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471, Boreal Street [One short de Néro]
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Néro

Messages : 308
Date d'inscription : 30/09/2018
Localisation : Lugdunum

Profil du personnage
Espèce: Humain - cyborg
Réputation:
471, Boreal Street [One short de Néro] Left_bar_bleue98/1000471, Boreal Street [One short de Néro] Empty_bar_bleue  (98/1000)
Expérience :
471, Boreal Street [One short de Néro] Left_bar_bleue288/320471, Boreal Street [One short de Néro] Empty_bar_bleue  (288/320)
Néro
Mécano | Pirate
Lun 6 Mai - 0:50
musique d'ambiance:

Des secousses violentes la firent sortir de sa léthargie douloureuse. D’abord aveuglée par la lumière blanche et intense au dessus d’elle, ce fut le bruit ambiant et agité qui finit de la réveiller. L’image était floue et son corps ne répondait pas forcément bien à ses sollicitations. Mais tout autour d’elle, elle distinguait quelques formes qui s’agitaient, sans qu’elle ne sache pourquoi.

- Il faut l’évacuer au plus vite. Les équipes Bêta et Charlie sont déjà en route.

- Docteur, la mise à jour n’est pas finalisée et cela…
- Nous la finaliserons plus tard! Le temps presse! Déconnectez là.

Une main froide vient se plaquer autour de sa tête sans aucune douceur, effectuant quelques manœuvres obscures qui lui arrachèrent un grognement rauque et profond de douleur. Et alors qu’elle essayait de se redresser, on la tira hors de son siège, toujours avec une certaine violence, la soutenant néanmoins lorsqu’elle faillit s’effondrer la seconde d’après. Le contact froid du sol sur ses pieds nus la fit frissonner de façon désagréable.

Elle se sentait tellement faible, ses jambes la tenant à peine. Et cette douleur dans sa tête, ce bruit persistant.... Les yeux toujours plissés, elle les bougea tout autour, tentant de capter un regard, quelque chose ou quelqu’un qui lui permettrait de comprendre ce qui se passait. Mais entre les vertiges et sa peine à se soutenir elle-même, c’était perdu d’avance. Elle ne savait pas ce qu’elle faisait là, ni qui étaient ces gens.

Sa tête se fit lourde un instant et tomba sur sa poitrine mollement. On la lui redressa de force, passant une lumière furtive devant ses yeux, agressant une nouvelle fois ses rétines déjà aveuglées.

- Merde...trauma possible. Ça va être tendu.
- Donnez lui 2 cc de sédatif. Il faut qu’elle tienne.

On lui tira sur le bras, soulevant sa manche avec urgence avant qu’elle ne sente quelque chose se planter dans sa peau trop sensible. Elle lâcha un gémissement et la seconde d’après vint le vertige. Un vertige qui lui retourna l’estomac, déversant immédiatement le peu de liquide qui s’y trouvait à ses pieds. Elle expulsa en toussant ce qui lui restait au fonde la gorge, tentant d’articuler quelque chose, sans savoir quoi.

- Jenny, emmenez là à la capsule immédiatement. Lâchez là après le saut en hyper-vitesse.

Elle eut à peine le temps de se redresser que des mains l’empoignèrent, alors qu’elle tentait de reprendre son souffle, déboussolée, malade et les jambes en proie à de multiples tremblements. Et presque portée par tout ses inconnus, qui la maintenaient fermement sur ses deux pieds, ils progressèrent dans les couloirs froids éclairés d’une lumière rouge clignotante. Une alarme criait, mais elle n’en avait cure. Elle avait envie de dormir. Elle avait tellement mal à ce moment, comme si sa tête allait exploser. D’ailleurs, elle n’arrivait pas à la maintenir droite sur ses épaules, à fixer ses yeux sur un point, les laissant se perdre dans son environnement,  en évitant soigneusement les lampes pour tenter de regarder les gens qui l’escortaient.
Mais qui étaient ces gens? Où était-elle? Qu’est ce qui se passait? Que lui avaient-ils fait pour qu’elle se retrouve dans cet état plutôt lamentable?


Le groupe marqua l’arrêt devant une vaste porte qui mit quelques secondes à s’ouvrir. Une femme blonde, l’infirmière qui était là lorsqu’elle s’était réveillée vint se placer devant elle, soulevant légèrement son menton, le regard inquiet.

- Tu tiens le coup?

La jeune femme plissa les yeux une nouvelle fois, ouvrant la bouche pour essayer d’en faire sortir des questions.

- Que… qui….

- Je suis là pour t’aider. Tu te souviens?

Elle hocha la tête négativement. Ce souvenir de quoi? La porte s’ouvrit dans un bruit sec, et l’infirmière passa l’un de ses bras sous son épaule pour la faire avancer.

- Tu te souviens de comment tu t’appelles? De ton nom?

Comment elle s’appelle? De toutes les questions qui avaient émergé dans son cerveau dérangé, celle-ci n’avait pas été posée. Est ce que cela avait une importance dans l’instant? Peut-être. Alors elle y réfléchit quelques secondes, qui s’accumulèrent, et elle sentit l’infirmière secouer la tête de dépit à côté d’elle.

- Non?
- N...non.

Une nouvelle secousse se fit alors ressentir, suivit d’un bruit ronronnant, les lumières arrêtant alors de clignoter pour se stabiliser dans une lueur carmine. L’une des autres personnes présente, qui ouvraient leur marche se retourna, fixant l’infirmière.


- On fait le saut hyper-espace. Faut qu’on atteigne les capsules rapidement.

Hyper-espace? Ils étaient dans l’espace? Cette notion lui parut légèrement abstraite et cela lui vrilla à nouveau le cerveau, ses mains se portant immédiatement sur ses tempes. Et elle sentit un truc bizarre au dessus de son oreille droite. Une pièce étrange, une excroissance qu’elle n’identifia pas. Si le contact ne fut pas douloureux, elle eut la curieuse sensation que le bruit étrange dans sa tête s’accroissait à son contact. Alors elle relâcha ses mains, qui retombèrent mollement sur ses flancs. L’infirmière exerça une pression sur le bras qui lui fit tourner la tête dans sa direction.

- Ça va aller. Ne t’inquiète pas.

Inquiète? Elle était beaucoup de chose sauf inquiète à ce moment. Là, elle avait besoin de comprendre ce qui se passait, qu’est ce qu’elle faisait là, ce qu’il se passait, où ils l’emmenaient. Et pourquoi sa mémoire était aussi blanche que les murs qui défilaient sous ses yeux.

Angoissée. Perdue. Faible. Voilà ce qu’elle était à ce moment. Autant de sensation désagréable qui lui parcourraient l’échine et le cœur, la plongeant dans un malaise la rendant docile et non réactive à l'effervescence autour d’elle. Un bruit strident la fit gémir. Mais elle constata bien vite qu’elle était la seule à l’avoir entendu. L’infirmière s’arrêta momentanément pour se remettre devant elle.

- ll faut que tu t’accroches. On est bientôt arrivé. Ça va aller.
- Où…?

La question resta sans réponse car on la tira de nouveau vers l’avant, l’entrainant dans une marche forcée qui ne semblait pas vouloir s’arrêter.
Ils passèrent un nouveau couloir, une nouvelle porte, qui les amenèrent dans une petite pièce où une deux personnes étaient déjà présente. Deux personnes dans des accoutrements différents des blouses blanches autour d’elle. L’une d’elle avait dans ses mains une combinaison étrange, et la tendit rapidement à l’infirmière. L'autre à ses côtés avait dans ses mains ce qui lui rappela une arme
.

- Il nous reste une minute avant la sortie du saut. Passez-lui vite la combinaison.

L’infirmière se saisit de l’étrange vêtement, tandis qu’un autre vint la maintenir dans son dos, lui évitant de tomber à la renverse lorsqu’on lui saisit l’une de ses jambes pour la faire entrer dans sa nouvelle tenue. Sans aucun ménagement pour son état de faiblesse, la jeune femme se laissa faire, se retrouvant bientôt enveloppée dans une combinaison beaucoup trop grande pour elle. On lui fit enfiler des bottes, des gants, trop grands eux aussi, avant de lui apposer un espèce de casque sur la tête qui la coupa du bruit environnant. La dedans, tout lui parut si lointains. De la buée se fit momentanément sur sa visière lorsqu’elle expira profondément dans un son artificiel.
Elle vit l’infirmière parler dans une boitier, et sa voix se fit entendre directement à l’intérieur de sa combinaison.


- Tu m’entends?

La jeune patiente hocha doucement la tête. Elle se sentit terriblement fatiguée à ce moment. Le bruit dans sa tête ne se taisait pas, l’envie de vomir ne la quittait pas, comme cette sensation de mollesse qui la poussait lentement vers le sommeil.

- Tu vas être seule quelques instants. Mais on se retrouve bientôt. Ça va aller.


Ça va aller. Ce curieux leitmotiv semblait être le maitre mot ici. Pourquoi tout le monde s’inquiétait? Qu’est ce qu’il se passait. Ces questions restèrent dans son nouvel espace confiné, ne sachant pas comment faire pour que l’infirmière l’entende.

- Jenny, faut qu’on la mette dans la capsule.
- Oui, oui. Ok. On y va.

Jenny. Ce nom ne lui disait rien. Mais elle lui jeta néanmoins un regard légèrement reconnaissant, sentant que l’infirmière essayait de l’aider dans une situation quelque peu critique, dont elle ne savait toujours rien.

L’équipe médicale la saisit à nouveau, l’encerclant comme un objet fragile pour la guider à l’intérieur d’un micro-espace, la forçant à s’asseoir sur un fauteuil, seul vrai meuble présent.
Une nouvelle secousse se fit ressentir, faisant trembler le bâtiment.
Fanny, l’attacha précipitamment, nouant un harnais autour de sa poitrine, puis elle posa sa main sur son casque dans un ultime contact, elle même si elle ne l’entendait plus, elle vit se dessiner sur ses lèvres une dernière phrase d’encouragement. Elle quitta ensuite rapidement la petite pièce, la porte se refermant instantanément dans un silence étrange.


Et elle se retrouva effectivement seule. Ses sens lui indiquèrent alors qu’elle était en mouvement, lui déclenchant un nouveau haut- le-coeur alors que son corps semblait se mettre à flotter légèrement. Et ce fut comme si cela était trop dur à supporter dans son état actuel, et elle ferma les yeux doucement, se plongeant dans un vide intense dont elle ne savait pas si elle ressortirait.

Quand elle ouvrit les yeux, il n’y eut d’abord que le noir. Puis de légers points blancs se dessinèrent donnant une profondeur assez intense à son environnement. A travers la petite vitre sur laquelle ses yeux étaient posés, elle commença à distinguer des choses. Des séries de petites lumières à l’exterieur. L’espace. Elle était dans l’espace. C’était la première fois qu’elle le voyait, mais elle en était sûre. Qu’était-ce sinon?

Elle grimaça. Son mal de tête était toujours là, mais par contre, elle se souvenait de ce qu’elle faisait là. Mais toujours pas pourquoi. Elle porta ses mains sur son torse, cherchant à défaire le harnais qui la maintenait fermement collée à son siège. Et avec ses gants trop grands, il fallu quelques minutes pour parvenir à ses fins.

Instantanément, son corps s’eleva légèrement, se décollant de ses entraves. Et une légère désorientation lui fit se demander si cela était une bonne idée. Mais une fois en l’air, elle atteint un état d’équilibre qui la soulagea légèrement.
La capsule dans laquelle elle se trouvait était étroite et sombre. Seul quelques clignotements étaient visibles sur des appareils électroniques, mais rien d’autres.

S’agitant quelques secondes, ignorant l’espèce de brouillage dans ses oreilles; etqui ne semblait jamais vouloir s’arrêter, elle se donna un léger élan en tapant la pointe de son pied sur le fauteuil pour venir s’accrocher à l’une des parois.

Elle avait froid. Très froid. Il fallait qu’elle trouve comment activer le chauffage où elle serait bientôt gelée. S’agripant aux anses présentes, elle commença alors à détailler les panneaux tout autour d’elle. D’abord avec difficulté, puis ses yeux s’habituèrent enfin à la pénombre, et en rapprochant sa visière des leds, elle parvint à lire quelques inscriptions.
Les premières ne lui parlèrent pas. Enfin pas dans l’immédiat. Elle resta quelques instants à les fixer, puisant dans son interieur pour refaire le lien entre ce qu’elle lisait et le fonctionnement de la capsule.

Curieusement, elle était sûre de pouvoir trouver une solution à cet instant. Ces panneaux, ces composants, ça lui parlait. Les grincements stridents dans sa tête aussi. Ils n’arrêtaient pas, changeant de sonorité, de tonalité, de fréquences. Et cela ne semblait pas provenir du vaisseau mais bien de l’interieur de sa tête.  Elle secoua la tête dans son casque, comme pour essayer de les chasser, mais ce fut sans succès.


Ce constat la glaça quelques peu, lui rappelant alors de se dépêcher de trouver quelques choses pour se réchauffer avant que ses membres ne soient trop engourdit pour faire quoi que ce soit.
Alors elle reprit son inspection, associant progressivement les noms qu'elle lisait avec des fonctions. Mais ce côté là de la capsule ne l’aiderait pas. D’un geste net, elle se lança alors de l’autre côté, renouvelant sa recherche sur le nouveau panneau.


- Le système de survie. Ca me parle ça.

Curieusement, elle s’était sentie obligée de parler à voix haute, comme si elle était incapable de garder sa découverte pour elle. Mais pourtant elle était seule. Elle y refléchirait plus tard. D'abord le plus urgent. Elle poussa quelques boutons et les lumières s’activèrent enfin, une lumière douce bleutée, lui revelant l’interieur de son confinement. Elle en poussa de nouveaux, des bruits divers se firent entendre, et elle sentit bientôt une légère chaleur s’echapper des systèmes de ventilations. Elle vit aussi les jauges d’oxygènes remonter progressivement jusqu’à passer dans une zone verte.
Le dernier interrupteur qu’elle activa fut celui de l’appel d’urgence. Car elle savait qu’elle ne survivrait pas éternellement ici. Pas seule. Pas sans aide.
Pourtant Fanny lui avait dit qu’on, qu'elles allaient se retrouver bientôt. Elle ne savait pas depuis combien de temps elle était là, mais il n’y avait personne. Juste le vide, dans la capsule et l’exterieur.


L’angoisse qu’elle avait ressentit avant son départ la saisit de nouveau et elle se sentit asphyxier dans son casque. Elle le défit rapidement, le posant en apesanteur à côté d’elle. Elle se laissa alors flotter quelques instants, respirant profondément, fixant toujours les étoiles par le petit hublot.
Ce spectacle la détendit légèrement. Au bout de quelques minutes à planer, au sens propre comme au figuré, son estomac douloureux se rappela à elle. Il fallait qu’elle trouve quelques choses à grignoter, et nul doute que cette capsule devait détenir quelques rations de survies.

Elle pivota sur elle-même, cherchant du regard quelques choses qui pourrait l’aider à se sustanter. La capsule étant petite, elle ne mit pas longtemps à identier l’armoire à soin et son immense croix rouge.

Et prenant appui sur l’une des parois, elle s’en approcha doucement, ouvrant le coffret d’une façon un peu gauche à cause de ses doigts qui n’atteignaient pas le bout de ses gants. L’interieur lui dévoila antibiotiques, sédatifs et enfin des espèces de sachet avec une paille scotchée sur le côté.

- Ca devrait faire l’affaire…

Et cela le fit en effet. Elle planta le tube dans l’emplacement prévu à cet effet, elle se sentit soulagée lorsqu’elle sirota enfin le liquide sucrée de la poche, comme si son énergie remontait peu à peu. Par contre le bruit dans sa tête fit de même, devenant plus rapide, un peu plus intense. Elle se massa les tempes d’une main distraite, tenant toujours le sachet de l’autre, marmonnant sa douleur tout en machouillant sa paille.

La fin du sachet sonna malheureusement le glas de son état de satisfaction. Et maintenant, que faire? Elle se laissa tourner sur elle-même dans le vide, cherchant quelques choses à faire pour s’occuper, pour ne pas penser au fait que personne ne viendrait peut-être la chercher, ne pas penser au temps qui continuait de s’écouler, grillant ses dernières ressources doucement.

Pour couper court à l’angoisse de ses pensées, elle tendit les bras et s’agrippa à nouveau aux bords de la capsule. Mais cette fois, elle ne cherchait pas grand chose, s’occupant juste à scruter les différentes jauges, les boutons, les loupiotes.
Elle resta ainsi de nombreuses heures à errer dans le petit espace. Elle apprit notamment qu’elle avait encore quelques jours devant elle avant que le système ne se remette à son minimum et que le froid ne se fasse de nouveau sentir.
Niveau ration, elle serait un peu juste aussi. Il fallait qu’elle essait de s’économiser. Mais comme elle n’avait pas grand chose à faire, faire moins serait compliqué. A moins de dormir.


- Dormir. Ouais.

Elle se sentait épuisée en fait. Elle scruta une dernière fois le système radio. Une balise émettait à intervalle régulier un appel à l’aide pour qu’on vienne la chercher. Et il n’y avait plus qu’à espérer que quelqu’un passe effectivement dans cette zone deserte pour venir la chercher. Elle n’avait aucune idée si cet espace était utilisé, tant il brillait par son vide actuellement, ni de la portée de ses messages.

- Mouais. Pas top comme situation.

Le bruit dans sa tête émit alors un son curieux. Et la jeune femme ne put s’empecher de ressentir de la surprise. Le son semblait plus ordonné, moins brouillit ou confus. Mais c’était peut être son cerveau qui lui jouait des tours, cherchant à se raccrocher à ce qu’il pouvait pour ne pas sombrer dans le desespoir. Ce constat n’était pas forcement plus rassurant. Et elle se vit rapidement devenir folle et essayant de trouver des mots là il n’y avait que distorsions et larsens.


- Bon. Au dodo.


C’était hélas la seule alternative et occupation qui lui restait. Elle était reveillée depuis presque une dizaine d’heures, à la dérive dans l’espace. Rester eveillée ne l’aiderait pas plus. Alors elle s’installa dans la fauteuil central, rebouclant son harnais pour ne pas se cogner aux parois.
Elle parvint à s’installer à peu près confortablement et le sommeil vint vite la haper dès qu’elle ferma les yeux.

Ce fut le bruit de la radio qui la reveilla. Et sans savoir combien de temps elle avait dormis, elle défit rapidement son harnais pour s’élancer vers la grille du haut parleur qui tentait de communiquer avec elle.

- Capsule Non-identifée- vous me recevez? Il y’a quelqu’un?

Légèrement paniquée à l’idée que ce sauveur providentiel ne s’éloigne sans réponse de sa part, elle chercha deseperemment le bouton d’activation, qu’elle trouva puis pressa dans les secondes qui suivirent. Elle ouvrit la bouche, cherchant quoi dire, puis essaya de formuler une réponse qui ne puisse pas le faire fuir.

- Euh… oui...oui, y’a quelqu’un...je… ma capsule va être en rade d’ici quelques heures, j’ai vraiment besoin d’aide…

Le silence qui suivit lui parut extremement long, et elle collla fébrilement son oreille au haut parleur, par crainte de ne pas entendre la réponse.


- Vous êtes combien?

La jeune femme sursauta et rappuya instantanément sur le bouton.

- Je ...je suis seule.

Le silence ce fit à nouveau.

- Vous êtes armé? Qui êtes vous?

Elle paniqua un peu sous les questions, devant leur étrangeté et la peur qu’on la laisse là. D’une voix fébrile et un peu chevrotante, elle pressa de nouveau l’intercom, begayant dans ses réponses

- Non, non...chuis pas armée. je...J’ai rien. Rien. Aidez-moi s’il vous plait!... s’il vous plait…

Ses derniers mots se perdirent un peu, sans force, juste de la supplique saupoudrée d’un peu d’espoir. L’attente ne dura que quelques secondes, mais cela suffit à la plonger dans un intense malaise, dans une douleur qui dépassa ses mots de tête.


- Très bien. On entame une phase d’arrimage. Préparez-vous à déverrouiller l’accès au sas. Mettez bien vos mains en évidence après.


Elle begaya à nouveau dans l’interphone avant de se propulser vers le fameux sas, observant par son hublot l’approche de ce vaisseau qui allait la tirer de cette mauvaise passe. Il n’était pas grand, mais cela lui importait peu. De même qu’elle n’en avait que faire de qui était au commande. Elle voulait juste sortir de là.
Le vaisseau entama une phase d’approche et se positionna en face du sien, ouvrant de larges ventaux qui libèrèrent une passerelle qui vint alors s’accrocher autour de son sas. Les voyants de déverouillage passèrent au vert et, après avoir remit son casque, elle activa l’ouverture. Elle n’aurait qu’un bref passage à faire dans le vide, juste quelques pas avant d’atteindre la porte ouverte de l’autre vaisseau. Et sans tenir compte de l'espace autour d’elle, elle les franchit doucement, s’agripant aux barrières de part et d’autres. Lorsqu’elle pénétra dans le vaisseau, les portes se refermèrent derrière elle, repressurisant l’ensemble et renouant avec la gravité.

Ses jambes lui parurent lourdes à cet instant. Elle flottait depuis de nombreuses heures dans le vide, ce retour à la réalité lui fit l’effet d’un électrochoc qui chassa toutes ses craintes. Elle défit alors doucement son casque, le posa sur le côté avant de mettre ses mains bien évidence devant la seconde porte. Derrière le hublot, elle vit clairement deux personnes, humaines elles aussi, qui la fixaient.


Ils restèrent quelques secondes ainsi, à se regarder derrière le rectangle transparent. Ils étaient clairement en grande discussion mais finirent quand même par ouvrir la porte. L’un d’eux la pointa avec ce qui semblait être un fusil, comme en portait les types devant la capsule avant qu’elle n’y soit mise de force.

- Ok. Pas de geste brusque.
- Ok.

- Pas d’arme.?
- Non, j’ai rien.

L’échange court témoignait d’un état d’inquiétude de la part de ce nouvel équipage. La seconde personne s’approcha lentement d’elle, puis constatant qu’elle restait figée dans sa position, ils se détendirent un peu.

- Bon. Enlève ta combinaison.

- Ok…

Pour le coup, elle fut soulagée de pouvoir enfin retirer cet atroce acoutrement qui l’empechait presque de bouger sereinement, mais qui l’avait néanmoins bien protégé du froid. L’humain au plus proche d’elle adressa un regard à celui armé qui abaissa finalement son arme. Il ne devait pas s’attendre à trouver quelqu’un comme elle dans l’espace. Il se tourna à nouveau vers elle, l’air interrogatif.

- Pourquoi tu étais dans ce truc?

Elle ecarquilla un peu les yeux. Elle n’avait qu’une réponse partielle à leur fournir, qui ne serait peut être pas suffisante pour calmer leurs doutes. Elle se balança légèrement sur ses jambes, commença à formuler un semblant de réponse.

- Je… j’ai étais évacuée du vaisseau dans lequel je me trouvais… Je sais pas pourquoi, mais ils m’ont largués dans le vide. Personne n’est venu me chercher...je..je…

Devant la légère panique qu’elle afficha, l’homme armé rangea alors son fusils dans son holster, et leva ses mains vers elle doucement, comme s’il essayait de la calmer à distance.

- Ok...reste calme… Y’a aucun vaisseau dans les environs. Autre que ta capsule et nous.

Donc personne n’était venu la chercher. Elle fut quelque peu déçue, se demandant si Fanny l’avait abandonné sciemment au fin fond de l’espace, la condamnant de ce fait à une destin funeste aussi long que glacé. Elle baissa les yeux, fixant ses pieds nus. Son regard accrocha alors une étrange inscription sur son sweat, elle inclina légèrement la tête pour mieux la lire tandis que l’humain poursuivit ses questions…

- Alors...euh… c’est quoi ton nom?


La jeune femme redressa sa tête séchement. Encore cette question. Elle avait donc de l’importance. Ses yeux bougèrent dans leurs orbites avant de se reposer sur cette étrange inscription sur son torse. N...e...r...O… Elle n’avait rien. Alors elle prit le peu qu’elle pouvait.

- Je…c’est Néro.

Pendant qu’ils discutaient, le second humain était en train de passer une combinaison, sans doute pour aller inspecter la capsule. Celui près de la porte lui fit alors signe de venir.

- Très bien Néro. Viens avec moi. On va discuter un peu. Suis-moi…

Le regard de l’humain s’était radoucit, et elle fit quelques pas tremblants dans sa direction, sortant finalement du sas, frisonnant sous le froid métallique du sol sur lequel elle marchait. Elle masqua une légère grimace, les bruits dans sa tête faisaient un peu n’importe quoi, s’excitant dans tout les sens, et elle ne pouvait rien faire pour les calmer.

Une fois dehors, l’humain l’invita toujours à la suivre, la dirigeant progressivement dans une direction connu de lui seul. Il continua cependant la conversation.

- Tu es blessée ou malade?

Néro tourna la tête dans sa direction, arrêtant momentanement de détailler ce nouveau vaisseau.


- Euh..non, j’ai juste terriblement mal à la tête.

Il hocha la tête sans commenter sa réponse, s’arrêtant alors devant une porte, qu’il ouvrit en tapant un code. Puis il s’effaça légèrement, l’invitant à entrer à l’interieur. Les pas toujours incertains, la jeune femme avança doucement dans la pièce. Il y avait une table, un lit, un évier. L’humain se mit dans l’encadrure de la porte.

- Ecoute, on a rien contre toi. Mais je dois faire mon rapport au capitaine. En attendant tu vas rester là… euh… reposes-toi en attendant.

La porte se referma instantanément, laissant Néro dans un léger desarois. Sortie d’une boite pour être mise dans une nouvelle. Mais au moins celle-ci était plus vivable. Peut être un poil plus confortable. Moins vide.
La jeune femme agita ses orteils sur le sol, qui avaient prit une teinte un peu palote à cause du froid. Sa bouche se tordit quelques secondes.


- Se reposer. Soit.

Elle n’avait aucune idée de ce qui allait se passer dans les prochaines heures, alors elle s’installa en tailleur sur le lit, enroulant la couverture autour de ses épaules et la faisant retomber ses pieds. Elle s’adossa alors au mur, plaquant l’arrière de son crâne contre la parois dans un soupir bruyant.

- Se reposer.

Le bruit dans sa tête se fit un peu plus calme. Et elle profita de cet instant pour fermer les yeux et sombrer dans un repos léger, chassant le milliard de questions qu’elle avait sur ce vaisseau, sur ces gens qui avaient accepté de la sortir de son pétrin.

Le temps fila sans qu’elle n’en ait conscience. Elle n’avait rien pour le mesurer.  Mais quand on toqua à nouveau à la porte, elle ne sut de nouveau pas depuis combien de temps elle avait dormi.

L’humain qui l’avait escorté jusque là refit son apparition avec un petit plateau contenant une verre remplit d’une boisson jaunâtre et d’un micro sandwich qui lui suffirait amplement. Il la salua de la main alors qu’elle clignait des yeux plusieurs fois pour finir de se reveiller et il vint poser le plateau sur la table.

- Alors...Néro. Je te présente le capitaine du vaisseau dans lequel tu te trouves.

Une créature au cou étrangement articulé et aux yeux sphériques et globuleux fit alors son entrée. Il n’avait pas l’air mauvais, presque légèrement fatigué, et il vint prendre place derrière l’humain.

- On à quelques questions à te poser.

Elle se redressa sur son lit, ne quittant pas la chaleur de sa couverture.

- Euh… très bien… je dois dire que… que j’en ai quelques unes aussi.

L’humain grimaça et bougea ses mains en l’air comme pour lui dire de l’écouter d'abord.

- Ecoute… on pourra pas répondre à toutes, pour des raisons de ...de sécurité. Là, on voudrait juste savoir ce qui s’est passé pour que tu te retrouves dans l’espace comme ça, avec rien dans ta capsule.

Néro fit un léger froncement avec son nez. Mais ces types là, ils l’avaient sauvé. Alors elle hocha doucement la tête comme si elle comprennait un peu la situation, alors que tout lui échappait en vrai. Elle chercha de nouveau ses mots. Elle n’avait rien à dire en fait, elle ne savait pas elle-même pourquoi on l’avait jeté dans le vide comme ça.


- Euh… alors… j’étais...enfin, je pense que j’étais sur un autre vaisseau….je… c’est un peu flou… j’me souviens pas de grand chose. Mais y’a eu un soucis. On m’a mis dans ce truc pour...j’crois qu’ils voulaient venir me rechercher plus tard. J’ai aucune idée du temps que j’ai passé dedans… C’est moi qui ai reactivé les systèmes d’urgences quand je me suis reveillée .

Le capitaine alien émit quelques sons, l’humain, lui, prit une mine plus grave.

- Tu te souviens de pas grand chose? Mais tu étais sur quel type de vaisseau?

Néro inclina la tête sur le côté. Elle n’en avait fichtrement aucune idée.

Je..je sais pas. Y’avais une infirmière avec moi. Ils m’ont injectés des trucs… des sédatifs. Y’avait un docteur aussi.

Il y eut un nouvel échange entre les membres de cet équipage atypique. Puis le capitaine sortit.

- Bon… je vais être honnête, on ne peut pas te garder sur le vaisseau.

- Vous allez me remettre dans la capsule?
- Non..enfin...faut qu’on discute de truc encore.  Mais...mange un morceau, je reviens vite.

L’humain se leva et quitta la pièce avant qu’elle n’ait pu lui poser de nouvelles questions. Elle resta quelques secondes prostrée dans sa position. L’idée d’être relarguée dans l’espace la tétanisa quelque peu. Elle ne voulait pas y retourner. Non, non, non, elle ne voulait pas. Son mal de tête se fit plus intense et un bruit stident coupa court à sa panique.
C’était comme si ce truc...ce bruit, lui répondait. Etait-elle encore dans ses délires? Qu’est ce qui ne tournait pas rond avec elle? Il y’eu ensuite quelques bips plus légers qu'elle évita d'interpréter.


- C’est pas vrai...je deviens tarée…

Ses yeux tombèrent sur le plateau repas. Ayant un peu faim et rien de mieux à faire, elle se déplia de se position recroquevillée et avança vers la table pour se saisir du verre. La boisson la soulagea mais elle regretta l’absence de paille qui lui aurait permis de la siroter en gardant ses mains au chaud. Elle grignota le micro sandwich dont le goût ne lui inspira rien et retourna à sa position d’origine, avec le verre, pour finir de le boire tranquillement.

Derrière la porte, elle entendit néanmoins le bruit étouffé d’une conversation agitée.

- …. rien...j’ai pris quelques pièces détachées au cas où…. y’avais que dalle, même pas de code d’identification…. vient d’un vaisseau fantôme…

- Le langage étrange du capitaine se fit entendre, puis l’humain qui l’avait guidé ici prit de nouveau la parole.

- Oui… c’est la meilleure solution… on y sera d’ici un jour… oui...on dégage de la zone…

Quelques secondes plus tard, la porte se réouvrit sur l’humain qui lui afficha un regard un peu amical.

- Bonne nouvelle...on va te poser sur la prochaine planète….le capitaine pense que… t’as pris un sacré coup sur la tête.


Néro le regarda en plissant les yeux. Un sacré coup sur la tête? Elle ne se souvenait pas de ça, mais cela pouvait justifier ses douleurs. Et au moins, elle fut soulagée. Elle ne retournerait pas la capsule.

- On y sera dans moins d’une journée. En attendant, tu vas… rester là. On viendra te chercher si tu veux te doucher. On a pas grand chose, mais si t’as besoin d’un truc, tu peux me demander…

Néro le fixa l’air surprise par tant de gentilesse à son égard. Si le monde dans lequel elle avait débarqué était comme ça, c’était une bonne chose.

- Euh… je peux connaitre ton nom?
- Euh non, désolé mais… ça vaut mieux comme ça.
- Le nom de la planète?
- Roon, c’est...enfin, je suis sûre que tu pourras prendre un nouveau départ la bas.

Le nom ne lui dit rien. En même temps, tout lui disait rien. Elle soupira un peu devant son impuissance avant de revenir à des pensées plus pragmatiques.

- Je ...j’peux avoir des chaussettes ou des chaussures?

L’humain rit légèrement. Elle avait débarquée pieds nus dans son vaisseau, sa demande était donc légitime.

- Pour les chaussures on aura pas ta taille, mais les chaussettes, je vais aller t’en chercher.

Le silence ce fit doucement, et l’humain partit quelques instants pour lui chercher une paire d’épaisses chaussettes qu’elle enfila immédiatement.

Maintenant, il ne lui restait plus qu’à attendre ce “nouveau départ”.

Néro

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Profil du personnage
Espèce: Humain - cyborg
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471, Boreal Street [One short de Néro] Left_bar_bleue288/320471, Boreal Street [One short de Néro] Empty_bar_bleue  (288/320)
Néro
Mécano | Pirate
Sam 11 Mai - 23:13
musique d'ambiance:
[Un autre point de vue de l’histoire de Néro]

Le vaisseau arche pouvait être vue comme une petite fourmilière spatiale. Il contenait moins d’une trentaine de personnes mais tous avaient leurs tâches, leurs routines, qu’ils effectuaient depuis au moins cinq bonnes années si ce n’est plus.

Jenny perdait le compte parfois. Ses journées se ressemblaient toutes et baignaient dans une aura de mystère à laquelle elle s’était finalement habituée puis désintéressée. Il faut dire que pour la petite auxiliaire médicale sans prétention qu’elle était avant, ce poste était en or. Surtout avec toutes les dettes qu’elle avait accumulé et qui menaçait de rendre sa vie misérable jusqu’à ses vieux jours. Un héritage qui l’avait plombé, une mauvaise gestion de son argent, et la maigre paie qu’elle percevait avaient nettement plombé son optimisme et son désir de vivre une vie sereine.
Ce nouveau départ offert par le Dr. Montauk était au final une bénédiction, malgré la redondance de ses activités. Elle ne sut ce qu’il avait perçu en elle, mais elle savait que sa proposition n’était pas de celle qu’on déclinait.
Alors, elle avait accepté. Accepté de disparaitre pour cette mission à la durée plus ou moins longues, pour une mission étrange, peu définie au départ, mais au salaire attractif. Et surtout, qui lui permettrait de mettre à profit toute son empathie naturelle au service de ses patients.

Des patients, elle n’en avait pas beaucoup. Ils arrivaient un par un au sein du vaisseau, et peu avaient survécu. Mais c’était le risque de ce métier et les pathologies qu’ils présentaient étaient lourdes, ne leur laissaient aucun espoir de dépasser le stade de jeune adulte.

Elle croyait au projet du Dr. Montauk, celui qui permettrait à ces jeunes de pouvoir se sortir de ce coup du destin malveillant, de pouvoir connaitre le grand amour, d’avoir un métier, des enfants, de construire quelque chose. De pouvoir soulager leurs parents dévastés de se faire retirer leurs enfants si tôt, et qui se demandaient ce qu’ils avaient bien pu faire pour que l’univers soit aussi cruel envers eux.
Elle ne croyait pas spécialement en un dieu, mais s’il existait quand même, elle avait l’espoir de lui montrer que les créatures qui peuplaient les très nombreuses planètes de cette Galaxie en avaient dans le ventre et parviendraient à déjouer ses tours.

Notamment parce que l’espoir était apparu. Enfin. Après de nombreux essais infructueux, une patiente avait survécu et depuis les quatre dernières années, sa tâche était de s’en occuper, de l’accompagner du mieux qu’elle pouvait dans l’espoir de lui rendre une vie normale un jour.


Elle se souvenait de l’arrivée de cette jeune fille aux cheveux long dans le vaisseau. Comme le voulait la procédure, et les services de sécurité, elle avait été mise sous sédatif pour le trajet. Aussi Jenny et le Docteur Montauk étaient les deux premières personnes qu’elle avait rencontré à son réveil. Dans une routine familière, ils avaient déroulés leurs discours de bienvenu à une jeune femme encore somnolente.

- Bonjour Kiara, je suis le docteur Montauk. Et voici l’infirmière Fanny qui va s’occuper de toi ici.
- Euh..ok… Où-suis-je?
- Tu es dans une unité médicale. Nous sommes là pour t’aider. Tu es malade. Gravement. Et nous allons tout mettre en œuvre pour t’aider.

Curieusement, elle s’était contenté de cligner des yeux, sans les regarder vraiment. L’information était un peu jetée là de façon violente. Et contrairement à d’autres, elle n’avait pas paniqué ou eut une quelconques réactions de terreur à cette annonce.

- Euh...je…
- Ne t’inquiète pas Kiara, ça va aller.

L’un des regrets de Jenny était de ne pas avoir connu cette nouvelle patiente avant. Ces dernières pertes de mémoires l’avaient fragilisé mentalement, comme le témoignait sa difficulté à se rappeler de ce qu’elle faisait ici ou de ses parents. Et l’une des premières missions de l’infirmière était de préserver son état jusqu’au jour de l’opération, pour qu’elle ne déprime pas, pour qu’elle se sente à l’aise, dans un environnement amical et bienveillant. Malgré le fait que certains de ses collègues la traite plus un cobaye que comme un vrai être vivant, comme en témoignait le tatouage d’identification qu’ils avaient apposé sur l’un de ses pieds, plus semblable à ce que l’on marquait sur des prisonniers selon elle.


La jeune femme avait posé des questions au début, essayant de comprendre ce qui se passait autour d’elle. Et Jenny ne sut si elle les avait cru, mais le sujet n’avait plus été abordé par la suite. Néanmoins, l’œil entrainé de l’infirmière lui avait permis d’observer une mise en retrait de la jeune femme, qui supportait de moins en moins de se faire manipuler à tout va.

Son travail ici n’était donc pas facile tout les jours. Et si la jeune Kiara avait le tempérament d’une battante, les traitements qu’elle subissait ici étaient loin d’être indolores ou sans conséquences.


L’implant développé par le docteur était un bijou de technologie. Elle n’y connaissait pas grand chose, mais jamais, lorsqu’elle travaillait à l’hôpital centrale de Rhinnal, elle n’avait vu pareil objet. Hélas le processus d’implantation était ...complexe et assez risqué.

Dans un premier temps, des toxines étaient injectées au patient. Le but était d’affaiblir son activité cérébrale pour faciliter l’acceptation de l’implant et limiter les rejets. Puis ensuite, après l’ouverture du crâne et son positionnement sur les zones les plus endommagées par la maladie, l’ensemble était connecté via une interface externe positionnée à l’extérieur du crâne du patient à un système informatique sophistiqué.
Après venait l’étape de formatage. Elle n’aimait pas forcément ce mot, qui déshumanisait un peu trop à son goût le pauvre patient, mais le Dr. Montauk était comme cela. Un peu froid avec les jeunes qui défilaient et mourraient sous ses yeux. Et c’était sans doute pour cela qu’elle sentait que son rôle était important. C’était elle qui leur tenait la main dans leurs premiers et derniers instants sur ce vaisseau, tentant de soulager leur souffrance, de les rassurer avant qu’ils ne sombrent dans le grande vide.


L’étape de formatage consistait donc dans l’implantation d’un ersatz d’IA de “remise à zéro” (baptisé sobrement RAZ-0, et que le groupe médical avait surnommé Razor) qui avait la capacité de générer un champ électrique suffisamment fort pour ...endommager les réseaux de neurones existants, dans le but, toujours, de permettre une meilleur acceptation de l’objet intrus au sein des tissus cérébraux. Les réactions de défense du corps étaient alors mises à mal, affaiblies. Le patient se trouvait dans un état extrêmement vulnérable, pouvant rompre à la moindre agression extérieur ou à une malfonction des organes.
Peu de patients avaient survécus quelques jours après cette opération. C’était souvent le cœur qui lâchait, trop durement sollicité par le corps pour résister à la fièvre. Parfois l’endommagement cérébrale causé par Razor laissait des lésions tellement profondes que la sortie du coma devenait impossible. Et on laissait alors le patient mourir doucement, sans souffrance.

C’était généralement un moment dur pour tout le monde. La première étape d’un projet plus vaste, bloquant toute progression. Elle ressentait alors une immense tristesse, tandis que le Docteur laissait émerger sa frustration dans une froideur polaire et quelques fois violente.

Mais Kiara avait survécu. On ne sait comment. Peut être à cause de la nature agressive de sa maladie. Ou pas, la question restait sans réponse. Et le reste de la procédure avait enfin pu être appliquée, après de trop nombreuses tentatives infructueuses. De mémoire, cette étape n’avait pas été atteinte souvent. Et ceux qui l’avaient franchit avait fini par succomber quelques jours après la deuxième étape.

La phase suivante, dans les jours qui suivaient l’opération, était l’implantation d’une IA, développée sur un autre site, qui n’était qu’au stade de prototype bien sûre, mais dont on attendait beaucoup. Pour le coup, elle touchait la partie de ce projet sur laquelle elle avait le moins de connaissances. Le Docteur avait été assez claire sur sa tâche, lui demandant de faire son travail, sans poser trop de question, l’analyse des résultats lui revenant de droit.

On lui demandait de s’occuper des soins du patient, de vérifier sa bonne santé, d’être là dans les différentes étapes de recherche sans que son contenu ne soit complétement connu. Bien sûre, elle n’était pas bête. Elle avait saisit pas mal de chose, elle en discutait parfois avec son collègue Rafael,  avec les quelques “développeurs” qui se trouvaient sur le vaisseau.


Et voila ce qu’elle en avait déduit : ils essayaient de sauver des vies par l’implantation d’une IA capable de réparer la structure du cerveau et de ce fait, d’endiguer la maladie.
Par contre, elle avait aussi constaté l’absence d’un mot, la guérison. Etait-elle seulement possible? Le cerveau humain était tellement complexe, malgré toutes leurs technologies, il y avait toujours de nouvelles choses à découvrir et de nouvelles maladies qui se déclaraient. Alors Jenny espérait. En tenant les mains frêles des jeunes gens couchés sur la table d’opération, elle leur souhaitait le meilleur, leur disait que “ça va aller”, qu’ils se sentiraient mieux après. Souvent à tort.

Elle était là lorsque Kiara avait encaissé l’intégration de l’IA dans son cerveau, surveillant ses signes vitaux, murmurant des choses rassurantes sans savoir si dans sa somnolence elle l’entendait.  La jeune femme avait d’ailleurs faillit mourir ce jour là. La succession d’opération avait déclenché une hémorragie cérébrale majeure sur laquelle ils ne pouvaient hélas pas intervenir. Alors, ils l’avaient laissé, l’abandonnant au seuil de la mort. Durant tout ce temps, Jenny était resté avec elle, attendant qu’arrive le moment où elle serait définitivement perdue. Mais il ne vint jamais.

- C’est incroyable!

Tels avaient été les mots du Docteur Montauk lorsqu’il avait constaté le miracle. Le cerveau de  Kiara était en train de se regénérer, lentement mais surement, arrêtant les saignements et cicatrisant les plaies. C’était inespéré. Et ils avaient passé quelques heures a essayé de comprendre ce qui la différenciait des autres, sans succès. Était-ce une erreur dans le formatage, le stade de sa maladie, l’état d’endommagement de son cerveau, ou  même sa personnalité? Aucune réponse ne fut trouvée, mais l’intérêt pour ce patient zéro particulier grandit fortement dans le corps médical dirigeant, qui analysait scrupuleusement les résultats de ses scanners et encéphalogrammes.

Si le scanner leur avait permis de constater la cicatrisation des tissus cérébraux, l’autre examen avait révélé quelque chose d’assez anormal. Il n’y avait pas un mais deux signaux. En fait, pour être plus précis, l’ensemble des informations visibles s’était… dupliqué, tout en restant différentes. Elles n’avaient pas le même niveau, pas la même netteté, l’un des signaux étant nettement plus brouillé que l’autre et cela l’amena à penser qu’il n’y avait pas une personne dans cette boite crânienne, mais bien deux. Restait maintenant à savoir qui était cet invité mystère.

Kiara se réveilla quelques jours plus tard. La mémoire vide, le corps et l’esprit épuisé, mais néanmoins suffisamment en forme pour poursuivre.


La suite de la procédure était plus...improvisée et entre les mains du professeur Montauk et d’un autre docteur, Mme Fanning, qu’elle n’appréciait pas beaucoup. Arrogante, manipulatrice, elle n’avait pas l’apanage d’un médecin digne de son nom sensé comprendre le patient. Fort heureusement pour elle, les visites de cette vipère étaient rare et Montauk prenait donc en charge la suite, par le biais d’entretien de “stimulation” quotidien.

La poursuite du projet était possible grâce à cette frêle jeune femme qui avait vaillamment survécu à l’éprouvant passage sur la table d’opération, à une hémorragie cérébrale sévère, à l’injection de toxine violente et toutes autres manipulations aussi intrusives que traumatisantes.

Les premières discussion avec elle furent très difficiles. Elle ne parlait pas beaucoup, n’avait pas d’avis, pas de centre d’intérêt vraiment déclaré.
C’est là que Jenny comprit toutes les conséquences que cela impliquait. Ce “patient 0” était complétement perdu, ses souvenirs flous, disparaissant progressivement de son esprit. Elle avait oublié ses parents, elle avait oublié sa vie, elle avait oublié son nom. Kiara avait finit par disparaitre, malgré les tentatives de préservation du docteur.

Et de toutes cette ombre, au fur et à mesure des mise à jour et des expérimentations, Néro avait finit par émerger, glaçant un peu tout le monde sur le coup. Néro. Ce n’était pas un prénom. C’était un nom de code, de projet, un intitulé inscrit sur la blouse d’un cobaye. Et c’était celui qu’elle avait choisit, sans avoir conscience de son sens.

Au bout de quelques mois, Kiara avait bel et bien disparu. Jenny en était persuadée. Elle n’avait pas connue la jeune femme avant son arrivée sur le vaisseau, mais il était évident que la nouvelle personnalité émergente n’était pas celle qu’elle avait été jadis.
C’était horrifique quelque part, de constater qu’on pouvait rayer quelqu’un, lui retirer son histoire pour aboutir à la naissance d’un être hybride qui avait oublié la plus part des choses élémentaires de la vie.


Enfin presque. Curieusement, dans l’année qui suivit, et malgré les mises à jour récurrentes de l’IA qui effaçait tout ce que l’infirmière tentait de reconstruire, des traits étaient restés. Surtout un. Un attrait particulier pour le bricolage, le démontage. Néro regardait avec un regard très curieux toutes les machines autour d’elle lorsqu’elle était immobilisée sous perfusion, n’hésitant pas à ouvrir les boitiers, les caches, à tripoter les outils.
Razor avait échoué ici, et Jenny se prit à rêver qu’il restait quelques choses en elle de ce qu’elle avait pu être avant, sans pour autant en être sûre.

Un autre détail attira son attention. Néro avait une capacité de mimétisme assez impressionnante. Chose normale en fait. Lorsqu’on se sentait perdu, face à des inconnus, dans un environnement aussi austère et dénudé que le vaisseau, on reproduisait ce qu’on voyait. Comme le ferait un enfant. Mais c’est avec un certain plaisir que l’infirmière regardait sa patiente se reconstituer lentement, lui donnant toute la bienveillance possible en espérant qu’elle la prenne pour exemple.

Malheureusement, certain traits de caractères du docteur Montauk s’intégrèrent aussi à cette nouvelle personnalité. Et qu’elle essayait d’endiguer du mieux qu’elle pouvait. Ils n’avaient pas besoin de deux colériques à bord. Elle ne voulait pas qu’elle se transforme en un être arrogant, intransigeant, baignant dans un pragmatisme trop rigoureux et sévère pour son âge.
C’était d’ailleurs l’une des missions qui lui avait été confiée par la suite, renforcer Néro, son caractère, pour qu’elle ne succombe pas aux nouvelles opérations, pour qu’ils ne perdent pas tout à caques fois qu’une mise à jour été réalisée.

Alors Jenny improvisait. Elle organisait différents ateliers, des séances de visionnage, de lecture, de sport afin de redonner des bases solides à cet esprit malmené et lacunaire. Parfois pas vraiment avec succès. En fait, elle n’arrivait pas à faire émerger des centres d’intérêts chez la jeune femme. Aucune activité ne semblait avoir de sens à ses yeux, mis a part démonter des trucs. La cuisine, le dessin, les livres, tout semblait la traverser sans jamais l’atteindre.

Les tentatives de l’équipage pour essayer de recréer un semblant de vie normale avaient d’ailleurs souvent tourné à des crises de panique assez intenses dont ils ne trouvaient pas la source. Peut être à cause de l’IA dans sa tête, qui la tourmentait dans des douleurs céphaliques assez prenantes et qui les forçaient à l’utilisation de sédatif assez fort pour la calmer. Elle avait quand même jeter une clé à molette dans la tête d’un des membres de la sécurité avant de s’enfuir dans le vaisseau. Elle avait d’ailleurs été introuvable durant de nombreuses heures. Au moins, si son mental était bancal, son état physique restait à peu près bon.


Jenny était triste de ne pas pouvoir aider Néro sur ses douleurs. Aucuns antalgiques communs ne semblaient faire effet. D’après Montauk, ces douleurs étaient causées par le travail de l’IA au sein de cerveau, qui restructurait progressivement ses schémas neuronaux pour les rendre plus forts. Alors elle la soutenait du mieux qu’elle pouvait, en étant présente, en lui créant une routine de vie à bord sur laquelle elle pouvait se concentrer pour chasser la douleur. Le sport, un peu de bricolage, un atelier ou une activité de stimulation, un peu de recherche pour lui redonner quelques bases.

L’état de santé de Néro déclinait parfois d’ailleurs, occasionnant de nombreuses inquiétudes. Elle avait perdu énormément de poids depuis son arrivée et l’infirmière reconnu qu’il était très compliqué d’alimenter correctement la jeune femme.
En fait, son régime alimentaire était composé principalement de sucre. Certes, le cerveau était friand de cette ressource, mais elle ne parvenait pas à en trouver la cause. Peut être ses nombreuses heures sous perfusions avaient impacté ses besoins. Sans compter le fait que lorsque Néro s’enfermait dans sa routine, elle oubliait généralement de se nourrir, trop concentrée sur son bricolage.
Alors l’infirmière usait de stratagème pour garantir un apport calorique satisfaisant, sur-dosant le sucre, ajoutant des compléments alimentaires dans les boissons qu’elle appréciait et si cela ne la rempluma pas vraiment, au moins, elle se stabilisa.


Le chef mécanicien Rick l’aida grandement dans son travail sur la personnalité de Néro, n’hésitant pas à la prendre sous son aile pour lui communiquer sa passion de la mécanique, du bidouillage et quelques jurons qui faisaient rire toute l’équipe, à l’exception du docteur bien sûre.
Mis a part elle et Rick, Néro n’avait tissé de lien avec personne. Elle avait d’ailleurs du mal avec le Dr. Montauk et avec ses questions qui la mettaient mal à l’aise, ne comprenant pas ce qu’il attendait d’elle, ou l’importance de leur rendez-vous quotidien.

Et cela lui pesa tellement fort, qu’elle finit par se renfermer, la communication devenant alors de plus en plus difficile. Il faut dire que la jeune patiente se posait de plus en plus de question. Cela faisait un long moment qu’elle était internée ici, n’ayant que l’espace vide et infini comme visuel extérieur. Et peu de réponse à ses questions. Questions qu’elle posait à chaque fois, après que sa mémoire ait une nouvelle fois tout oublié à cause du travail sur l’IA.
Elle l’avait surprise plusieurs fois à tenter de démonter les connecteurs qu’elle avait sur sa tempe, l’arrêtant de justesse, évitant le pire. Comprenant qu’elle essayait de se débarrasser de la cause de toutes ses violentes migraines qui ne semblaient pas vouloir s’arrêter un instant.

Jenny s’était sentie une fois découragée. A chacune de leurs interventions, c’était comme s’il fallait presque tout recommencer. Bien sûre, quelques informations restaient, des connaissances scientifiques acquises, mais globalement, elle redevenait une feuille blanche sur laquelle il fallait tout réécrire. Elle oubliait les noms, les visages, les lieux, le pourquoi elle était là. Néanmoins, sa personnalité semblait rester, enfin quelques traits : la curiosité, hélas un peu d’arrogance, et une logique assez implacable. Mais en dehors de cela, Néro, puisqu’elle se prénommait ainsi systématiquement (il fallait peut être qu’ils changent le nom sur la blouse?) restait assez inadaptée à la vie en société. Pas de vraie culture, un sens de l’humour très faible en dehors de quelque marques d’ironie, peu d’imagination. Et il était clair qu’elle se sentait en complet décalage avec le monde restreint qui l’entourait.

Elle s’était mise à se cacher derrière une immense capuche récupérée chez les mécanos, pour se protéger du froid, auquel elle était devenue sensible. Mais Jenny savait que c’était avant tout parce qu’elle supportait de plus en plus mal de se faire toucher par toutes ses personnes dont elle n’avait aucun souvenir. Peut être aussi pour se rendre invisible.

Jenny se souvenait aussi d’une discussion assez dure qu’elle avait eut avec sa jeune patiente. Elle se questionnait sur pourquoi il n’y avait pas d’autres personnes autre qu’elle qui subissait les traitements ici, et ce qu’il y avait à l’extérieur du vaisseau.

- Tu es...unique Néro. Tu représentes beaucoup de chose pour nous. Si les études que nous menons grâce à toi aboutissent, cela va permettre de sauver beaucoup de gens. Tu vas permettre de sauver beaucoup de gens.  Et… l’extérieur, c’est compliqué à t’expliquer mais… il va te sembler étrange. Incohérent. Peu logique. Pour le moment, il n’a rien à t’offrir qui puisse t’aider. Mais je suis là moi. Je reste avec toi. Ça va aller tu verras.


Le regard de Néro avait brillé d’une façon étrange ce jour, malgré sa condamnation évidente à l’isolement. Jenny n’avait pas su l’interpréter, mais la question n’était plus jamais revenue après, étrangement.


Hormis quelques rares crises, toujours aussi violentes, déclenchant par la suite de terribles crises similaires à de l’épilepsie, Néro continuait de vouloir survivre à toutes les épreuves qu’elle rencontrait, avec un détachement un peu déroutant parfois. N’importe qui se serait effondré, mais pas elle. Elle s’était d’ailleurs enfermée dans la routine que Jenny lui avait enseigné, et qui restait ancrée en elle à chacun de ses réveils. Et l’espoir de la jeune infirmière remonta en flèche, se demandant néanmoins si cela finirait par aboutir à quelque chose. Cela faisait presque cinq ans qu’elle était là, qu’ils avançaient, mais la procédure semblait se répéter à l’infinie.

Et tout vola en éclat à l’aube de cette cinquième année. Ce matin là, ils avaient programmé une nouvelle mise à jour de l’IA. Et alors que la jeune patiente gisait sur le fauteuil d’interfaçage, les alarmes s’étaient mises à hurler subitement, provoquant une certaine panique chez le corps médical.

Dans les derniers mois passés avec elle, le vaisseau avait subit plusieurs attaques, avortées avec brio par l’équipage, mais ils n’étaient pas parvenus à savoir qui et surtout pourquoi on s’attaquait à eux. Enfin à elle. Car Néro était la seule chose de valeur dans ce vaisseau.


Mais ce jour là, c’était différent. L’équipe de sécurité avait débarqué en trombe dans le sas médical, ordonnant l’évacuation immédiate, armes aux poings et visières rabattues.

- Il faut l’évacuer au plus vite. Les équipes Bêta et Charlie sont déjà en route.
- Docteur, la mise à jour n’est pas finalisée et cela…
- Nous la finaliserons plus tard! Le temps presse! Déconnectez là.

Jenny n’avait pas cherché à lutter face aux ordres, interrompant brutalement le processus, récupérant une Néro complétement sonnée et malade, et surtout avec un trauma cranien probable.

L’infirmière connaissait la procédure d’évacuation, mais elle ne s’était pas attendue à ce qu’elle soit utile un jour. Encore moins à ce qu’ils doivent se séparer d’une patiente dans un état aussi limite qu’à cet instant. S’ils s’en sortaient, et ce qu’elle y arriverait?

Sans réelle douceur, ils l’avaient guidé jusqu’à sa capsule de sécurité, l’avait enfermée à l’intérieur sans répondre à ses regards interrogatifs. Néro n’avait d’ailleurs pas lutté, elle n’en avait pas la force, et c’est donc en se laissant porter par les événements qu’ils la larguèrent dans le vide spatiale, les systèmes de la capsule désactivés, espérant attirer l’attention sur le vaisseau plutôt que sur elle.

“Ça va aller”. Jenny avait du répéter une dizaine de fois cette phrase avant qu’elle ne disparaisse de son champ de vision, ne se doutant pas encore qu’en fait, elle disparaissait de sa vie.


- Allez tous à vos capsules, l’un des réacteurs est touché, le vaisseau est perdu.

Jenny avait étouffé un gémissement d’horreur à ce moment. Était-ce la fin? Ses jambes l’avaient porté rapidement à sa capsule, qu’elle partageait avec un autre membre de la sécurité, suivant les personnes autour d’elle, sentant leur panique. Ils furent largués immédiatement après avoir fermé le sas. Elle eut à peine le temps d’apercevoir le docteur Montauk faire de même, son précieux PC sous le bras, tandis que quelques gardes restaient, près à défendre l’intérieur du vaisseau en cas d’abordage. Elle n’eut pas le temps de s’émouvoir de leur futur funeste, l’Espace avec un grand E devenant alors son unique horizon.

L’apesanteur subite lui donna le tournis et elle se cramponna à son fauteuil en fermant les yeux. La capsule tourbillonna à une vitesse folle, et des minces éclats de lumières lui parvinrent au travers de ses paupières fermées.

- Bordel, ils canardent le vaisseau!

Jenny n’ouvrit pas les yeux. Elle ne voulait pas voir ça. La peur qui s’emparait d’elle était déjà suffisamment forte qu’elle la tétanisait sur place. Allaient-ils mourir aujourd’hui? Des secousses firent tourbillonner leur capsule d’une façon étrange, les éloignant alors rapidement du vaisseau en perdition. Les minutes furent longues...peut être des heures de batailles intensives qu’elle ne regarda pas
.

Elle entendit le type de la sécurité maugréer quelques choses à propos d’un point de saut, sensé pouvoir permettre à un secours eventuels d’être là rapidement, mais pour le moment il n’y avait rien. Elle l’entendit aussi se lamenter lorsqu’il vit un vaisseau léger inconnu s’approcher du leur. La fin se rapprochait dangereusement. Allaient-ils mourrir? Dans le silence, dans l’espace et le froid, sans qu’elle ne sache ce qu’il était advenu de sa petite protégée? De ses collègues?

Une explosion proche se fit alors ressentir, avec son cortège de lumières et d’impacts sur les parois de leur petite cachette, et cela sembla redonner un nouvel entrain à son colocataire.

- Ouais! l’équipe bêta est là!


La réponse fut donc un non. Et de nombreuses secousses plus tard, ainsi que quelques flash lumineux, le gars de la sécurité confirma leur salut. Pour le coup, l’infirmière garda les yeux fermé, subissant les mouvements de la capsule, s’émerveillant aussi de l’absence de bruit. Le contraste était saisissant entre le calme dans lequel elle baignait, et la violence de l’exterieur. Elle perdit le compte du temps, serrant ses mains sur les accoudoirs, entendant quelques alarmes biper légèrement à côté d’elle. Comment allait se finir cette journée?

- Ils battent en retraite…

Jenny ouvrit alors les yeux, se détachant de son fauteuil pour venir se poster à l’unique hublot, observant le dégât de la bataille comme le faisait déjà son compagnon d’infortune. Même à leur distance, ils pouvaient voir les répercussions de leur rencontre malchanceuse. L’arche était ...éventrée. C’est le seul mot qui lui vint en tout cas en constant l’énorme brèche sur son flanc. De nombreux débris évoluaient autour sans qu’elle ne sache s’ils appartenaient aux vaisseaux des assaillants ou bien à des capsules ayant eut moins de chances qu’eux.

Derrière l’horreur, elle fut néanmoins soulagée, avant que d’autres inquiétudes ne reviennent. Elle se tourna vers le gars de la sécurité, dont elle n’avait pas imprimé le nom, planqué derrière son casque et son armure légère.

- Tout le monde à survécu? Ont-ils récupéré le “patient 0”?

Il secoua négativement la tête, son regard toujours porté vers l’exterieur.

- J’en sais rien, les communications sont brouillées. On en saura plus quand ils nous récupérerons. Maintenant, faut être patient.

La réponse ne plut pas à l’infirmière mais c’était la seule qu’elle avait pour le moment. Alors elle s’enferma dans son leitmotiv, se répétant que “ça va aller”, attendant avec impatience d’être sortie de la capsule, essayant d’oublier le reste de ses préoccupations.

Quelques heures plus tard, ils furent enfin libéré de leur prison de métal par l’équipe de sauvetage. Ce n’était pas les meilleures heures de la vie de l’infirmière, le membre de la sécurité avec lequel elle était enfermé étant ...bavard, sans être capable de rendre une discussion intéressante. Et puis, durant ces nombreuses minutes, elle pensait à Néro, à ses collègues, au projet. Et s’est donc avec une boule au ventre qu’elle débarqua enfin sur le vaisseau Bêta.

Le professeur Montauk était déjà sur le pont, la mine grave, le ton impérieux, les quelques cheveux encore présent sur son crâne complétement désordonnés. Elle n’était pas la seule à avoir été secouée dans l’incident. Un bref regard aux alentours lui indiqua qu’il manquait des personnes. Enfin, déjà une.  Où était son collègue Rafael?
L’approche d’un des membres d’équipage du vaisseau de secours la sortit de ses pensées. Et tandis qu’il scannait son badge pour s’assurer de son identité, elle se tourna vers Montauk, en grande discussion avec un personnage étrange qu’elle n’avait jamais vu, et qui semblait représenter l’autorité à bord de ce vaisseau.

- Comment ça...introuvable?
L’équipe Charlie, secondée par Faljen, n’ont rien trouvé à vos points de coordonnées. Ils balaient actuellement la zone, mais pour le moment, les calculs de trajectoires ne donnent rien. Vous êtes sûrs des données que vous nous avez communiqué?

Sans réponse, Montauk jeta violemment son stylo contre le mur, ne donnant pas suite à la suspicion d’erreur du capitaine. Jenny s’approcha alors doucement de lui, cherchant à clarifier ce qu’elle avait entendu. D’une voix un peu tremblante, elle lâcha :

- Introuvable? Comment ça? Ils parlent de … du patient zéro?

Le docteur se tourna vers elle, les mâchoires serrées et l’air très énervé. Il reprit néanmoins un peu de contenance et de calme lorsqu’il la vit. Il ne s’attendait sans doute pas à ce qu’elle vienne lui poser des questions.

- Ah...Jenny...Oui. Néro est introuvable. pour le moment. *il respira assez bruyamment* C’est une catastrophe… Et...on vient de m’annoncer que d'autres capsules sont manquantes. Sans doute capturées par nos agresseurs...Putain de merde! Quelles bandes d’incapables!

La colère était revenue au grand galop, et le docteur avait littéralement balayé d’un revers du bras tout les objets se trouvant sur l’établi le plus proche pour les envoyer valdinguer dans la pièce.
Voilà donc ce qu’elle savait actuellement : Rafael était peut être captif. S’il n’était pas dans les capsules détruites. Et Néro était introuvable. Elle étouffa un léger sanglot.

- Mettez-moi en communication avec Fanning! Immédiatement!

Montauk abandonna alors tout le monde pour rejoindre la passerelle, sans leur donner plus d’indications, maugréant diverses insultes dans sa barbe. Une main se posa alors sur l’épaule de Jenny. Et l’infirmière sursauta légèrement à son contact, découvrant le visage amical et blessé du chef Rick.

- sale journée hein?

- Oui..euh… tu veux que je t’aide pour ton arcade?
- Ca serait pas de refus, ça pisse le sang ce truc.

Rick était la deuxième personne à être éprouvé émotionnellement par la disparition de Néro. Il avait su tisser des liens avec elle, malgré sa propension à rester en retrait. Aussi, après l’avoir désinfecté et recousu, ils partirent prendre un café ensemble.

- Rafael à s’en doute été capturé donc? C’est la loose… J’ai entendu dire qu’il y avait aussi eut des capsules détruites, mais je sais pas qui il y avait dedans. J’espère que c’était pas lui.

Jenny resta un moment interdite. Des morts, voila ce qu’il y avait. Leur projet était sensé devoir sauver des vies. Pas ça. Y-avait-il un sens caché à tout ça? Comme une punition divine où elle ne savait quoi? La voix posée de l’officier de maintenance la sortit de son inquiétude et de son silence.

- Ils vont la retrouver Jenny. Elle a pas pu aller bien loin non?

- Avec une commotion cérébrale et sous sédatif, non. A moins qu’elle ait des talents cachés. Je sais pas combien de temps il s’est passé depuis…
- Plus de douze heures en fait. Le temps passe vite hein?
- … Comment en si peu de temps, la capsule a pu être perdue?
- Ché pas, peut être un soucis de coordonnées, peut être la capsule à suivit une trajectoire atypique à cause des mouvements évasifs du vaisseau. Repérer une capsule éteinte, sans signal, c’est compliqué tu sais. ll faut espérer qu’elle soit le seul objet dans la zone. Et que l’équipe Charlie soit intervenue à temps.

Douze heures depuis l’incident, et toujours aucune nouvelle de Néro. Cela semblait insensé aux regards des procédures alambiquées qu’ils avaient dû apprendre par cœur. En face des moyens pour réaliser ce projet et pour le garder secret. Jenny cligna des yeux plusieurs fois. Beaucoup de recherches étaient passées sous silence, avant qu’un résultat concluant ne soit obtenu. Mais à force d’évoluer en vase clôt, ce détail lui était sortit de l’esprit, et elle se questionna à nouveau sur la nature de ce projet.

Montauk gardait précieusement certaines informations, l’équipe médicale n’était au courant que du stricte nécessaire et pas de la teneur des nombreux rendez-vous qui clouaient le docteur dans son bureau.
En fait, l’arrivée de Néro lui avait fait se poser pas mal de question. Sur les autres patients, le cas du traitement des parents n’avait pas vraiment été abordé. Ils étaient morts. Mais pour le cas de Néro, elle avait constaté avec une certaine stupéfaction qu’ils ne venaient plus. Ce qui ne collait pas avec l’attachement évident qu’ils avaient pour leur fille unique. Le docteur Montauk lui avait dit qu’ils avaient du mal à supporter les pertes de mémoire de leur fille, que cela les dévastait. Mais peut-on réellement tirer un trait sur quelqu’un lorsqu’on sait qu’il est vivant, quelque part, en train de subir des examens risqués et dangereux? Surtout quand il s’agissait de son propre enfant?

Elle fronça les sourcils et Rick la regarda d’un air interrogateur.

- A quoi tu penses?
- Je...à des détails… peut être rien d’important.

Le haut-parleur se mit à grésillé et la voix du capitaine retentit, appelant tout les membres du personnel à se rassembler sur le pont. Rick s’étira et jeta son gobelet de café.

- On va enfin avoir le debriefing de tout cela.

Jenny hocha de la tête et suivit la foule jusqu’au pont qui les avait vu débarqué, hagards et endoloris par leur mauvaise expérience spatiale. Le docteur Montauk était déjà là, le capitaine à ses côtés ainsi que d’autres personnes portant des armes et qu’elle ne connaissait pas. Lorsque tout le monde fut rassemblé, le vieil homme se gratta la gorge et sortit les mains de ses poches pour commencer son annonce.

- J’ai conscience que les derniers événements vous ont tous secoué. Et que vous avez des très nombreuses questions sur ce qu’il va advenir de votre travail, de votre projet, et sur l’état actuel de la situation. Donc voici quelques réponses, les seules que j’ai pour le moment.
Le vaisseau arche a été sérieusement endommagé, et je pense qu’on peut le considérer comme détruit, inutilisables en l’état en tout cas.

Un brouhahaha intense parcourru la salle que le docteur calma en agitant ses mains pour ramener le silence.


- Actuellement, nous avons plusieurs équipes disparues. Nous ne savons pas encore si… elles ont été capturées ou si elles ont péri lors de l’assaut.
Cette fois-ci aucun bruit, juste un silence sidéré de la part de tout les membres présents, Jenny y compris.

- Le patient zéro est introuvable actuellement. Cependant rien ne laisse à penser que...sa capsule ait été détruite ou qu’elle ait été capturée. Les recherches se poursuivent donc.

Jenny ramena ses mains devant sa bouche. Elle savait déjà cela, mais l’apprendre par les voies officiels la retourna une nouvelle fois. A ses côtés, Rick croisa les bras, l’air pensif.

- Le projet est en stand-by.*nouveau brouhaha* Mais, mais… il n’est pas arrêté, ni annulé. Nous avons bon espoir de retrouver le patient zéro. Considérez qu’il s’agit d’une pause le temps que les recherches aboutissent et que l’arche soit reconstruite.

Une voix s’éleva dans la foule, au dessus des murmures
- Et nous, on fait quoi en attendant?

Montauk secoua à nouveau les mains devant lui, prenant un air compréhensif et concerné.

- J’allais y venir. Vous allez être escorté jusqu’à vos planètes d’origine. J’entends par là, celles où vous exerciez avant d’arriver ici. Vous retrouverez votre ancien poste, et serez par la suite de nouveau sollicité au redémarrage du projet.

Puis il prit un air plus grave qui figea son auditoire.

- Il va de soit qu’on vous demande la plus grande discrétion au sujet de votre travail parmi nous, des études menées dans l’arche…

Pour appuyer sa menace légère, car cette phrase sonnait comme cela, un des inconnus présents à ses côtés s’avança très légèrement et dévisagea la foule du regard. Jenny déglutit lentement. Il y avait définitivement quelque chose de louche dans ce projet.
Une nouvelle voix s’eleva :


- On sait qui nous a attaqué?
- Non. Mais ils sont dangereux. Aussi je vous demanderez de ne pas prendre de risque, de ne pas déroger de vos routines. Si vous sentez quelque chose d’anormal, un numéro va vous être communiqué. Contactez le en cas d’urgence seulement. Il s’agit d’une boite vocale. D’autres questions.

Curieusement, le regard dangereux de l’inconnu au côté de Montauk fit taire les derniers curieux et indiscrets. Le docteur secoua à nouveau les mains pour récupérer l’attention.


- Des listes sont diffusées actuellement sur les panneaux d’informations. Vous y trouverez le numéro de vos transports et l'heure de départ…. J’insiste sur votre compréhension de la situation critique dans laquelle nous nous trouvons et sur la nature confidentielle des recherches que nous menons. Nous faisons ça dans l’intérêt général, ne l’oubliez pas. Merci de votre attention.

Jenny tourna la tête pour observer Rick à ses côtés, qui affichait un air plus grave que la plus part des gens qui se pressaient vers les panneaux d’informations autour d’eux.

- Là, c’est toi qui pense à quelque chose.

Il la regarda sans sourire, regardant furtivement autour de lui comme pour s’assurer de ne pas être écouté ce qui inquiéta grandement l’infirmière.

- Je...viens...on se met un peu à l’écart.

Elle acquiesça doucement, et le suivit vers une zone un peu cachée, profitant de quelques groupes en discussion présents pour s’assurer de leur tranquillité. Une fois en zone sûre, Rick commença, à voix extrêmement basse :

- Je… je trouve que le mec au côté de Montauk est vraiment louche…
- Oui, certes, mais…
- Je crois que si on dit quoique ce soit ils vont nous buter. Je suis certain qu’on va être mis sous surveillance active et que si on fait un pas de travers, ils vont nous éliminer.

Jenny regarda Rick l’air à la fois horrifié et compatissant.

- Rick, t’es… perturbé comme nous tous. C’est normal de se sentir en danger dans notre situation, mais céder à des pulsions paranos ne t’aidera pas.
- Je suis pas parano. Je me pose des questions. Tu trouves pas ça bizarre tout ce mystère autour du projet. Si j’avais pas été au contact de Néro, je suis même sûre que j’aurai pu comprendre la nature des expériences qu’on faisait sur elle, d’ailleurs j’en sais toujours rien au final. Je sais juste que sa mémoire déconne sévère. Et qu’elle à des soucis mentaux apparemment.

Jenny soupira bruyamment et fixa Rick d’un air un peu contrarié :

- Cérébraux, pas mentaux. Elle n’est pas folle. Juste gravement malade. Même si elle est un peu spéciale.
- Ouais...ouais… mais tu trouves pas ça bizarre, tout...tout ça pour protéger une nénette dont on ne sait rien?
- Je… je ne sais pas Rick…

Jenny était un peu désemparée à ce moment, ne sachant quoi répondre aux alertes de son collègue et qui faisaient étrangement écho avec certains de ses doutes. Mais peut être étaient-ils juste choqués, cherchaient-ils un sens là où il n’y avait rien. Rick comprit à son silence qu’il était allait un peu trop loin dans l’expression de son ressenti. Et il se recula légèrement, s’apprêtant à rejoindre le reste de l’équipage devant les panneaux.


- Bien. Fais gaffe à toi Jenny.


Elle le regarda s’éloigner quelques secondes avant de le suivre. Ils arrivèrent enfin devant les panneaux, cherchant leurs noms et le numéro de leur transport. Rhinnal. Bien évidemment, où pouvait-elle aller sinon? Elle se figea quelques secondes, se demandant si la paie qu’elle avait perçue et économisée jusque là serait suffisante pour qu’elle ne se fasse pas harceler par les huissiers. Il fallait aussi qu’elle trouve une bonne explication pour sa famille. Ils savaient pour son départ, mais ils poseraient des questions, sur son retour, sur son travail. La Guerre serait une bonne excuse sans doute.
Elle regarda l’heure de départ, dans moins d’une heure. Et tandis qu’elle restait figée devant l’écran, ses pensées se tournèrent une nouvelle fois vers Néro. La guerre. Si Néro restait introuvable, et avait survécu, voilà l’univers auquel elle serait confrontée. Un monde en guerre, dure et intolérant. Elle serait livrée à elle-même, toujours malade, l’IA dans son cerveau instable et ses souvenirs incomplets. Un triste tableau auquel elle ne l’avait jamais préparé … Et elle espérait que la force intérieur de Néro serait suffisante pour encaisser tout cela. Sincèrement.

- Bonne chance Kiara.

Néro

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Néro
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Ven 24 Mai - 18:22
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Il n’y avait qu’une seule petite journée avant qu’ils n’arrivent à destination, mais le temps parut extrêmement long à Néro. Il fallait le dire, elle s’ennuyait sévère. L’étrange type qui l’avait récupéré passait toutes les deux, trois heures pour vérifier qu’elle allait bien, la discussion s’arrêtant généralement d’elle même au bout de quelques secondes. Mais que pouvait-il lui arriver dans cette minuscule pièce sans occupation?

Par gentillesse sans doute, il lui avait permis de prendre une douche et elle avait mis à profit ces quelques minutes de liberté pour se dégourdir les jambes et faire un petit check-up de son état. Mis a part cet atroce mal de crâne, elle ne souffrait de rien, n’avait aucune trace particulière sur son corps, à l’exclusion de l’étrange boitier blanc planqué sous ses cheveux au dessus de son oreille droite, et d’un non moins étrange tatouage à l’encre noire sur le pied droit.

- P-IA-001… ça ne veut rien dire.

D’ailleurs, elle ne se souvenait même pas de comment il avait pu “apparaitre sur son pied”. Elle soupira légèrement face à cette impasse un peu déconcertante.

L’inscription ne lui fournissait pas d’information sur ce qui avait l’amener à dériver dans l’espace, et hélas, l’implant non plus. En soulevant légèrement un petit cache présent dessus, elle n’avait trouvé que deux petits connecteurs, non standards, ça elle en était sûre, sans trop savoir pourquoi d’ailleurs. Mais rien de bien probant. Aucune indication, et elle n’avait pas osé tirer dessus comprenant rapidement qu’il était fixé à sa tête. On ne pouvait donc pas parler d’indice à ce stade. Il fallait qu’elle se rende à l’évidence, elle n’avait rien. Elle ne se souvenait de pas grand chose, tout étant encore tellement flous et confus lorsqu’elle tentait une introspection. Et son mal de tête ne l’aidait pas.


Si c’était cela “un nouveau départ”, il ne se présentait pas forcément sous son meilleur jour. C’était plutôt une stagnation.


- La poisse.

Elle finit alors de démêler ses longs cheveux noirs avant qu’on ne viennent la rechercher. Au moins, elle se sentait un peu plus détendue maintenant, un peu moins sale aussi, mais toujours aussi perdue. Et le mutisme forcé de l’équipage ne l’aida pas à se sentir mieux.

De retour dans sa cabine, elle chercha désespérément à s’occuper, mais il n’y avait rien dans cette pièce. Une table, un lit, un lavabo. Point. Elle avait passé de nombreuses heures la tête renversée sur le rebord du lit, à jouer avec ses pieds collés contre le mur, à compter les trous dans les grilles d’aérations et à siroter les jus de fruits qu’on lui avait apporté. Elle avait bien sûre dormi, mais se réveillait généralement au bout de quelques minutes, son ennui se ré emparant d’elle immédiatement. Et c’est donc toujours vautrée à l’envers sur le lit, qu’ elle se mit alors à fixer étrangement la porte, seule vraie anomalie dans les murs lisses de la cabine.
Ses yeux commencèrent à suivre son contour, s’arrêtant quelques instants sur le verrou qui y était apposé, ouvrable uniquement de l’extérieur bien évidemment. Une envie étrange la prit alors, celle de démonter cette façade et de pouvoir chasser les fourmillements qu’elle avait dans les jambes dans le reste du vaisseau.


Mais pas sûre que l’étrange capitaine aux yeux globuleux et au cou immense apprécierait. Il avait été clair au sujet de son enfermement. Mais elle ne put pas lutter. Après tout, ça ne serait qu’un coup d’œil.

- Juste un.

Alors qu’elle se retournait sur le lit avec souplesse, les bruits dans sa tête émirent un grésillement léger finissant dans les aigus, qui, en faisant le parallèle avec des intonations humaines, pouvait être interprétés comme une approbation. Néro se passa la main sur le visage. Il fallait vraiment qu’elle prenne l’air avant de se retrouver à parler avec la cause de ses violents maux de tête.

A pas léger, elle s’approcha donc de la fameuse porte. Son idée n’était pas forcement de l’ouvrir, mais au moins de comprendre comment elle fonctionnait. Alors elle glissa doucement ses doigts le long du cadre, sentant toutes les aspérités du métal, invisible à l’œil nu, longeant délicatement les encoches. Et elle finit par trouver quelque chose de moins régulier, de non symétrique en tout cas, à la limite de sa portée de bras. Hissée sur la pointe de ses pieds, ses ongles passèrent sous le léger interstice et elle tira légèrement dessus. La plaque de métal, délimitée par ces légers creux, ne bougea pas, et avant de s’arracher les doigts, elle s’arrêta dans son mouvement. Clairement, elle n’avait pas assez de force. Un outils aurait été utile ici. Mais elle n’avait rien sur elle. Il n’y avait rien qui puisse l’aider dans cette pièce pour finir de décoller le cache. Et puis là, une question s’imposa dans son esprit.

Que cherchait-elle à faire? A s’échapper? Mais pourquoi? Pour aller où? L’équipage s’était montré assez compréhensif sur sa situation bizarroïde, alors pourquoi les plonger dans l’embarras alors que dans quelques heures, elle sortirait? Même si elle ne savait pas encore où.

Elle se recula légèrement de la porte en frissonnant. Elle était en train de faire n’importe quoi pour vaincre l’ennui et résister à l’attente. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle sentait qu’il fallait qu’elle fasse impérativement quelque chose de ses mains. Qu’elle s’occupe l’esprit.

En parlant de ça, le bruit de sa tête se fit plus strident subitement, sonnant comme un léger désaccord devant son retrait. Elle appuya ses doigts sur le côté de ses tempes, ne sachant pas trop comment interpréter cela.
Si elle continuait sur cette voie, les gens allaient la prendre pour une… une...folle? Peut être était-ce déjà le cas d’ailleurs, et la raison de son enfermement. Néro se mordit la lèvre inférieur, sentant ses mains trembler légèrement. Elle inspira alors calmement en fermant les yeux.


- Il faut que je reste calme...


Le froid qui glissa sous ses pieds la sortit momentanément de ses interrogations saugrenues. Folle ou pas, elle se les gelait. Elle bougea alors légèrement ses orteils, enroulés dans les chaussettes un peu trop grandes, qu’on lui avait si sympathiquement offert, pour chasser la sensation de lourdeur.
Elle inspira à nouveau, plus bruyamment. Une respiration à laquelle son mal de tête sembla encore répondre dans un bruit plus léger, comme pour la soulager.


Par réflexe, elle posa encore ses mains autour de sa tête, exerçant une légère pression sur son crâne endolori. Sa main droite entra au contact de l’étrange boitier fixé au dessus de son oreille. Elle n’avait pas vraiment creusé cette piste, et peut être que son douloureux mal de tête était lié à ça. Cette possibilité d’explication rationnelle la rassura légèrement. Accuser ce dispositif de tout ces maux était mieux que d’être folle.

Néanmoins, l’effrayante question du “qu’est ce qui lui était arrivé” finit de faire son chemin, la laissant figée face à la porte. Elle secoua la tête, cherchant à se raccrocher à quelque chose pour laquelle les réponses existaient. Le boitier?
En fait, elle n’avait pas eut le temps d’observer suffisamment son seul vrai interlocuteur sur le vaisseau. Avait-il lui aussi un dispositif similaire? Il ne lui avait pas semblé, mais elle avait peut être mal vu. Après tout, elle était toujours dans cet état un peu contemplatif, sonnée par ces heures passées dans l’espace, face au vide dans sa tête et tout autour d’elle. Et aussi seule.


Le froid commença alors à remonter le long de ses mollets et elle se décida à rejoindre sa couche, s’enroulant dans la couverture pour se réchauffer. Assise en tailleur, les yeux toujours attirés par la porte, elle essaya de se remémorer “l’avant” de son reveil. Elle ferma les yeux et chercha.

Elle se souvint qu’il y avait des personnes autours d’elle, beaucoup de bruits et des lumières aveuglantes. Ces gens, elle ne savait pas qui ils étaient, et leurs visages restaient désespérément floues, leurs voix brouillées. Elle passa quelques minutes ainsi, à essayer de faire apparaitre une image claire dans son esprit mais la seule qui lui revint fut les minces points de lumières dans l’obscurité de l’espace, première vision de son reveil. Pourquoi ne se souvenait-elle de rien?

Au delà de ça, il y’avait toujours cette sensation de connaitre des choses sans savoir les expliquer. Pourquoi avait-elle tenté de démonter cette porte par exemple? Comment les boutons et les mots collés sur les parois de sa capsule avaient pu lui permettre de remettre en route les systèmes de survies? Comment connaissait-elle ces systèmes de survie? Toutes ces questions sans réponses la fatiguèrent. Dormir serait peut-être la solution, une fois encore? Elle avait subit un stress important, et c’était peut être pour cela qu’elle ne parvenait pas à replacer des visages, à identifier des voix, ou simplement à se rappeler.

Le bruit dans sa tête s’adoucit légèrement, comme s’il avait sentit sa somnolence nouvelle, et inconsciemment, elle y répondit :


- Ouais...un peu de repos serait bien.

C’était maintenant clair, elle était taré. Et sur ce constat fort affligeant, elle se roula en boule sous sa couverture et ferma les yeux.

Ce fut un léger contact sur son épaule qui la tira de son sommeil profond. Elle ne savait pas combien de temps elle avait dormi et ses yeux s’ouvrirent assez péniblement sur le visage toujours amical de la personne qui lui avait donné la paire de chaussette.


- Hey la marmotte, on arrive dans une dizaine de minute!

Néro se redressa alors sur le lit, basculant doucement à la verticale et posant son dos contre le mur, toujours enveloppée dans la chaleur de sa couverture. Les grésillements dans sa tête reprirent progressivement de l’intensité, et elle tenta de les ignorer en étouffant un bâillement.

- J’ai le droit de savoir où on va?

Cette question était un peu stupide au fond. Au vue de ses soucis de mémoires, il était plus que probable que le nom ne lui dise rien.
Le type qui l’avait accueillit lui fit un léger sourire


- T’aimes pas les surprises?
- ça veut dire non donc.
- T’auras ta réponse bientôt. Faudra que tu te rendes à l’hôpital une fois là-bas. Normalement, il est pas trop loin de la zone où on va atterrir.

Néro leva un sourcil interrogateur. A l’hôpital? Qu’est ce que..?

- T’as l’air de t’être pris un sacré coup sur la tête, et il est préférable que tu vois quelqu’un pour vérifier que...bah pour te faire soigner.

Elle se sentit plisser les yeux. Se faire soigner. A l’hôpital donc. Actuellement, c’était la seule piste qu’elle avait, ne sachant pas trop à quoi s’attendre une fois hors du vaisseau. Autant la prendre. Elle aurait peut être des réponses là-bas.


- Ok. J’irai.

Il lui tendit une tasse remplit d’un café très noir avec un sachet de sucre, qu’elle saisit des deux mains, puis elle le remercia d’un léger hochement de tête avant qu’il ne disparaisse de la pièce. La chaleur de la tasse lui fit du bien et elle commença à vider le sachet dans le café, le remuant doucement avec la cuillère qui s’y trouvait.

Lorsqu’elle le porta à ses lèvres, elle grimaça. Ce truc était atrocement amère. Plus de sucre aurait sans doute été mieux, mais il fallait qu’elle fasse avec ce qu’elle avait pour le moment.
Elle eut le temps de finir sa tasse et de s’étirer longuement pour finir de se réveiller avant de sentir un léger choc qui se répercuta dans la structure du vaisseau. Et elle ne put s’empêcher de commenter la situation à voix haute.

- On a dû arriver. Enfin, je crois.

Le grésillement dans sa tête, qui était resté régulier jusque là, émit une légère distorsion qui la fit grincer des dents brusquement.

- Du calme...du calme…

Il revint alors à un rythme plus doux, moins amples dans ses variations, moins agressif pour son pauvre cerveau malmené. Elle sentit alors sa bouche se tordre. Venait-elle de soulager légèrement son mal de tête en lui disant de se calmer? Si c’était cela, c’était une bonne chose quelque part. Mais très curieux. Et elle eut alors une nouvelle question qui émergea de son esprit désormais pleinement réveillé.
La porte s’ouvrit à cet instant sur le même humain qui s’occupait d’elle, qui lui fit signe de venir avec sa main. Et elle ne se fit pas prier. Elle avait passé trop de temps dans des espaces trop petits pour elle. Et la simple idée de ne plus être enfermée, de pouvoir enfin marcher à sa presque guise lui fit du bien au moral.

En arrivant dans le couloir, elle vit au loin le capitaine étrange qui semblait attendre avec impatience qu’elle quitte le vaisseau. Elle lui adressa néanmoins un léger merci de la main auquel il ne répondit pas, lui renvoyant un regard assez morne en fait. Tant pis. Elle se retourna alors et rattrapa son guide dans une petite course silencieuse. Une fois à son niveau, elle tenta de poser sa question.

- Dis-moi, j’ai terriblement mal à la tête. On fait quoi dans ces cas là?

Il lui retourna un regard surpris, comme si ce qu’elle avait exprimé été ...étrange. Elle se sentit alors mal à l’aise et baissa son regard sur le sol, ne sachant pas trop ce qui était faux dans ce qu’elle avait dit.

- Bah...euh...tu prends des cachets en général. Ils en auront à l’hôpital, te biles pas pour ça.

Là se fut au tour de Néro de lui retourner un regard interrogatif. Elle n’avait rien compris à la fin de sa phrase. Ses maux de têtes retrouvèrent alors un peu d’amplitude et elle se retint d’ouvrir la bouche pour les calmer de nouveaux. Apparemment, ce genre de soucis ne se réglait pas en parlant avec un mal de crâne mais avec des cachets. Soit. Quoi que ce soit, elle irait demander à l’hôpital ces fameux “cachets”.

Ils arrivèrent assez rapidement vers la soute, dont les portes grandes ouvertes crachaient une luminosité qui l’aveugla légèrement. Puis, une fois ses yeux adaptés, elle distingua d’autres personnes qui circulaient sans prêter attention au vaisseau. Une structure imposante se dessina alors qu’elle commençait à descendre, légèrement poussée par le type des chaussettes. Un léger courant d’air passa sur son visage, un peu plus lourd que l’air contrôlé du vaisseau et beaucoup plus riche en odeur aussi. Où était-elle arrivée?

Elle s’arrêta en bas de la passerelle, découvrant avec un émerveillement non dissimulé le spectacle qui s’offrait à elle. Plein de gens, des immenses structures dans laquelle ils allaient et venaient, des caisses, de l’activité à plein régimes et surtout un espace immense dominé par une surface bleue gris qui englobaient le tout sous les rayonnements d’un astre lumineux. Le ciel. Le soleil. L’extérieur. Elle en était certaine, bien que de mémoire, elle n’ait jamais rien vue de tel de ses propres yeux.

- Bienvenu sur Roon, Néro. T’es dans la capitale.

Elle tourna son regard vers lui. Roon. Bien évidemment, cela ne lui dit rien. Son guide leva alors son bras dans une direction vague, lui adressant un dernier sourire.

- L’hôpital est par là. Je vais devoir te laisser, j’ai du ravitaillement à gérer. Bonne chance.

Elle hocha légèrement la tête, et reprit son observation de ce ou cette “Roon” si fascinant. Néanmoins, elle comprit derrière son message que c’était à elle de faire ce qu’elle avait à faire. Seule. Elle avait survécu dans une capsule spatiale, paumée dans l’espace. Trouver l’hôpital dans un monde si riche serait sans doute facile. Enfin à ce moment, celà ne lui paru pas inaccessible en tout cas. Le bruit dans sa tête augmenta alors subitement en cadence, qu’elle traduisit par excitation similaire à ce qu’elle ressentait à ce moment.


Elle resta néanmoins quelques instants là, tout ces sens captant une multitude d’informations fascinantes dont elle s’imprégna doucement. Beaucoup de chose qu’elle n’identifia pas vraiment, et certaines qu’elle était sûre d’avoir rencontrées quelque part, sans savoir où néanmoins. Comme l’odeur lourde l’essence qui alimentait les vaisseaux.

Alors, elle se décida enfin à bouger. Le contact de ses chaussettes sur le sol poussiéreux fut néanmoins rapidement désagréable. Une fois son passage à l’hôpital terminé, elle devrait se charger de ça. Elle sentait déjà la saleté se coller au tissus, crissant à chacun de ses pas et cela la fit grimacer.


Marchant alors légèrement sur la pointe des pieds, elle s’avança vers une première porte, le nez en l’air, observant la valse des vaisseaux au dessus du bâtiment devant elle. Elle faillit d’ailleurs percuter à plusieurs reprises des inconnus qui grognèrent avec une certaine véhémence à son encontre. Un peu coupé dans son élan, Néro baissa alors la tête, l’enfonçant profondément dans l’ombre de sa capuche, marmonnant de vagues excuses et essayant de cacher son malaise. Il valait mieux qu’elle s’occupe directement d’aller à cet hôpital. Elle visiterait après.

Elle entra donc enfin dans le bâtiment, évitant de nouvelles collisions. Elle identifia alors se lieu si étrange : l’astroport de Nunurra, comme il était écrit sur un immense écran donnant les prochaines heures d’arrivées et de départs des transports publiques. Et elle resta figé un instant devant, lisant le noms des destinations une à une, les murmurant doucement. Aucune ne lui parlait. Ce qui lui posa un petit soucis. Toutes les personnes présentes, pas forcément humaines d’ailleurs, semblaient….à l’aise avec cette situation. Ils fixaient le panneau, puis partaient en direction du quais indiqués d’une façon très naturelle. D’où sortait-elle pour ne jamais avoir vécu ça? Comme le ciel d’ailleurs, ou l’extérieur. Ou simplement les ...gens différents d’elle, arborant tatouages, tentacules et yeux aux couleurs fantastiques. Elle savait qu’elle connaissait tout ça. Mais ce n’était ni ses yeux, ni ses souvenirs qui lui donnaient cette sensation. Ca venait d’ailleurs. Peut-être qu’à force de trainer ici, quelque chose lui reviendrait? Elle fronça les sourcils. Non. Si ça devait lui revenir, tout ça aurait du provoquer quelques choses en elle. Mais ce fut le vide.

Avait-elle passée la totalité de sa vie dans l’espace, sans avoir jamais posé le pied à terre? Bordel! Encore une question beaucoup trop angoissante pour elle. Elle se mordit la lèvre un peu fort et détourna enfin les yeux du panneau lumineux, éludant la question de la même façon. Juste A côté d’elle, un humain un peu bedonnant et avec une immense valise venait d’arriver et semblait attendre des indications. Elle tenta sa chance, ignorant les fluctuations sonores dans sa tête.

- Excusez-moi? Je cherche l’hôpital…. pour me faire soigner.

Il la fixa d’un air très surpris, puis après l’avoir regardé de haut en bas, son regard s’arrêtant sur ses chaussettes désormais sales, il se recula un peu. A côté de lui, un groupe de jeunes humains, qui avaient entendu sa question, se mirent à ricanner, renouvelant cette sensation désagréable de malaise.

- Ouais, faudrait. Il est à l’extérieur de l’astroport. Suivez les panneaux.

Puis il attrapa ses valises et partit reprendre sa position quelques mètres plus loin, laissant la jeune femme dans la surprise. Qu’avait-il dit où fait de mal pour que ce mec ce sente obligé de mettre autant de distance? Pour que les petits se mettent à pouffer autant. Est ce que la vue des chaussettes les avaient tant que ça perturbé? Il était vrai qu’elle dénotait grandement par rapport aux autres personnes présentes, mais de là à provoquer un pareil rejet, il y’a avait de la marge non? Non. Apparemment pas.


Un bruit beaucoup trop aigue lui attaqua alors le cerveau, lui faisant instinctivement poser les mains autour de sa tête. Ca ne s’arrangeait pas de ce côté là. Et elle se prit à marmonner des “calmes-toi, calmes-toi” autant pour elle que pour ces étranges bruits, qui réagissaient parfois en adéquation parfaite avec la situation. Etrange. Folle.
Son mal de tête s’apaisa légèrement, sans disparaitre, et ses bras retombèrent le long de son corps, complétement mous. Ce premier contact était quelque peu...désorientant. En tout cas, tant qu’elle n’aurait pas retrouvé de chaussures, il était certain qu’il y aurait de nouveaux blocages avec la population de Nunurra.
Il fallait qu’elle sorte de là.


En levant les yeux sur les murs, elle aperçut le panneau “sortie”, très voyant en blanc sur fond rouge. Seule vraie information qui lui parlait. Et sans attendre un nouveau malaise, elle s’y dirigea, sentant néanmoins les regards des autres personnes qu’elle croisait s’attarder sur elle, sans trop savoir pourquoi. Aussi, elle pressa le pas, clairement mal à l’aise, baissant la tête et fixant le sol pour ne croiser personne. Mais quelle galère! Pourtant elle avait l’air moins étrange que ces grands êtres à la peau bleu et à la tête coiffée d’immenses tentacules...

Elle arriva assez rapidement à l’exterieur, et elle fut presque immédiatement aveuglée par l’étrange luminosité diffusée par la couche nuageuse, ce qui lui fit baisser la tête par reflexe. Tentant de reprendre la maitrise de ces sens, elle essaya de qualifier ce qu’elle sentait autour d’elle. Tout d’abord,l’atmosphère. Il était clairement plus lourd que dans un vaisseau, toujours chargés de multiples odeurs. Mais au moins, elle n’avait pas froid pour le moment, la chaleur de l’astre solaire l’englobant de ses rayons. Et cet espèce de bruit de fond, témoin d’une activité importante. Elle releva enfin la tête, et toute la ville de Nunurra s’offrit à ses yeux.

- Ho...C’est...c’est immense!

C’est sûre que pour elle qui n’avait connu que des petits espaces fermés et contrôlés, elle était à des années lumières d’imaginer pareille cité.

Un nouveau blocage la saisit, contre lequel elle lutta afin de descendre les marches à pas lents et saccadés. Ses yeux se perdirent alors, balayant frénétiquement tout autour d’elle, peinant à trouver un point de repère qui la stabiliserait. Il y’avait des mondes, pleins, trops sans doute. Des bâtiments, nombreux, aux lumières accrocheuses au dessus des portes. Du bruit, beaucoup et varié, proche et lointain. Et elle sentit sa respiration se couper sous l’affluence d’informations. Jamais elle n’avait vu ça. Elle s’en serait souvenue non? Et comment les gens faisaient-ils pour se répérer dans espace aussi grand? Comment pouvait-elle deviner où se trouvait l’hôpital? Comment, comment, comment. Beaucoup trop de comment s’accumulèrent dans sa tête, engorgeant dangereusement le flux de ses pensées. Elle se sentit alors extrêmement mal, une douleur dans sa poitrine s’emparant d’elle. Elle s’affaissa sur elle-même doucement, se pliant en deux avec une lenteur révélatrice de son choc, essayant de compresser ce nouveau point de douleur.


Ses yeux ne parvinrent pas de se détacher de cette ville, si grande, si dense. Existait-il des endroits encore plus vaste? Elle se sentit complétement incapable de l’imaginer. Cela dépassait son niveau de compréhension, d’imagination. Tout simplement son cerveau en fait. Putain.

Et toutes ces questions qu’elle avait essayé d’éviter revinrent en force. Pourquoi n’avait-elle jamais vu cela? Pourquoi s’était-elle réveillée dans une capsule seule? Que lui avait-on fait pour qu’elle ait été tenue à l’écart de toute cette vie? Comment s’adapter à ...ça? En serait-elle capable? A ce moment, elle doutait de tout. De sa capacité à surmonter ce choc, à avancer. Du fait de trouver des réponses, ou ne serait-ce qu’un peu d’aide. Devait-elle retourner immédiatement au vaisseau de ses sauveurs et les supplier de ne pas la laisser là? De l’accompagner un minimum pour qu’elle sache quoi faire? Car à ce moment, mis a part s’asseoir sur les marches, et ne plus bouger, elle n’avait pas d’autres idées.

Une voix un peu grave la tira de ses pensées. Un peu brusquement d’ailleurs, mais son état de choc actuel l’empêcha de bouger plus ou de ressentir quoique ce soit d’autre. Tout ses muscles s’étaient tendus, entourant fermement le noeud dans son ventre et sa poitrine, comme pour éviter que ses organes ne se déversent sur le parvis de l’astroport. Son coeur ne battait pas vite mais très fort, résonnant lourdement dans son crâne, occultant presque les grésillements, qui luttaient pour se faire entendre. Elle capta à ce moment qu’elle avait arreté de respirer depuis au moins une bonne minute, tétanisée. Reprendre le contrôle d’elle-même serait une bonne idée, mais qu’elle n’arrivait pas à appliquer pour le moment.


- Vous-allez bien Mademoiselle?

Sa respiration se débloqua légèrement, et elle inspira profondément, l’air lui brûlant presque les poumons. Mais Néro ne détourna pas la tête vers son nouvel interlocuteur, restant toujours autant bloquée sur cette cité. Son regard accrochait parfois des véhicules qui fonçaient à tout allure, des discussions de passant qui passaient près d’elle. Elle saturait, il n’y avait pas d’autres mots. Et ce n’est qu’après quelques secondes, prostrée sur les marches de l’astroport de Nunurra, qu’elle parvint à articuler une réponse :

- Non…... Je ...dois aller à l’hôpital. J’dois me faire soigner.










Néro

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Profil du personnage
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Néro
Mécano | Pirate
Jeu 30 Mai - 23:36
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Au final, l’hôpital n’était pas si loin de l’astroport. Et c’est en mettant un pied devant l’autre que Néro était parvenu à atteindre l’immense bâtisse à la façade délavée.

Toujours sous le coup de vertiges assez violent, elle avait parcouru la place centrale de Nunurra à pas assez lent, plus concentrée sur sa marche que sur son environnement. C’était comme si il n’était pas vraiment là, tout ça étant trop dure à croire pour son pauvre esprit. Elle ne comprenait pas les inscriptions des panneaux fixés sur les maisonnettes qu’elle croisait, alors, plutôt que se torturer encore plus sur cette incapacité, elle avait battu en retraite, se focalisant sur son objectif et tentant d’ignorer tant bien que mal les trop nombreuses distorsions qui s'exclamaient d’une façon beaucoup trop enjouée dans sa tête.
Voilà qu’elle donnait un comportement “vivant” à des maux de têtes maintenant. Affligeant
.

Mais ces maux de têtes ne seraient peut-être bientôt plus là, si elle parvenait à mettre la main sur les fameux cachets dont on lui avait parlé. Et qui devaient se trouver à l'intérieur de ce bloc peu engageant. Il était gris, sale, abimé par endroit, mais le va et vient constant des personnes indiquait qu’il était fonctionnel. Il ne manquait plus qu’elle ne trouve porte close et sa situation deviendrait vraiment nulle!
Elle se balança quelques secondes sur ses jambes, cherchant probablement à retrouver comment avancer pour franchir les derniers mètres. Mais ses douleurs ne la laissaient pas tranquilles. Elle avait toujours mal à ventre, son cœur battait aussi fort et elle se sentit légèrement essoufflée d’avoir dû lutter contre elle-même pour arriver jusqu’ici. Sans compter quelques raideurs dans sa nuque puisqu’elle avait gardé la tête baissée durant son périple pour ignorer les regards moqueurs et interrogateurs des passants.
Mais même comme ça, ils étaient parvenus à l’atteindre et cela lui avait fait un peu mal, déclenchant de léger tremblement dans son corps et beaucoup d’interrogations. Mis à part marcher en chaussette dans les rues, elle n’avait rien fait ou dit qui pourrait, dans son référentiel actuel, susciter des réactions désagréables. Et ce décalage était un peu difficile à encaisser pour le moment.


Elle se massa les tempes puis serra les poings pour récupérer un semblant de courage avant de pénétrer enfin par la grande porte dans ce lieu dont elle ignorait finalement tout. Enfin, elle savait qu’elle pouvait se faire soigner ici. Mais mettre un sens sur ce mot était encore complexe dans son esprit traumatisé. Elle verrait bien ce qui ce passerait une fois à l'intérieur.

Après quelques pas un peu raides, elle arriva enfin devant l’entrée et poussa les lourdes portes vitrées d’une main molle. Et là, elle ne put réprimer un mouvement de recul, et de surprise aussi. Il y avait des gens partout. Assis, qui couraient, qui émettaient des sons parfois fortement désagréables à l’oreille. Est ce qu’ils étaient tous là pour se faire soigner eux aussi? Quoi d’autres sinon?

Elle se fit alors légèrement pousser vers l'intérieur, son arrêt brusque au travers des portes empêchant d’autres personnes d’entrer. Et en silence, très tendue, elle se décala sur le côté, presque dans un coin, ne sachant pas trop quoi faire à ce moment. Elle n’avait clairement aucune idée de la marche à suivre maintenant. Et Inconsciemment, elle s’enfonça un peu plus dans son recoin, cherchant dans un premier temps à éviter tout contact physique ou visuel avec d’autres personnes. Elle fixa alors ses pieds. Ses chaussettes avaient pris une teinte gris-marronâtre, la saleté s’étant accumulée dessus lors de sa marche. Et l’air un peu lourd, le sol humide, n’avaient fait qu’aggraver leur état. Elle se sentait clairement poisseuse à ce moment, et ses fringues commençaient à lui coller un peu à la peau. Elle ne ressemblait probablement à pas grand chose, et c’était peut être de là que venait les réactions malvenues des individus présents sur son chemin. Elle soupira doucement, se reconcentrant sur son objectif : mettre fin aux douleurs qui la laminaient de l'intérieur.

Il était évident que contempler ses “chaussures” de fortune durant les prochaines heures ne la mènerait à rien. Il fallait qu’elle bouge, qu’elle avance, qu’elle essaie de comprendre. Mais avant qu’elle ne parvienne à se lancer, une crainte la saisit, celle de ne pas y arriver. Elle débarquait de nul part, n’avait rien, ne demandait rien si ce n’est qu’on la soulage de ses maux. Et si théoriquement, cela n’avait rien d’insurmontable, elle avait toujours se doute en elle qui la bloqua de longues minutes dans son coin, en apnée, tendue.

Elle prit une grande inspiration afin de dégager son regard de ses pieds et le monta progressivement vers la salle devant elle. Son cerveau pragmatique se remit enfin progressivement en marche, calmant un peu les battements puissants de son cœur. Il fallait qu’elle procède de façon méthodique. Qu’elle se détache de toutes ses sensations négatives, de son mal être, et qu’elle trouve une solution.
Ses yeux balayèrent alors lentement la salle. Et d’abord elle observa le mouvement de la foule, et si elle fut à nouveau perdues quelques instants, ses pupilles finirent par suivre le trajet des nouveaux arrivants. Ils se dirigeaient tous vers un espèce de “guichet” au dessus duquel était écrit “accueil”, et qui était tenu par un robot. Une machine. Ça elle connaissait bizarrement. Sa motivation remontant doucement, elle continua ses observations.

Il y avait un attroupement de gens devant le comptoir, tous alignés les uns à la suite des autres dans une espèce de colonne, et qui dénotait un peu avec le reste de la salle. Un peu plus loin, dans le fond, il y avait des rangées de fauteuils, ou d’autres personnes attendaient quelque chose. Et plein de portes closes tout autour. Son regard prit un peu de hauteur, et elle distingua les inscriptions “consultations”, “urgences”, “admissions” au dessus. Des mots flous pour elle. Ces douleurs reprirent alors soudainement de l’intensité et finirent de faire remonter sa détermination. Il fallait qu’elle s’en débarrasse. Qu’elle les calme. Elle mit ses mains dans sa poche ventrale pour éviter qu’elles ne tremblent trop et commença à se ranger dans la file, ne sachant pas trop où se mettre au départ. Mais rapidement, elle décida de se mettre à l'extrémité de l'empilement. Personne ne réagit trop à sa manoeuvre. Elle devait finalement être à la bonne place. Enfin elle l'espérait.

Alors elle commença son attente. Au moins, ici, elle n’était pas enfermée. Et l’ouverture incessante des portes d’entrées fit naître de léger courant d’air qui lui donnèrent la sensation de respirer. Depuis combien de temps n’avait-elle pas senti cette caresse sur son visage? Et qui ne soit pas artificielle? Elle grimaça sous sa capuche. Elle n’était pas en état de réfléchir correctement. Autant ne pas y penser.

La ligne se décanta alors doucement et elle avança d’un pas pour prendre la place de son prédécesseur. L’attente recommençant, elle laissa son regard vagabonder un peu dans le hall. Elle s’arrêta plusieurs fois sur ces créatures à la peau colorées. Et elles n’étaient, bien sûre, pas les seules à avoir des allures différentes de celles qu’elle connaissait, enfin comme elle quoi. Le capitaine de son vaisseau de sauvetage en était un bon exemple. Et ces ...personnes évoluaient sans peine dans ce monde, signe d’une évidente intégration. Qu’elle n’avait bien évidemment pas pour le moment. Mais cela la rassura quelque peu. Les considérations physiques pesaient peu dans la balance. Par contre, aucune n’arborait d’implant, pas de boitier planqué derrière l’oreille ou ailleurs, ou en tout cas visible. Était-ce cela qui la différenciait du reste du monde? Est ce que ce minuscule intrus dans sa constitution pouvait vraiment la tenir à l’écart? Pourtant, personne ne semblait l’avoir vu…


Les grésillements de son esprit passèrent dans les aigus, dans le trop aigus même, et elle s’arrêta momentanément de réfléchir, préférant se masser les tempes en silence, avançant de nouveau et reproduisant le comportement des personnes qui la précédaient dans la file d’attente, stoïque.


L’approche d’un petit être la fit sortir de sa subite léthargie. Il était plus petit qu’elle, d’au moins la moitié de sa taille, ce qui était assez rare en fait. Et il la fixait de ses yeux intégralement noirs, sirotant une espèce de boisson dans une boîte colorée. Il y avait des tas de gens ici, alors pourquoi s’était-il posté juste à côté d’elle?

- Pourquoi t’as pas de chaussures?

Néro leva un sourcil de surprise. Et aussi un peu de malaise, l’assurance de ce petit être étant plutôt déroutante. Sa question restait néanmoins légitime, et la jeune femme se l’était vaguement posée, sans réponse en sortie. Elle n’avait pas de chaussures parce que...euh…

- Euh...parce que…

Elle se sentit plisser des yeux, cherchant quoi dire quand une femme, aux yeux tout aussi noirs et à la peau chamarrée s’approcha assez brusquement de son minuscule interlocuteur. Elle le saisit par le bras, un peu fort d’ailleurs, pour le faire reculer légèrement.

- Tuin, n’embêtes pas les gens comme ça!
- Mais, la madame elle est…
- Laisse la dame tranquille, elle à d’autres problèmes à gérer si elle est ici.

La femme lui adressa un regard assez bienveillant, assorti d’un léger sourire.


- Excusez le, il est très curieux.

Néro inclina la tête sur le côté. En fait, elle n’avait rien compris à la scène dont elle avait été malgré elle l’une des protagonistes. Alors, tentant de détendre les traits de son visage, elle répondit d’une voix pas très vaillante :

- Euh….. y’a pas de mal.


Le duo s’éloigna alors, le petit aux yeux sombres la fixant toujours par dessus son épaule alors qu’on l’entrainait de force vers l’un des nombreux fauteuils disponibles dans l’entrée. Elle sentit ses yeux prendre la direction du sol, glissant sur ses pieds pour venir accrocher ceux de son prédécesseur, attendant qu’il avance.
D’autres problèmes à gérer. Cette phrase, balancée comme ça, prenait une toute signification pour elle. Ouais, elle en avait plein en fait. Ou pas. Un problème, c’était difficilement quantifiable, formulable. Mais les gens venaient ici pour ça apparemment, si elle avait bien compris la phrase.
Alors, elle se prit à espérer : plus de maux de têtes, des chaussures et surtout des souvenirs qui lui permettraient de retourner vivre sa vie tranquillement.


Mais une fois de plus, n’ayant rien de tout cela pour le moment, il fallait qu’elle attende. Elle fit un nouveau pas dans la file. Et un bruit assez violent la tira de sa légère somnolence. En trombe, un groupe de personne venait d'apparaître dans l’entrée, les portes claquant à leur passage. Elles sommèrent toutes les personnes sur leur chemin de dégager, alors qu’ils accompagnaient à pas vifs un espèce de chariot à roulette, sur lequel une personne gémissait de toutes ses forces, les mains plaquées sur son ventre.
Le groupe disparu aussi vite qu’il était apparu derrière les portes “urgence”, mettant fin au vacarme. Voilà enfin quelque chose qui faisait à un près sens ici. Elle n’avait pas vu l’état de la personne mais sa situation lui avait parut préoccupante, urgente donc. Logique.


Le brouhaha naturel de la pièce revint alors et Néro observa les réactions des gens, bougeant sa tête de la gauche vers la droite, sans saisir aucune réaction. Curieux.
Une main la poussa légèrement, encore, et elle comprit que c’était enfin à son tour d’accéder à l’accueil. Elle s’avança donc vers le droïdes, qui déroula son protocole de bienvenu à son approche
.

- Bonjour. *bzzzz* Bienvenu à l'hôpital centrale de Nunurra. Quel est le motif de votre visite?*bzzzz*

- Euh… violents maux de têtes?

Le droïde pianota quelques choses sur l’écran devant lui, sans que son unique œil rougeâtre ne se tourne vers elle. La jeune femme prit quelques secondes pour le détailler. Ce modèle n’était pas jeune, il paraissait même au bord de l’épuisement avec sa peinture écaillée et ses articulations grinçantes. Posé sur des espèces de chenilles surmontées d’un tronc mobile, de long bras fin sertit de doigt squelettique lui permettaient de noter les informations. Une petite tête ronde dominait l’ensemble avec son unique oeil. Néro grinça d’ailleurs un peu de dents quand elle entendit le bruit fait par les mouvements de ses bras. De l’huile lui ferait du bien.

Le droïde reprit alors :

- Cause du mal?

Néro failli paniquer à cette question d’apparence simple. Mais fort heureusement pour elle, on lui avait donné un élément de réponse auparavant, qu’elle tenta d’articuler le plus clairement possible.

- Euh...un choc...à la tête?

Une diode clignota sur ce qui servait de visage au robot, tandis qu’il notait sa réponse. Puis un espèce de ...papier sortit d’une petite boite à ses côtés, qu’il lui tendit quelques secondes après.

- Consultation N°351. Merci de votre confiance.

Néro regarda le numéro entre ses mains puis le droïde avec de grand yeux ronds, s’attendant à plus d’indication. Mais la machine, impitoyable, lança de nouveau sa boucle protocolaire mettant fin brusquement à toutes questions complémentaires de sa part. Elle se mit doucement sur le côté, sentant l’impatience agiter la personne derrière elle. Son regard se fixa sur le numéro. Qu’est ce qu’elle devait faire de ça?

En levant la tête, elle tomba alors sur le panneau consultation. Puis sur les gens assis juste en face. Tous regardaient vaguement cet immense écran auquel elle n’avait pas prêté attention pour le moment. Et d’un pas traînant, elle s’avança doucement vers l’objet lumineux sur lequel une liste de chiffres défilait. Le nombre 284 était affiché en grand. Elle fixa son billet et soupira bruyamment. Attendre. Encore. Alors que cette saleté de grésillements ne voulait pas s’arrêter.

Ses jambes se firent alors un peu douloureuses d’avoir poireauté autant. Sans compter ses pieds qui la brûlaient. Elle fixa donc, d’un air un peu lointain, les quelques sièges vides en face d’elle. Et les bras ballants, elle s’y dirigea pour venir s’y effondrer quelques secondes après, la mine défaite.

Elle se passa les mains sur le visage. Elle était collante, poisseuse. Sur le vaisseau, au moins, elle aurait pu prendre une douche pour se soulager. La vie sur la terre ferme lui sembla alors si difficile. Mais en fait, elle n’y connaissait rien. Cela faisait à peine une heure qu’elle était là et tout ce qu’elle avait vu était un astroport bondé, un hôpital qui l’était tout autant, des gens aux comportements aussi surprenants que désagréables et un vieux robot rouillé. Et elle espérait sincèrement que l’univers ne se résumait pas à ça.


Elle rangea son numéro dans sa poche ventrale pour ne pas le perdre et fixa l’écran. Le numéro 285 s’afficha et une personne se leva brusquement, avançant sans hésitation derrière les portes de ladite consultation. Néro se pencha un peu, espérant voir ce qui se cachait derrière mais mis a part un long couloir et quelques types en blouses blanches, rien ne lui permit de déduire ce qui s’y passait.

Elle soupira de nouveau et sa tête s’affaissa sur sa poitrine, trop lourde à porter. Les mains dans les poches, avachi sur son fauteuil, l’ennui vint de nouveau la saisir. Comme ses douleurs à la tête. Et sous l’exaspération, elle y répondit :


- Mais laissez moi tranquille deux secondes, putain!

Au vue des regards assez étrange de ses voisins de sièges, la phrase avait claqué un peu plus fort que ce qu’elle avait envisagé. Une nouvelle sensation étrange s’empara alors d’elle et lui donna une vive chaleur dans les joues. Un peu paniquée, elle bredouilla de vagues excuses :

- Désolé...Je suis.. très fatiguée…

Cette simple phrase finit par faire détourner le regard au curieux qui la fixaient, revenant sur les étranges documents qu’ils tenaient entre leurs mains. L’instant d’après, l'événement paraissait oublié, et Néro se détendit légèrement. Elle se replongea dans son ennui profond, bougea sa mâchoire de gauche à droite pour faire passer le temps. Puis, elle regarda à nouveau ses voisins, et surtout ce qui semblait aspirer toute leur attention.

Elle se redressa doucement sur son fauteuil, et après un rapide coup d’oeil au panneau des consultations, elle se pencha légèrement pour détailler la revue entre les mains de son plus proches voisins. Ce dernier, ayant capté son manège, lui jeta un regard assez méprisant, avant de comprendre son intérêt pour sa lecture.


- Si vous voulez de la lecture, y’en à la bas, maintenant foutez moi la paix.

Néro se recula dans son siège sous le ton sec, détournant rapidement le regard. Est ce que chacune de ses actions allait provoquer ce genre de réaction? A la fois déçue et honteuse, elle parvint à murmurer un vague “merci, désolé” et resta prostrée sur son siège quelques secondes. Son regard accrocha alors la petite table sur laquelle était entassé des revues du même types. Voilà qui était intéressant.

Le bruit dans sa tête semblait d’accord avec ce constat, en avant d’épiloguer à nouveau sur “est ce que je suis folle”, elle se redressa avec une certaine souplesse pour s’en approcher. Il y en avait plusieurs, et ne sachant pas trop à quoi s’attendre, elle se saisit de celle sur le dessus.
“La république s’enlisent-elle dans une guerre sans fin?”. La phrase était inscrite en rouge, dans un encadré jaune, avec une image d’un homme dans une tenue blanche et noir, massive, qui trônait en arrière fond.

Elle relut plusieurs fois la phrase. Les seuls mots qu’elle comprenait étaient “enlise”, “elle”, “dans”, “une” et “sans fin”. Et pas moyen de comprendre le sujet avec. Qu’est ce que la république? Qu’est ce que la guerre? Son rythme cardiaque augmenta légèrement, et elle reposa brusquement la revue. Puis, après avoir fermé les yeux quelques secondes, et prit de très longues respirations, elle fixa de nouveau les documents.
Il était clair que le fait qu’elle ne se souvienne de rien n’aidait pas à sa compréhension de cet intitulé. Sa lecture ne l’aiderait pas non plus pour le moment. Autant essayer de dénicher dans cette pile quelque chose qui lui parlait, quelque chose de simple.


Elle commença alors à fouiller dans l’entassement, lisant en diagonale les phrases sur la première page, et écartant systématiquement celles qui ne l’inspirait pas. Puis enfin, elle trouva :


“Bio-tech Engineering : le nouveau robot médical”. Robot. Ça lui parlait nettement plus que “Noyau : les nouveaux scandales qui éclaboussent le Sénat”, “La bordure extérieur : enjeu stratégique pour la CSI?”, ou encore “Les tendances modes de cet été sur Ondéron”. Et c’est donc avec cette Revue en main qu’elle revint prendre place sur l’un des fauteuils, en tentant de s’y installer confortablement.
Elle croisa alors ses jambes, et après un rapide coup d’oeil sur l’écran ( 299), elle reporta son attention sur la revue. Elle était usée, écornée par endroit, un peu pliée à d’autres et hormis le titre criard, il n’y avait que de petites inscriptions en bas de couverture “Technique de L’ingénieur, 12 Cr, an 981”. An 981. Elle était certaine que cette information temporelle aurait dû l’aider, mais sa mémoire resta défaillante sur ce sujet. Et si les premiers mots sonnèrent comme une ode rassurante dans son esprit, le “12 Cr” resta lui aussi silencieux dans son esprit.


Mais est ce que cela importait vraiment maintenant? Peut être trouverait-elle des réponses à l'intérieur de la revue? Elle haussa les épaules et fit une légère moue avec ses lèvres. Dans sa tête, les grésillements marquaient un battement régulier, attendant sans doute qu’elle tourne enfin les pages. Et c’est ce qu’elle fit, tant pour assouvir sa curiosité que pour chasser son ennuis.

Posant son doigt sur le document, elle commença alors à déchiffrer lentement son contenu. Elle se rendit compte qu’elle n’avait pas l’habitude de lire, reprenant plusieurs fois les phrases pour s’en assurer du sens, toujours guider par l’avancée de son doigt sur la ligne. Pourtant, il n’y avait rien de complexe ici, enfin, il lui manquait quelques informations pour comprendre le contexte, mais l’édito qu’elle avait sous les yeux ne mentionnait pas de choses si inconnues que ça. Il parlait de robotique, de progrès, bon, sur les “débouchés économiques forts”, elle sécha un peu, mais c’était juste une nouvelle machine. Rien de plus.


Elle commença alors sa lecture, d’abord lentement, assimilant tant les informations que le sens de certains mots, qui résonnaient étrangement dans sa tête parfois, mais pas moyen de savoir pourquoi. Cette occupation avait au moins le mérite de faire passer le temps, et surtout de tranquilliser le bruit dans son cerveau. Et à cet instant, elle ne ressentait presque plus aucune douleur. Quel apaisement.

Le premier article sur lequel elle tomba ne parlait pas encore du fameux robot, mais de vaisseaux. Un nouveau modèle de transport de troupes, plus rapides, avec de gros boucliers, et capables de partir pour des campagnes de plusieurs mois dans l’espace. C’est sûre que dans sa petite capsule, elle n’aurait jamais pu accomplir pareille prouesse. Et c’est donc avec un émerveillement non dissimulé qu’elle parcouru les lignes. C’était tout simplement fantastique! Elle ne savait pas si dans l’astroport, il y avait des vaisseaux équivalents mais cela lui donna clairement envie de retourner y faire un tour.

Elle était parvenu à la fin de l’article lorsque son numéro s’afficha enfin sur l’écran, qu’elle surveillait distraitement entre deux phrases. Elle se leva alors rapidement, ayant peur de le nombre disparaisse avant qu’elle n’ait franchit les portes. Et c’est donc avec la revue toujours entre ses mains qu’elle pénétra enfin dans l’enclave des consultations.

Derrière, une jeune femme en blouse blanche l’attendait, l’air un peu fatigué, la scrutant intégralement.

- Bonjour Madame, vous avez votre billet d’admission?
- Ah… oui, le voilà.
Elle sortit le ticket de sa poche et laissa son interlocutrice en prendre connaissance brièvement.

- Bien, suivez moi. Le Dr. Johnson va vous recevoir.


Néro ne répondit rien, se contentant de suivre en silence les traces de la jeune femme qui la guidait au travers des couloirs éclairés d’une lumière crue et un peu agressive. Elle bifurqua dans un autre couloir et finit par lui indiquer une porte, la laissant pénétrer seule à l'intérieur. Elle eut à peine le temps de la remercier que celle-ci disparue, semblant alors préoccupé par un étrange objet qui venait d’émettre une série de bips stridents.

Néro se retrouva alors dans une pièce, face à un homme qui la fixait de derrière son écran. Ce dernier, la mine avenante et les cheveux clairs, lui tendit sa main dans un geste d’accueil. Un peu prise au dépourvue, elle l’imita, secouant brièvement leurs mains jointes avant qu’il ne lui demande son numéro.

-Asseyez vous...Mme ?
- Néro.
- *il pianota l’information sur son écran avant de poursuivre* Et donc, ces maux de têtes vous les avez depuis quand?

Elle n’avait aucune idée du temps qui avait pu s’écouler depuis son . Au moins douze heures, sans doute plus, alors elle répondit d’une manière un peu évasive.

- Un ou deux jours.

- Il est indiqué que vous avez reçu un coup sur la tête, vous pouvez...expliciter?

Une légère grimace marqua le visage de la jeune femme. Expliciter, cela serait difficile, elle n’avait pas été témoin de ce coup.


- Euh… c’est ce qu’on m’a dit. Je m’en souviens pas vraiment…
- Qui vous a dit ça?
- L’équipage qui m’a amené ici.

Devant l’air surprise qu’affichait le docteur Johnson, elle sentit le besoin de s'épancher un peu plus sur sa situation.

- Je me suis réveillée il y’a quelque jour dans une capsule de survie, quelque part dans l’espace. Avec ces maux de têtes violents. Des types m’ont récupérés. Je sais pas combien de temps je suis restée à la dérive, et c’est eux qui m’ont dit que j’avais dû prendre un coup sur la tête.


Le docteur hocha la tête doucement, et d’un geste ample, il l’invita à prendre place sur un espèce de lit assez haut qui se trouvait sur sa droite.


- Enlevez vos chau….ho…
- Ouais...j’en avait pas quand je me suis réveillée.

Ce détail arracha un léger sourire au médecin, alors qu’elle s’allongeait sur le lit tandis qu’il se saisissait d’objets étrange. Il lui passa un bracelet autour du bras, qui la serra fortement. Puis tandis que l’appareil émettait des sons légers, il lui passa une lampe devant les yeux qui lui fit instantanément détourner le regard.

- Les réflexes pupillaires sont bons, pas de traces de trauma crâniens…. votre tension est faible par contre. Vous avez mangé quelque dans les derniers heures.

- Un café?

Le médecin secoua la tête, dans un geste assimilable à une légère réprimande.

- Bon, va falloir que vous repreniez un peu de force. Baissez votre capuche s’il vous plaît.

Néro s’exécuta sans trop poser de question et lorsque Jonhson posa ses mains autour de son crâne, elle sentit tout son corps se tendre brusquement. Il toucha sa nuque, puis le haut de son crâne et fini bien évidemment par tomber sur son implant. Il lui fit tourner un peu la tête afin de pouvoir mieux l’observer. Néro retint sa respiration à ce moment, ne sachant pas quelle réaction ce boitier allait provoquer.

- C’est une belle technologie que vous avez là. Je n’en ai jamais vu des comme ça. Implant mémoriel au vue de sa position non?

Néro leva un sourcil interrogateur. Un implant mémoriel? Si elle avait bien comprit ce que cela impliquait, il était sacrément défaillant!

- J’en sais rien. Je … j’me souviens de rien depuis que je me suis réveillée. J’veux dire...avant que je dérive dans cette capsule.

Le front du médecin se marqua de nombreuses rides et il croisa les bras en face d’elle.

- Amnésie. Étrange. Vous ne présentez pas...de trace pouvant aller dans le sens d’un choc à la tête. Peut être cet...implant n’est-il pas encore fonctionnel. Dès fois, il faut un peu de temps. Bon…. et ces douleurs, sur une échelle de 1 à 10, vous les situez comment?
12.


Le docteur Johnson fronça de nouveau ses sourcils. Puis après s’être gratté le menton, il revint s’asseoir derrière son bureau, lui indiquant de venir prendre place en face d’elle.

- Je ne vous cache pas que votre état est étrange. Vous ne présentez aucune signe pouvant aller dans le sens d’une commotion. Il est probable que vos douleurs soient aussi dû à votre état de faiblesse assez prononcé. Vous souffrez probablement d’une amnésie traumatique, lié à un événement bouleversant. En théorie, en vous remettant progressivement au contact de la civilisation, et surtout, en reprenant des forces, elle devrait revenir. Peut être un suivi psychologique serait bénéfique par la suite. Dans tous les cas, on va vous garder en observation pour cette nuit.

Néro encaissa toutes ses paroles, sans en comprendre complètement le sens. Aussi, elle garda le silence, laissant le médecin tapoter des choses sur son écran, après avoir inséré son billet d’admission dans un appareil. Quelques secondes plus tard, le ticket fut expulsé, enrichie de nouvelles informations.

- Voilà, allez voir les infirmières. Elles vous montreront votre lit et vous donneront de quoi sous soulager. On va aussi vous faire une perfusion pour vous requinquer un peu. Vous irez mieux en rien de temps!

- Ah. Euh Merci.

-Je vous laisserai voir avec elle pour le paiement.

- Euh. Ok.

Il lui serra à nouveau la main après lui avoir confié son papier informatif, la laissant un peu dans le flottement. Le paiement? Une infirmière se présenta à sa porte, sans lui laisser plus le temps de réfléchir sur ce sujet, et elle fut rapidement évacuée vers la sortie, une autre personne attendant pour une consultation.

Voyant Néro un perdue, l’infirmière lui saisit doucement le papier qu’elle serait dans les mains, prenant connaissance des prérogatives du médecin.

- Suivez moi. On va vous installer en 117.

Néro acquiesça doucement. Mis à part suivre le mouvement, se faire balader de mains en mains, elle ne pouvait rien faire. Et si ses maux de têtes étaient restés stables durant les dernières minutes, ils reprirent un peu de force alors qu’elle progressait dans les couloirs, guidée par l’infirmière.
Une nouvelle porte s’ouvrit à elle, comportant deux lits, tous vides, séparés par des cloisons blanches. Une petite porte se trouvait sur le côté, avec le symbole d’une douche, ce qui soulagea un peu Néro.

- Installez-vous ici. Je vais vous chercher des cachets pour la douleurs. On va aussi vous mettre sous perfusion. Vous pouvez-mettre vos affaires dans le placard, la douche est ici. Je vous laisse vous mettre à l’aise. Je reviens.

Néro hocha de nouveau la tête, ne comprenant pas le quart du tiers de ce qu’avait prononcé l’infirmière. Mais elle aurait des cachets. Une douche aussi. Et un lit. C’était finalement une petite victoire. N’ayant pas d’affaire, Néro se contenta de retirer son sweat, le posant sur une chaise à ses côtés et de s’allonger sur le lit.

L’infirmière revint assez rapidement, avec une table roulante sur laquelle était entreposé plein de truc que Néro ne regarda pas vraiment. Elle se sentait un pau fatigué à ce moment, et son mal de tête devenait vraiment lourd à gérer. Alors elle se laissa de nouveau faire, laissa l’infirmière lui planta une reliée à une poche contenant un liquide translucide par un tube blanc. Elle grimaça sous la douleur, mais ne dit rien. Puis elle se trouva enfin nez à nez avec les fameux cachets. Ils étaient petits, blancs, et Néro se demanda ce qu’ils pouvaient bien contenir pour chasser sa douleure. Elle les avala sans trop poser de questions, s’enroulant doucement dans la couverture.

- Le repas arrivera d’ici une heure. Vous n’avez pas de contre-indication médicale, de truc que vous ne pouvez pas manger?

- Euh non, si c’est sucré.

Elle avait dit ça sans réfléchir, ce qui déclencha un léger rire de l’infirmière.

- Je vais vous mettre l’holonews pour vous occuper. Essayer de vous reposer. Vous êtes assez faible.

Puis après avoir activé l’écran, elle disparue. Les yeux de Néro se laissèrent captiver par les images, déchiffrant avec difficulté les textes qui défilaient tout en bas. Et ne comprenant pas grand chose, elle sentit son corps devenir assez lourd, comme ses paupières, qu’elle finit par fermer, bercée par le son de l’holonews...

Néro

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Néro
Mécano | Pirate
Sam 6 Juil - 23:17
Ce fut le contact des mains de l’infirmière sur son bras, la secouant légèrement, qui la sortit de son sommeil. Apparemment, il fallait impérativement qu’elle mange quelque chose avant de finir sa nuit “en observation” comme ils disaient.

- ...Normalement, avec les médicaments, vos maux de têtes devraient s’estomper. Après avoir mangé aussi. Votre niveau de glucose est assez bas…

Néro bailla légèrement, feignant d’avoir compris tout ce que cette femme lui racontait en hochant légèrement la tête. Elle se sentait un peu à la ramasse, mais l’information principale était là : lorsque les cachets, ou médicaments, auraient fait effets, elle serait débarrassée d’une partie de ses tourments. La majorité en fait.
Les yeux encore un peu brumeux, elle regarda le plateau que son interlocutrice lui tendait un et sur lequel se trouvait différentes choses dans plusieurs petits bols en plastique. L’odeur qui s’en dégageait la fit grimacer. Mais elle avait faim. Son estomac s’était mis à gargouiller un peu bruyamment dès son réveil, et il était vrai qu’elle n’avait rien ingéré de vraiment solide depuis...depuis quand au fait?

- Je repasserai après.

L’infirmière disparu de nouveau et le silence retomba alors, uniquement troublé par le petit écran dans le coin de la pièce, que Néro fixa quelques instants :

- … les accords entre Alderaan et Chandrilla sont aux points morts pour le moment, ce qui pourrait avoir des conséquences lors des prochaines élections. - En effet Georgio, surtout que nous sommes à quelques mois du lancement officiel des campagnes électorales, et les sondages ne donnent pour le moment pas de favoris. - Maintenant, place à la météo...

Putain. Elle ne pigeait rien, ne trouvait aucun sens à tout ça. De dépit, elle secoua légèrement, et se détacha enfin de cet Holonews, qui l’attirait pourtant étrangement, pour fixer enfin le fameux plateau repas. Elle saisit l’un des bols dans ses mains un peu tremblante, observant son intérieur au travers de l’opercule d’un air circonspect. Il contenait un amas de morceaux collants reliés entre eux par un liquide. Le bruit que l’ensemble fit lorsqu’elle le secoua doucement n’était d’ailleurs pas très plaisant.


En fait, tout l’aspect de ce truc ne l’inspirait pas du vraiment, mais son estomac se rappelait à elle d’une façon trop insistante pour qu’elle l’ignore plus. Elle soupira. Le grésillement dans sa tête était au plus bas, pour une fois, mais elle se sentait faible, engourdie.
Alors, passant outre l’aspect peu ragoûtant des mixtures en face d’elle, elle se décida enfin à tenter sa chance. Arrachant le film plastique, elle saisit un des cubes gluants entre ses doigts et le porta à sa bouche. La texture était vraiment peu avenante, d’une matière tellement molle qu’elle se disloqua intégralement lorsqu’elle le mâcha beaucoup trop lentement pour quelqu’un d’affamé.

Ça n’avait aucun goût. Enfin, aucun qu’elle ne put reconnaître et la déglutition lui arracha une nouvelle grimace. Elle lâcha le bol immédiatement après. L’aliment avait laissé une sensation collante sur ses doigts dont elle chercha à se débarrasser auprès de la serviette qui accompagnait le plateau. Frottant vivement ses doigts sur le tissu, ses yeux tombèrent alors sur un sachet contenant quelques ustensiles qui lui permettrait de préserver sa peau des matières indésirable.


Il y avait un long couteau, une fourchette à trois branches, une cuillère. Son regard s’arrêta dessus un moment. Un long moment en fait. Comment avait-elle pu oublier ça? Clairement, ils étaient posés devant elle depuis le début, pourquoi n’avait-elle pas eut le réflexe de s’en emparer immédiatement? Leur utilité était pourtant évidente!

- J’dois vraiment être fatiguée pour passer à côté de chose aussi élémentaires…

Ce commentaire ajouta une nouvelle morosité à son humeur stable des dernières minutes. Qu’avait-elle oublié d’autres? Quels autres impairs allait-elle commettre, s’attirant ainsi les regards violents et moqueurs des autres?

Elle posa ses coudes sur le plateau, la tête entre ses mains, et se massa doucement les tempes. Elle resta ainsi de nombreuses minutes, cherchant l’apaisement qui lui manquait tant, ses pensées n’étant interrompue que par l’écran qui diffusait des images aléatoires sur des musiques sans liens entre elles.

L’odeur de la nourriture, et les douleurs dans son ventre,  la poussèrent néanmoins à reprendre son exploration culinaire, malgré une première expérience ratée. Elle attrapa donc le deuxième bol, qui présentait une nourriture un peu plus consistante que le premier. En le faisant tourner entre ses doigts, elle repéra une étiquette sur le côté, qu’elle n’avait pas remarqué avant : “Salade composée : Tomate, salade, œuf, huile ( 2%), vinaigre (1%), sel (0,2%).”


Ça avait l’air comestible, plus que le truc gluant d’avant. Un peu méfiante, elle retira la protection et planta vivement les dents de la fourchette dans la masse rouge sur le dessus. L’aliment craqua légèrement sous la rencontre, et après l’avoir dévisagé quelques secondes, elle le porta enfin à sa bouche.  C’était nettement meilleur. Un peu acide, un peu sucré, une texture plus croquante. Tomate. Ouais. Cela lui parla un peu. Elle continua donc à vider le contenant. Et si ce n’était pas grandiose non plus, elle eut le mérite d’apaiser les tensions dans son estomac. Une fois la salade dévorée, elle porta son attention sur le dernier élément encore fermé du plateau.


Le dernier bol contenait un ensemble lisse et brillant d’un rose assez vif. Ensemble qui s’agita légèrement, dans un mouvement continu lorsqu’elle le saisit, ce qui la fit légèrement rire. L’odeur qui s’en dégagea lorsqu’elle l’ouvrit était sucrée, agréable. Elle en détacha un morceau avec le dos de sa cuillère. Et un intense soulagement la parcourut lorsqu’elle le goûta enfin. C’était le meilleur truc qu’elle ait mangé dans les dernières 24 heures. Même si ce n’était pas très compliqué, vu qu’elle n’avait ingéré que du café. En tournant le petit bol entre ses doigts, elle put enfin identifier ce “blob” ferme et assez onctueux, une gelée de fruit.

- Gelée de fruit. Je demanderai que ça la prochaine fois.

Elle dégusta lentement cette fameuse gelée, ses papilles réagissant d’une manière fort agréable à son contact. Tout en mangeant, elle reporta son attention sur l’holonews, qui diffusait actuellement des images d’un paysage verdoyant, assez amical et plutôt reposant. Les “flashs infos” reprirent immédiatement après, accompagné de leur musique dynamique.

- Vous êtes sur Holonews, votre journal d’informations en continue.

Et elle aurait tant aimé pouvoir arrêter ce flux d’information afin de les comprendre une à une. Mais à qui demander? L’infirmière? Elle avait disparu depuis un moment.
Bordel, pourquoi est ce qu’autant d’informations d’apparence banales lui manquaient? Ouais, elle était amnésique. Mais de là à oublier l’intégralité des “choses” de l’univers...
L’agitation dans sa tête reprit et à sa grande surprise, elle eut l’impression que les tonalités du bruit “copiaient” celles de la voix qui parlaient par dessus des images.


- Et ça recommence….


La cuillère dans la bouche, un long soupire s'échappa dans un sifflement aigu. Pourvu que les cachets fassent effets, et vite. Sur l’écran, les informations se déroulaient sans l’attendre.


- … M. Bal Chiani n’a pas tenu à commenter les dernières accusations de corruption de son cabinet. Mais nul doute qu’elles seront portées devant la justice. - Merci Shaka Zum, et maintenant vos infos locales ! - Nouvel incident sur l’orbite d’approche de Roon, impliquant la collision de d’une corvette et d’un asteroïde. Les équipes de secours ont décollé, mais la probabilité de retrouver des survivants reste faible….

Néro ouvrit grand les yeux en reposant son bol désormais vide. Ça pour le coup, elle avait saisit. Et elle espérait qu’il ne s’agissait pas du vaisseau de ses sauveurs… mais elle n’avait hélas aucun moyen de le savoir. Elle n’avait pas le nom du vaisseau, ni de son équipage, ni son modèle. Rien.
Son mal de tête choisit ce moment pour reprendre de plus belle, remplaçant l’inquiétude par la douleur. Des oscillations régulières, montant parfois dans des aigus qui vibrèrent dans son crâne.
Elle repoussa le plateau sur le côté et s’étala sur le lit, la tête fermement enfoncée dans l’oreiller. Elle se sentait terriblement molle, éreintée, et le son des informations commença alors à s’estomper au fur et à mesure des secondes qui s’écoulaient. Les variations se stabilisèrent, comme si elles avaient compris son besoin imminent de repos.


Son visage de relâcha enfin lorsque le sommeil vint la saisir, chassant toutes ses sensations contradictoires pour la plonger dans le noir.

La scène qui se déroula le lendemain lui parut étrangement familière. Et pour cause, l’infirmière venait de la réveiller exactement de la même façon que la première fois. Néro cligna plusieurs fois, puis réalisa au bout de quelques secondes qu’elle était toujours dans la chambre d’hôpital, celle où on l’avait accompagné la veille. Au moins, d’un jour sur l’autre, elle parvenait à se souvenir, c’était déjà ça.
La jeune femme cligna des yeux plusieurs fois, ayant un peu de mal à se réveiller. Aussi lorsqu’elle capta le regard insistant que lui portait l’infirmière, elle se dit qu’elle avait dû rater quelque chose.


- Euh...quoi?

- Vos maux de tête? Est ce qu’ils sont passés?

Bonne question, mais la réponse était malheureusement négative. A peine était-elle sortie de sa léthargie qu’il avait déjà repris. Insistant, assourdissant parfois. Toujours là. Peut être un peu moins douloureux néanmoins.

- Ah. Euh. Non.

Les yeux de l’infirmière se plissèrent alors. Elle paraissait réfléchir, et Néro se sentit extrêmement mal à l’aise de se faire dévisager ainsi. Est ce qu’elle avait encore dit ou fait quelque chose de non approprié?

- Je vais voir si le docteur est disponible. Rassemblez vous affaire.

Le ton employé avait été un peu sec et dès que l’auxiliaire médicale disparue, la tête de la jeune femme s’affaissa sur ses épaules. Apparemment, elle avait encore “mal fait” ou “mal dit” quelque chose, mais quant-à savoir quoi et pourquoi…
Dans sa tête, les grésillements se firent interrogatifs.


- Ouais, c’est étrange et….et... et je parle à… ho putain, cette journée commence pas super….

Elle s’affaissa complètement sur elle-même, restant prostrée, sa tête reposant entre ses bras resserrés tout autour d’elle. Elle se concentra sur les pulsations de son coeur, essayant de trouver une échappatoire au profond malaise qui venait de l’envahir, tentant de chasser tous ces bruits qui ne voulaient pas la quitter. Mais c’était peine perdue. Comme pour attirer son attention, ils redoublèrent, jouant sur tout un panel de tonalités assez perturbantes.

C’est comme ça que l’infirmière la trouva lorsqu’elle revint, la faisant sursauter.

- Euh ça va?

Se déroulant doucement pour poser ses pieds au sol, elle regarda l’infirmière dans les yeux.

- Ouais. Super bien.

Son ton était plus grinçant qu’elle ne l’aurait voulu, mais il reflétait parfaitement son ressenti du moment. Et puis, elle maîtrisait mal toutes ces nouvelles sensations qui l’envahissaient, alors, elles sortaient telles qu’elles résonnaient dans son être.

- Vous oubliez vos chaus….ah oui, c’est vrai.

L’auxiliaire médicale laissa échapper un léger rire, et après un énième soupire de Néro, le duo s’aventura dans les couloirs de l’hôpital. La jeune femme n’avait aucune idée de l’heure qu’il pouvait être, mais l’activité était bien présente. Partout, des gens en blouse blanche marchaient à pas vifs, tentant de canaliser des personnes aux allures diverses, qui criaient et s’agitaient dans tous les sens. Et elle cru manquer d’air. Trop de gens, trop de bruit.

Sa capsule lui manqua.

Fort heureusement, le bureau du docteur qui l’avait accueilli la veille n’était pas loin, et elle regagna un semblant de calme lorsque la porte se referma derrière elle.
L’homme leva les yeux vers elle immédiatement.


- Asseyez - vous. Comment vous sentez-vous aujourd’hui? Vos maux de têtes ont été calmés?

Tout en se posant sur la chaise en face de lui, Néro secoua la tête négativement.

- Non,dès que j’ai ouvert les yeux, ils sont revenus.

Le médecin se gratta le menton, en pleine réflexion. Puis après, s’être gratter la gorge et joint ses mains au dessus de son bureau, il déclara d’une voix calme :

- Je...je dois dire que votre cas est assez…. atypique. Vous ne portez aucune trace révélatrice d’un quelconque dommage crânien. Et mis à part votre implant, je ne vois pas trop ce qui pourrait être la cause de vos céphalées….

Néro pencha la tête sur le côté. Elle ne comprenait pas vraiment ce qu’il disait. Encore. Et le bruissement dans sa tête paru aussi décontenancé qu’elle.

- Je pense que vous avez subi un traumatisme important lors de son implantation. Vous êtes sans doute dans une phase d’adaptation. Et malheureusement, seul le temps est susceptible de résoudre votre problème.

- Ah. Et pour mon Amnésie?

- Le temps aussi. Tout devrait finir par vous revenir dans quelques jours. Et…

Un bip strident se fit entendre et le médecin porta immédiatement la main sur la poche de sa blouse, extrayant un petit appareil sur lequel il se concentra. Il se leva alors brusquement.

- Je suis désolé...mais nous avons des urgences à régler…. Je vais devoir vous laisser. Rentrez chez vous, reposez vous. Revenez dans deux semaines si ça ne passe vraiment pas.

A pas vif, il sortit de son bureau, sans entendre sa réponse misérable.

- Chez moi? Mais...euh….

Elle se laissa glisser sur la chaise. Chez elle. Merci docteur, mais ici, elle n’en avait pas. Et si il existait, elle ne savait pas comment le trouver ni y retourner.

A nouveau, ses mains encerclèrent son visage dans un geste se voulant réconfortant. Mais là, ce n’était pas de réconfort dont elle avait besoin, mais de réponse. Et il n’y en avait pas.
Elle resta quelques instants comme ça et fini par se redresser, soulevant son maigre corps dans un effort surhumain.


Une fois debout, les sonorités qui avaient élues domiciles dans sa tête attirèrent son attention. Elle avait moins mal certes, mais elles devenaient de plus en plus familières, et la jeune femme eut la sensation qu’une communication tentait de s’établir.

- J’ai pas de chez moi et je parle à des bruits dans ma tête. Tu parles d’un “nouveau départ”.


Elle donna un léger coup de pied dans la chaise, essayant par ce geste futile de chasser son impuissance, mais ça ne la soulagea pas. Puis, elle se décida enfin à ressortir, appréhendant le vacarme des couloirs.

Car effectivement, il semblait y avoir eu un incident, une urgence suffisamment grave, pour que tout le personnel redouble d’activité. Elle dû s’écarter plusieurs fois pour laisser passer des brancards portant des personnes recouvertes d’un liquide rouge. Du sang. Par litres.
Néro les regarda passer. Elle ne se sentait pas spécialement choquée, mais ce changement d’ambiance avait de quoi dérouter. Quitter cet endroit était une bonne option.
Le bruit dans sa tête prit des allures interrogatives et elle secoua à nouveau la tête.


- J’en sais rien. Un incident comme…. mais pourquoi je répond….

Une nouvelle fois, elle venait de poser la bonne question. Pourquoi. Elle renfonça sa tête dans sa capuche et marcha à pas vif hors des “consultations”. De nouveau dans la salle d’attente, elle fut prise d’un léger vertige. Un café.Elle avait besoin d’un café. Mais où trouver ça? Elle n’avait pas vraiment envie d’essuyer un regard méprisant à cause de son allure et de la non présence de chaussure à ses pieds .Alors elle chercha, déambulant dans la pièce et les couloirs adjacents de façon aléatoire. Et pour le coup, son odorat fini par la guider vers un ensemble de machine aux façades lumineuses et qui promettaient la fameuse boisson.

Dans un léger regain d’énergie, Néro pressa le pas pour faire face à l’un des appareils. Il y avait une liste de boissons inscrite dessus, qu’elle parcourut du doigts. Apparemment, un “café simple” n’existait pas sur cette machine, mais fort heureusement pour elle, la description des différentes boissons était accolée, en tout petit, à leur nom. Le cappuccino ferait très bien l’affaire. Elle régla la quantité de sucre au maximum et pressa le bouton, et rien ne se passa. Enfin si. Mais pas ce à quoi elle s’attendait. Sur l’écran central, un message à son attention s’afficha : “3 crédits”.

La main de Néro resta en suspend quelques secondes. 3 crédits. Crédits. Elle avait déjà entendu ça avant. Sans savoir à quoi cela correspondait vraiment. Captant son trouble, un type qui se servait justement un café à côté d’elle, l’interpella :


- Faut insérer vos crédits sur la balise verte.

Néro le regarda d’un air plus qu’interrogatif, néanmoins reconnaissante de cette précision même si ce n’était pas celle qu’elle attendait.

- Euh. Merci… Et… j...j’en trouve où des crédits?

Le type, qui était en train de porter son gobelet fraîchement acquis à ses lèvres arrêta son mouvement.

- Euh...vous êtes sérieuse?

Et à la vue de son regard perdu, il comprit rapidement que oui.

- Euh...en travaillant. * son regard se porta sur ses chaussettes qui avaient définitivement perdu leur couleur d’origine* Vous pouvez aussi mendier mais faites gaffes à la police…. euh...bonne journée?

Néro répondit à demi mot en le regardant s’éloigner. Travailler. Mendier. Après quelques secondes de réflexion, elle déduisit le sens du premier, mais le second ne lui évoquait rien. Et surtout, comment est ce qu’on travaillait? Comment est ce qu’on mendiait aussi? Etait-ce les deux seules solutions pour obtenir des crédits? Elle ne voulait qu’un café. Un simple cappuccino chargé en sucre pour se sentir un peu mieux. Et même ça, on le lui refusait.

Elle s’éloigna doucement de la machine récalcitrante, se demandant néanmoins si un bon coup de pied ne lui permettrait pas de la faire dérailler un peu. Ou alors, elle pouvait la démonter.


La jeune femme secoua la tête. Il fallait qu’elle arrête d’envisager ce genre de chose. Déjà, parce qu’elle n’avait rien sur elle qui puisse venir à bout de la carène de la machine et ensuite...parce que ce n’était probablement pas acceptable de faire ça. Enfin, elle le supposait, sans en être sûre cependant. Mais autant faire profil bas.

Elle s’accouda à la table la plus proche, réfléchissant à la suite. Avec rien en poche, pas de travail, pas de crédit, pas de chez sois et pas de chaussures, elle partait avec un sacré malus. Elle soupira bruyamment. Au moins ici, elle était au calme, les gens l’esquivant soigneusement pour le moment. Et tant mieux.

Son regard s’égara alors autour d’elle, à la recherche d’une idée. Et à la place, elle trouva autre chose qui suscita son intérêt. Sur la table d’à côté, une petite boîte noire était posée, et elle semblait contenir quelque chose.
Sa curiosité piquée, elle s’approcha discrètement et y plongea la main. Et à défaut de crédit, elle y trouva un petit sachet. Du sucre.

Et sans doute sous les regards surpris des quelques personnes présentes, elle l’ouvrit et le versa directement dans sa bouche. Son visage s’éclaira doucement alors qu’elle mâchonnait les fins granules, affichant une franche satisfaction. Elle renouvela l’opération plusieurs fois. Neuf fois pour être exacte, avant de se sentir vraiment mieux. Les bruits dans sa tête aussi puisqu’ils reprirent une certaine vigueur. Au moins, elle et...ce bruit avaient un intérêt commun pour les fortes doses de glucoses.
Néro lâcha un petit rire désabusé, tellement ça lui semblait idiot de penser ça. Mais elle n’était plus à ça près pour le moment.


Rassasiée, au moins momentanément, elle reprit ses réflexions. L'intérieur de l’hôpital n’avait rien à lui offrir de plus que des petits sachets.

- Il est peut être temps d’aller faire un tour dehors.

Le bruit se fit enthousiaste, ce qui arracha une légère grimace à la jeune femme qui essaya de ne pas y prêter attention.
Elle prit donc la direction de la sortie, mais une fois sur le parvis, elle constata une nouvelle fois que beaucoup de choses jouaient contre elle. Comme la météo. Il pleuvait des cordes.
Mais le spectacle la laissa figée sur place. Avec les néons des constructions tout autour, la vue qui s’offrait à elle était belle. Et bien évidemment, elle n’avait jamais rien vue de tel. Elle se surprit à connaître la pluie. Comme elle avait reconnu le soleil et le ciel auparavant, alors qu’elle n’en avait aucun souvenir. Peut-être que le médecin avait raison. A force d’observation, de temps, peut être quelque chose lui reviendrait. Peut-être parviendrait-elle à combler les trous de sa mémoire. Elle s’appuya contre le mur, profitant un instant de la fraîcheur et de cette vision
.
Il était évident qu’avec ses chaussettes aux pieds, elle ne pouvait pas aller bien loin. Et lorsque le froid humide commença à s’emparer d’elle, elle fit marche arrière, néanmoins un peu dépitée de ne pas pouvoir quitter l’établissement.

Elle repartit vers la salle où se trouvaient les machines à café. Elle y avait vu des espèces de sièges qui avaient l’air plus confortables que ceux de l’accueil. Elle en choisit un peu à l’écart, mais avec vue sur l’écran branché sur “Holonews”.


Le son était bas, mais les sous-titres étaient activés ce qui lui permettaient de suivre. Enfin, suivre était un bien grand mot ici. Pour le moment, rien de ce qui était dit ne lui parlait, mais s’était actuellement sa seule source d’information pour tenter de raccrocher les très nombreux wagons qui lui manquaient.

Ses yeux restèrent donc focalisés sur les inscriptions qui défilaient sur l’écran. Et elle resta comme cela pendant quelques heures, tentant d’ignorer les oscillations bruyantes dans son crâne.
La fatigue vint finalement la rattraper. Et elle étouffa un bâillement. S’étirant doucement, elle tenta de trouver une position couchée confortable, à cheval sur deux sièges.


- ...ainsi se finit l’émission. Nous espérons que vous avez passé une bonne journée et un agréable moment en notre compagnie….

Néro lâcha un léger rire.

- Une bonne journée….une sacré journée de merde oui.

Et sur cette dernière phrase, elle ferma les yeux, tombant immédiatement dans un sommeil profond.

Néro

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Néro
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Dim 13 Oct - 17:29
musique d'ambiance:
Lorsque Néro ouvrit les yeux, le journal du matin venait de commencer. Et entre la musique beaucoup trop dynamique et les bruits dans sa tête qui démarrèrent immédiatement, le réveil fut difficile. Surtout pour quelqu’un ayant dormi sur des fauteuils inconfortable et dans une position qui l’était tout autant. Et puis, elle se sentait incroyablement faible. Elle n’avait pas envie de se rendormir, loin de là, mais son corps répondait beaucoup trop lentement par rapport aux injonctions de son cerveau.

Elle passa une main molle sur son visage, dégageant les quelques mèches de cheveux qui s’y étaient collées durant la nuit et gardant les yeux légèrement plissés pour résister à l'agressivité des néons.

Où était-elle? fut sa première pensée cohérente. Puis moins de deux secondes après, elle se souvint. Pas de tout hélas, mais des dernières heures en tout cas. Elle se trouvait donc au même point que la veille, dans la salle de repos de l’hôpital. Il était d’ailleurs curieux que personne ne soit venu la déranger. Mais ce n’est pas pour ça qu’elle ne reçut pas les regards étranges de ces “autres” présents lorsqu’elle se redressa doucement sur son siège en s’étirant un peu bruyamment.


Elle resta quelques instants assise en tailleur, à contempler le vide, au rythme des pulsations étranges dans sa tête et dont la tonalité s’était modifiée légèrement. Une étrange sensation d’ailleurs, un grésillement qui se répercutait sur l’ensemble de son corps, se calquait sur son rythme cardiaque ou elle ne savait trop quoi d’interne. Peut être que ce médecin avait raison et qu’elle finirait pas s’habituer, que ces maux douloureux finiraient pas s’éteindre.

Mais pour le moment ils étaient encore là, un peu comme une malédiction. Si elle avait relégué les questions du “pourquoi” et de son origine au fin fond de sa tête, la piqûre mentale qu’ils lui infligeaient l’empêchait aussi de bouger pour le moment. Sa tête bougea légèrement, dodelinant de gauche à droite, cherchant probablement des idées, des réponses, quelque chose à faire.
L’holonews débitait son flux de donnée habituelles, elle eut même la sensation que c’était les mêmes que la veille. En fait, ce n’était pas juste une impression, en quelques heures de sommeils, il ne s’était apparemment pas passé grand chose dans le reste du monde.


Et elle prit quelques secondes pour essayer de s’imaginer l’univers dans lequel elle avait échoué. Elle avait entendu des noms, vu des paysage qui ne collaient pas avec Roon. Des plaines, de l’eau, des cités désertes et parfois détruites. Elle fut alors prise d’un vertige et d’une envie de vomir violente tant tout cela la dépassait.
Elle se retint brusquement de tomber de sa chaise, fixant sa main sur le dossier du fauteuil d’à côté, essayant de retrouver le souffle qui lui manquait. Le simple fait d’imaginer cette immensité l’avait plongée en apnée, et lorsque l’air entra de nouveau dans ses poumons, ce fut comme une brûlure qui lui écorchait le corps et l’esprit.
Personne ne vint la soutenir, préférant fuir cet étalage d’angoisse, pensant sans doute qu’elle était ici pour se faire soigner. Soigner. Mais de quoi? Et puis, elle n’avait rien à dire à ces gens qui semblait la mépriser avant même qu’elle n’ouvre la bouche.
Les fréquences dans son cerveau se firent plus douce, presque respectueuse de son état, à la limite du réconfortant.
Alors elle en était là? Attendant sur un fauteuil abîmé au fin fond d’un hôpital lui-même au fin fond de l’univers, avec pour seule compagne, les douleurs qui lui ravageaient le cerveau.


Son regard quitta enfin l’écran, ramené à la dure réalité de la vie par son état de faiblesse et son estomac gargouillant. Elle chercha alors les fameuses boîtes noires bourrées de sucre, espérant qu’elles avaient été miraculeusement re remplie durant la nuit. Et c’est donc vacillante sur ses jambes qu’elle se leva doucement, luttant contre le vertige et le bruit.

La première fut bien évidemment vide, pillée par ses soins la nuit dernière, mais ce ne fut pas le cas des suivantes, dont elle dilua le précieux contenu dans un verre d’eau fourni par les distributeurs gratuits disséminés ici et là.
Elle touilla de longues minutes, au milieu de la pièce, réalisant à quel point elle se sentait collante et qu’elle avait froid.
Ses yeux louchèrent sur ses pieds. C’est sur qu’avec la pluie d’hier et le carrelage, sans compter la ventilation générale, elle ne risquait pas de se réchauffer. Sans boisson chaude en tout cas.


Mais ses poches restaient désespérément vides, et elle se voyait mal demander à quelqu’un de la dépanner d’un café. Elle avait clairement honte de sa situation et de ressentir de nouveau ce jugement sur elle. Alors elle repartit s’asseoir quelques instants pour finir son sucre dilué, s’avachissant une nouvelle fois sur le fauteuil abîmé où elle avait dormi.

Elle tapota ses orteils sur le sol pour chasser un fourmillement désagréable, puis alors qu’elle sentait son énergie se recentrer, elle entendit une voix derrière elle.


- Vous êtes encore là?

Néro cligna des yeux, se redressant subitement de s’être faite abordée ainsi. Elle trouva enfin son interlocuteur.
L’infirmière, sans sa blouse, les traits légèrement tirés de la nuit qu’elle avait dû passer à s’occuper de cas comme elle. Elle la fixait d’un air réellement surpris et Néro se sentit ouvrir la bouche plusieurs fois avant de réussir à exprimer une phrase intelligible.


- Euh… j.. j’ai nulle part où aller… et puis…


Elle agita de nouveau ses pieds sous ses yeux. Et la femme face à elle lâcha un léger rire.

- Oui...j’ai lu un peu votre dossier. Amnésie passagère liée à une intervention cérébrale non cicatrisée encore, c’est ça?


- Euh… ouais, un truc comme ça.


L’infirmière marqua un arrêt, scrutant Néro qui finissait son gobelet.

- Aucune connaissance ici? Pas de personne pour vous héberger?

Connaissance? Elle n’en avait aucune sur le monde qui l’entourait. On l’avait jeté sans rien, sans information. Elle avait juste le machin sur sa tempe et l’inscription sur son sweater. Cette question lui fit un peu mal.

- Non. On m’a laissé à l’astroport. je connais pas le nom des gars, je sais juste que je suis à Nunurra.


- C’est un début.

Néro lui retourna un regard morne. Un début bien maigre oui.

- Vous allez rester ici toutes la journée?

La jeune hocha la tête d’une manière un peu pitoyable.

- Si il pleut toujours, ouais...


L’infirmière regarda alors sa montre. Il était évident qu’elle avait mieux à faire que de rester là avec elle. Mais curieusement, au lieu de poursuivre sa route, elle marqua un léger arrêt, semblant réfléchir à quelques choses. Puis elle secoua légèrement la tête.

- Si vous restez là jusqu’à ce soir, j’ai peut-être une idée…

Néro inclina la tête sur le côté, puis la bougea lentement, d’avant en arrière. Elle n’avait rien de mieux à faire en l’état, pas d’idée même, alors que son cerveau semblait fonctionner à toute allure sur quelques sujets obscures.

Un silence gêné tomba sur la salle et l’infirmière finit par poursuivre sa route tandis que l’activité dans l’hôpital croissait doucement. Néro soupira bruyamment. Qu’est ce qu’elle aurait donné pour une douche.
Puis subitement, l’idée vint, un peu comme une évidence. Notamment parce qu’elle savait parfaitement où il y’en avait. Un fin sourire étira ses lèvres alors que les sons dans sa tête prirent une allure qu’elle aurait pu qualifier d’interrogative. Elle n’émit pas de réponse, mais l’idée d’une douche chaude lui redonnant des forces, elle sauta sur ses pieds et se dirigea d’un pas tranquille, mais déterminé, vers l’aile des consultations.

Et au fur et à mesure de son approche, elle réfléchissait à un plan. Non pas que l’endroit soit spécifiquement “protégé” mais il était évident que sans rendez-vous, elle risquait de se faire sortir sans état d’âme des locaux. Arrivée dans la salle d’attente, une brève observation orienta alors ses pensées. Elle avait un numéro sur un écran, des gens assis attendant leurs tours, et des journaux et magazines posés sur une table. Tout semblait donc bien s’imbriquer, hormis les bruits dans sa tête qui semblaient répéter leurs interrogations.

Pour se donner de la contenance, elle se saisit, un peu brusquement, d’un des magazines juste à côté d’elle, faisant mine de le feuilleter tout en gardant un oeil sur les personnes en attente d’être reçue.


Il se passa pas loin d’un bon quart d’heure, qu’elle occupa en lisant son magazine, posée contre le mur. Bien évidemment, elle n’avait pas choisi le plus simple à la compréhension, son contenu étant principalement axés sur l’économie. En fait, cela lui passa clairement au dessus, mis a part une nouvelle idée sur l’importance des fameux crédits qui lui manquaient cruellement.

Elle était en train de se perdre sur les graphiques étranges de la revue quand un mouvement attira son attention. Enfin. Quelqu’un venait de se relever, un peu difficilement, à l’appel de son tour. La jeune femme le suivit doucement du regard, le magazine légèrement levé au dessous de son visage.

Elle profita de l’ouverture de la porte pour regarder derrière, il n’y a avait qu’une seule infirmière, qui attendait le prochain patient. A priori, si elle attendait une petite minute, le duo se serait éloigné, libérant, elle l’espérant l’entrée.
Mais voir quelqu’un déambuler dans les couloirs, sans accompagnement ou contrôle, pouvait attirer des soupçons. Certes, la jeune femme était loin d’être une menace, mais les soins délivrés dans cet établissement ne semblait pas laisser de temps aux errances d’une pauvre amnésique.


Il fallait qu’elle parvienne à se donner une contenance, à faire diversion, à ne pas paraître perdue. Sur ce dernier point, elle savait où elle allait. Mais il fallait qu’elle limite le risque de se faire “attraper” durant son avancée.

En regardant un peu les autres personnes aux alentours, elle trouva enfin un plan d’action. Le bruit dans sa tête restait calme pour le moment, comme s’il attendait une explication, comme s’il observait. Aussi, elle décida de profiter de cette accalmie pour avancer. Sans plus attendre, elle attrapa un papier qui traînait sur une table à l’entrée. Il s’agissait d’un reçu, avec un montant en crédit affichait dessus. Elle le serra fermement dans ses mains, bien en évidence, et les yeux oscillant entre la lecture du papier, et l’esquive des infirmiers, elle commença enfin à remonter le couloir.

Elle se surprit d’ailleurs à retrouver assez facilement le chemin jusqu’à la chambre dans laquelle elle avait dormi la veille. Personne ne l’arrêta, surtout parce qu’elle esquivait toute forme de contact visuel en reportant ses yeux sur la note à moitié froissée entre ses mains. Et après quelques minutes de marche et de fuite aussi, elle se retrouva enfin devant la porte de sa chambre.

Elle attendit alors quelques instants, surprise de voir les bruits dans sa tête aussi serein, mais surtout pour attendre que tout le personnel médicale disparaissent de son champ de vision. Prudemment, elle se décida à entre ouvrir la porte.

A l’intérieur, le lit qu’elle avait jadis occupé n’était plus vide. Une personne, semblant dans un profond sommeil s’y trouvait. Aussi, elle se glissa prestement à l’intérieur de la chambre, en refermant silencieusement la porte derrière elle.

La personne allongée sur le lit semblait mal en point. Des tuyaux sortaient de ses bras, de son nez. Il y avait de nombreux moniteurs qui bipaient autour d’elle, surveillant sans doute la moindre défaillance dans ses signes vitaux.

Cette personne n’était d’ailleurs pas comme elle. Comme en témoignait les cornes sur son front et la couleur pourpre de sa peau. Elle se surprit à s’avancer vers elle, contournant lentement son couchage pour la regarder de plus près.
Elle ne savait pas qui il était, mais le spécimen masculin sous yeux n’avait pas remarqué sa présence.
Elle remarqua un document électronique sur la table de chevet, dont elle se saisit, sans trop savoir pourquoi. Une espèce de curiosité étrange sans doute, et qui la poussait à vouloir en savoir plus sur ce type dont la respiration était régulée par des machines.


Il n’y avait pas nom. Mais un...un… état des lieux de “lui”. Blessure par arme contondante juste au dessous de la cage thoracique, un pronostique vitale qui avait été engagé à son arrivée, quoi que cela veuille dire. Il sortait de chirurgie apparemment. Même si ce mot ne fit aucun sens dans la tête de la jeune femme. Un bruit léger se fit entendre dans son cerveau. Interrogatif. Comme elle. Elle ne parvenait pas à comprendre ce qui était arrivé à ce mec, mais elle se sentit légèrement mal pour lui. Alors qu’elle ne le connaissait pas. Mais une légère crainte l’envahit. Qu’avait-il fait pour se retrouver là? Le monde hors de l’hôpital était-il si dangereux?

Pourtant, elle, elle n’avait rencontré aucun problème, malgré l’ensemble de ses handicapes. Cela devait sans doute être autre chose… Elle resta donc quelques instants à observer l’homme allongé, à se laisser bercer par les bruits réguliers des moniteurs. Puis, elle se rappela enfin pourquoi elle était là.

Elle ne pouvait rien faire pour lui, et cela la désola quelque peu. Et c’est donc un peu pleine de regret qu’elle s’avança silencieusement vers la salle de bain. Avant d’y pénétrer, ses yeux se trouvèrent la télécommande de l’écran. Et elle ne sut pas pourquoi, mais elle alluma l’écran. Sans doute parce que son brouhaha interminable avait fini par la soulager de ses douleurs internes.


Puis alors que la surface électronique s’allumait sur un reportage culinaire, elle s’engouffra dans la salle d’eau.

Son cerveau grésilla, comme s’il venait de saisir le pourquoi de sa présence ici. Mais Néro essaya de ne pas y faire attention, et après s’être dévêtue rapidement, elle se glissa enfin sous la douche, qui fut salvatrice sur l’ensemble de ses muscles. Elle essaya de ne pas y rester trop longtemps, malgré la chaleur réconfortante du jet d’eau.

Elle prit ensuite un bon moment pour nettoyer ses cheveux, et les rassembler dans un immense chignon. Elle se sentait nettement mieux. Pas moins paumées, mais juste mieux. Lorsqu’elle sortit enfin de la salle de bain, l’homme étendu n’avait pas bougé. Évidemment, comment aurait-il pu? Et elle se sentit un peu mal de nouveau. Elle avait accaparé du temps des infirmiers et des médecins pour des soucis qui paraissaient nettement moins graves que ceux de ce mec.
L’infirmière avait raison, il fallait qu’elle sorte. Mais, elle lui avait aussi demandé d’attendre jusqu’à ce soir. Au moins, elle avait ses plans pour les prochaines heures.


Néro sortit donc de la chambre, non sans un dernier regard à la pauvre personne dont la vie semblait lié au fonctionnement des machines. Bon, au moins, plongé dans un sommeil aussi profond, il n’avait sans doute pas conscience de cela.
Et cela la ramena un peu à la tristesse de son état actuel. Elle, elle avait parfaitement conscience de son état. Et cela la miner un peu chaque jour. Moins que ces maux de têtes, mais un peu quand même.

Il y avait tant de chose qu’elle ne saisissait pas. Mais l’effet vivifiant de la douche la secoua un peu intérieurement. Il fallait qu’elle comprenne. Elle ne pouvait pas rester comme ça indéfiniment, comme une pauvre errante dans un hôpital où personne ne pouvait l’aider.


Elle se saisit donc à nouveau du papier et entreprit de refaire le chemin inverse, esquivant de nouveau les brancards, les infirmiers, les “patients” impatients et autres obstacles divers. Dans sa tête, c’était l’effervescence. Tant par ses pensées à elle, que par le boucan affirmé et toujours d’origine inconnue qui s’y produisait en permanence. Voilà une énigme. Mais pouvait-elle la lever?

Néro ralentit le pas, réfléchissant doucement. Des questions nouvelles venaient de jaillir dans son esprit. Elle avait prêté des traits incroyablement “vivants” à ses bruits. Et il y avait eu des réponses parfois. Ignorer cet aspect d’elle-même était plus pertinent qu’apprendre à le comprendre? Car clairement, après quelques jours passés avec cette radio déréglée dans le crâne, il était était évident qu’elle ne s’y ferait jamais. Plutôt que de lutter, ne pouvait-elle pas essayer de maîtriser ce phénomène.


Aussi dans le couloir, elle se mit à murmurer doucement, comme dans une expérience à l’issue incertaine:


- Calme toi. Tu me donnes mal à la tête.

Il y eu une succession de bip. Comme une excuse, et l’agitation diminua légèrement.
Et la jeune amnésique se figea sur place. Ce n’était pas la première fois que cet événement se produisait, à sa demande. Les probabilités que ce soit un phénomènes aléatoires devenaient par conséquent plus faible.


Aussi, quand elle sortit de l’aile des consultations, non sans avoir reposé le papier de facturation à sa place, elle se dirigea immédiatement vers les toilettes.
Elle profita du fait qu’elle soit seule pour quelques minutes pour se regarder dans le miroir. Chose curieuse, mais elle sentit que pour “accepter” tout ça, il était plus simple de se parler à elle-même, au travers d’un prisme extérieur, plutôt que dans le vide.


Elle recala une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille et se racla doucement la gorge.

- Ok...bon...tu m’entends?

Une distorsion aux tonalités affirmatives se réverbéra dans son crâne. Elle se massa immédiatement les tempes pour atténuer la douleur.

- Ho! moins fort. Je t’entends aussi. … t’es quoi au juste?

Une succession de bips et des bruits se fit ressentir. Mais hélas, elle ne comprit rien. Mais une chose était sûre. Quelque chose, à l'intérieur d’elle, cherchait à communiquer. Et il n’y avait qu’une seule chose qui la différenciait des autres êtres vivants qu’elle avait croisé jusqu’ici. Son implant.

Elle leva alors la main, face au miroir, comme pour demander la parole et couper court au bruit continu dans sa cervelle. Cela eut au moins le mérite de l’atténuer un peu.

- Ok. Je comprend rien. Va falloir qu’on trouve un moyen de…

Le bruit de la porte qui s’ouvrit la poussa à se taire et à prendre une posture neutre. Et comme pour se donner un peu de contenance, elle ouvrit le lavabo et commença à se laver les mains. Les grésillements n’avaient bien évidemment pas cesser, mais elle était incapable d’en saisir le sens.

Elle soupira bruyamment face à la glace et décida de sortir. Trop de questions tournaient dans sa tête. Et elle fut prise d’un léger vertige. Et dans un geste aussi inconscient que salvateur, elle se saisit d’un carré de sucre et le goba immédiatement.
Toujours dans un flux continu, elle prit doucement la directement de la petite salle où elle avait dormi. L’infirmière devait revenir d’ici quelques heures, autant être là bas.

En chemin, son regard se posa sur une femme qui tenait dans ses bras un petit être qui n’arrêtait pas de pleurnicher. Elle aussi semblait en grande peine à comprendre le minuscule humain.
Et d’autres questions apparurent. Déjà, qu’est ce petit truc qui criait? Il y avait un net air de ressemblance avec la dame qui le maintenait contre elle. Comme une version plus...petite d’elle-même.
La femme perçu son regard interrogateur.


- Désolé. Je n’arrive pas à le calmer. Les bébés sont un peu fatiguants …

Néro secoua alors la tête doucement.

- Y’a pas de soucis… vous savez ce qu’il a?

La jeune femme lui retourna un regard un peu étrange.

- Heu...je pense qu’il fait ses dents… enfin je suppose.

Elle ne comprit bien évidemment rien au sens de cette phrase, et elle se contenta de hocher la tête, ayant néanmoins eut un élément de réponse intéressant. Un bébé donc.
Elle n’avait pour le moment rien qui puisse lui indiquer le sens de ce mot, ce que cela impliquait. Mais dès qu’elle le pourrait, elle chercherait.


Elle poursuivit alors sa route, dans pour se soustraire aux hurlements désagréable que pour se poser quelque part pour réfléchir un peu.

Elle reprit donc sa place, en face des machines à café, et devant l’hononews. Elle fixa alors l’écran, à moitié perdue dans ses pensées, se demandant comment parvenir à comprendre le machin qui s’agitait frénétiquement dans sa tête. Comme ce bébé en fait. Le parallèle était d’ailleurs étrange à faire. Il s’agissait apparemment d’une chose immatérielle, qu’elle ne pouvait pas saisir ni observer. Mais pourtant, leur mode de communication était similaire. Et empêchait l’autre personne en présence de saisir ce qu’elle disait.

Sous la fatigue naissante, Néro relâcha la tête en arrière et s’avachit un peu plus sur son siège. Elle n’avait aucune idée de la marche à suivre pour avancer. Sa mémoire ne lui revenait pas, et le bruit persistait, même si elle se savait maintenant capable de le calmer. Ses mains glissèrent doucement sur son visage et elle soupira.
Et rien ne lui indiqua ce qu’elle devait faire maintenant.


L’infirmière la trouva assise en tailleur face à l’holonews, à moitié somnolente. Mais sa présence eut le mérite de sortir la jeune femme de sa torpeur passagère. Le membre de l’hôpital lui fit un léger signe de la main pour s’assurer de son attention, auquel Néro répondit en décroisant les jambes et en se redressant pour mieux la fixer.

- Salut… euh, ça va?

Néro hocha la tête.

-Euh oui, on peut dire ça comme ça.

L’infirmière répondit par un sourire un peu gêné. Puis elle sortit une feuille de son sac et la lui tendit.

- Tiens, ça fait plusieurs jours que je passe devant. Je me suis dit que… tu pouvais essayer de commencer par là…


Néro saisit la feuille et commença à la déchiffrer doucement. Apparemment, quelqu’un cherchait une plongeuse dans un bar. Et elle n’avait aucune idée du sens de ces mots. Elle releva alors son regard vers l’infirmière, cherchant une réponse.


- Euh… et qu’est ce que je dois faire?


L’infirmière refit un léger sourire.

- Y aller. Et demander le job. Au moins, ça te permettra de te faire quelques crédits.

- Ho! cool!


Et cela lui permettrait aussi de mieux comprendre la valeur de ce truc qui semblait régir ce monde.

- Donc, j’y vais, je dis que je veux… devenir plongeuse?


Son interlocutrice inclina la tête sur le côté.

- Oui. Le propriétaire, Blarnak, est un ami du docteur qui t’a reçu. Je lui ai un peu parlé, du coup, si tu y as rapidement, ça devrait être bon.

La tête de Néro se bougea doucement d’avant en arrière. Elle n’avait pas d’autres pistes de toute façon.
Elle reporta alors son attention sur le papier. Le Turbo Lum. C’était le nom du bar apparemment. Et tout en tenant le papier dans ses mains, elle poursuivit la discussion.


-Euh..je connais pas bien ici. Il se trouve où?

- Autour de la grande place. Celle que tu as dû traverser en sortant d’ici. Ils ouvrent le soir. Donc… théoriquement, tu devrais pouvoir commencer rapidement… et il ne pleut plus.

Oui, la pluie avait été un soucis. Notamment parce qu’elle n’avait toujours pas de chaussure, et que marcher sur un sol très mouillée ne l’enthousiasmait pas spécialement.
L’infirmière regarda sa montre et recula légèrement.


- Bon...j’espère que ça réussira. Je dois aller prendre mon service alors...bonne chance.

Néro regarda l’infirmière partir et subitement, elle se redressa sur son siège, interpella la femme qui venait de l’aider.

- Hey...euh...merci? Je crois que c’est ça qu’on dit non?

L’infirmière se retourna et lui fit un nouveau sourire, plus sincère. Elle hocha doucement la tête avant de reprendre sa route.

- Oui, c’est ça qu’on dit.

L’amnésique se retrouva alors de nouveau seule avec le bruit dans sa tête, ses yeux ne lâchant pas le papier froissé. Puis, elle soupira de nouveau. Mais si elle ne comprenait rien à tout cela, elle savait maintenant quoi faire. Ou aller. Enfin, en tout cas, pour obtenir des crédits. Elle verrait le reste après.

- Plongeuse au Turbo Lum. Ca sonne pas trop mal. Qu’en dis tu?

Un bip approbateur se fit entendre, la confortant dans son état d’esprit plus léger. Ce nouveau départ prenait un nouveau sens concret. Et elle pouvait désormais sortir d’ici sans errer péniblement dans les ruelles. Elle fourra le papier dans sa poche ventrale, puis, elle se dirigea vers la sortie.
Le soleil était bas sur la ville, la plongeant dans une lueur orangée élégante qui fit ressortir quelques unes des bâtisses hautes et ornés de tuyauteries diverses. Nunurra lui parut alors enfin comme réelle, comme une nouvelle opportunité. Elle n’avait pas résolu tous ces problèmes, loin de là, mais entre ça ou rester coincée dans l’hôpital, son choix fut vite faite.


- Bon, quand faut y aller…


Et elle s’avança dans le crépuscule au travers des ruelles ornées de néons.






Néro

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Néro
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Dim 27 Oct - 11:43
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La pluie avait cessé, mais le sol n’en restait pas moins humide. Ce que Néro sentait parfaitement contre la plante de ses pieds. Ces chaussettes, vaguement nettoyées lors de son passage à la douche, perdraient de nouveau leur couleur d’origine, en espérant que ses orteils ne passent pas au travers d’ici là.
Une brume commençait aussi à envahir très légèrement les rues, mais, contre toute attente, il ne faisait pas spécialement froid dehors. Il y avait peu de vent et c’était comme si les nuages surplombant la ville gardaient précieusement les quelques calories de cette journée grise juste au dessus du sol.
Néanmoins, cette ambiance tamisée était légèrement suffocante. Et pour se soustraire tant à l’air épais qu’aux regards des passants, qui la dévisageaient toujours sur son passage, Néro s’enfonça dans sa capuche et remontant son écharpe sur son nez.


Les rues se ressemblaient toutes à ses yeux, et elle eut momentanément du mal à s’orienter. Elle marqua alors une légère pause en plein milieu d’une ruelle, se remémorant les paroles de l’infirmière bienveillante. De l’autre côté de la place. Une place, elle en avait traversé une. Elle ne savait bien évidemment pas si il existait d’autre endroit de ce type mais elle supposa que, étant la plus proche de l’hôpital (enfin elle l'espérait), il s’agissait bien de celle là.

La direction lui revint alors, sous les bruits rythmés des grésillements dans sa tête, qui semblaient commenter doucement son entourage, ou bien dire être autre chose, elle ne savait plus trop.


Ses jambes se mirent à marcher toute seule alors qu’elle levait les yeux tout autour d’elle, observant chaque bâtiment, chaque devanture, chaque panneau. Aucun mot ne lui était familier, aucune de ces constructions ne lui parla, et cela la désola quelque peu. Quand est ce que sa mémoire se déciderait à se débloquer? A lâcher enfin quelques bribes d’image, de son, de personne ou de lieu? Amnésie passagère hein? Mais plus les heures passaient plus la jeune femme sentait que c’était peine perdue et qu’elle vivrait dans le noir.

Elle pressa le pas, s’accrochant à ce bar dont on lui avait parlé, et qui pourrait peut être la faire avancer dans sa situation quelque peu désespérante. Elle s’arrêta au coin d’une ruelle, une carriole métallique émit un bruit strident pour l’arrêter dans son mouvement et la faire s’écarter du milieu de la route. Son regard se porta bien évidemment dessus. Quelque chose lui parla enfin. Pas le véhicule à proprement dit mais quelque chose de plus profond, comme si elle savait comment cela fonctionnait sans pour autant se l’expliquer. Néanmoins, toujours pas de flash, pas de souvenirs, juste une sensation, le fait qu’elle savait des choses à ce sujet. Sans savoir trop quoi non plus.

Le véhicule poursuivit sa route, et elle reprit alors la sienne, après être restée figée sur le trottoir comme la jeune femme perdue qu’elle était. Mais la luminosité déclinante, les lueurs éparses des rues la poussèrent à avancer. Elle ne se sentait pas spécialement à l’aise ici, sans doute parce qu’elle ne reconnaissait rien mais elle avait aussi la légère crainte que les portes du Turbo Lum se referment sur elle.


Après quelques minutes de marche, à esquiver les flaques pour ne pas aggraver son état, elle trouva enfin la place.Il y avait encore pas mal de gens dessus, qui allaient et venaient, descendant probablement tous de l’astroport où on l’avait abandonné, pour rejoindre ce fameux “chez soi” dont elle était dépourvue, mais qui avait néanmoins un sens. C’était peut être la seule chose d’ailleurs.

Elle s’avança alors sur l’immense esplanade, qui avait au centre une espèce de construction centrale autour de laquelle s’articulait un tas de chemin et surtout qui était encadrait d’un certain nombre de bâtiment aux devantures fluo.
Si elle avait de bon yeux, certaines étaient trop lointaines pour qu’elle les lise avec certitude. Elle soupira et fourra ses mains dans sa poche ventrale.


- Bon, je pense qu’on est bon pour faire le tour.

“On”. Voilà une chose étrange, mais puisque ce machin qui occupait sa tête l’entendait, faisait même littéralement partie d’elle, le mot sortit avec naturel. Sans doute pour ne pas forcer son esprit à tourner dans une impasse. Accepter cela était sans doute le meilleur moyen pour soulager son cerveau surchargé.

Elle longea donc les bords de la place, leva les yeux sur chacune des inscriptions devant laquelle elle passait. Motel, hotel, bar, des noms exotiques aussi, uniques et incompréhensibles bien évidemment.
Mais elle s’en fichait. Elle savait ce qu’elle cherchait et elle se concentra fermement dessus, laissant les distorsions “s’extasier” seules.


A la moitié du chemin, elle se fit alpaguer par un type qui lui réclama quelques crédit, avachi à même le sol contre le mur d’une bâtisse.
Elle le regarda en secoua négativement la tête, puis en sortant les mains de ses poches, paumes ouvertes, espérant qu’il comprenne qu’elle n’en avait pas plus que lui. Puis afin de clore la discussion, elle lui lâcha, la voix un peu ironique :


- J’ai même pas de chaussures, alors des crédits…


Avec les quelques heures passées dans la salle à café de l’hôpital, ce mot devenait moins abstraits. Elle avait au moins compris qu’il s’agissait d’un échange : on donnait des crédits pour avoir quelque chose en retour. Donc sans, on avait rien. De plus, la quantité de crédit semblait avoir une importance, enfin elle le supposait. Mais tout cela finirait bien par s’éclaircir si cela était si important que ça en avait l’air.

Dans la suite de son tour, elle prit soin de s’éloigner de chaque personne jonchant les recoins. S’ils lui parlaient, elle sentait qu’elle ne saurait pas quoi répondre. Et certains n’avaient pas l’air aussi l’air bienveillant que le personnel hospitalier.
Un bruit strident s’agita alors dans son cerveau, lui faisant de nouveau plus se préoccuper des bâtiments que des gens. Apparemment, le machin dans sa tête avait perçu quelque chose qu’elle n’avait pas encore vu et… c’était le Turbo Lum.


Il était là, sa devanture criarde éclairant néanmoins assez mollement le coin où il se trouvait, la brume absorbant une partie de son rayonnement.

Elle resta devant quelques secondes, son cerveau, le sien cette fois, s’agitant dans tous les sens. Elle avait beaucoup de questions, sans réponses, et elle ne savait bien évidemment pas par où commencer. Quoi dire? Quoi faire? Qu’est ce qu’on allait lui demander? Est ce que le fameux travail de plongeuse était toujours libre?
Au final, toutes ces questions lui permirent de construire un espèce de plan d’action. Elle avait le nom du gars, du boulot, elle n’avait qu’à demander en quelques sortes. En espérant que l’infirmière ait en effet parlé d’elle avant.
Elle eut néanmoins du mal à faire les derniers mètres jusqu’à la porte. Déjà, parce que les distorsions dans sa tête criaient fort, ensuite parce que...bah, elle n’avait jamais fait ça. Elle prit les problèmes les uns à la suite des autres.


- Hey! Moins de bruit, comment veux tu que je parle à quelqu’un si tu me tords la cervelle comme ça! Calme! calme.


Les bruits mirent un moment à ce calmer, proférant d’autres sons qui n’avaient toujours pas de sens. Mais ils finirent pas se mettre en retrait. Et le soulagement provoqué par ce silence léger lui permis de faire les derniers pas. Il était temps de passer à son deuxième problème.
Elle posa ses mains sur les arceaux ornant les portes et les poussa doucement.


Il n’y eut aucun bruit quand elle rentra, mais de nombreuses paires d’yeux, très nombreuses, se posèrent sur elle. Voyant qu’elle ne bougeait pas de l’entrée, une femme, plutôt jeune, dont la tête était ornée d’immenses tentacules s’approcha d’elle et lui fit un grand sourire.

- Bonjour! Si c’est pour boire, tu peux te choisir une table et m’appeler quand tu auras choisi!

Néro inclina la tête sur le côté, comme si elle lui avait dit quelque chose dans une langue inconnue, ce qui était quand même un peu le cas. Elle se racla la gorge, et le temps de formuler une réponse qu’elle espérait pertinente dans sa tête, elle défit l’écharpe autour de son visage, la laissant retomber sur ses épaules.

- Euh… c’est pour… pour le boulot de plongeuse.

La jeune femme en face d’elle cligna des yeux quelques secondes, semant un léger doute dans la tête de Néro qui se demanda alors si sa réponse était bonne. Puis la jeune femme hocha finalement la tête, non sans l’avoir dévisagée assez lourdement, s’arrêtant quelques secondes sur ses chaussettes.

- Ah. Oui. Reste là, j'appelle le patron.

Elle se retourna et se dirigea vers un type massif derrière le bar, dans une discussion agitée avec quelqu’un devant lui. Elle entendit clairement la jeune femme lui parlait d’une “meuf chelou” qui était là pour le “job”.
La meuf chelou, cela devait être elle. Et Néro sentit sa bouche se tordre, se doutant que ce qualificatif ne devait pas être très élogieux. Elle se balança sur ses jambes, cherchant à ne pas rendre trop évidente la gêne qui l’envahissait tandis que nouveau, de nombreuses personnes la fixaient.


Le “patron” fronça d’abord les sourcils lorsqu’il croisa son regard. Puis il contourna l’immense meuble derrière lequel il se trouvait pour s’approcher lentement d’elle. A quelques centimètres d’elle, il s’arrêta, la dévisagea de nouveau, puis le regard plus que suspicieux, sa voix rocailleuse se fit enfin entendre.

- Pour le job donc?

Néro retint un bafouillement et déglutit lourdement.

- Euh oui, à l'hôpital, on m’a dit que…
- Ah! Oui! J’me rappelle. Stacy Jones m’a rencardé.

Il porta un fin pic de bois à sa bouche et poursuivit ses questions, tandis que la jeune femme retrouvait un léger souffle au travers de ses épaules.

- C’quoi ton nom d’jà?
- Néro.

Il souleva alors l’une de ses larges mains et lui fit signe de le suivre.

- Alors Néro, t’sé en quoi consiste le job?

L’amnésique grimaça.


- Euh...non.

Son regard fut marqué par la surprise, mais sans intention mauvaise apparente. Une vraie surprise, celle de constater qu’elle ne savait pas une chose aussi évidente que ce qu’était le boulot de plongeuse.


- Euh… t’vas te charger de la plonge, la vaisselle, le nettoyage. On va dire que t’es à l’essai pour cette semaine. Si ça le fait, j’te ferai un contrat.

Néro retint une nouvelle grimace, sentant les grésillements dans sa tête reprendre de plus belle, mais surtout sa compréhension de la situation lui échapper complètement. Aussi, elle finit par hocher la tête, murmurant un vague “ok” mal assuré. Dans quoi est ce qu’elle venait de se fourrer?

- Moi c’est Blarnak, la miss la bas, c’est Shiri, notre serveuse “animatrice”. Elle va te montrer où tu vas bosser.
Puis il marqua un léger arrêt.

- T’as perdu tes chaussures?

Néro baissa les yeux sur ses pieds, dans un réflexe un peu étrange. L’humidité sur ses chaussettes lui rappelait à chaque seconde qu’elle en était dépourvue, mais il lui manquait les mots pour l’expliquer.

- Euh...ouais.

- H’reusement que t’es à l’arrière pour c’soir.

Il y avait un léger reproche dans sa phrase, mais le dit Blarnak passa vite à autre chose en hélant la serveuse, laissant Néro encore avec une sensation de gêne très intense.
Shiri, puisque sa première interlocutrice s’appelait comme ça, revint alors vers eux, après avoir déposé plusieurs contenants sur une tables où se trouvait deux types dont l’attention s’était reportée sur l’écran mural de l’immense salle centrale.


- Elle s’appelle Néro.

La serveuse inclina la tête et lui fit un sourire.

- On va la prendre à l’essai cette semaine. Montre lui l’arrière, les cuisines, et expliques lui ce qu’elle devra faire. Enfin, comme d’hab.

La patron se tourna de nouveau vers elle.

- Juste un conseil, casse rien et te barre pas avec la première personne venue.

Puis il retourna derrière son espèce de comptoir, laissant Néro et ses yeux écarquillés face à la serveuse. Elle n’avait rien compris sur la dernière partie de sa phrase. Elle ne connaissait personne, pourquoi partir avec? Son regard se porta alors sur Shiri qui la fixa avec un sourire pincé, ses lèvres articulant dans le vide une phrase ressemblant à un “je t’expliquerai”. Puis, prenant son plateau à une seule main, elle lui fit un léger signe de tête, lui indiquant apparemment une salle qui se trouvait derrière, à l’abris des regards.

- Bien, suis moi… et euh… il est arrivé un truc à tes chaussures?


Et Néro soupira.

----
La jeune femme observa “l’arrière” avec un réel intérêt. Si, bien évidemment, aucun souvenir ne lui revint, tout ce que lui expliquait Shiri avait néanmoins un sens dans sa tête. Et puis le fonctionnement des quelques appareils et le mélange des produits à utiliser pour le nettoyage lui parurent terriblement...cohérents. Donc voilà à quoi correspondait le boulot de “plongeuse” : nettoyer la vaisselle sale, tenir la cuisine à peu près propre, ainsi que tout le bar d’ailleur.
Elle se contenta donc de hocher la tête à chaque information que lui fournissait Shiri, marquant sa compréhension sur le “comment faire pour s’acquitter au mieux de sa tâche”.

- Il y’a un pic en général, qu’on appelle le rush entre 20h et 22h où il va falloir que tu sois très réactive, car on général on débite pas mal, et avec la casse, on peut vite arriver à manquer d’assiette ou de verre.

La serveuse rajouta ensuite à voix basse :

- Et puis Blarnak est un peu radin, il a pas encore racheter suffisamment de matos depuis la dernière bagarre….

Néro leva un sourcil devant les nouveaux concepts qui se présentaient à elle. Radin, bagarre. Racheter aussi, mais si elle finit par faire un lien avec les crédits.
Shiri se lava alors les mains au lavabo et fini ses explications :


- Pour tes horaires, je dirais qu’on à besoin de toi jusqu’à minuit. Le bar est fermé jusqu’à midi ensuite, mais il y’a généralement peu de personne, surtout depuis que la machine à café ne fonctionne plus. Le cuistot, Alphonse, devrait arriver d’ici une demie-heure. Essaie de pas le gêner quand il travaille…

Ils seraient donc deux à l’arrière. Mais l’amnésique se dit que cela serait nettement jouable. Elle n’était pas du genre à prendre trop de place et elle serait sans doute très concentrée sur ses activités. Elle hocha de nouveau la tête sous sa capuche.

- Tu as un tablier là pour pas te salir. Tu as des questions?


Néro en avait bien évidemment. Certaines dont elle allait bientôt trouver le sens et qu’elle passa sous silence, mais il en restait d’autres. Elle débuta alors par son traditionnel hésitement sur la formulation.

- Euh...et..euh, en ce qui concerne les crédits?

Shiri lâcha un léger rire :

- Tu es à l’essai, donc pour le moment pas de paie fixe, je peux pas te donner de montant. Mais tu vas sans doute récupérer une parti des pourboires, selon le monde qu’on aura ce soir. T’attends pas à des milles et des cents hein! Mais faut d’abord qu’on détermine si tu fais l’affaire ou non…


- Ah...ok. Et sur cette histoire de se “barrer avec la première personne venue”?

Un nouveau rire s’échappa des lèvres de la serveuse, qui tout en rajustant sa tenue, lui donna une réponse succincte :

- La précédente plongeuse est partie avec un client. Sans vraiment nous prévenir. Du coup, c’était un peu le foutoir ces derniers jours… Bon, je dois retourner en salle, on se revoit à la fin de ton service?


- Euh oui, à plus du coup.

La jolie serveuse disparu à nouveau en salle sous le regard un peu vide de Néro. Elle ne savait toujours pas dans quoi elle s’était fourrée, mais au moins, elle résoudrait la question des crédits par cette soirée, et les suivantes si elle respectait bien toutes les consignes. Rien d’insurmontable donc. Les vibrations dans sa tête prirent une allure interrogative. Apparemment, ce truc avait aussi des questions, mais qui resteraient sans réponse, faute de compréhension. Néro essaya de couper court en enfilant le tablier. Elle n’avait pas vraiment de vêtement de rechange, autant éviter le pire.
De là où elle était, elle voyait une partie du bar et de la grande salle, certains recoins lui étant néanmoins masqué. Elle aurait au moins le loisir de voir passer les gens, et d’entendre pas mal de chose aussi. En espérant que cela lui apporte quelque chose sur la compréhension de ce monde.
Son regard se posa alors sur des verres qui trainaient non loin, sur le petit espace dédié à la vaisselle sale et, après avoir rajusté sa capuche sur sa tête, elle les saisit.

- Bon, bah c’est parti.

Un bruit enthousiasme retentit au fond fin de son cerveau, auquel elle ne répondit pas, prenant en main l’immense appareil permettant d’effectuer un nettoyage rapide.
En fait, sa tâche lui parut rapidement répétitive : prendre ce qui était sale, les charger dans la machine-vapeur, mettre un peu de produit, lancer la machine, attendre, sortir la vaisselle, et les mettre à disposition. L'intérêt de cette tâche était donc très limité, mais au moins cela lui occupait l’esprit, lui permettant d’éviter de se replonger dans ses réflexions sombres sur sa situation.

Le cuisinier arriva un peu plus tard que prévu, un peu énervé d’ailleurs. Elle l’entendit râler auprès du patron sur des soucis de transport, un échange inintéressant suivi, puis Blarnak lui signala sa présence. Le cuisinier répondit par la surprise :


- Ah bon, t’as trouvé quelqu’un?
- Elle est à l’essai mais déjà en poste.

Alphonse émit un grognement.

- bah j’espère qu’elle est pas trop casse-c*****
- C’est plutôt le genre discret de ce que j’en ai vu.

Le silence tomba, troublé par le brouhaha de la salle et le bruit de pas dans sa direction. Néro se décida à lever les yeux vers le cuisinier lorsqu’il entra dans son champ de vision. Il lâcha, sans préambule :

- C’est toi la nouvelle?

- Euh...ouais.

Il la toisa quelques instants et la jeune femme se sentit incroyablement gênée.Il avait les sourcils froncés, les bras croisés, et, s’attendant à une remarque désagréable, elle baissa légèrement les yeux.

- C’est quoi ton nom?
- ah..euh...Néro.
- Alors écoute bien Néro, ta zone s’arrête là où la mienne commence. Pas touche au cuisine, capish?

Le visage de Néro refléta une légère surprise. Shiri avait sans doute omis le caractère un peu sec de ce personnage. Et elle se sentit subitement las, regrettant alors la bienveillance de l’infirmière de l’hôpital. Elle secoua la tête en signe de compréhension, et le cuisinier s’apprêta à la dépasser quand il s’arrêta subitement à son niveau.

- La capuche et les chaussettes, c’est pour le style?

La bouche de Néro se tordit alors dans une grimace fatiguée. Sec et désagréable donc. Il était certain qu’elle garderait bien ses distances avec sa précieuse cuisine pour qu’il la laisse en paix.

- C’est parce que j’ai froid.

Le bip de la machine-vapeur coupa court à l’échange et Néro se détourna immédiatement du cuisinier pour revenir à sa tâche. Et après quelques secondes, Alphonse entama enfin la sienne, libérant la jeune femme de son regard oppressant. Un certain nombres de mots désobligeant germèrent alors dans son esprit pour qualifier ce type. Et son choix se porta sur “connard”, qui lui paru en adéquation parfaite avec son caractère irritant.
Comme quoi, l’interieur froid de l’hôpital restait le meilleur endroit où elle était passé pour le moment. Ce qui était un comble en fait. Il fallait qu’elle se rende à l’évidence, il n’y avait pas que de personnalités sympathiques dans cet univers.
Et si il y avait mieux, il y avait aussi forcément pire et elle se sentit déglutir à cette image, souhaitant vraiment ne jamais les croiser.
Une légère panique l’envahit alors. Elle ne se sentait clairement pas prête à affronter tout cela. Elle pourrait tout lâcher, retourner à l’astroport, se barrer d’ici. Ses mains se serrèrent violemment sur son chiffon jusqu’à ce que ses jointures blanchissent tandis qu’elle essayait de respirer calmement.

C’était la première fois, la première fois qu’elle avait un travail, qu’elle avait des interactions un peu poussée avec des gens. Elle parviendrait sans doute à s’y habituer, mais pour le moment, elle était désemparée. La quantité d’interrogation dans son esprit croissait, son malaise avec. Et surtout, elle ne parvenait pas à se projeter plus loin que la prochaine seconde.
Elle expira longuement. La prochaine seconde, puis après la prochaine minute, la prochaine heure elle ferait ça pas à pas. Il fallait qu’elle avance, elle n’avait pas le choix. Et elle n’avait pas trouvé de trou où se tapir en attendant que sa mémoire se débloque et que les douleurs cessent. Car les bruits étaient revenus, plus violents, notamment en réaction à la présence du cuisinier. Mais elle choisit de voir les choses du bon côté : ils étaient probablement deux à avoir une mauvaise impression sur ce gars en cuisine…


Le temps passa assez vite jusqu’au début du Rush. Apparemment, son patron jugeait pertinent de leur promulguer un espèce de discours inspirant mais qui n’atteignit pas le cerveau alambiqué de Néro. Elle nettoyait des trucs, elle n’était pas en train de sauver le monde ou de faire quoique ce soit d’extraordinaire. Mais Shiri et Alphonse l’écoutant sans broncher, l’air concerné, elle choisit de masquer son absence d’émotion et hocha de nouveau la tête. Elle avait l’impression d’avoir passé la journée à faire ça, son cou s’étant légèrement tendu à force. Mais étant en position de faiblesse, autant mettre en avant cette discrétion par laquelle Blarnak la définissait.

Les deux heures qui suivirent furent intense, surtout physiquement. Le rythme était soutenu et elle n’avait clairement pas le temps de se reposer, mettant alors précieusement à profit les temps de lavage pour anticiper ses actions suivantes. Voila, elle arrivait enfin à voir plus loin que la prochaine seconde. C’était une avancée. Une progression légère jusqu’à la minute, mais elle se sentit.. efficace, un peu plus à l’aise avec sa tâche à force de répétition.
Organisée. Rapide. Ces mots résonnaient avec une connotation positive dans sa tête et cela lui fit du bien. Une perception d’elle-même encourageante qui lui permis de tenir malgré les douleurs dans ses bras et ses jambes.


Lorsque le rythme redescendit doucement, elle souffla quelques instants, tirant sur ses épaules et ses avants -bras. Qui aurait cru que faire la vaisselle lui demanderait autant de ressource? Pas elle. Pas le bruit dans sa tête qui n’avait pas arrêté de “chantonner” de façon régulière dans un espèce d’encouragement étrange.

Alphonse avait été fatiguant aussi. Elle l’avait entendu marmonner, maugréer, insulter sa pauvre cuisinière, se plaindre sur l’absence de matériel satisfaisant afin d’exercer pleinement son “art” comme il disait. Mais l’absence de réaction de Blarnak non loin lui fit penser que c’était régulier comme comportement. Et elle étouffa un soupir. Endurer ce type désagréable serait plus une épreuve qu’empiler des assiettes à grandes vitesses.

Lorsque la vaisselle n’arrivait plus que par de rares blocs, Shiri revint alors de son côté.


- Ca a été?

Son temps légèrement inquiet fit relevé une main à la jeune femme, dans un signe qu’elle voulait positif.


- Faut que je m’habitue, mais ça allait. Euh...et...toi?

Néro se surprit à poser cette question. Elle ne savait pas si cela l'intéressait vraiment, mais ça lui paru naturel de poser cette question.

- Oui, plutôt. Les clients les plus lourds n’étaient pas là. Mais on a fait une bonne soirée si ça t'intéresse. Et t’as rien cassé.


Néro inclina la tête sur le côté. Oui, elle avait scrupuleusement respecté chacune des consignes qu’on lui avait assigné. Alphonse grogna dans son coin avant de revenir vers eux.

- Bon, j’ai fini moi. J’rentre.


Bien évidemment, à son regard, Néro devina qu’il lui réservait une remarque désagréable.

- Et oublie pas de passer la serpillère. Correctement.

Puis, après avoir donné à Shiri une accolade d’au revoir, il récupéra ses affaires et disparu enfin. Néro lâcha un soupir.

- Ca a pas été trop dur avec lui?

Si. Ca l’avait été. Mais comment l’exprimer? Etait-il bon de l’exprimer? Curieusement, le grésillement dans sa tête prit une tonalité plus grave. Tant qu’elle n’avait pas les bons mots, il fallait mieux éviter.

- Il est...compliqué. Mais ça va. Enfin je crois…

Shiri lâche de nouveau un rire, qui était décidément une caractéristique chez elle.

- Compliqué...oui, on peut dire ça de lui. Mais il cuisine pas trop mal par rapport à d’autres bar. Tiens, doit y avoir des restes, tu en veux?

En fait, l’estomac de Néro avait commencé à gargouiller il y’a très longtemps. Mais avec la concentration, elle avait complètement oublié. Cependant, ce rappel raviva sa faim, et elle sentit sa tête bouger lentement.

Quelques minutes plus tard, elle et Shiri s’étaient improvisé un table de repas, et si l’odeur de la nourriture face à elle était plutôt bonne, elle galéra à avaler quelques bouchées. Cela manquait de sucre à son goût.
Mais ce problème fut rapidement résolu lorsque la serveuse sortit deux portions de gelées fruitées qui achevèrent alors sa faim. Elle aimait vraiment ces trucs.
En finissant son dessert, la serveuse débuta une nouvelle conversation.


- T’habites où du coup?

Néro posa sa cuillère et s’étira avant de formuler sa réponse.


- Nul part.
- euh? Comment ça?
- On m’a posé ici y’a quelques jours. Je suis arrivée avec rien. Et je connais personne ici.
- Mais...t’as dormi où? Dans la rue?
- A l’hôpital. Je suis allé là-bas parce qu'apparemment, j’ai un espèce de traumatisme crânien ou un truc du genre et je….euh… j’ai des petits soucis du coup.

La fluidité de l’échange se perdit. L’amnésique avait du mal à exprimer ce point avec cette nouvelle personne, sans trop savoir pourquoi. Sans doute à cause de cette sensation de malaise qui vint lui saisir le ventre d’une façon inattendu.

- L’hôpital? Genre, t’as une chambre la bas?
- Nan, je dors sur les fauteuils de la salle d’attente.
- Quoiii? Tu sais qu’il existe des môtels pas trop cher et plus confortable?
- ah...euh...non.

Elle ne savait pas ce qu’était un môtel, et cet aveu lui déchira l’intérieur. La tête que tirait Shiri en disait long, tant sur sa surprise que sa considération au sujet de la nouvelle plongeuse.

- La vache! Ta tête a dû cogner fort…

Néro ne sut pas quoi répondre à cela et la conversation mourut face à son silence. Puis le regard de la serveuse se porta sur l’horloge.

- Ca va être la fin de ton service. Je dois aller finir le mien. Bonne nuit Néro, à demain! Oublie pas de passer voir le patron pour ta paye.

Néro leva la main avec un sourire un peu triste de voir ce premier échange se finir aussi abruptement. Elle n’avait rien dit de mal, mais apparemment sa situation était la cause du malaise global qui avait envahit la pièce.

- Ouais, bonne nuit.

Les deux femmes se séparèrent et Néro se rapprocha du bar pour voir le patron. Celui- ci était en train de servir les dernières bières mais capta immédiatement sa présence.

- Euh...bon, j’ai fini du coup.
- Ouais, y’a pas d’heures sup’ ici. Bon, pour ce soir, t’as géré. C’est bien.

Elle le vit tapoter des choses sur la machine devant lui, puis il lui tendit une carte.

- Tiens, tes crédits pour ce soir. J’t’attend demain pour midi pour le nettoyage.

Néro saisit la carte, la dévisageant brièvement. Voilà donc enfin à quoi ressemblait ces fameux crédits. C’était, un peu une déception pour quelque chose d’aussi important. Puis Blarnak reprit sa tâche, après lui avoir lâché un “bonne soirée” qui se voulait convivial. Et la tête un peu baissé, rempli d’incompréhension sur le déroulement de cette soirée, elle poussa de nouveau les portes du Turbo Lum pour retourner vers l’hôpital, n’ayant pas d’autres endroits où aller.

Dehors, ce fut un froid humide qui l’accueilli.



Néro

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Profil du personnage
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Néro
Mécano | Pirate
Ven 10 Jan - 20:59
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Les urgences nocturnes commençaient à gagner en activité lorsque Néro rejoignit enfin l’immense bâtisse grisâtre qu’était l’hôpital. Et la jeune femme ne comprenait en fait pas la cause de ce phénomène.  Généralement, quand le soleil tombait, elle se sentait fatiguée, et dormir devenait rapidement la seule option envisageable pour s’occuper. Elle avait d’ailleurs constaté que la majorité des commerces étaient fermés lors de sa traversée. Mis à part quelques établissements portant la mention “club” ou “bar”, comme le Turbo Lum. Alors, une fois dans le hall d’entrée,  elle prit quelques instants pour regarder les personnes, souvent couchées sur des brancards médicalisées pour saisir quelque chose à cette étrange situation.
Les blessures étaient sales pour la plupart, soit des plaies béantes, sans doute faites par des couteaux comme ceux qu’elle avait en cuisine, soit des traces noircies mais très douloureuses vu les visages tirés de leur porteur. Mais mis à part ce constat, elle n’obtint pas vraiment d’explication, le personnel médical lui demandant de dégager le passage rapidement lorsqu’elle s’approchait.

Elle eut alors une sensation étrange, comme si le monde qui l’entourait était empreint d’une certaine violence qui lui était étrangère. Et curieusement le bruit dans sa tête semblait observer comme elle puis émettre des sons interrogatifs sur ce même sujet. Elle crut même l’entendre articuler quelque chose, mais cela devait sans doute être dû à sa fatigue, ou au bruit ambiant. Elle l’ignora, ne sachant pas trop quoi faire de cela.

Laissant finalement les urgences faire leur travail, et sentant surtout une envie de se poser poindre dans son corps, la jeune femme reprit la direction de la fameuse salle dans laquelle elle avait dormis la veille.

Il y avait toujours une ou deux personnes qui y traînaient, le visage tracassé par d’autres choses. Et elle se rendit bien vite compte que son apparence globale offrait une certaine distraction à ces gens. Et cela la conforta vite dans l’idée de trouver des chaussures rapidement. Elle avait les pieds gelés en plus. Et la crasse du sol du bar où elle avait passé la soirée avait rapidement ternis de nouveau la couleur du tissu spongieux.


Pour se donner de la contenance, et ne pas fuir immédiatement vers les toilettes, elle fourra ses mains dans ses poches. Et ses doigts heurtèrent la mince carte contenant les fameux crédits gagné dans la nuit. Et bien évidemment, sa première idée fut de les utiliser pour se prendre quelque chose au distributeur
.

Elle se retrouva donc de nouveau face à la fameuse machine récalcitrante qu’elle toisa d’un air interrogatif. Il fallait qu’elle comprenne son fonctionnement, et la seule chose qui lui paru sensée fut de tapoter sur les boutons.
A chaque touche pressée, la quantité de crédit s’affichait, puis dans une seconde étape, l’appareil demandait combien de sucre elle voulait. La réponse était évidente. Après avoir pressé la touche d’une boisson aromatisée avec un logo de plante attrayant, elle monta la quantité de glucose au maximum. Puis, elle posa la carte sur le petit boitier noir sur le côté de l’écran.
Elle se retint de pousser un petit cri de victoire lorsque la machine s’activa enfin, lui ayant sans doute prélever les crédits. Mais elle ne pu s’empêcher de se balancer sur ses pieds avec un air de satisfaction. Au moins une chose qu’elle arrivait à enfin à accomplir.

Quelques secondes plus tard, un volet s’ouvrit dans un chuintement net, dévoilant la fameuse boisson fumante. La chaleur la réchauffa, et lorsqu’elle porta ses lèvres sur le gobelet, le goût la soulagea lentement. C’était pas mauvais. Peut qu’il manquait un peu de sucre, mais elle était déjà au maximum.

Alors elle capta les regards des autres personnes présentes, qui avaient regardé son manège devant la machine. Prise d’angoisses, Néro baissa la tête et partit s’asseoir plus loin, à l’écart. Décidément, elle ne se ferait jamais au regard des autres.

En tailleur, elle prit grand soin de passer ses pieds sous ses mollets pour la réchauffer et elle porta de nouveau son gobelet fraîchement acquis vers sa bouche. Une sensation de bien être la parcourut, et le bruit dans sa tête chatonna quelque chose qu’elle ne comprit bien évidemment pas. La douleur revint légèrement aussi, mais plus faible. A moins que cela ne soit à cause d’une certaine habitude d’avoir toujours le cerveau enfermé dans une cavité trop étroite. Elle ne répondit bien évidemment pas, relevant ses yeux vers l’écran qui diffusait les nouvelles.

Elle constata d’ailleurs que ce n’était pas les mêmes personnes, et les mêmes types d’informations qui étaient diffusées entre ici et le Turbo Lum. Et elle fit ses premières hypothèses, imaginant que les boutons de l’appareil contrôlant l’écran pouvaient permettre de changer l’image. Mais ici, il n’y en avait pas. Et elle resta figée devant les informations, certaines qu’elle connaissait déjà, d’autres non, tentant d’assimiler ce qu’elle pouvait de ce mince support.


Puis, après avoir fini sa boisson, les bruits commencèrent à s’entremêler. Ceux dans sa tête bien sûre, puis ceux des informations, et ceux de l’hôpital. Ses yeux la piquèrent légèrement, et tous les signes de la fatigue lui tombèrent dessus. Elle bailla, puis après avoir jeté un œil à l’heure, constatant que la nuit était très avancée, elle s’allongea de nouveau entre deux fauteuils, en boule. Théoriquement, elle se réveillait toujours assez tôt, et donc avant la reprise de son service au Turbo  Lum. Et c’est finalement sans inquiétude à ce sujet qu’elle ferma les yeux, l’ensemble des voix autour d’elle se taisant au même instant.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, ce fut parce qu'elle sentit de nouveau une main sur son épaule. Et elle cligna plusieurs fois des yeux pour que l’image soit moins floue. L’infirmière, elle était de nouveau là, face à elle, le visage marqué d’une certaine inquiétude.

Néro se redressa lentement, lançant un léger bonjour, qu’elle perçut en léger écho dans sa tête, ce qui la perturba légèrement. Est ce qu’elle avait bien entendu? Au fond de la salle, sur l’écran, le présentateur fit de même, et la jeune femme se dit que c’était la cause de cette sensation étrange.


L'infirmière fronça les sourcils et entama alors la discussion, d’une voix un peu plus dure qu’à l'accoutumée.

- Encore là?

Néro cligna des yeux avant de les plisser. Comment cela encore? Et voyant son regard un peu perdu, la médecin poursuivi.


- ça s’est mal passé au bar?

Néro hocha vivement la tête dans un non d’abord muet, qu’elle explicita par la suite.

- Non, non. Je pense que ça..s’est bien passé.

Elle n’en avait aucune idée en fait. Mais la patron l’avait invité à revenir, il lui avait dit qu’elle avait géré. Elle n’avait eu aucune inquiétude sur ce sujet, et par conséquent, elle ne comprenait pas celle de l’infirmière qui croisa les bras devant elle.

- Qu’est ce que tu fais là encore?
- J’ai nulle part où dormir
- Il y’a des motels tu sais, des lieux plus confortables, si tu as quelques crédits.

Oui, elle savait cela, sans pour autant avoir utilisé cette information.  Elle déplia alors son corps pour s’asseoir plus convenablementt.

- Ici c’est bien aussi non?

Et sur cette réponse quelque jugeait comme anodine, elle vit l’infirmière secouer négativement la tête. Et Néro la fixa l’air surpris.


- Quoi? Qu’est ce que j’ai fait?
- Rien. Et c’est ça le problème.

La jeune femme ouvrit de grands yeux interrogateurs, et elle sentit de nouveau un espèce de “bonjour” poindre dans sa tête, entre plusieurs bruits stridents.

- Le problème? Je...comprend pas.

L’infirmière soupira alors bruyamment.


- Ce n’est pas un lieu où les gens sont censés rester pour...dormir. On soigne ici. C’est une salle d’attente. Attente tu comprends?
- Et je peux pas dormir et attendre de retourner au bar?

Un nouveau soupir parcouru le corps de son interlocutrice et affichait à ce moment un air très contrarié.


- Non.
- Mais pourquoi?

- Ecoute, il y’a un moment ou tu devras te débrouiller toute seule non? Genre trouver un endroit ou dormir, un appartement, acheter de quoi manger, des chaussures aussi.
- oui, ça je sais.
- Mais tu es toujours là. Il faut que tu sortes. Que tu te débrouilles. Les gens seront pas toujours là pour t’aider.

Néro ne comprenait plus rien. Et cela dû se lire sur son visage. Ses sourcils et sa bouche se contractèrent quelques instants dans le vide. Elle ne savait pas quoi répondre. Pourquoi devait-elle partir alors qu’elle se sentait en sécurité ici? Qu’elle avait eu des contacts bienveillants, qu’elle avait reçu de l’aide.

- Je..je...ne comprend pas. Pourquoi je devrais partir? Est ce que je pose problème?
- T’es sérieuse? Tu ne vois pas le soucis?
- Non.
- Tu as eu de la chance jusqu’ici. Tu as reçu de l’aide.
- Oui. Merci d’ailleurs.
- Mais maintenant tu dois reprendre ta vie.

Et là, l’étendue du problème lui apparut. La vie, reprendre sa vie. C’était ce que le gens normaux faisaient, mais apparemment elle n’était pas normale. Et son coeur se serra à cette découverte. Elle savait qu’elle avait des choses qui lui manquaient, mais de là à reprendre quelque chose qui n’existait pas, la tâche devenait compliquée. Une sensation nouvelle la saisit, lui faisant augmenter brièvement son rythme cardiaque et irradiant d’une chaleur étrange sur ses joues
.

- Et je fais comment quand j’en ai pas? Je viens de débarquer dans un endroit que je ne connais pas, j’ai pas de souvenir. Je me souviens de rien. Et on me dit que je dois reprendre le déroulement d’une chose que je n’ai pas?

Le ton avait été un poil plus dur, sa voix s’était légèrement elevé, et l’infirmière reprit son sourire bienveillant, tentant d’apaiser les émotions de la jeune femme.


- Des gens doivent te chercher. Ta disparition a dû être signalée à la police. Tes souvenirs vont revenir aussi.


Et un rire amer s’échappa des lèvres de la jeune femme. S’il y avait une chose dont elle était sûre, c’est que tout ceci était faux.


- Ils ne sont pas revenu…. Ils ne reviendront pas.

Sa voix s’était brisée sur ces derniers mots. Rien ne lui paraissait comme évident ici. Elle comprenait un mot sur dix, avait dû réapprendre des gestes apparemment élémentaires. Si elle avait une certitude sur son avenir, c’est qu’aucune bribe des images qu’elle avait ne serait pas suffisamment évidente pour qu’elle se rappelle de quelque chose. Et qu’elle avait aussi terriblement mal à la tête.

Un bip retentit et l’infirmière regarda un petit dispositif du coin de l’oeil. Une grimace s’afficha sur son visage.

- Je vais devoir prendre mon service…

Et Néro répondit d’une façon amère:
- Ouais, moi aussi.
- Tu ne dois pas rester ici.
- J’ai bien compris ça.

La jeune femme s’était refermée sur elle même à ce moment, reportant son attention sur l’écran en ignorant l’infirmière qui soupira une nouvelle fois.

- Au revoir.
- Ouais, au revoir.

Et son interlocutrice disparue, comprenant qu’elle n’avait plus rien à tirer de cette pauvre amnésique paumée qui dormait dans les cafétérias. Néro attendit qu’elle disparaisse avant de se redresser pour s’étirer longuement. Elle était contrariée à cet instant. Clairement, elle venait de se faire mettre à la porte de cet établissement sans tout comprendre du pourquoi. Mais il y avait quelque chose de vrai dans les paroles de l’infirmière. Elle devait faire quelque chose pour améliorer sa situation et paraître moins étrange aux yeux des autres. Et si cette tâche paraissait être facile pour n’importe qui d’autre, pour elle, à la mémoire inexistante, elle devenait immense, très difficile à accomplir.
Néro se gratta la tête dans un geste nerveux. Un nouveau “bonjour” apparu dans son esprit. Elle regarda alors autour d’elle, comme si elle avait râté quelque chose, mais il n’y avait personne près d’elle. Et elle mit de de nouveau cela sur le compte du présentateur des holonews.


Il fallait qu’elle se détende. Et quoi de mieux que de reprendre une nouvelle boisson chaude à la machine et de se rafraîchir un peu dans les toilettes de l’établissement. Un nouveau gobelet en main, qu’elle compléta avec quelque sachet de sucre issue de contenant fraîchement remplit, elle se dirigea vers les toilettes.

Elle nettoya de nouveau ses chaussettes, les séchants sous l’air chaud du séchoir. Puis elle passa un coup d’eau fraîche sur son visage pour finir de se réveiller. Elle défit alors son chignon et peigna longuement ses cheveux avec ses doigts pour leur donner une apparence moins touffue. Et lorsqu’elle se regarda dans le miroir, un nouveau “bonjour” surgit de nulle part. Sous la surprise, elle regarda de nouveau tout autour d’elle, mais la pièce était vide.

Et au final, elle se pencha doucement vers le miroir, scrutant son visage comme s’il détenait la réponse à sa problématique du moment.
Un nouveau “bonjour” plus interrogatif surgit dans sa tête, la faisant sursauter. La voix semblait provenir de ...de l’interieur d’elle. Bon sang, est ce que les bruits essayaient de communiquer?
Inclinant la tête sur le côté, son visage toujours sur le coup de la surprise, elle répondit doucement.


- Euh...bonjour?
Un nouveau bonjour, plus enthousiaste se fit entendre dans ses oreilles, et il provenait réellement de l'intérieur de sa tête.

- Je… comment… tu parles? Genre le bruit dans ma tête, tu parles?

Des bruits stridents suivirent, lui vrillant les tempes et elle grimaça. Mais elle prit cela pour un oui. Ce qui était un sérieux problème en soit. Si ce truc dans sa tête essayait de parler...Déjà comment est ce qu’il arrivait à dire des choses? Et la réponse surgit dans son esprit avec une certaine évidence. L’holonet. Bonjour était probablement le mot qu’elle avait le plus entendu, et dont la signification était la plus simple à comprendre.

Néro fut alors prise d’une panique. Et elle fit les cents pas devant la glace, essayant, par ses aller et retour interminable de donner du sens à ce qu’il lui arrivait.
Les bruits stridents reprirent, un peu inquiet, forçant la jeune femme à arrêter sa marche. Elle porta alors sa main sur son implant, mais la chose était inerte sous ses doigts. Elle avait déjà regardé, il n’y avait rien de ce côté là. Mais...mais le médecin lui avait bien dit qu’elle avait quelque chose dans le cerveau.


Il fallait pourtant qu’elle fasse quelque chose. Alors elle tenta un truc absurde :


- Bonjour. Euh… tu es qui exactement?


Un nouveau chant aiguë en suivit, et elle plissa les yeux sous la douleur, ce qui fit un peu baisser en puissance le boucan dans son cerveau.
Elle leva une main devant le miroir, comme si elle réclamait la parole:


- ok, ok. Je suis ...euh.. Néro. Néro. Si, si tu comprends cela, un bip pour oui, deux pour non.

Il y’eu un léger silence. Puis un seul son retentit.

- Tu me comprends...bordel. Tu me comprends!


C’était maintenant un fait avéré. Le truc dans sa tête essayait vraiment de communiquer, et était capable de la comprendre. Cela expliquait toutes ces sensations étranges qu’elle avait eut.
Néro reprit plus calmement, essayant de clarifier cette situation épineuse.


- Ok, tu me comprends, enfin je crois, mais moi non..
- Bonjour?
Et la jeune femme soupira.

- Bonjour oui. Un bon début. Mais...je sais pas comment, va falloir qu'on communique....

Instinctivement, ses pensées se dirigèrent vers le petit humanoïde qu’elle avait croisé, et qui semblait aussi paumé qu’elle dans la compréhension de la vie. Il était dans une phase d’apprentissage, c’était certain. Et elle avait l’impression de se retrouver dans la même situation. Elle soupira de nouveau, ne sachant pas par quel bout elle devait commencer. Et elle se perdit dans ses pensées quelques secondes.

- Ok. Bonjour donc.  Mais on va devoir étoffer ton vocabulaire.


A ce moment, elle avait la sensation d’avoir trouvé un but dans sa vie. Autre que les crédits ou les chaussures. Et cette tâche lui parut à la fois complexe et terriblement concrète. Et c’était quelque chose qui lui avait manqué.

Une femme entra alors dans les toilettes, et Néro tomba alors dans son mutisme habituel, ouvrant le robinet d’eau pour faire semblant d’avoir quelque chose à faire, autre que parler avec une entité invisible. D’ailleurs devait-elle en parler? Les gens paraissaient déjà choqué par son attitude globale. Alors inutile d’en rajouter par ses conversations avec un être invisible.

Elle sécha ses mains rapidement, remettant ses chaussettes tout aussi efficacement. L’heure avait dû tourner, et elle devait retourner au Turbo Lum. Une fois la bas, elle réfléchirait. Et elle trouverait une solution, elle en était certaine.

Néro

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Profil du personnage
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Néro
Mécano | Pirate
Lun 9 Mar - 23:25
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Le retour au bar fut des plus classiques, même si Néro était sincèrement retournée par les derniers événements. La récente découverte de la présence de quelque chose non inerte au sein de sa tête avait effectivement de quoi préoccuper. Du premier choc ne restait que des certitudes. Deux en fait. Celle qui lui disaient que non seulement, cet être qui tentait de communiquer avec elle avait peut être un lien avec son amnésie tenace, peut être même aussi des réponses, puis celle qui la poussait à se confronter à cet événement de sa vie, le seul vrai en fait jusqu'à maintenant, afin de pouvoir établir une vraie discussion avec “lui”.

A son arrivée, légèrement en avance, Blarnak lui donna ses consignes pour le nettoyage du bar. Aspirer, passer la serpillière, nettoyer les tables, le laveur-vapeur, la cuisine et éventuellement l’aider à faire l’inventaire des stocks qu’il allait recevoir dans peu de temps. Une tâche basique pour une personne en proie à un questionnement interne puissant. Et curieusement, ce jour, il ignora complètement la présence de ses chaussettes en contact directe avec le sol froid.

Blarnak lui alluma l’écran plat, sans doute parce que le gérant du Turbo Lum n’aimait pas vraiment bosser dans le silence, et cela la soulagea quelque peu. Elle sentait que si elle répondait de vive voix à l’intrus de son cerveau, il y aurait des conséquences. De ce qu’elle avait observé, les gens qui parlaient seuls étaient mal vu, ou alors ils le faisaient avec des intentions autres que les siennes. Personne ne semblait communiquer avec quelque chose à l’intérieur d’eux. Le babillage incessant des émissions sportives couvriraient donc sans doute ses tentatives d’interactions.

Sans plus attendre, elle se saisit de ses outils de l’instant et commença sa tâche sous le regard attentif du gérant. Décidément, il ne la lâcherai pas aujourd’hui. Et si Néro n’avait jamais fait le ménage, la crasse apparente sur le sol et les tables lui commanda tout ses gestes, simples et évidents.

Durant ce temps, elle eut la sensation de se partager en trois. Une qui nettoyait consciencieusement, une qui pensait, elle-même sans doute, et l’autre qui écoutait cet autre au fond d’elle, cherchant l’apparition de nouveau mot ou le début d’un dialogue.

Il fallait le dire, la chose qui logeait dans sa tête avait compris des choses presques aussi vite qu’elle, si ce n’est plus. Depuis combien de temps était-elle “réveillée” et en contact avec des gens? Deux jours? Trois au maximums si on enlevait son errance dans l’espace. Et déjà, il arrivait à articuler quelque chose, d’une façon juste et avec le bon sens. C’était...glaçant quelque part. Un frisson parcourut alors le corps de la jeune femme, et elle se frotta quelques secondes les bras pour retrouver un peu de chaleur. Elle était partagée entre une lassitude extrême de se voir si impuissante et celle, assez inédite, de vouloir avancer. Et cela prit le pas sur le reste.

Elle se demanda alors si elle ne pouvait pas accélérer un peu plus cet apprentissage et plongea donc dans une intense réflexion. Ses yeux bougèrent légèrement sous sa capuche, guettant la présence de Blarnak, mais celui-ci avait finalement décidé de vaquer à ses occupations plutôt que de jouer les surveillants austères. Une chance pour elle.

Son regard fixa alors l’écran. Et elle se demanda par quoi commencer.

- Tu m’entends? un bip pour oui.

Le bruit retentit une seule fois après un léger silence pour qu’il soit suffisamment identifiable. Et toujours aux aguets d’un retour impromptu du propriétaire des lieux, elle parla doucement.

- Ok...alors… je...je me suis appelée Néro. Enfin, je m’appelle Néro. N-E-R- O. Tu peux le répéter? Si tu comprends…

Bien sûre qu’il comprenait. Elle le sentait au plus profond d’elle. Mais le bruit qui émana de cette conversation étrange était un échec pour le moment.

- Stop...stop… commence par...N. N.

Les lettres. Celles qu’elle lisait sans se souvenir de les avoir apprises quelque part. C’était sans doute par là qu’elle devait démarrer. Mais comment? Il lui manquait tant de notion. Comment pouvait-elle espérer apprendre quelque chose à...un truc alors qu’elle ne comprenait rien. Ni à lui, ni au monde, ni à elle d’ailleurs.
Son visage se contracta légèrement. Des réponses. Jusqu’ici, elle n’en avait pas eut, enfin que très peu. Et apparemment, elles ne tombaient pas toutes seules.

Les vocalisent de son “voyageur interne” lui firent abandonner le cours de ses pensées momentanément. Elle l’écouta descendre dans les graves, chercher des sons qu’il ne devait pas connaître. Puis tout commença à se transformer doucement. Un ersatz de “Ne” apparut dans le brouhaha ce qui força Néro à s’arrêter dans son nettoyage
.

- He! Ouais… tu y es presque!

Elle fut interrompue dans son enthousiasme par l’entrée de Blarnak, et d’un autre type poussant des caisses alimentaires sur son chariot. Et bien évidemment, elle baissa la tête, retournant rapidement à son ménage, frottant avec plus d’insistance une tâche récalcitrante et collante sur le sol. La plaie. Clairement, elle manquait de moment de solitude, enfin autant qu’elle pouvait en avoir maintenant qu’elle savait qu’elle n’était plus réellement seule avec elle-même. En fait, elle manquait d’un endroit, d’un lieux sans passage, isolé. L’hôpital, même si elle ne comptait plus vraiment y retourner, n’était pas idéal et ici,et mis à part durant ces séances de nettoyage, elle ne voyait nul autre endroit dépeuplé.

Shiri avait sans doute raison sur le motel. Une chambre, rien qu’à elle, où elle pourrait enfin discuter calmement avec cet autre serait l’idéal. Mais elle savait aussi qu’elle manquait de notion d’apprentissage, d’outils qui lui permettrait de faire progresser rapidement ce truc qu’elle avait dans la tête pour établir pleinement le contact.

Il fallait qu’elle enquête sur comment accéder à cette connaissance manquante. Il devait bien exister des choses. Mais l’idée même d’aller aborder une femme avec l’un de ses petits semblables la figea, vu ce qu’elle avait récolté durant ses précédents contacts.
Le bruit dans sa tête continua ses tentatives d’articulations, revenant de temps à autres à ses fréquences stridentes dont elle percevait le sens interrogatif. Mais pas moyen de lui répondre maintenant. Pas moyen non plus d’être sûre de répondre à sa véritable question. Une belle impasse encore.

Et cela commençait un peu à la gonfler, d’autant plus que cela la concernait de près. Elle soupira silencieusement et releva la tête légèrement vers le flux d’information continu qui repassait en boucle les mêmes reportages : une histoire d’élevage de bête à corne sur une planète baptisée Naboo, les élections, bien qu’elle ne sache pas en quoi cela consistait, et des incidents divers et vaguement spectaculaires. En fait, il ne se passait pas grand chose dans le reste de l’univers. Sans doute tout le monde était occupé à nettoyer des bars en ce moment.

Rien a apprendre donc aujourd’hui. Rien à “lui” faire apprendre non plus puisque tout lui semblait abstrait. Difficile d’expliquer des choses que l’on ne comprenait pas.

Le gérant et le livreur finirent enfin leurs aller-retours alors qu’elle donnait le coup final dans un recoin de la grande salle. Le sol brillait légèrement sous l’humidité mais elle doutait qu’elle puisse lui faire récupérer sa couleur d’avant. Il resterait grisé, mais au moins il ne collerait plus. Enfin jusqu’à demain.

Blarnak observa son travail, il avait l’air vaguement satisfait.

- Bien, tu peux passer dans la cuisine. Histoire que les escouades sanitaires nous gueulent pas dessus.

Néro fit mine de comprendre. Et se rendit compte qu'elle commençait à se désintéresser de certaines informations. En tout cas, celle là n’avait vraiment pas l’air importante et n’éveilla rien en elle. En fait, entre l’accrochage avec l’infirmière, les questions sur son futur hébergement, et l’être qui lui parlait en permanence, elle avait autre chose à penser. Et au final nettoyer ne lui demandait pas tant de ressource que cela. C’était automatique, et même si ses épaules la tiraient un peu, aucune réflexion ne lui était demandée.


Elle ramassa son sceau et l’apporta vers la cuisine, en veillant à ne pas renverser l’eau crasseuse sur son travail fraîchement accomplit. Et en passant derrière le comptoir, elle remarque un truc. Une machine qui dégageait une odeur forte qu’elle reconnue. Le café, le chocolat léger. Elle semblait moins élaborée que celle de la salle d’attente de l’hosto mais devait sans doute avoir une fonction similaire. Son regard passa de la machine à Blarnak pendant quelques secondes, puis elle se décida à poser la question.

- Euh...je peux me faire un café?


Blarnak lâcha son datapad des yeux. Puis il lâcha un rire gras mais léger.

- Ouais, tu pourrais, si elle marchait. Elle est tombé en rade y’a deux semaines, et ce connard de réparateur n’est pas passé!

Une certaine acidité se dégageait du gérant. Mais cela n’ému pas Néro. Connard ou pas dans la boucle, elle se sentit attirée par cette machine d’une manière qu’elle avait rarement ressenti.

Plusieurs bips retentirent dans son cerveau. Il y avait quelque chose à faire là. Mais avant, elle allait finir de remettre la cuisine dans un état acceptable. Blarnak avait vraiment l’air occupé, inutile de l’ennuyer avec ses états d’âmes.

La cuisine fit rapidement remise “à neuf”, enfin autant que possible. Le matériel présent semblait toujour sur le point de rendre l’âme à chaque instant, mais elle laissait ces emmerdes au cuistot retors qui lui casserait encore les pieds ce soir.

Elle finit de donc ranger son attirail du jour, puis de nouveau son regard dériva vers la machine à café.

Elle semblait si basique que cela devenait étonnant que personne n’ait tenté de regarder ce qui n’allait pas sans l’intervention de ce fameux réparateur fantôme. Les bips l’encouragèrent. Et elle finit par céder à sen envie.

- Hey Blarnak, ça te dérange si je regarde un peu la machine?

Il ne fallait pas le nier. Elle avait vraiment envie d’un café, d’un truc sucré qui chasserait la tension dans ses muscles et lui donnerait l’énergie pour encaisser la soirée. C’était presque un besoin vital pour elle. Genre vraiment. Sans qu’elle n’en comprenne la raison.

La voix de Blarnak retentit doucement, peu intéressé par sa requête.


- Si ça t’amuse, mais l'abîme pas plus, sinon ça sera retenu sur ta paie.

La menace ne lui fit pas vraiment peur. Elle n’avait pas la notion pour comprendre. Les prix, car elle en avait vu, elle ne voyait pas à quoi cela correspondait. Alors elle haussa les épaules, et rebrancha la machine pour la mettre sous tension.

Elle se saisit d’une tasse suspendu en hauteur juste au dessus, et appuya sur le bouton qui devait, en théorie, faire couler le précieu liquide.
Rien ne se passa. Mais la machine vibra, comme si elle luttait contre elle-même pour accomplir sa fonction. Et Néro se pencha un peu plus, écoutant la plainte sourde de l’appareil. De l'extérieur, elle ne pouvait clairement rien faire, mais...si elle pouvait regarder l’intérieur…

En observant la carapace de la pauvre machine, elle trouva les points de fixation, tous scellés par une pièce en métal avec un trou oblong dessus. Il n’en fallait pas plus pour que son esprit fasse le lien entre cette forme et des ustensils vues dans le local de ménage. Enfin un truc qui lui parut logique dans ce monde, et cela lui redonna une certaine vivacité. Toujours sous les bruits mi interrogatifs, mi encourageants de sa voix interne (et quelques formulations de Néééérrrr), elle trouva l’outils le plus adéquate et défit une à une les petits mécanismes de maintien.

Elle galéra un peu au début, cherchant le sens, se rendant compte que celui qui avait serré y était allé un peu fort, mais elle parvint enfin à débarrasser la machine de sa protection.

L'émerveillement illumina son regard. Bon, il fallait le dire, la machine avait l’air d’avoir fait son temps, mais c’était à la fois beau et impressionnant de voir tous les mécanismes internes se dévoiler devant elle. Après quelques minutes de contemplation assez intense, elle parvint à remettre ses idées en ordre. Chose étrange, elle sentait qu’elle savait. Non en fait, elle savait. Difficile de déterminer quoi, mais elle savait comment étudier ce système, par où elle devait commencer.

Elle posa son doigt sur la câble d’alimentation et remonta jusqu’au système central. Puis, elle suivit un à un les nombreux fils et tubes qui en emergeaient. Elle ne sut par quel miracle, mais un plan précis se traça dans sa tête. Et elle oublia de se demander comment elle pouvait déduire, comprendre tout ça. Etait-ce important au final?

Elle retrouva rapidement le bouton d’activation de la machine, puis regarda ce qui se passait quand elle le pressait. L’eau remontait bien, mais semblait se figer…dans le gros bloc qui permettait de réaliser le mélange.

Elle se gratta le menton dessous son écharpe. Quelque chose bloquait donc. Une inspection minutieuse de cette zone lui fit repérer des nouveaux points d’attaches qui lui permettrait de démonter plus la machine.
Dans un réflexe étrange, elle coupa l’alimentation, puis après s’être armée d’un torchon pour éponger l’eau, elle commença à désolidariser le bloc récalcitrant du reste de l’appareil.
L’eau du tube s’écoula sur le tissu lorsqu’elle déconnecta de tous les tubes. Puis, elle plongea son regard perçant dans les différents trous. Il n’y avait pas une once de lumière qui en ressortait. Et le problème venait sans doute de là. Normalement, si tout était connecté comme elle l’avait supposé, elle devait percevoir quelque chose, mais ce fut un noir léger qui lui répondit.

Elle grimaça et chercha du regard quelque chose qui lui permettra de venir déboucher le trou. En fouillant un peu plus dans la cuisine, et dans le local de ménage, elle trouva une espèce de goupille souple et velu. Le diamètre semblait parfait. Le bip dans sa tête confirma cela. Elle se sentit sur la bonne voie.

Au dessus de l'évier, elle frotta vivement, à grand renfort de détergents et fini par faire sauter des blocs blanchâtres de l’orifice. Au bout d’un acharnement de quelques minutes, si ce n’est une dizaine, elle parvint enfin à faire émerger la lumière.

Consciemment, elle passa en revu les autres connecteurs, et finit par remettre en place le système au sein de la machine. Puis, elle glissa de nouveau une tasse dans l’emplacement réservé.


- C’est le moment de vérité.

La voix dans sa tête se fit rassurante, mais aussi excitée. Elle avait l’air d’avoir suivi toute sa manoeuvre avec intérêt et n’avait émis aucun désaccord ou ce qui pouvait ressembler à une suggestion.

La machine s’ébranla, l’eau fut aspirée rapidement, puis après quelques manoeuvres, le café finit par s’écouler dans sa tasse, dans un odeur rassurante, mais surtout ce fut un instant satisfaction intense.

Elle entendit Blarnak s’approcher, sans doute sortit de ses comptes par le bruit normal de la machine. Il croisa les bras en la fixant. Puis il finit par sourire.


- héhé. Bien joué Néro. c’était quoi le problème?

Néro se saisit de sa tasse et se retourna doucement vers lui, et les mots sortirent tout seul.

- La pompe d’aspiration de l’eau était bouchée.
- Tu m’épargnes des frais. Il est pas trop dégueu le café?


Néro plongea ses lèvres dans le liquide. Clairement, il manquait de sucre. Mais le goût correspondait à ce qu’elle attendait, légèrement amère, mais acceptable.

- Ça va. Je suis pas une experte, mais c’est buvable.

- Génial.

Sa dernière phrase semblait un peu froide, mais le hochement de tête qui en suivi rassura la jeune femme sur le bien fondé de son intervention. Et avant que le gérant ne retourne à sa caisse, elle posa la question la plus importante à ses yeux.

- Euh, vous avez du sucre?

------

Au final, Néro se fit couler deux ou trois cafés et un chocolat, tous sucrés à saturation par ses soins. Elle s'attendait d’ailleurs à une remarque de Blarnak, du type “ils seront retenus sur ta paie”, mais il ne dit rien. Même, il en prit un et parut satisfait du goût obtenu. Une réussite sur toute la ligne en quelque sorte, et cela lui fit du bien d’avoir su maîtriser quelque chose, alors que le reste du monde semblait s’échapper d’entre ses doigts à chaque fois qu’elle tendait la main vers l’avant.
C’était comme si elle trouvait un sens. Mais c’était aussi un bien grand mot. Des questions revinrent rapidement. Comme pourquoi? comment est ce qu’elle avait su analyser tout cela. Peut être que sa mémoire n’était pas si endommagée que cela, mais elle n’arrivait pas à comprendre. Comme elle ne comprenait toujours pas l’autre dans sa tête qui semblait poser des tonnes de questions en ce moment.

Mais le sucre ingéré avait chassé la fatigue. Son optimisme s’amoindrit néanmoins dans les minutes qui suivirent lorsqu’elle réalisa que les souvenirs ne revenaient pas. Il y avait juste des actes, des faits. Mais rien qui lui rappellent une vie antérieure. Et surtout, elle constata avec un léger désespoir qu’elle avait comprit plus vite le fonctionnement d’une machine que celui des êtres vivants. Il faut dire que la machine à café n’avait émis aucun avis, aucune plainte, aucun rejet face au trifouillage qu’elle lui avait imposé. Et si elle avait pu, aurait-elle été en désaccord?

Sa pensée lui parut stupide. Pourquoi imputer des sentiment d’êtres de chairs et de sangs à un appareil fait de circuits, de tubes, de câbles et de pompes? Comment l’intelligence se définissait-elle au final? Car, jusqu’à preuve du contraire, si le machin qui était dans sa tête était bien connecté au dessus de son oreille, lui aussi ne devait être composé que de circuit. Et il semblait tellement ressentir des choses. A moins que ça ne soit elle qui interprète mal. Elle soupira doucement.

Elle prit une gorgée de son chocolat et fixa de nouveau la machine, comme si celle-ci pouvait répondre à ses questions. Mais elle resta muette. Sans surprise en fait. Peut être n’était-elle bonne qu’à demonter des trucs. Si c’était le cas, il y avait toujours la question de l’apprentissage qui revenait.

Cette machine était finalement simple à analyser. Et elle sentait sa cervelle en ébullition, ayant envie d’affronter des choses plus complexes. Enfin d’un point de vue “technologique”. Quand il s’agissait d’autres choses, cette même matière grise se recroquevillait sur elle-même, la plongeant dans une tétanie assez violente. Il fallait le dire, sa tête devenait un paradoxe. Peur de ses semblables, mais attirée par la technologie. Sans doute parce que l’un était maîtrisable, l’autre non.

Elle soupira encore. Quel sac de noeud. La voix de sa tête émit un bruit préoccupé, et Néro ne pu s'empêcher de répondre :


- Non, ça va. Je m’interroge juste.

Interroger était un faible mot. Elle se retournait les cellules sur des questions sans sens, et étrangement…. intimidantes.

Au final, l’arrivée de Shiri coupa court à tout cela. A peine apparue à son niveau, la charmante twilek constata la présence de sa tasse entre ses mains.


- Bonjour! Hey, la machine refonctionne? Le réparateur est passé?

Et avant que la jeune femme ait pu répondre, la voix grave de Blarnak tonna derrière elles.

- Néro l’a réparé, on peut refaire tourner le café.

Shiri lâcha un sifflement admiratif.
- C’est un super nouvelle! Bravo Néro! Je peux avoir un cappuccino du coup?

Néro ouvrit la bouche plusieurs fois, cachant un léger rougissement. Elle n’était pas habituée à ce genre de commentaires positifs envers elle et se sentit se balancer sur ses jambes de façon nerveuse. Puis elle se mit à bafouiller sous la gêne :

- Hein..heu..oui..oui, je pense que oui.

La machine fit son office, et la serveuse sourit sincèrement lorsqu’on lui remit la boisson.

- Aaaaah, ça fait du bien. Heureusement que tu étais là. Je pense pas que j’aurai tenu une semaine de plus sans ça!

Néro leva un sourcil. Et la twilek compléta sa phrase.

- Non sérieusement, tenir des clients chiants et toutes la nuit sans café, c’est dure.

Et la plongeuse ne put qu'acquiescer. Elle se sentait généralement vidée après une journée de service, et elle ne passait pas toute la nuit ici. Devant ce petit moment de connection, Néro se sentit le courage de reposer la question qui la tracassait :

- Dis moi, tu m’avais parlé d’un motel...il est où?
- Hein? ah oui, c’est le blue Frog, juste de l’autre côté de la place, une enseigne bleue, tu peux pas le rater. Tu t’es décidé à dormir dans un endroit décent?
- Ouais...ouais...Et… c’est cher?
- Honnêtement non, mais ça peut être parfois bruyant, si tu vois ce que je veux dire.

Néro plissa les yeux en signe d’incompréhension, mais ne dit rien. Elle n’avait pas envie de paraître stupide. Puis Shiri écarta soudainement les yeux.

- Ho, tiens! J’ai pensé à toi!

Nouveau mouvement de sourcil de la part de la jeune cyborg. Tant sur le fait que quelqu’un ait pensé à elle que devant le sac que lui tendait la jeune serveuse. Les mains un peu tremblante, Néro finit par s’en saisir et regarda à l'intérieur.
Des chaussures, noires, hautes, qui devaient remonter presque jusqu’au genoux.


- C’est une vieille paire, je la met plus, mais plutôt que de la jeter, je me suis dit que ça pourrait t’être utile.


Et le visage de la plongeuse se teinta d’apaisement.


- Euh….merci, vraiment...je, …. je ne sais pas quoi dire.
- Dis rien alors, et refais moi un nouveau cappuccino.

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