part de Vipers le même message que celui envoyé par le maître Cadalo. Il n’était pas aussi clair mais, l’ayant entendu une première fois, il était plus facile à reconnaître. Le mot reçu de la part de Vipers était celui que Loh avait envoyé à Tseh, ce qui supposait quelques petites victoires dont il n’était pas scandaleux de se féliciter intérieurement. C’était d’abord la preuve que Loh était parvenu à envoyer le message correctement, première raison d’être satisfait. C’était encore la preuve que Tseh l’avait perçu et qu’il avait identifié de qui venait le message avant de l’envoyer à son tour avec succès, encore une raison d’être satisfait. Enfin, Vipers avait reçu le bon message et, de la même manière que son interlocuteur mental, était parvenu à le renvoyer à la bonne personne. Il semblerait que les padawans qui expérimentaient la télépathie pour la première ne s’en étaient pas si mal sortis.

La réception de ce nouveau message n’empêcha pas Loh de se maintenir en état de méditation, contrairement à la première fois. La tension avait été moins importante, signe que le padawan s’accoutumait progressivement à la télépathie. Comme tout apprentissage, les premiers temps sont nécessairement très gratifiants puisque la sensation de progression est très importante. Loh savait d’expérience, si modeste soit-elle, que toute la période d’assimilation ne suit pas ce rythme et qu’il devrait traverser des moments de frustration. Il faudrait atteindre des paliers de maîtrise qui nécessiteraient beaucoup de pratique, notamment pour acquérir la capacité de recevoir et d’envoyer un message télépathique sans être en état de méditation. Sans présumer des prévisions du maître s’agissant de l’enseignement du jour, il y avait tout à parier qu’il n’irait pas jusque-là.

Il n’était toutefois pas rare qu’un enseignement dépasse de loin ce que les padawans pensaient apprendre. Krey Dalonn n’avait pas envoyé Loh auprès du maître Cadalo simplement pour s’initier à la télépathie, mais aussi, et peut-être surtout, pour qu’il apprenne à travailler en groupe. Le jeune Kel Dor n’était pas à l’aise parmi ses semblables, souffrant peut-être d’un complexe d’usurpation. Loh supportait mal la comparaison et préférait fuir ceux aux côtés desquels il pourrait se sentir dans une sorte de compétition, ou bien fuyait-il ce sentiment coupable d’être en compétition. Ce mal, pour l’instant bénin, ne pourrait être traité qu’en forçant Loh à côtoyer davantage les autres padawans, et moins son propre maître. Krey Dalonn avertissait fréquemment son apprenti des dangers de la solitude, en lui rappelant que l’Ordre Jedi était d’abord un regroupement d’individus qui forment ensemble une communauté. Loh répondait en exposant les risques de se définir par rapport aux autres, ce à quoi le maître ne manquait pas d’opposer le fait qu’il était parfaitement illusoire de prétendre se définir uniquement par rapport à soi-même.

Le temps de l’acquisition des enseignements secondaires viendrait bien assez tôt, il fallait maintenant se recentrer sur l’exercice en cours. Loh avait entendu le message de Vipers, il avait donc reçu le message une deuxième fois et il revenait au Kel Dor la délicate étape de la révélation. Toute cette satisfaction ressentie à la réception du message que lui-même avait envoyé avait fait oublier à Loh un élément fondamental : peut-être que lui-même l’avait mal interprété la toute première fois, auquel cas il serait responsable de l’échec collectif. C’est avec cette prise de conscience que Loh lâcha le mot à voix haute, d’une voix plus hésitante qu’il ne l’aurait espéré : « Odan-Urr »

Se soumettre au jugement d’un maître qui n’était pas le sien restait une épreuve difficile. Le maître Cadalo était la plus grande autorité de l’Ordre Jedi et faire état d’une erreur lors de la première rencontre en si petit comité serait pour Loh particulièrement honteux. Plus encore que son propre manquement, il ne voulait pas que son incapacité rejaillisse sur son maître qu’il craignait par-dessus tout décevoir. Mais tandis que ses pensées l’envahissaient, Loh se rendit compte qu’Asledo Cadalo était parfaitement capable de les lire. Peut-être avait-il d’ores et déjà échoué, pas nécessairement au jeu de la télépathie, mais à celui beaucoup plus important du modeste apprenti. Loh imagina de nouveau la pression que devait ressentir Tseh au quotidien. Être le padawan du plus émient membre de l’Ordre devait être lourd à porter… Loh avait la chance de recevoir les enseignements d’un maître qu’il estimait tout aussi compétent – comment pourrait-il en être autrement – mais à la notoriété beaucoup plus modeste. Dans le monde des padawans, on avait souvent tendance à se jauger par rapport au maître. Loh tirait du relatif anonymat du sien une tranquillité qui le satisfaisait. Mais Tseh devait être renvoyé systématiquement à l’identité de son maître, sans doute était-ce quelque chose de difficile à vivre. À moins que l’humain n’ait trouvé quelque part en lui la force d’outre passer cette crainte. Si tel était le cas, sans doute que Loh aurait fort à apprendre de Tseh à l’avenir.

Asledo Cadalo demeurait parfaitement silencieux, plongé dans sa propre méditation profonde. Concentré sur la pièce, chargée d'énergie de par l'exercice en cours, le Grand Maître Jedi lisait tranquillement le Réseau de Vie, tout en surveillant les flux de Force entre les trois Padawans à ses côtés. Dans cet état, il était toutefois très difficile de mesurer le temps avec fiabilité. Ce ne serait donc qu'au "réveil", selon la position du soleil de Coruscant, que le vieux Drall saurait combien d'heures s'étaient écoulées, environ, depuis le début de cette leçon.

Le Sens de Force particulièrement développé de Cadalo lui permettait d'être à l'affût de la progression de Vipers, Tseh et Loh. Ainsi, il capta les émotions principales de chacun, mais aussi (et surtout) il sut d'avance que l'exercice touchait à sa fin. Quelques secondes avant la révélation du mot secret par le Padawan Darl, Asledo avait donc déjà les yeux ouverts, prêt à accueillir le retour des apprentis dans la réalité. Il put également faire un petit tour visuel de la salle de méditation. Le soleil était notamment au zénith. Plusieurs heures s'étaient alors écoulées.


Déclara l'apprenti de Krey Dalonn, une légère hésitation vibrant dans sa voix. Le sage à la fourrure grise sourit finement et acquiesça d'un petit mouvement de tête.


Le vieillard se redressa en un petit bond étonnamment plein d'agilité, puis il commença à marcher doucement vers la porte de sortie.


Les Padawans ne pouvaient pas le voir, puisque Cadalo se trouvait de dos, mais un grand sourire amusé égayait son visage après ces mots. En fait, le Maître Jedi entendait quasiment le ventre de Tseh gargouiller depuis sa position. L'heure du ravitaillement avait ainsi sonné.

[HRP : fin de la leçon ("enfin", oui), et post très court pour apporter une conclusion tant attendue à ce petit RP. Mais votre mission vous attend maintenant (on passe aux choses sérieuses), je vous transmettrai tout bientôt le lien vers le topic en question!]